dimanche 19 mai 2013

Roman - Entre les lignes avec Caryl Férey et René Frégni


Comment devenir écrivain ? Deux réponses, une romancée, l'autre tout à fait réelle avec ces livres de René Frégni et Caryl Férey.

Caryl Férey a mis des années avant de connaître la consécration littéraire. Son histoire est un vrai roman. René Frégni a lui aussi transformé la vie d'un écrivain en roman. Mais tout est inventé. Deux trajectoires où réel et imaginaire s'entrecroisent pour au final donner ce que le lecteur attend de tout créateur : du vrai avec du faux, du faux à base de vrai.

« Zulu », le film tiré du livre, sera projeté en clôture du festival de Cannes. Caryl Férey, l'écrivain, se verra certainement convié à monter les marches avec Forest Whitaker et Orlando Bloom, les acteurs principaux de cette coproduction franco-américaine. Une sacrée revanche pour le romancier longtemps abonné au RSA. Cela fera sans doute un chapitre supplémentaire à son récit malicieusement intitulé « Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale ». Une première partie où il raconte ses souvenirs d'enfance, dans cette province glauque, forcément glauque. Une seconde où il détaille, sans complaisance, son parcours du combattant pour devenir un auteur. Les débuts dans la structure créée avec un pote. Petit tirage, première notoriété.

Haka mort-né
Et l'envie d'aller plus loin. Il écrit « Haka », un polar sombre tiré de ses mois d'errance en Nouvelle-Zélande. Le manuscrit est remarqué par un directeur de collection au Seuil. Il passe toutes les barrières jusqu'au comité de lecture. Là, quelqu'un met son veto. Dure loi de la littérature française. Il faut l'unanimité pour passer sur les rotatives. Un seul « non » suffit pour tuer l'espoir. « Ma bombe avait fait long feu. Trois ans de tripaille jetée sur la table et d'espoirs les plus fous pour accoucher d'un pétard mouillé. La nouvelle était cruelle, inattendue. » Énervé, Caryl Férey relance d'autres maisons d'édition. « Haka » trouve une seconde chance chez Baleine. Mais la structure, malgré les milliers de « Poulpe » vendus partout, bat de l'aile. Définitivement maudit, ce polar sera finalement édité mais passera inaperçu.
Finalement les rêves les plus fous de Caryl Férey se sont réalisés. Il est édité chez Gallimard. Dans la prestigieuse Série Noire. Et « Zulu » lui permettra de vendre des milliers de livres. Depuis il est sur un petit nuage, mais ce récit, entre tendresse et amertume, replace ce parcours dans la seule perspective qui compte pour tout apprenti écrivain : la persévérance et le travail.



La somme des refus
Charlie Hasard, le personnage principal de « Sous la ville rouge » de René Frégni rêve lui aussi de devenir écrivain. Passionné de boxe, vivant reclus dans son petit appartement marseillais, il espère le coup de fil de la maison d'édition parisienne. 
Mais il ne reçoit que des lettres types de refus... Charlie s'obstine, relance, réécrit. Il est au bord du suicide quand enfin il reçoit le coup de fil salvateur. Mais comme pour le « Haka », il faut passer le filtre du comité de lecture. Dans ce roman aussi un veto annihile tous les espoirs de Charlie. Mais contrairement à Caryl Férey, le personnage imaginaire n'a pas de seconde chance. Et il décide de dire sa façon de penser à ce tueur de talents. A sa façon, avec ses poings de boxeur. L'écriture de René Frégni, tranchante, aiguisée, dissèque les illusions de son héros. Jusqu'à la folie.
 
« Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale », Caryl Férey, Points inédit, 10 €
« Sous la ville rouge », René Frégni, Gallimard, 11,90 €

samedi 18 mai 2013

BD - Dragons chinois par Taduc et Le Tendre

Taduc
fait partie de ces dessinateurs si doués qu'on ne peut qu'être séduit par ses nombreuses séries. Il a déjà fait ses preuves dans le western avec Chinaman, a étonné en troquant son trait académique pour du « gros nez » dans « Mon pépé est un fantôme » : il va devenir une référence de l'héroic-fantasy avec les aventures de « Griffe blanche ». Cette guerrière chinoise aux cheveux blancs va devoir protéger sa maîtresse des agissements d'envahisseurs. Au passage, elle sauvera Taho-le-Vif, jeune braconnier protecteur de l'œuf d'un dragon royal. Des dragons omniprésents dans cette première partie scénarisée par Serge Le Tendre.
« Griffe Blanche » (tome 1), Dargaud, 13,99 euros

