vendredi 10 juillet 2015

BD - Aux débuts du métro


Paris 1910. La capitale est en plein travaux. Des centaines d'ouvriers travaillent sous terre à la construction du métro. Mais au même moment, de violente pluies font déborder la Seine. Les tunnels se transforment en torrents. C'est dans ce cadre rigoureusement exact que Ordas, le scénariste des « Naufragés du Métropolitain », déploie son intrigue. La jeune et jolie Louise polie des pierres précieuses chez un joaillier. Elle a entre les mains des bijoux d'une valeur considérable. 
Le Fennec, un Apache, sent le bon coup. Il va se mettre dans la poche un arpète pour s'approcher du trésor. Le Fennec qui est suivi au plus près par un inspecteur de police d'un genre nouveau. Au lieu de parader en uniforme avec ses gros godillots, il se fait discret et infiltre le milieu. Pour le moment il se fait passer pour pianiste au Moulin Rouge. Cette série est dessinée par la talentueuse Nathalie Berr. Elle apporte beaucoup de soin à la reconstitution du Paris de l'époque, mais c'est surtout dans les trognes de Parigots typiques qu'elle excelle, du malfrat sournois à l'indic' fourbe.

« Les naufragés du métropolitain » (tome 1), Bamboo Grand Angle, 13,90 €

jeudi 9 juillet 2015

Cinéma - En route pour l'adolescence avec "Microbe et Gasoil" de Michel Gondry

Si pour certains l'adolescence est la pire des périodes, pour d'autres elle est éternelle. Avec « Microbe et Gasoil », Michel Gondry vous fait regretter vos comédons.

Daniel et Théo. Deux adolescents se retrouvent par hasard dans la même classe. Deux exclus, des « bannis » qui vont faire cause commune et se trouver suffisamment de points en commun pour devenir copains, voire amis. Daniel (Ange Dargent) est le plus jeune. Du moins en apparence. Petit, cheveux longs, il doit supporter de se faire traiter de Microbe à longueur de journée par d’autres ados qui ont juste 10 centimètres de plus et un duvet au-dessus des lèvres. Théo (Théophile Baquet) est devenu Gasoil. La faute à son odeur. Grand bricoleur devant l’éternel, il est souvent mis à contribution par son père pour réparer la camionnette familiale au petit matin.

Microbe et Gasoil, incompris et un peu à part, vont se forger un monde bien à eux, résurgence de la propre adolescence de Michel Gondry, rêveur et inventeur de contrées de génie.

Trop ou pas assez d’amour maternel
Avec intelligence et naturel, le réalisateur plante le monde normal de ses deux héros. Microbe est couvé par sa mère (Audrey Tautou), dépressive tendance bio, végan et lâcher prise. Il partage sa chambre avec un petit frère sérieux et intégré mais s’entend beaucoup moins avec l’aîné, devenu depuis quelques mois Punk réfractaire à tout.
Gasoil vit seul avec ses parents. Sa mère, cardiaque, ne lui cache pas qu’elle préfère l’aîné, qui lui à son âge rapportait déjà de l’argent à la maison et qui aujourd’hui a réussi sa vie en devenant militaire de carrière. Le père, brocanteur, n’est que reproches. D’un côté trop d’amour, de l’autre pas assez, ces deux se trouvent une nouvelle raison de parfaitement se comprendre.
L’année scolaire s’écoule, lente et ennuyeuse. Heureusement Gasoil a un projet génial : construire sa propre voiture. Tout part d’un moteur de tondeuse à gazon, un deux-temps simple et increvable. Au détriment de leur assiduité en cours, les deux compères travaillent d’arrache-pied. Mais leur carrosse, s’il roule parfaitement, n’a pas le droit d’aller sur les routes. L’administration française, toujours un peu tatillonne, refuse d’homologuer cet engin peu sûr. Alors Microbe a une idée de génie : maquiller la bagnole en maisonnette. Au moindre risque de contrôle, il suffit de se garer et de redevenir une habitation fixe.
De bric et de broc, la maison sur roulettes est la troisième vedette de ce film d’une grande finesse. Les deux jeunes acteurs incarnent ces deux adolescents en mal de découverte, de dépassement et surtout de compréhension de l’autre. Car pour découvrir ses propres secrets, rien ne vaut un bon ami qui vous dit « cash » ce qu’il pense de vous. Microbe va se bonifier au contact de Gasoil, Gasoil va se sociabiliser en traînant avec Microbe. Un film sur l’amitié, l’amour, la famille et ses limites dans le temps. Car l’adolescence, malgré tous les exploits du monde, ne dure jamais plus d’un été. Si vous voulez la retrouver, plongez-vous sans réserve dans l’univers de Michel Gondry.
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Le copain parfait



