vendredi 10 mars 2017

BD : L’art de l’horreur



Alcante et Gihef, deux scénaristes aux multiples productions, s’unissent pour nous faire visiter leur « Dark Museum ». Une série concept, prévue en quatre tomes, basée sur la peinture. Ils ont sélectionné des tableaux célèbres et ont brodé autour des histoires sombres. Avant de s’intéresser au « Cri » de Munch (dessin de Luc Brahy), ils ouvrent le bal avec « American Gothic » de Wood. Sur cette toile, deux paysans américains figés, rigides et austères, devant une grange. L’homme plus âgé a une fourche en main. La femme, pas riante pour deux sous, se tient légèrement en retrait. Les scénaristes ont demandé à Stéphane Perger d’illustrer la vie du paysan, Lazarus Henkel. Durant les années 30, la famine menace les riches plaines américaines. Lazarus et sa fille vendent leurs dernières machines pour acheter de quoi manger. Quand cela ne suffit plus, ils trouvent une solution pour subvenir à leurs besoins. Et comme ils sont pétris de charité chrétienne, ils en font bénéficier tout le village. Le côté « dark » est parfaitement retranscrit par des dessins particulièrement expressifs dans les moments les plus terribles.
➤ « Dark Museum » (tome 1), Delcourt, 14,95 €

jeudi 9 mars 2017

De choses et d'autres : Ces femmes qui comptent


Hier, c’était la journée des femmes. Une appellation entrée petit à petit dans les mœurs. Longtemps ça a été la journée de la Femme et quelques connaissances féministes me reprennent sur ce raccourci. En réalité le 8 mars est « la journée internationale des droits des femmes ». Une petite précision sémantique, notamment adressée aux publicitaires qui profitent de cette date et lancent des campagnes incitant les hommes à offrir des fleurs, des parfums, voire des appareils électro-ménagers pour les plus vicieux, aux femmes qu’on aime. Triste époque mercantile, qui détourne le moindre événement afin de vendre l’inutile. Inutile, l’exact opposé du rôle des femmes dans notre société. Où serions-nous, nous les hommes, si un jour une femme n’avait décidé de nous donner la vie ? Endurer les neuf mois à nous porter puis nous donner naissance, souvent dans des souffrances que nous n’arriverons jamais à imaginer, douillets comme nous sommes.
Mesdames, je vous admire, définitivement. Pour tout ce que vous m’avez apporté, la tendresse de ma mère, l’amour de mon épouse, le soutien de mes sœurs, les encouragements de mon institutrice, la passion d’une professeure de français qui m’a fait découvrir la littérature, les collègues qui m’ont apporté rigueur, professionnalisme, amitié ou légèreté.
Je suis un homme. Cela ne changera jamais. Mais j’essaie chaque jour de mieux vous comprendre. 
(chronique parue le 9 mars en dernière page de l'Indépendant)

DVD et blu-ray : « Rusty James », pépite restaurée


De tous ses films, Francis Ford Coppola a toujours affirmé que son préféré, celui qui a une place particulière dans son cœur, reste et restera « Rusty James ». Cette nouvelle édition en blu-ray nous permet de redécouvrir ce long-métrage devenu culte depuis sa sortie en 1983. En plus d’une distribution ébouriffante, ce « teen movie » a changé bien des codes du genre. Par sa lumière, sa musique et son montage, déroutant pour l’époque, simplement moderne aujourd’hui.
Rusty James (Matt Dillon) est une petite frappe de Tulsa en Oklahoma. Amoureux de Patty (Diane Lane), il ne va au lycée que pour y rencontrer ses amis et sa copine. La plupart du temps, il joue au billard dans des bars malfamés. C’est là qu’il apprend que le caïd de la bande adverse veut en découdre avec lui. Rusty aime se battre. Dans une friche industrielle, la baston générale sous la caméra de Coppola ressemble à un ballet de danse contemporaine. Rusty, grièvement blessé, est sauvé in extremis par son grand frère Motorcycle Boy (Mickey Rourke). Le film explore, plus que les dérives adolescentes, les difficiles relations dans une famille ravagée. Le grand frère, après des années de dérive violente, s’est assagi. Il tente de persuader son petit frère de ne pas prendre la même voie. Le père, alcoolique (Dennis Hooper), est le repoussoir et le lien du trio.
Cela a ouvertement des airs de tragédie grecque et on trouve également dans les seconds rôles, excusez du peu, Nicolas Cage, Tom Waits ou Laurence Fishburne. Pour mieux comprendre ce classique, en plus du blu-ray simple riche de nombreux bonus comme le commentaire audio de Coppola, 20 minutes de scènes coupées et un making of à Tulsa, un coffret est proposé avec un livre de 200 pages signé Adrienne Boutang.
➤ « Rusty James », Wild Side Video, 19,99 € le blu-ray simple, 49,99 € le coffret

