jeudi 23 avril 2015

BD - Deux malades en cuisine


L’une veut tellement faire le bonheur autour d’elle qu’elle n’hésite pas à donner, même ce qui ne lui appartient pas. L’autre souffre de prosopagnosie, maladie étrange qui empêche celui qui en est atteint de différencier les visages. La première Barbara, croise la seconde, Mathilde, dans la salle d’attente de leur psychiatre qu’elles ont en commun. Elles vont s’apprécier, devenir amies et se lancer dans un projet professionnel. Mathilde travaille comme serveuse dans un restaurant de luxe. Barbara adore cuisiner. Elle est embauchée et ensemble elles vont conquérir chef et clients. Mais leurs différentes maladies leur jouent des tours. Mathilde est perdue en salle, Barbara a tendance à voler pour faire plaisir... 
Elles vont se retrouver au centre d’une affaire de trafic de drogue (des champignons hallucinogènes) gravitant autour d’une rock star ayant perdu l’inspiration et une vieille dame très riche et en guerre avec sa fille unique, seule héritière de son empire. La belle histoire d’amitié entre deux femmes indépendantes, bifurque vers le thriller. 
Ce roman graphique au ton sans pareil, déroutant et foisonnant, est signé Alexis Laumaillé. Son dessin, précis et réaliste, s’envole vers des sommets de poésie quand il s’agit de représenter les rêves de ses héroïnes ou les visions issues des repas hallucinogènes.

Folle cuisine”, Bamboo Grand Angle, 19,90 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES - Merci patron !

Patrons surpayés, employés exploités : le monde du travail s'apparente à une jungle où les proies sont toujours les mêmes. Parfois une initiative permet de mieux prendre conscience des écarts de rémunération entre les forces vives (les employés) et la tête pensante (le patron). Aux USA, la différence est de l'ordre de 350. Pas en euros, mais en coefficient multiplicateur. Quand un employé de base touche 10 000 dollars par an, le PDG émarge à plus de 3,5 millions. La semaine dernière, pour dénoncer cet état de fait, Dan Price, jeune patron d'une start-up américaine, fait une annonce tonitruante. Afin de niveler les différences d'émoluments, il décide d'augmenter les plus petits salaires et de diminuer les plus hauts. Ainsi 30 de ses employés (sur 120) voient leur salaire doubler. Dans le même temps, il baisse le sien de façon drastique : moins 90 %. 
Opération de communication d'une rare efficacité : le nom de sa société de service bancaire devient mondialement connu en moins de quatre jours... En France, si les écarts sont moindres, la tendance n'est pas la même. Alors que les salaires moyens plafonnent (voire chutent dans certains cas), les dirigeants ne ratent pas une occasion de s'augmenter. 
Mais le pire signal vient d'être donné par l'État. François Hollande a annoncé la prise en charge par la Nation des salaires des apprentis. Résultat, certains patrons disposeront d'une main-d'œuvre totalement gratuite. Pas de charges, pas de cotisations sociales et maintenant plus de salaire. On est loin de l'exemple de Dan Price.

mercredi 22 avril 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Accident de chasse

Peut-on rester insensible face à la mort de quelqu'un ? Au risque de passer pour un être dénué de toute humanité, j'ose répondre oui dans ce cas particulier.

Ian Gibson est décédé accidentellement la semaine dernière. Cet homme a rendu son dernier souffle lors d'une chasse fermée au Zimbabwe. Grand chasseur devant l'éternel, il a rencontré l'animal qui aura vengé ses centaines de victimes. Ian Gibson proposait ses services à de riches amateurs de ce genre de « loisir ». Il était chargé de traquer un lion. Il n'a pas trouvé le félin mais sa route a malencontreusement croisé celle d'un éléphant. Un pachyderme en colère. Gibson a bien tenté de se défendre, mais son fusil, pour une fois, n'a pas suffi à stopper la charge. Sa dernière vision aura été une patte d'éléphant. Deux secondes plus tard il expirait, piétiné par le mastodonte sans doute missionné par les esprits des « trophées » qui fomentaient cette vengeance depuis des lustres. 
Non, la mort de Ian Gibson ne m'émeut pas. Pas plus que celle des toréadors qui se font embrocher. Ils connaissent les risques du métier.
Ces safaris d'un autre âge sont encore monnaie courante dans certaines « réserves » africaines. 
Le plus incroyable reste l'arrogance du tueur qui pose tout sourire, un pied sur le cadavre. Régulièrement ce genre de cliché déclenche des polémiques sur internet. Dernier exemple avec cette ravissante pom-pom girl américaine, à la dentition parfaite, si fière sur la nouvelle photo de son profil Facebook qui la montre en compagnie de la girafe qu'elle vient d'achever. Une girafe, si belle, si gracieuse. Si inoffensive surtout.

