lundi 24 décembre 2012

Beau Livre - Fantomatique Bilal au Louvre



Le Musée du Louvre ouvre ses galeries aux auteurs contemporains de bande dessinée. Un partenariat mis en place depuis quelques années avec les éditions Futuropolis. Après David Prudhomme ou Bernard Yslaire, c'est Enki Bilal qui a eu carte blanche pour trouver l'inspiration dans ce temple de l'art. Autant dessinateur que peintre ou cinéaste, Bilal a arpenté les galeries simplement armé de son appareil photo. 
Des journées à s'imprégner de l'ambiance, à admirer les œuvres exposées et au final un travail sur 22 tirages. Et le résultat est résumé dans une phrase d'introduction : « C'est comme si au Louvre on respirait du fantôme. » Sur chaque œuvre, il a peint le portrait d'un fantôme directement concerné. Ces vies imaginaires donnent une force supplémentaire à des chefs-d’œuvre incontestables. Sur le tableau de la « Jeune orpheline au cimetière » de Delacroix, Bilal met en opposition le visage de Lantelme Fouache. Né en 1773, il est le père de Béatrix, le modèle. 
Elle pleure son père récemment décédé après être tombé dans un ravin. C'est elle qui l'a poussé : « Sept ans de viols discontinus étaient ainsi effacés. Ce matin-là, il avait commis celui de trop, et elle avait eu le courage. » Le livre présente, à côté du texte, le tableau de Bilal, la photo de « l'inspiration » et des dessins préparatoires. Un ensemble exposé à partir du 20 décembre (jusqu'au 18 mars) à la salle des Sept-Cheminées dans l'aile Sully. C'est la première exposition au sein des salles du Louvre consacrée à un auteur de bande dessinée.
« Les fantômes du Louvre » de Bilal, Louvre Editions et Futuropolis, 25 euros.


Vidéo : l'autre visage de Bugarach

BD - Phil Perfect, la classe de l'intégrale


Serge Clerc
, habitué du festival du disque et de la bande dessinée de Perpignan, est le créateur de Phil Perfect. Ce détective rocker, dandy et moderne, a évolué dans les pages de Rock & Folk et Métal Hurlant, essentiellement durant les années 80. Cette intégrale de près de 280 pages reprend les récits et illustrations ayant fait le renommée du « dessinateur espion ». Mais avant de plonger dans « La nuit du Mocambo » ou « L’allégorie du Rock & Roll », découvrez l'incroyable parcours de ce lycéen de province, devenu en quelques mois, avec Moebius et Druillet, un des piliers de « Métal Hurlant ». Il y croisera Yves Chaland, son jumeau de plume, et affinera son style pour aller vers « le fouetté de Jijé, magnifique et sensuel. »
Cette intégrale, très classe, ravira tous les quinquas, nostalgiques de leur jeunesse rebelle.
« Phil Perfect, l'intégrale », éditions Dupuis, 32 euros.


dimanche 23 décembre 2012

BD - Lanfeust en cavale



Rien ne va plus pour Lanfeust. Accusé du meurtre du grand sage Nicomède, il est en cavale. Il doit retrouver le jeune Rypleh, seule personne pouvant l'innocenter. 
« La grande traque », 4e partie de Lanfeust Odyssey, est un album d'ambiance. Pas de grande nouveauté dans l'intrigue générale mais beaucoup d'action et des combats mémorables, notamment contre des serpents géants dans la ville d'Euxine, construite dans des arbres gigantesques créés graphiquement par Tarquin
L'occasion aussi pour Arleston, le scénariste, de mieux détailler les rapports du jeune héros et de ses quatre épouses. Un humour scabreux, plein de sous-entendus, tout ce qui fait le succès d'Arleston depuis pas mal d'années.
« Lanfeust Odyssey » (tome 4), 13,95 €


samedi 22 décembre 2012

Billet - Bugarach, le jour d'après...


Exploit international ! J'ai résisté à la facilité et boycotté la fin du monde et le show médiatico-pathétique de Bugarach durant une semaine. Aujourd'hui, samedi 22 décembre, le jour d'après, rien de neuf sur la planète. Pas d'apocalypse. Ni de renouveau. Juste un sentiment étrange, presque un malaise, à l'écoute de certains témoignages. Le fameux Sylvain, « Christ cosmique », a crevé l'écran. Un gentil frapadingue. Sauf qu'il se présente parfois comme enseignant (médium ou musicien aussi, un vrai schizophrène). Mais qui oserait confier l'éducation de ses gamins à cet illuminé de première ? 

Lancée par Internet, la prétendue fin du monde du 21/12/12 a occupé tous les esprits. Mais pour un internaute prenant au sérieux le phénomène, il y en avait mille pour en rire. Sur Twitter, le compte à rebours a fonctionné toute la semaine. Les abonnés ont profité de l'occasion pour se confesser ou annoncer ce qu'ils feraient si leur dernier jour était vraiment venu. Beaucoup d'allusions graveleuses au final. Peu de vœux pieux. 