mercredi 8 mars 2017

Livres de poche : ouvrons-nous à d’autres horizons


Japon. Dans ce roman d’Edogawa Ranpo, Minoura tombe éperdument amoureux d’une jeune collègue de bureau au passé mystérieux, Hatsuyo, avec qui il se fiance… Peu après, Hatsuyo est brutalement assassinée, dans sa chambre apparemment close. Michio Moroto, ancien colocataire et rival, a ses propres raisons de s’intéresser à cette affaire. Leur enquête mènera le duo jusqu’à une île mystérieuse où se déroulent des expériences abominables visant à transformer l’humanité.
➤ « Le démon de l’île solitaire », 10/18, 8,10 €

Russie. 2033. Une guerre a décimé la planète. La surface, inhabitable, est désormais livrée à des monstruosités mutantes. Moscou est une ville abandonnée. Les survivants se sont réfugiés dans les profondeurs du métropolitain où le jeune Artyom entreprend une mission qui pourrait le conduire à sauver les derniers hommes d’une menace obscure… mais aussi à se découvrir luimême à travers des rencontres inattendues. Terreur et science-fiction sous la plume de Dmitry Glukhovsky.
➤ « Metro 2033 », Le Livre de Poche, 9,90 €

Belgique. Jean Villemont, brillant avocat pé- naliste bruxellois, accepte par principe de défendre le jeune auteur d’un braquage foireux dans un bureau de poste. Cette affaire, à l’origine sans envergure, va pourtant les mener à Franck Jammet, braqueur et pianiste virtuose, auteur pré- sumé du légendaire casse de l’aéroport de Zaventem dont la bande est menée par la discrète Julie Narmon. Un polar mené à la baguette par Paul Colize
➤ « Concerto pour quatre mains », Pocket, 7,80 €

De choses et d'autres : signatures uniques


Le nouveau système de parrainage des candidats à l’élection présidentielle, dénoncé par les petits candidats, offre pourtant une transparence totale. Le Conseil constitutionnel publie chaque mardi et vendredi le nombre de signatures obtenues par les différents candidats. En réalité, il publie sur son site tous les parrainages validés.
On découvre ainsi avec étonnement des noms que personne n’a encore repérés parmi les prétendants. Premier cas particulier celui de Bernard Trambouze. Comment, vous ne connaissez pas Bernard Trambouze ? Voyons c’est le maire de Vielle-SaintGirons dans les Landes, commune de 1 000 habitants près de l’océan. Qui peut bien soutenir Bernard Trambouze ? Ne cherchez pas loin, il s’est autoparrainé. Aucun des candidats ne l’emballe, alors il explique à la presse locale, non sans humour : « Je ne suis séduit que quand je me regarde. Alors un comique de plus ou de moins à l’élection ! ».
Dans la liste, le nom de Michel Vernier a lui aussi un seul et unique parrainage. Pas d’ambition pour cet élu du Lot-et-Garonne, juste un pari avec un collègue de la même communauté de communes, histoire racontée par la Dépêche du Midi. Lors d’une discussion sur les fameuses signatures, Roland Soca, maire de Pinel Hauterive, lui dit que les candidats déclarés ne parlent pas des vrais problèmes et de lancer à Michel Vernier, « tiens je vais te parrainer ! » « T’es pas cap ! » lui répond le maire de Labretonie. Et si, il est cap...
Voilà comment on se retrouve dans les listes publiées par le Conseil constitutionnel.

mardi 7 mars 2017

Roman : Petite déambulation républicaine de nuit

LES RÉPUBLICAINS. Anciens de sciences-po, un homme et une femme se souviennent de leurs excès et ambitions