Film ouvertement autobiographique, « Microbe et Gasoil » est un peu la madeleine de Proust de Michel Gondry. Son personnage c’est Microbe. Il a longtemps eu les cheveux longs et souvent on l’a pris pour une fille. Une humiliation régulière qu’il décrit parfaitement dans son long-métrage. Cela passe par une prise de conscience radicale avec l’aide d’une tondeuse à même le rayon d’électroménager.

Par contre « Gasoil est la combinaison de deux ou trois amis, dont un qui était très bricoleur et dont le père sévère était antiquaire, se souvient Michel Gondry. Je ne l’ai jamais revu. Mais il y avait aussi ce cousin bricoleur, qui faisait des maquettes d’archi : ensemble, on a même inventé une machine à faire du dessin animé. » Interprété par Théophile Baquet (déjà entraperçu dans « La guerre des boutons »), Gasoil est le copain dont on rêve tous quand on est jeune. Original, imprévisible, hâbleur et jamais décontenancé, il est toujours là pour nous remonter le moral et tout relativiser. Un peu casse-cou, confident à l’écoute : son seul défaut est qu’il ne s’arrête jamais. Cela épuise Microbe, mais c’est si bon. Et puis des années plus tard, cela donne des souvenirs impérissables.

mercredi 8 juillet 2015

DVD - Drame de la ruralité

« Un village presque parfait » ou l'humour rural à l'épreuve de la ville.

Premier film de fiction de Stéphane Meunier (réalisateur du célèbre documentaire « Les yeux dans les Bleus »), « Un village presque parfait » aborde le problème de la désertification des campagnes françaises. Le petit village de Saint-Loin-la-Mauderne ne mérite qu’à moitié son nom. Loin, pas de problème. De tout même. Mauderne... beaucoup moins. Germain (Didier Bourdon), le maire, tente de revitaliser la petite commune pyrénéenne. 
Une usine de conditionnement du poisson de rivière a bien fonctionné dans le temps, mais aujourd’hui elle est fermée. Il existe bien un projet de réouverture en scoop, mais il faut des aides. De Bruxelles notamment. 
La bonne nouvelle arrive un jour à la mairie : la subvention va être débloquée. A une condition : qu’il y ait un médecin installé au village. Comment les villageois vont-ils attirer un docteur dans ce trou perdu ?
Grâce à des appuis dans la capitale, ils vont parvenir à faire « descendre » Meyer (Lorant Deutsch), chirurgien esthétique obligé de se mettre au vert quelque temps. Entre cet apôtre de la superficialité et les très rationnels campagnards, cela va rapidement faire des étincelles. Mais chacun va y trouver son intérêt.
On appréciera dans ce film, manquant un peu de rythme, la vision très mélancolique des gens de la campagne. Des ruraux attachés à leurs racines incapables de quitter la vallée qui les a vus naître. Pour les interpréter la distribution a tapé fort avec des trognes étonnantes. Didier Bourdon, en maire bougon et manipulateur, est excellent. Denis Podalydès apporte la touche d’intelligence, Elie Seimoun la débrouillardise et Lionnel Astier, la sincérité. On croise également Armelle et Pierre Menès dans des contre-emplois jubilatoires.
En bonus, le making of (avec notamment la rencontre entre le réalisateur et les véritables habitants du village qui ont quasiment tous participé à la figuration) et les interviews des principaux acteurs et du producteur.