mardi 21 avril 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - La mauvaise image de la santé

Dans la catégorie « image la plus sexiste de l'année », le conseil général des Bouches-du-Rhône remporte la palme haut la main avec la couverture du carnet de santé remis à tous les jeunes parents du département. Un document tout ce qu'il y a de plus officiel, estampillé du logo du CG13 en bas à gauche. Et en couverture la photo de deux enfants. Le garçon, large sourire, regarde l'objectif, la main dix centimètres au-dessus de la tête, pour figurer une toise imaginaire. Un peu en retrait, une petite fille, yeux baissés, a l'air de s'arracher les cheveux en scrutant le centimètre de couturière passé autour de sa taille. Le premier semble dire « Je veux grandir », la seconde « Je ne veux pas grossir ». 
Incroyable que cette image, tout sauf innocente, ait passé toutes les épreuves de sélection d'une administration départementale.
On en arrive au triste constat que personne ne se sente concerné ni par la cause féministe, ni par les troubles alimentaires. Heureusement quelques « lanceuses d'alerte » ont soulevé le problème sur internet et une pétition circule. Donc, pour certains responsables, une fille en bonne santé en 2015 surveille son tour de hanche comme le lait sur le feu. On voudrait promouvoir l'anorexie (qui est une maladie grave, ne l'oublions pas), on ne s'y prendrait pas autrement.
Pendant que les mannequins trop maigres se retrouvent interdits de podium grâce à la loi récemment votée, d'autres élus font l'apologie de la maigreur. Comme si, dans les Bouches-du-Rhône, il était souhaitable que les garçons soient grands et forts et les filles, petites et menues.

lundi 20 avril 2015

BD - Spirou, du statut de héros à celle de star


Les personnages de bande dessinée ne sont pas à l’abri de la folie des grandeurs. Prenez Spirou, le groom rouge qui lutte contre l’injustice depuis des décennies. Sa participation à un film adapté d’une de ses aventures le propulse aux sommets de la célébrité. De simple héros de papier, il devient une star planétaire. Résultat il attrape la “grosse tête” qui donne son titre à ce 8e volume de la collection “Le Spirou de...” 
Le scénario, loufoque et bourré de références, est de Makyo et Toldac. Deux complices (ils ont notamment écrit Les Bogros et ADN ensemble) qui semblent avoir joué du ping-pong de situations allant crescendo dans l’absurde. Pour mettre en images cet album de plus de 70 pages, on retrouve Téhem, excellent avec sa série vedette “Malika Secouss”. 
Fantasio, journaliste brimé, décide de se lancer dans la littérature. Il romance l’histoire au centre de “La Mauvaise tête” de Franquin. Le livre remporte un succès d’estime, mais tape dans l’œil d’un producteur de cinéma qui décide de l’adapter sur grand écran. Cette fois le succès est au rendez-vous. Spirou, qui interprète son propre rôle, est happé par la célébrité. Tout l’intérêt de cette variation réside dans cette modification notable de la personnalité. Le gentil héros, simple et modeste, découvre un nouveau monde. Il devient hautain, exigeant, vantard et séduit même une Miss Météo, ce qui permet à la presse people d’en faire ses choux gras. 
Et pour une fois, c’est Fantasio qui reste humain et fera tout pour remettre son ami sur le droit chemin. A côté de cette réflexion sur la perversité du star system, les auteurs truffent le récit de trouvailles comme ce champignon sérum de vérité ou une Seccotine devenue responsable de la rubrique gastronomie. A conseiller à tous ceux qui ne craignent pas de voir leurs héros descendre de leur piédestal.

"La grosse tête”, Dupuis, 14,50 euros

dimanche 19 avril 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Me baigner ? Très peu pour moi

Les premiers rayons de soleil sont synonymes de migration vers le bord de mer. Beaucoup y vont pour bronzer, d'autres pour se baigner. Ces derniers sont à mon point de vue des inconscients que je n'imiterais pas pour tout l'or du monde. Non seulement on peut se noyer, mais en plus la mer regorge de créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres.