Le titre est un peu trompeur. Le roman Les Républicains de Cécile Guilbert n’a rien à voir avec l’histoire très brève du parti politique qui depuis quelques semaines semble engagé « dans une course vers l’abîme » selon l’expression de Dominique de Villepin pour fustiger l’obstination d’un François Fillon, totalement discrédité mais candidat à la présidentielle jusqu’au bout. Il est beaucoup question de politique dans ce roman, mais de ses à-côtés, de ses coulisses. Et à droite justement.
La narratrice, qui se présente comme « La fille en noir » (tenue qu’arbore toujours Cécile Guilbert, essayiste de renom), croise au sortir d’une émission de Thierry Ardisson Guillaume Fronsac, longtemps conseiller de multiples ministres, recasé dans le privé comme banquier d’affaires. Ils se connaissent depuis de longues années. Ils étaient sur les bancs de Sciences-po en 1986. Cette fameuse promo qui comptait dans ses rangs pléthore de talents devenus, trente années plus tard des noms connus du grand public. D’Anne Roumanoff à Jean-François Copé en passant par David Pujadas, Alexandre Jardin ou Frédéric Beigbeder.
La fille en noir, en plus de ses essais savants, a prêté sa plume à des ministres ou joué les nègres. Fronsac a prolongé en passant par l’ENA, devenu un proche de Balladur il a joué les hommes de l’ombre, vivant au plus près les victoires, défaites et autres coups fourrés qui jalonnent la vie politique française. À l’époque de sciences-po, la fille en noir abusait des drogues et des fêtes. Fronsac, plus sérieux, avait déjà de l’ambition. Cela ne les a pas empêchés, un soir, de s’embrasser. Depuis plus rien. Ils ont suivi leurs carrières, leurs réussites, de loin sans jamais chercher à se revoir.
■ Le règne de l’ordre
Le roman raconte leur départ du studio d’enregistrement. Ils marchent ensemble, nonchalamment, dans ce Paris bourgeois, à se remémorer leur jeunesse, se racontant, comme pour mieux s’apprivoiser. Cela donne l’occasion à la romancière d’asséner quelques vérités sur un milieu qu’elle semble bien connaître. Sur les écrivains par exemple. Du moins ceux qui font tout pour être publié : « Mais le vrai ressort résidait bien sûr dans la vanité, cette poupée mécanique qui rend idiots les plus intelligents, ridicules les plus talentueux et résume à Paris toutes les passions ». Fronsac de son côté épingle « la vie de courtisan, de conseiller en particulier… Ce cloaque de petitesses arrangées, d’empressement ignobles, saturé de pièges et de manèges où tu ne te grandis pas sans te courber, où la souplesse le dispute à la bassesse et la jalousie à l’hypocrisie. »
Leur promenade nocturne les conduit devant la statue de Jeanne d’Arc. Ils vont boire un verre au Regina. Vont-ils prendre une chambre, reprendre leur flirt ? Pas évident car leur jeunesse est loin. L’ordre règne désormais dans leur vie « L’ordre qui est le jumeau de la mort quand le plaisir le déserte. L’ordre et sa tranquillité si violente qu’elle donne parfois envie de hurler. » Mais sont-ils encore capables de hurler ?
➤ « Les Républicains » de Cécile Guilbert. Grasset. 19 €

De choses et d'autres : Peinture politique


L’affaire prête à rire tant elle est anecdotique face aux véritables scandales de cette campagne présidentielle. Pourtant elle est symptomatique d’une certaine ambiance, d’un bruit de fond lancinant sur une défiance généralisée envers les politiques, tous les politiques.
A Paris, dans le 8e arrondissement, la mairie organise dans ses locaux un salon des artistes. Parmi les nombreuses toiles présentées, un portrait signé Marie Dague. Celui d’un jeune homme de face, petite mèche, yeux bleus et nez aquilin. Plusieurs visiteurs reconnaissent Emmanuel Macron, le candidat d’En Marche ! L’artiste proteste. Ce visage est issu de son imagination. Il y a certes un petit air de ressemblance mais rien de flagrant. Cela devient plus croquignolesque quand une adjointe à la maire Les Républicains décide de faire du zèle et ordonne qu’on retire le tableau des cimaises, comme s’il s’agissait d’un vulgaire affichage sauvage ou de pub subliminale. Les antagonismes sont tels en ce moment que même un portrait présentant un vague air de déjà-vu avec un candidat (pas de son camp, cela va de soi), pousse de zélés censeurs à s’arroger le droit de décrocher, ne pas montrer, de cacher, une œuvre d’art. 
Oui on en est là... aujourd’hui, en 2017 en France. Et il reste encore sept semaines de campagne avant le premier tour. 50 jours de coups fourrés, peaux de bananes et autres boules puantes certainement conservées en réserve par certains. Sans compter les bourdes et dérapages des candidats eux-mêmes. 