« Un village presque parfait », M6 Vidéo.

mardi 7 juillet 2015

BD - Résistance en culottes courtes


Sujet sensible que celui abordé par Dugomier (scénario) et Ers (dessin) : Comment la Résistance est-elle apparue en France ? Si l'appel du 18 juin est une date clé, il n'a pas été entendu par grand monde. En réalité, la Résistance a été inventée par autant de Résistants durant les premiers mois d'occupation allemande. Et comme l'a fait remarquer Germaine Tillion, récemment panthéonisée, «
 Ce ne sont pas des réseaux qui cherchaient des volontaires mais des volontaires qui cherchaient des organisations. » 


Un des nombreux documents reproduits en fin d'album dans un dossier pédagogique très riche. En cet été 1940, les troupes allemandes déferlent sur la France. La débâcle laisse un pays aux mains des envahisseurs. L'arrivée de Pétain change la donne. Ce héros national sait parler au peuple. Mais trois jeunes du village de Pontain l'Ecluse ne veulent pas obéir. Ils vont tenter de trouver des moyens pour ralentir les Allemands et surtout ouvrir les yeux aux Français. La meilleure BD sur le sujet depuis très longtemps.

« Les enfants de la Résistance » (tome 1), Le Lombard, 10,60 €

lundi 6 juillet 2015

BD - Avec Jean Van Hamme, beaucoup, un peu et pas du tout

Scénariste prolifique et abonné aux gros succès éditoriaux, Jean Van Hamme est triplement d'actualité. Omniprésent dans son autobiographie, il n'est que co-scénariste de Rani et simple superviseur de la série XIII Mystery, issue de sa saga imaginée avec Vance.

Comment un ingénieur commercial, promis aux plus hautes fonctions dans la multinationale Philips, se retrouve simple scénariste de BD dans les années 70 ? Ce mystère est en partie résolu dans « Mémoires d'écriture », autobiographie de Jean Van Hamme richement illustrée de quelques dessins inédits ou rares. En fait, quand on lui propose début 1976 le poste de directeur général adjoint de Philips Mexique, il craque : « Je venais d'avoir 37 ans, était-ce là l'avenir dont rêvait l'adolescent que j'avais été ? Allais-je passer à côté de la vie pour laquelle je me sentais fait ? » Il abandonne le confort de son somptueux bureau avec « fauteuil basculant plein cuir » pour l'écriture. Il ambitionne d'écrire des best-sellers. De devenir riche et célèbre... Cela ne se passera pas exactement comme cela, mais au final il vivra bien de sa plume. Et très confortablement. Dans l'ordre, il imaginé Thorgal avec Rosisnski, XIII pour William Vance, Largo Winch avec Philippe Francq. Trois des séries les plus vendues de ces trente dernières années. Il reprend Blake et Mortimer et lance d'autres héros, moins connus mais tout aussi passionnants pour les amateurs de BD de détente comme Lady S ou Wayne Shelton. Le récit de cette vie d'écriture manque parfois un peu de modestie. Les millions d'albums vendus font parfois des dommages collatéraux. Mais Van Hamme n'enjolive pas son histoire. Au contraire, il n'est pas tendre pour quelques confrères qui l'ont pris de haut à ses débuts.


On retrouve Jean Van Hamme à la base du scénario de Rani dont le quatrième tome vient de paraître. C'est pourtant Alcante qui est crédité en couverture. Normal, Rani est un feuilleton télé. Ecrit par Jean Van Hamme et donc adapté par son jeune protégé. Marc Vallès au dessin rend Rani encore plus belle que l'originale (l'actrice Mylène Jampanoï). La jeune Française, après avoir été condamnée à mort, a changé d'identité, s'est retrouvée fille de joie en Inde et dans ce quatrième volet tape dans l'oeil du maharaja de Sandrapur. De l'épopée historique, bourrée de rebondissements et de retrouvailles émouvantes.


Par contre Jean Van Hamme n'est pour rien dans le 8e volet de la série dérivée « XIII Mystery ». Il se contente de choisir les duo qui vont donner un prolongement aux existences des personnages secondaires de l'univers du célèbre amnésique. Martha Shoebridge, l'ancien médecin alcoolique qui a soigné XIII dans le premier album, avait déjà croisé la route du président Sheridan. Frank Giroud signe le scénario, Colin Wilson le dessin. Martha, jeune médecin, a le malheur de tomber amoureuse de ce jeune loup d ela politique. Il va honteusement profiter d'elle pour régler un petit problème. Ça la détruira.