A Bugarach, les petits hommes bleus sont plus nombreux que les verts. Le petit village audois est devenu une attraction planétaire. La tranquillité pour les habitants, ce ne sera pas avant lundi. 

La rédaction de l'Indépendant est encore mobilisée ce week-end. Rendez-vous sur le compte Twitter @lindep_bugarach pour vivre en direct les derniers soubresauts de cette « non fin du monde ».

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 21 décembre 2012

Billet - Tout schuss virtuel sur les pistes de Font-Romeu


Je dois bien vous l'avouer, je ne suis pas très sports. Encore moins sports d'hiver. Jamais mis les pieds sur une piste de ski, encore moins dans les chaussures du même nom. Mais je ne mourrai pas idiot, Google Street me permet enfin de ressentir les sensations d'une descente tout schuss. Après avoir photographié toutes les rues et routes de France, les caméras à 360° du moteur de recherche dévalent les pistes des stations. Je me mets en condition : radiateur du salon au minimum, doudoune, bonnet et gants. Non, pas les gants. Pas très pratique pour la souris... Premier test : Les Angles. La piste est large, le ciel dégagé, les sapins nombreux. Décor de rêve. Je me place face au vide et me projette virtuellement 100 mètres plus bas. L'impression de descente est grisant. Il ne manque que le bruit des skis sur la neige glacée...


Et aucun risque de percuter un autre skieur ni de finir contre un arbre. Je m'arrête à mi-pente, fais une rotation complète de l'image et admire le paysage. Sublime.
En dix secondes et trois clics de souris, je me retrouve sur les sommets de Font-Romeu. Le ski sur Google Street permet aussi de zapper les interminables files d'attente. La piste, plus à pic, donne une impression de chute encore plus prononcée. Arrivé en bas, je repars... en sens inverse. Avec Google vous pouvez remonter une piste noire aussi vite que vous la descendez ! Et ça, même les champions ne peuvent pas le faire.  

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Canada illustré dans l'imaginaire de Seth


Le Canada, l'autre pays de la BD ? On pourrait le croire en lisant cet album de Seth. Il imagine une ville, Dominion, et un club sélect, la confrérie des cartoonists du Grand Nord. Une maison pour accueillir les dessinateurs vedettes du moment. Plongez dans ce monde feutré et totalement imaginaire. Seth raconte la vie des auteurs mais aussi de leurs créations. Et on se surprend à lire ce roman graphique comme un documentaire. Comment ne pas croire à l'existence réelle de Bartley Munn, l'inventeur en 1959 de Koa-Kuk, l'astro-eskimo ? Comment se procurer un album de Canada Jack, un des héros les plus mystérieux du Grand Nord ? Qu'est devenu Pefferlaw, l'auteur d'un unique album, « The Great Machine », BD sur un monde souterrain peuplé de machines inutiles ? Cette histoire c'est un peu le catalogue de toutes les BD que Seth aurait aimé lire en étant jeune. En les citant comme de véritables œuvres, il leur donne une vie, une existence, encore plus formidables que si elles étaient réelles. La première BD sur de fausses BD...
« La confrérie des cartoonists du Grand Nord », Delcourt, 22,95 €

Billet - Instagram a mal

Vous faites des photos avec Instagram, le logiciel les transforme en dollars sonnants et trébuchants. Sympa le concept. Problème : les dollars restent dans l'escarcelle de la société rachetée par Facebook pour un milliard. Une simple modification dans les conditions d'utilisation de la marque enflamme les réseaux sociaux. La plate-forme annonce le 18 décembre qu'elle s'octroie le droit de vendre les photos passées par ses filtres. Exit le droit d'auteur ! Colère des utilisateurs. Nombreux sont ceux à annoncer leur intention de se passer de ce service censé donner du « cachet » à des photos quelconques. Instagram a fait, hier, son mea culpa.
Après la brouille avec Twitter, ce nouveau coup dur pour le logiciel a donné des idées à de nombreux concurrents. Côté vintage, la palme revient à « Hipstamatic ». Ses filtres seraient directement inspirés des effets proposés par un appareil argentique du même nom fabriqué en 200 exemplaires seulement en 1980 dans une petite ville du Wisconsin. Rare et mythique : tout pour plaire aux geeks branchés. Même si au final, il ne s'agit que d'une légende fabriquée de toute pièce par des publicitaires plus malins que la moyenne. Une entourloupe suffisante pour placer Hipstamatic en très bonne place face à Instagram. D'autant qu'à l'arrivée, les photos sont encore plus floues, encore plus saturées, encore plus trafiquées. En un mot : moches !

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant.

mercredi 19 décembre 2012

Billet - Ma cuisine en 3D



Notre nouvelle maison (voir chronique de lundi) est une de ces vieilles bâtisses typiques des bourgs des Pyrénées-Orientales. La cuisine se limite à un évier et deux placards. « Tout est à refaire ! » décrète ma femme.