vendredi 17 mai 2013

Billet - Poker et mat

Le groupe Partouche ferme son site de poker en ligne. Plus de doute, la crise économique est grave, la récession partout. Pourtant, il y a quatre ans, quand Nicolas Sarkozy légalise le marché des paris et jeux d'argent en ligne, tout le monde prédit des fortunes aux opérateurs retenus. L'engouement pour le poker bat son plein. Et puis patatras, les gains ne sont pas au rendez-vous. Pire, selon un communiqué repris dans un article du monde.fr, le groupe Partouche fait « le constat que l'activité n'a aucune pérennité à court et même à moyen terme. » Un discours radicalement opposé aux espoirs de 2010 : « Le groupe Partouche mise sur l'essor du poker en ligne pour poursuivre son redressement. »  A la télévision aussi les émissions de poker voient leur audience décliner à vue d'œil. Une mode, une simple mode. La poule aux œufs d'or est devenue stérile. Maintenant il va falloir trouver autre chose pour exciter les joueurs. Soit de moins compliqué. Genre la bataille, qui vient d'être autorisée dans les casinos. Pas la peine de se creuser la tête. Même un gamin de 5 ans peut y jouer et gagner. Soit de plus compliqué. Pourquoi pas des sites d'échecs ? Pour une fois, les plus intelligents auraient enfin une chance de briller. Mais ne rêvons pas. Les échecs ne sont pas un jeu de hasard. Et surtout, les joueurs d'échecs ont suffisamment de jugeote pour savoir que les jeux en ligne rapportent essentiellement aux sites, même après le forfait de Partouche. 
 
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.     

BD - Président, enfin...

Si Sarkozy était un excellent communicant, source inépuisable d'inspiration pour les humoriste, François Hollande est aussi très bon en la matière. Cette BD de Faro (dessin) sur un scénario de la journaliste Marie-Ève Malouines raconte les petits secrets de sa première année à l'Élysée. Un président Hollande qui se souvient des grands esprits du PS. Il est en permanence en train de dialoguer avec les fantômes de Mitterrand, peu aimable pour ce « mou », et Pierre Bérégovoy qui se reconnaît plus dans ce « modeste ». 
Entre extrapolation et vérité vraie, ces 56 pages se terminent par une galerie de portraits des hommes et femmes qui comptent dans l'entourage du président, d'Aquilino Morelle,sa plume, à l'inévitable Valérie Trierweiler...
« Moi, président », Jungle, 11,95 euros 

jeudi 16 mai 2013

Billet - Spoiler or not spoiler...


L'invention par Jennie Lamere d'un programme sur Twitter a révélé au grand public l'existence du mot « spoiler ». Soit révéler la fin d'un film ou d'une série et annihiler de ce fait tout effet de surprise. Exemple le plus couramment utilisé, dire d'entrée que dans « Sixième Sens », c'est Bruce Willis qui est mort. Spoiler une série télé est devenu un jeu très prisé sur internet. Certains fans ont la délicatesse de prévenir d'un « Attention spoiler ! ».
D'autres prennent un malin plaisir à gâcher votre joie. Jennie Lamere, la jeune américaine qui a remporté un prix prestigieux grâce à ce programme, a déjà été victime de mauvais plaisantins. D'où son idée : un logiciel masque les messages porteurs d'un certain nombre de mots clés. Je n'ai toujours pas vu les deux dernières saisons de Lost, j'évite donc soigneusement tout article sur la série tant que je ne les aurai pas visionnées. Même si le principal spoiler de Lost est déjà connu de tous : il n'y a pas de fin ! 
Cette semaine, les fans de « How I Met Your Mother », notamment ceux qui regardent en replay, ont hurlé contre les producteurs de cette sitcom diffusée en France sur NT1. Sur la page Facebook officielle, le jour même de la diffusion, ils ont révélé qui est la mère des enfants de Ted, le narrateur de la série. Cela fait quand même 8 saisons et 184 épisodes que le mystère est soigneusement préservé. Et comme l'épisode ne sera diffusé en France que dans quatre ou cinq ans, ne comptez pas sur moi pour vendre la mèche.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Expérience interdite dans "Phoenix" de Gaudin et Peynet


Phœnix, série écrite par Gaudin et dessinée par Peynet a des airs de « Lost », la série télé. Dans ce troisième et dernier tome de 60 pages denses, ont en sait enfin plus sur cette expérience réalisée sur une île japonaise dans les années 80, base de l'armée américaine. 
Un groupe d'enfants a été touché par cette manipulation de l'espace et du temps. Ils ont tout oublié jusqu'à ces derniers jours où ils sont sujets à d'horribles hallucinations. Qui sont ces morts d'une autre dimension, comment se déplacent-ils dans l'espace, que leur veut le gouvernement américain ? 
Suspense et fantastique pour une série qui pourrait fort bien se prolonger dans un nouveau cycle.
« Phœnix » (tome 3), Soleil, 14,95 euros

mercredi 15 mai 2013

Billet - Paris glissant...