« Mémoires d'écriture », Bamboo, 15,90 euros

« Rani » (tome 4), Le Lombard, 14,45 euros

« XIII Mystery » (tome 8), Dargaud, 11,99 euros 
 

dimanche 5 juillet 2015

Polar - Les crimes d'Atlanta, passés et présents

Karin Slaughter raconte l'histoire criminelle d'Atlanta. Dans les années 70 et actuellement. Serial killer illuminé, femme flic, orphelin déboussolé, légistes étranges : le cocktail est détonnant

En France, cela pourrait s'apparenter à du polar régional. Karin Slaughter aime sa ville d'Atlanta et nombre de ses romans se passent dans cette grande cité du Sud des Etats-Unis. « Criminel », son dernier roman, se déroule à deux époques distinctes, mais avec parfois les mêmes protagonistes. Au milieu des années 70 et de nos jours. Le lien entre ces deux époques : Amanda Wagner. Au début elle n'est qu'une simple inspectrice de base, plus souvent affectée à la circulation qu'à la résolution des nombreux crimes. De nos jours, elle est la chef du GBI, l'équivalent national du FBI. L'autre personnage principal du roman c'est Will, Wilbur de son prénom. Ce flic compétent, sous les ordres d'Amanda, est un orphelin qui a du batailler pour devenir ce qu'il est. Petit voyou, fugueur, dyslexique, il a longtemps ignoré l'identité de ses parents. Quand Amanda lui a révélé, il s'est enfoncé dans une grave dépression. Maintenant il va mieux. Il file même le parfait amour avec une jeune médecin qui aime les chiens, comme lui.
Quand les chaînes de télévision locales annoncent la disparition d'une jeune femme dans un quartier défavorisé de la ville, il panique. Amanda aussi est sur les nerfs. La même angoisse que quand elle avait 25 ans et faisait ses premiers pas dans la police d'Atlanta. C'est cette partie historique du roman le plus dense et passionnant.

Une femme qui se révèle
Ce n'est pas que les tourments de Will soient sans intérêt, mais l'auteur semble avoir mis beaucoup plus de cœur et de sincérité dans le parcours de la femme flic. Au milieu des années 70, si le problème de ségrégation raciale est encore important, il en existe un autre moins connu : la discrimination sexiste. Amanda, fille du chef de la police, est une véritable oie blanche. Elle s'occupe de son père (suspendu provisoirement) tout en pointant tous les jours au commissariat. Des femmes flics, cela paraît encore totalement aberrant pour nombre de collègues. En fait, tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains d'une infime minorité : les hommes blancs.
Amanda va s'émanciper au contact d'Evelyn, une collègue de retour après un congé maternité. Cette dernière décide d'enquêter, en secret, sur la disparition de femmes blanches dans le quartier de Techwood de sinistre réputation. Un ghetto noir, où les seules Blanches tolérées sont prostituées. Avant de retrouver la trace des filles, Amanda et Evelyn vont devoir ruser pour endormir la méfiance de leurs collègues. Et quand un premier cadavre est retrouvé, elles sont immédiatement mises sur la touche. Amanda va se découvrir, devenir dure, intransigeante. Occulter ses bons sentiments et s'investir pour faire éclater la vérité. Même si ce n'était pas d'actualité à l'époque, elle est persuadée d'être en présence d'un tueur en série. Un sadique absolu qui semble de retour, 40 ans après ses premiers crimes.
Autant roman historique que thriller, « Criminel » de Karin Slaughter se distingue aussi de la production actuelle par son absence de voyeurisme. Contrairement à nombre de romans de ces dernières années, les scènes les plus dures sont peu nombreuses. Fortes, intenses, mais courtes et rares. De même, les autopsies, souvent difficiles à lire, prennent une tout autre dimension avec l'intervention d'un légiste pour une fois sympa et didactique. Si les actes décrits sont horribles, la lecture de ce thriller grâce à ce talent si particulier de Karin Slaughter, reste très plaisante.