Entre le compromis de vente et le déménagement, il nous reste trois mois pour plancher sur cette nouvelle cuisine. Chance, il existe des logiciels en ligne pour concevoir, en 3D, l'agencement idéal en fonction de vos contraintes, goûts et budget. Première difficulté, les deux derniers paramètres sont rarement convergents : le beau est cher, le moche économe.
Après une vaine tentative de télécharger le logiciel d'un fabricant suédois, je me rabats sur une enseigne française, alliant royalisme et magie. Et là, je me dis que les fameuses ménagères de moins de 50 ans ne sont certainement pas aussi cruches que le pensent les publicitaires, car je n'ai pas été capable de passer la première épreuve : définir les dimensions de la pièce et placer portes et fenêtres... J'ai vaguement installé un lave-vaisselle, mais mon évier a toujours refusé de se fixer au bon endroit...
Il faut au minimum un diplôme d'architecte pour maîtriser la bête. Ou avoir un peu de sens pratique.
Heureusement mon épouse n'en manque pas. Sans logiciel, mais armée de son mètre, elle a imaginé une cuisine fonctionnelle, lumineuse et élégante, tout acheté en kit et supervisé le montage ! J'ai juste été sollicité pour acheter les chants du plan de travail oubliés dans la commande. Pauvre de moi, je ne savais même pas ce que c'était...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.

Thriller - Souvenirs radioactifs dans "AtomKa" de Franck Thilliez

Alors que Sharko et Lucie essaient vainement d'avoir un enfant, les deux flics imaginés par Franck Thilliez plongent dans une affaire entre science et folie meurtrière.

Un bon thriller, comme les grandes recettes, nécessite des ingrédients de qualité. L'intrigue fait beaucoup, mais sans des personnages forts et des rebondissements minutés, il y a toutes les chances que la sauce ne prenne pas. Franck Thilliez a parfaitement intégré cette règle. Depuis quelques années il ajoute à ses romans une part de feuilleton avec deux personnages centraux: Sharko et Lucie. Deux écorchés, aux parcours chaotiques, pleins de drames et de sang. Collègues, ils sont devenus amants. Comme pour conjurer un double mauvais sort. Mais qu'il est difficile de prétendre à sa part de bonheur quand son quotidien est fait de meurtres, enlèvements et autres crimes sadiques.
« Atomka » est un roman policier de circonstance pour ce qui est de la météo. Il règne en permanence un froid glacial, quasi mortel. Tout débute par la découverte du corps d'un journaliste d'investigation à son domicile. Il est mort de froid. Le tueur l'a enfermé vivant dans un congélateur. Et a même percé un petit trou dans le couvercle pour assister à l'agonie. Enquête classique au début. Sharko retrace la vie de Christophe Gamblin. Relations de travail. Derniers articles parus.
Une première partie un peu lente car l'auteur veut aussi dérouler un peu de la vie privée de ses deux héros. Lucie veut un enfant. Avec Sharko. Mais leurs efforts restent vains. Sharko se résout à faire une analyse de son sperme pour déterminer si le problème ne vient pas de son côté. Mais en cachette de sa compagne. Comme s'il culpabilisait.
Un passage familial de courte durée car l'affaire du meurtre du journaliste se corse. Il enquêtait sur une série d'accidents dans des lacs gelés. Et les policiers arrivent à la conclusion que Gamblin était sur la piste d'un psychopathe s'attaquant aux femmes. Il les enlevait, les droguait et les jetait dans l'eau glacée. Immédiatement il téléphonait aux secours. Certaines n'ont pas survécu, d'autres ont été sauvées, mais après un laps de temps plus ou moins long de mort virtuelle dans les eaux gelées.

Les limites de la mort
Où se situe la limite de la mort ? Cette question semble tarauder le psychopathe. Une autre journaliste était sur ses traces. Elle a disparu. Sharko et Lucie vont se lancer à sa recherche, la suivre dans ses déplacements, en France et à l'étranger. Le roman va faire voyager le lecteur. Des montagnes enneigées près de Grenoble au désert du Nouveau-Mexique. Avec rapidement un dénominateur commun : la radioactivité.
Et le roman atteint son paroxysme quand les enquêteurs découvrent d'autres victimes, des enfants malades. Lucie, encore sous le coup de la perte de ses deux fillettes, vit très mal cette évolution.
Sharko va tenter de la protéger au maximum, mais pour lui aussi des souvenirs pénibles reviennent à la surface. Il semble que son ennemi absolu, l'Ange Rouge, ait fait des émules. Les deux policiers, pris entre leur enquête et des souvenirs pénibles, auront toutes les difficultés pour se concentrer et retrouver leur efficacité.
Un thriller redoutable d'efficacité. On est doublement accroché. Par l'enquête tournant autour des séquelles de la radioactivité, mais aussi (et surtout) par les doutes existentiels des deux héros. Lucie si fragile mais inflexible, Sharko, déterminé mais plein de doute.
Michel LITOUT
« Atomka », Franck Thilliez, Fleuve Noir, 21,90 €