Quelle folle idée d'aller barboter dans l'élément des requins, méduses urticantes, murènes et autres bestioles cauchemardesques. Hier soir, Arte a diffusé un documentaire sur le régalec, gigantesque poisson osseux (11 mètres de long) en forme de ruban argenté et qui est à l'origine de la légende du serpent des mers. Filmé en Méditerranée par le plongeur David Luquet au large de Villefranche-sur-Mer, il en reste certainement quelques exemplaires dans les eaux audoises et catalanes.
Donc, non, je ne me baignerai pas en mer cet été. Pas envie de trépasser d'une crise cardiaque en tombant nez à nez avec cette abomination de la nature.
Je n'irai pas non plus dans les rivières. Toujours sur Arte, devenue la chaîne spécialisée en poissons effrayants (cœlacanthe, calamar géant), un film sur le silure, autre "monstre dégoûtant" selon les termes de la productrice, est en cours de tournage. Les silures capables de gober un canard aussi aisément que moi un apéricube.
Reste la piscine pour se rafraîchir en été. On n'est pas à l'abri des germes et bactéries. Mais au moins, on ne les voit pas... 

samedi 18 avril 2015

BD - Les policiers pantouflards du SPRG

L'action, Simon Munch aime. Ce flic, spécialisé dans l'antiterrorisme, est toujours sur le fil du rasoir. Une vie risquée qu'il décide de mettre entre parenthèse du jour au lendemain. Il a une bonne raison pour cela : il vient de devenir papa. Terminé donc les assauts au petit matin, place au travail de bureau dans un service réputé pantouflard : la protection des personnalités et VIP par les Renseignements généraux. Écrite par Gillot et Dragon, cette série policière lorgne aussi dans la comédie psychologique. Simon doit dans un premier temps apprivoiser son équipe : deux nanas et un gars, homo tombant trop facilement amoureux. Quand il est officiellement chargé de sa première mission, il rajoute au groupe son meilleur ami, un dur qui n'a pas froid aux yeux. 
La petite bande doit protéger le vice-président d'un grand groupe pétrolier français sur le point de signer un contrat avec la Libye post-Kadhafi. Un énarque prétentieux, doté d'une famille insupportable. Mauvaise ambiance mais surtout danger maximum car des intérêts étrangers veulent faire capoter l'accord. 
Très détaillé, le récit alterne séances psychologiques et pure action. Fred Lamour, au dessin, apporte juste ce qu'il faut de réalisme à une intrigue en béton.

« SPRG, service de protection des renseignements généraux » (tome 1), Casterman, 13,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - String et confettis

Ignoble attentat mercredi à la banque centrale européenne de Francfort. En pleine conférence de presse devant des dizaines de journalistes, le président Mario Draghi est lâchement attaqué par une terroriste de la pire espèce. Elle bondit sur le bureau du grand argentier européen et le bombarde... de confettis.

On peut gloser des heures sur les failles de la sécurité, la démonstration est éclatante. A peine âgée d'une vingtaine d'année, l'activiste allemande, sourire aux lèvres du début à la fin de l'action, fait trembler l'institution européenne. Plus exactement, c'est son président qui connaît un moment de panique totale, perdant son air sérieux et concentré pour se protéger le visage des deux mains, tel un enfant apeuré.

Les vigiles réagissent vivement. Pas assez cependant pour empêcher la jolie féministe (on apprendra après qu'il s'agit de Josephine Witt, sympathisante des Femen) de bien montrer la phrase « Arrêtez la dictature de la BCE » inscrite sur son t-shirt, avec un jeu de mot sur « dick » (sexe masculin en argot anglais).
L'image (notamment les clichés de l'agence Reuters) fait le tour de la toile : le sourire de Josephine, la peur de Draghi et la pluie de confettis. Opération communication parfaite. A un détail près. En sautant sur le bureau, la jeune femme, victime de la mode des pantalons taille basse, laisse entrevoir le haut de son string. Conséquence, sur les réseaux sociaux, le message anticapitaliste disparaît derrière le déferlement de commentaires sur le côté « sexe » de l'événement.
Tel est pris qui croyait prendre.

vendredi 17 avril 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - La mode du nu sur les écrans de la TNT

La TNT vient de fêter ses 10 ans. A son lancement, tout le monde espérait une meilleure offre de programmes, plus de diversité, de culture ou même de sports autres que le foot. A l'arrivée, le choix est partagé entre des séries américaines vues et revues, des reprises de radio-crochet (Nouvelle Star ou Star Academy) un Cyril Hanouna qui tente du sous Canal+ en plagiant Laurent Ruquier, une chaîne documentaire (RMC Découverte) où il n'est question que d'ovnis, de voitures et de survie, sans compter les canaux (HD1 ou 6Ter) qui se contentent de rediffuser, avec deux ou trois ans d'écart, les films et émissions des maisons-mères.