« Criminel » de Karin Slaughter, Grasset, 21,50 €

samedi 4 juillet 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Les geeks révisent chez Ankama



Si vous cherchez un bon moyen de motivation pour que vos enfants fassent leurs cahiers de vacances cet été, le Label 619 des éditions Ankama a trouvé la solution. Vous mettez un cahier classique entre les mains du petit dernier et lui expliquez que vous aussi vous vous mettez au travail. Sauf que le votre est un peu plus sympa. Sous la coordination du scénariste Run, la fine fleur de la BD déjantée s'est défoulée dans des jeux, quizz et autres dessins à colorier. Mais attention, ce cahier de vacances est explicitement « pour adultes geeks déviants ». Vous aurez par exemple la possibilité de créer les tatouages de votre gang ou le masque de votre champion de lucha libre. Côté quizz, n'hésitez pas à tester votre propension à être un psychopathe. Enfin la culture générale n'est pas oubliée avec des chapitres sur les tueurs en série, les flingues, les plus célèbres apparitions d'ovni ou les morts invraisemblables comme celle de William Kogut, suicidé en prison... avec des cartes à jouer.


« Cahier de vacances », Ankama, 6,90 euros


vendredi 3 juillet 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'enfer des vacances selon Tignous et Gros


Il ne partira pas en vacances cet été. Pourtant il accompagnera quelques lecteurs. Tignous est tombé en janvier dernier sous les balles des frères Kouachi. Ce recueil de dessins (avec son copain Gros de Marianne) fait un peu figure de livre posthume. « Comment rater ses vacances » ce sont plus de 150 dessins mordants et ironiques sur les travers de « l'homo-vacançus », espèce étrange qui migre chaque année vers les plages du sud. Souvent en famille, il mue début juillet pour perdre sa cravate au profit d'un short de bain. Ses péripéties sont multiples, de la surpopulation à la pollution en passant par les locations pourries. Tignous y dessine nombre de jolies femmes les seins à l'air (le bougre avait du goût en plus d'un bon coup de crayon) mais revient régulièrement sur son terrain de jeu préféré : la critique sociale. Un Français moyen sous sa tente, mécontent, râle : « J'ai l'impression d'être SDF ! » Mon dessin préféré, digne de Reiser de la grande époque de Hara Kiri : un gros beauf en Marcel a trouvé la solution cotre les étés pourris : « Pour que le thermomètre monte à 37... faut se le mettre dans le cul ! »


« Comment rater ses vacances », Chêne, 14,90 euros

jeudi 2 juillet 2015

Cinéma - « Tale of tales », histoires à frémir

Matteo Garrone, le réalisateur de « Gomorra », abandonne la réalité pour une vaste fresque tirée de trois contes italiens. Histoires dotées d’une distribution prestigieuse.


Trois royaumes, trois histoires tragiques pour une reine et deux rois. « Tale of tales » de Matteo Garrone (présenté en compétition au dernier festival de Cannes) est le méli-mélo de trois histoires indépendantes les unes des autres. Trois légendes où le fantastique a toujours son mot à dire.
A Selvascura, la reine (Salma Hayek) se désespère de ne pas avoir d’enfant. Elle est prête à tout pour sentir la vie pousser en elle. Avec son mari, elle accepte une nouvelle fois de recevoir un sorcier. Il explique qu’une nouvelle vie implique une mort pour l’équilibre du monde. La reine tombera enceinte si elle mange le cœur d’un monstre marin cuisiné par une vierge et chassé par son mari. Le roi tue la bête (et meurt dans l’opération), une servante passe aux fourneaux, la reine déguste. Le lendemain elle enfante d’un garçon, Elias. La servante aussi, Jonah. Des jumeaux qui aiment à se retrouver ensemble. Mais cette complicité rend la reine folle. Elle tente de supprimer Jonas. Ses ennuis débutent.