Dérapage à tous les étages. Lundi, la tour Eiffel devait servir de décor à une belle photo de remise de titre au PSG. Le Trocadéro s'est transformé en scène de guérilla urbaine. Un premier dérapage vite dépassé par la récupération politique des heurts entre supporters incontrôlables et policiers submergés. Comme si la bêtise était communicative, certains députés UMP twittent un peu trop vite. Jean-Sébastien Vialatte, député du Var, se distingue en publiant un message ouvertement raciste. « Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves ils ont des excuses #Taubira va leur donner une compensation ! ». Repris par certains, dénoncé par beaucoup, ce tweet est effacé. Mais il permet de saisir le fond de la pensée d'un élu de la République. Beaucoup d'autres rebondissent avec un « Valls démission » plus classique et basique.
On retrouve aussi tout un lot de militants contre le Mariage pour tous faisant le parallèle entre la dure répression de la manifestation du 24 mars (souvenez-vous, Boutin gazée, Boutin outragée...) et la mansuétude des forces de l'ordre face aux casseurs. Ceux-là n'ont pas vu la vidéo de plusieurs interpellations dans un magasin de scooter, vitrine défoncée, partagée des centaines de fois sur Facebook et YouTube. Des policiers en civils y font une superbe démonstration de l'efficacité du tonfa. Dans les dents, les tibias ou les côtes, cela dissuade tout fuyard.
De toute cette affaire que retenir ? Qu'à mon avis, Pierre Desproges avait déjà tout compris en 1986 en disant : « A mort le foot ». 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Pizza aux pruneaux dans le second tome de "Mafia Tuno"


Si par malheur vous avez une petite faim, évitez la pizzéria « Chez Luigi » sortie de l'imagination de Richez, le scénariste et Stédo, le dessinateur. Ce restaurant n'est qu'une couverture à la famille Tuno pour ses activités criminelles. 

Les deux frères sont beaucoup plus souvent en train de faire du ciment pour couler des cadavres que de la pâte pour ce succulent plat typique de l'Italie. Et si par inadvertance il vous arrive de devoir avaler un bout de pizza « made in Luigi », prévoyez l'antidote qui va avec. Quand elles ne sont pas garnies de pruneaux, elles débordent de cyanure...
Cette série de gags permet à Stédo de mieux faire apprécier son trait, un peu bridé dans son autre série, « Les Pompiers ». Il signe notamment quelques caricatures très réussies. Un pur produit de l'école belge. On le verrait bien reprendre Spirou juste le temps d'une histoire...
« Mafia Tuno » (tome 2), Bamboo, 10,60 €

mardi 14 mai 2013

Billet - Les mégabites sont de sortie au printemps

 Le printemps a-t-il des effets incontrôlables sur la libido ? Depuis quelques jours un nombre incroyable de phallus fleurit sur mon écran. Une amie m'envoie par mail la photo de sa pelouse. Son fils (20 ans quand même), avait pour mission de la tondre. Elle rentre du travail, elle constate qu'il n'est pas passé partout. Et tombe des nues, une fois sur son balcon, en constatant que les parties non tondues ont la forme stylisée mais très reconnaissable d'un phallus et de ses attributs. Effet garanti auprès des voisins...
Autre mail d'un collègue. Il sait que j'aime la BD. Il a découvert cette pépite : « Tintin (à poil) au Congo ». Les planches sont identiques à l'original, si ce n'est que le héros est nu en permanence. 62 pages de zizi à Tintin. Un peu indigeste. Mais on doit sans doute considérer cela comme de l'art.
De même ce happening d'artistes russes. La vidéo a fait le tour du net ces dernières années. Ils se filment en train de bloquer une route. La circulation stoppée, ils répandent sur la chaussée des bidons de peinture blanche. La police arrive, mais c'est trop tard. Il s'agit du pont levant de Saint-Pétersbourg et le dessin s'élève majestueux, face au siège de l'ancien KGB : une « méga bite » de 15 mètres, montant vers les cieux  dans une érection phénoménale. De sexe masculin enfin il en a beaucoup été question ce week-end sur Twitter. Il s'agissait d'associer le sien au titre d'un film. Les vantards ont répondu « Big » ou « Anaconda », les modestes « Microcosmos », les pudiques « Intouchables » alors que les solitaires se sont contenté des « Petits mouchoirs »...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Les chats mégalos sont eux aussi de "Sales bêtes"

Bestiole, hamster transgénique modifié et passablement raté, tente de survivre dans la famille de dingues qui l'a adopté. Dans le monde décrit par Mazaurette (scénario) et Krassinsky (dessin), on ne recueille plus les animaux à la SPA. On les commande à la Fabrique, une société de vente par correspondance qui élabore l'animal de compagnie parfait. Bestiole est un ratage, mais Clarky, le chat de la famille, semble idéal. Rose, dodu, recouvert de petits cœurs, il est si « kawai »... Pourtant, sous cette apparence si douce et chaleureuse se cache le pire des comploteurs. Les chats, génétiquement modifiés et donc encore plus intelligents, élaborent un vaste complot pour prendre le pouvoir sur terre. Ils veulent lobotiser les humains et transformer la planète en un immense « charadis ». Bestiole va tenter de contrecarrer leurs projets. Pas pour l'amour des Humains (il est aussi teigne que les matous), mais juste pour ennuyer Clarky, le tyran du foyer. Une BD comique mais surtout diablement intelligente.
« Sale bête » (tome 2), Dupuis, 10,60 €