En ce moment, la mode est au nu. D8 a fait fort en programmant une téléréalité de rencontre sur une île déserte. Le principe de « Adam recherche Ève » : les deux candidats sont entièrement nus comme au premier jour de la Création. Ça change de « Tournez Manège » ! Gros succès d'audience pour le premier épisode. Ensuite les téléspectateurs ont déserté la plage. Il est vrai qu'on ne voyait pas grand chose. De dos, de trois-quart, assis ou avec les cheveux longs sur la poitrine : toutes les astuces sont bonnes pour cacher ce que l'on prétend montrer. La première saison achevée, la nudité revient en force. Cette fois sur TMC qui consacrait hier soir une enquête au naturisme. 90 minutes de fesses, de seins et de... floutages.
Ayons une pensée pour le technicien qui a passé des heures à gommer des centaines de pénis et toisons pubiennes des images originales.


Cinéma : Téhéran, ses rues, sa censure



Le réalisateur Jafar Panahi, plante clandestinement ses caméras dans son taxi. Dans « Taxi Téhéran », il filme le quotidien d'un pays où la censure est omniprésente.


Si aller au cinéma et réaliser des films est une évidence dans la majorité des pays, il n’en est rien dans certaines dictatures. L’Iran et son régime religieux strict imposent une censure intransigeante aux créateurs locaux. Leur talent est bridé. Mais paradoxalement, cette chape de plomb leur donne encore plus de raisons de faire des œuvres engagées en faveur de la liberté d’expression et de la défense des droits de l’Homme.
Parfait exemple avec Jafar Panahi. Condamné en 2011 à la prison, il lui est interdit de pratiquer son métier et de quitter le pays. Il est donc contraint de monter des projets clandestins, avec peu de moyens, sans avoir la moindre certitude qu’ils parviendront à leur fin.
Dans un taxi, il constate que la parole se libère. Quand plusieurs passagers utilisent la même voiture, ils communiquent, osent se dévoiler. Le réalisateur décide donc de poser des caméras miniatures dans un taxi et de filmer une journée de maraude dans les rues de la capitale. Il se met au volant car il doit tout gérer seul pour rester discret. Cela fait parfois l’impression d’un film à sketches. Il y a tout d’abord la confrontation entre une institutrice et un voleur à la tire, la première appelant à plus de libertés et de tolérance alors que le second, au contraire, couperait quelques têtes s’il était au pouvoir, pour décourager les voyous. Panahi accueille aussi un homme accidenté et sa femme en pleurs pour les conduire à l’hôpital. On revient au cinéma avec le client suivant, un nain transportant dans un immense sac des dizaines de DVD piratés. Des films occidentaux interdits en Iran. Un client, qui reconnaît le réalisateur au volant du taxi, lui demande conseil. Réponse de Panahi « Tout film mérite d’être regardé ».

L’avocate aux roses rouge sang
La fin du film, récompensé de l’Ours d’or au dernier festival de Berlin, est plus politique. Notamment quand le taxi charge une femme avec un bouquet de roses rouge sang. Il s’agit de l’avocate Nasrin Sotoudeh dans son propre rôle. Elle a été rayée du barreau mais continue à défendre les prisonniers politiques. Elle a en commun avec le réalisateur de bien connaître les geôles du régime. Nasrin quitte la voiture en demandant à Panahi de ne pas diffuser ses propos au risque de leur attirer de nouveaux ennuis.
De toute manière, Panahi ne se fait pas d’illusion, jamais ses films ne seront « diffusables » en Iran. Sous ce qualificatif se cache toute une panoplie de règles pour formater les longs-métrages. Une censure absolue qui ne veut pas dire son nom mais que le spectateur découvre à travers le personnage de la jeune nièce de Panahi. Elle doit réaliser un court-métrage pour son école mais constate qu’il est quasiment impossible de filmer le réel car il est toujours très éloigné du politiquement correct iranien. Voilà la triste réalité du cinéma iranien aujourd’hui : engoncé dans un carcan empêchant toute création et originalité. Heureusement quelques brûlots parviennent à quitter le pays comme ce « Taxi Téhéran » de Panahi.