Puce savante
A Roccaforte, le roi (Vincent Cassel) vit dans la débauche et la luxure. Un jouisseur qui tombe amoureux d’une douce voix entendue dans une ruelle au pied des murailles de son château. Il est persuadé qu’il s’agit d’une enfant de 16 ou 17 ans et la convoite. Mais derrière la porte ce sont deux sœurs très âgées, aux corps prématurément vieillis par les travaux. Comment vont-elles faire pour bénéficier malgré tout des faveurs du roi ? La mystification se termine mal.
Enfin à Altomonte, le roi (Toby Jones) veut préserver sa jolie fille. Cette dernière rêve du chevalier servant. Un pari idiot de son père va la conduire droit dans les bras d’un ogre bestial (Guillaume Delaunay).
Le film, malgré deux heures, semble fluide grâce au montage judicieux où chaque royaume et conte alternent. Les décors sont d’une extraordinaire beauté. Tant dans les châteaux qu’aux alentours, soit dans des vallées verdoyantes ou des montagnes rocailleuses. La distribution très internationale permet de faire passer l’anglais comme langue commune de tournage. Salma Hayek sort des sentiers battus dans le rôle de cette reine aveuglée par l’amour filial. Vincent Cassel en noceur insatiable est parfaitement crédible et Toby Jones, roi lunatique et renfermé, joue la folie avec une facilité déconcertante.
Souvent nommé jamais primé, « Tale of tales » n’a qu’un seul défaut : être trop original dans une production cinématographique très formatée ces dernières années. Mais si les drames sociaux français vous fatiguent, que les biopics manquent d’originalité à vos yeux et que les super héros vous laissent de marbre, ce film vous plaira forcément.
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Bestiaire fabuleux

Film adapté d’un célèbre ouvrage italien, “Le Conte des Contes” de Giambattista Basile, « Tales of tale » regorge de sorcières et autres animaux fantastiques. Ils sont trois à bénéficier de quelques minutes à l’écran.
Trois bêtes monstrueuses qui ont bénéficié des dernières innovations techniques pour être incroyablement réelles.
Tout d’abord le monstre marin. Sorte de salamandre géante, il sommeille calmement avant l’attaque du roi de Selvascura. Son cœur donnera naissance aux jumeaux (mais de mères différentes) Elias et Jonah.
Ils devront unir leurs forces pour combattre dans une sombre galerie souterraine une gargouille volante. Monstre hybride entre la chauve-souris et le dragon, il sera vaincu et se transformera en belle princesse.
Dernière bestiole du film, la puce du roi d’Altomonte. Insecte savant, nourrit du sang royal, il va grossir au point de se transformer en énorme animal de compagnie. Le roi l’aime de tout son cœur. Plus que sa fille ? Cette dernière se le demandera certainement après être passée entre les mains de l’ogre.

mercredi 1 juillet 2015

DVD - Australie cruelle et torride

Le film « Wake in fright » de Ted Kotcheff marque un tournant dans le cinéma australien.

En cette période de canicule, n’espérez pas vous rafraîchir en regardant “Wake in fright”, film tourné en 1970 dans le désert australien. Il fait chaud, très chaud. Des litres et des litres de bières sont ingurgités par les divers personnages . Jusqu’à provoquer une folie absolue où toutes les limites sont dépassées. Film perdu du réalisateur de Rambo, « Wake in fright » (Réveil dans la terreur en français), est ressorti en version restaurée. Un film culte sur la violence des hommes, aux scènes parfois à la limite du soutenable. John Grant (Gary Bond), jeune instituteur en poste dans une minuscule école de l’outback australien quitte sa chambre meublée pour rejoindre sa petite amie à Sydney pour deux semaines de vacances. Après un voyage en train, il doit passer la nuit à Bundanyabba, ville minière, avant de décoller le lendemain matin. Le soir, en cherchant un restaurant, il tombe sur un bar très animé. Le shérif du coin (Chips Rafferty) lui sert de guide.



Après un nombre incalculable de tournées, John joue au pile ou face. Un jeu basique où on peut gagner gros. Lui perd tout ce qu’il possède. Bloqué dans ce trou, il va plonger dans une descente aux enfers au fil de ses mauvaises rencontres. Notamment Doc Tydon (Donald Pleasence), philosophe de la destruction. Cette réalisation dans la canicule australienne est très symbolique. On suit pas à pas la déchéance de cet intellectuel retournant à ses plus bas instincts. Les scènes de chasse au kangourou sont abominables. En 1970, pas de trucage. Quand les animaux sont abattus c’est pour de vrai. Et les trophées sont eux aussi réels. Âmes sensibles s’abstenir.
Dans le DVD et le blu-ray, nombre de bonus sur le tournage, le sauvetage des dernières copies et la restauration avec en prime un entretien de 20 minutes du réalisateur et une présentation de Nicolas Winding Refn (Drive) expliquant pourquoi ce long-métrage est véritablement culte pour toute une génération de réalisateurs.

« Wike in Fright », Wild Side, 25 euros le blu-ray