lundi 6 mars 2017

Roman : Jean-Marie Rouart explore les désirs de la vieillesse



La vieillesse implique-t-elle l’abandon de toute passion ? Cette question est au centre de ce roman de Jean-Marie Rouart de l’Académie française. Pour le narrateur, un riche intellectuel qui dirige une revue d’art, la vieillesse c’est avant tout « Une jeunesse perdue », titre de l’ouvrage.
Il se morfond, constatant que le poids des ans lui enlève fougue et audace lui permettant de conquérir des femmes aux corps doux et parfaits. Aujourd’hui, « quand un miroir se trouvait à portée, je m’observais sans pitié. La flétrissure de mon visage m’affligeait. (…) Cet implacable travail du temps sur mon corps, jamais il ne m’était apparu aussi flagrant que depuis que j’avais besoin qu’il se montrât alerte et séduisant ». Il se croit perdu, incapable de passion. Jusqu’à sa rencontre avec Valentina, une superbe Russe dont il tombe amoureux.
A moins qu’il ne la désire simplement pour une dernière étreinte avec le corps jeune et ferme d’une « femme tempête ».
➤ « Une jeunesse perdue » de Jean-Marie Rouart. Gallimard. 19 € 

De choses et d'autres : les Polonaises apprécieront


Certains ne mesurent pas le danger qu’ils courent, surtout alors que la journée du 8 mars célébrera les femmes. Prenez l’eurodéputé polonais Janusz Korwin-Mikke. La semaine dernière lors d’une séance au Parlement il a sorti une de ces énormités qui donnerait envie au plus pacifiques de lui en coller une illico presto. 
Ce moustachu, conservateur assumé entendait justifier l’inégalité salariale entre hommes et femmes, particulièrement criante dans son pays. « Dans le classement des Olympiades scientifiques polonaises, quelle était la place de la première femme ? 800e . » Conséquence, pour ce macho de première « bien sûr que les femmes doivent gagner moins que les hommes parce qu’elles sont plus faibles, plus petites, moins intelligentes ». 
Nous sommes en 2017, l’Europe combat l’intégrisme religieux qui asservit les femmes, la France se bat pour la parité mais des élus du Vieux continent ont encore des ré- flexes dignes du Moyen âge. 
Heureusement la voix d’Iratxe García Pérez, socialiste espagnole, s’est levée dans l’hémicycle : « Je sais que ça vous ennuie qu’aujourd’hui les femmes puissent représenter le peuple dans les mêmes conditions que vous. A cette place, je vais défendre les femmes européennes contre les hommes comme vous. » Une femme sensée. Janusz a de la chance. Je connais quelques hommes qui auraient reçu une réponse beaucoup plus musclée. 

Edit : le député a été sanctionné... 

dimanche 5 mars 2017

BD : les Médicis, banquiers devenus trop ambitieux



Florence, superbe ville d’Italie, doit beaucoup à la famille des Médicis. Ces simples banquiers à qui tout sourit, ont fait main basse sur la ville italienne. Pas pour la piller comme certains despotes égoïstes mais pour l’embellir, la transformer en cité radieuse et rayonnante. Olivier Peru pour raconter cette saga dresse le portrait de cinq des plus célèbres membres de la famille. Tout débute par Cosme l’Ancien. Lui le premier, a deviné que son argent serait plus puissant que les origines nobles ou les qualités guerrières. Dans l’ombre, il place des pantins aux postes importants, réforme les statuts de la petite république, conclut des alliances avec le clergé et finalement se retrouve à la tête d’une cité devenue essentielle dans cette Italie divisée. Dessinée par l’Italien Giovanni Lorusso, sa vie alterne idées visionnaires, intrigues et grandes trahisons.
➤ « Médicis » (tome 1), Soleil, 14,95 €