jeudi 17 mai 2012

BD - Aliénor d'Aquitaine, jeune Reine ambitieuse


Aliénor n'est qu'une adolescente quand elle est mariée avec Louis, le futur roi de France. Lui aussi est très jeune. Le mariage à peine consommé, il doit succéder à son père. Porté sur le trône, ce gamin qui préfère la prière aux intrigues de la cour est sous la coupe de sa mère et de l'abbé Sauger. Ce sont eux les véritables maîtres du royaume. Mais Aliénor veut elle aussi avoir son mot à dire. L'ex-duchesse d'Aquitaine va jouer de ses charmes pour orienter les choix du roi. La première partie de cette série inaugurant la collection « Les reines de sang » nous fait découvrir une maîtresse femme, prête à tout pour assoir son pouvoir. 

Le scénario de Simona Mogavino et Arnaud Delalande mêle habilement grandes dates historiques et petits faits du quotidien. Les auteurs apportent un peu de romance avec le jeu trouble d'un troubadour et d'un chevalier italien, sans terre mais beau garçon et fougueux au lit. Car l'histoire d'Aliénor c'est aussi celui d'une femme maniant parfaitement l'art de la séduction pour arriver à ses fins. Et sous la plume de Carlos Gomez, elle est d'une éclatante beauté.

« Aliénor, la légende noire » (tome 1), Delcourt, 14,30 €

mercredi 16 mai 2012

Roman - Sur la route de la vie en compagnie de Maryline Desbiolles

Maryline Desbiolles observe les travaux de rénovation de la route passant près de chez elle. Un prétexte pour explorer passé et présent de ce lieu de passage.

La Fontaine de Jarrier est la route reliant Nice à Turin. La route de la montagne. Celle, tortueuse, qu'empruntaient jadis marchands, nobles et brigands. Aujourd'hui, elle est délaissée au profit de la celle du littoral. Mais elle est quand même utilisée. Et toujours dangereuse. Ces travaux font suite à un accident mortel. Et des morts, il y en a eu beaucoup au fil des siècles. Ce court roman de Maryline Desbiolles, écrit dans un style saccadé, au prétexte de raconter des travaux routiers, se penche sur des existences. Les habitants actuels, derniers des Mohicans d'une province en déshérence, et ceux du passé. Car une route n'est rien sans les hommes. Ceux qui ont décidé de la construire et ceux qui l'empruntent.

Cela commence par un face-à-face détonnant. L'auteur raconte. Sur le trottoir, Sasso, sur le chantier Mana. Le premier habite là depuis des décennies. Le vieillard, récemment veuf, est « assis sur une chaise qu'il a sortie de chez lui, et qui depuis ce qui reste de trottoir assiste sans bouger à ce qui est somme toute un spectacle faramineux. » Dans ce vacarme, Mana, « un vieux type buriné dont le bonnet cache les cheveux blancs. » Mana « a pris sa retraite de l'entreprise à 74 ans, il y a quatre ans. Il y travaille toujours, mais comme intérimaire, sa retraite est trop maigre. »

La mort au tournant

Sur cette route en réfection, recouverte de goudron frais, d'enrobé exactement, Maryline Desbiolles va y découvrir des secrets, des vies cachées, des destins. De sa création, du temps de la gabelle, à son utilisation intensive par les brigands, elle dresse le portrait historique de cette région des hauteurs de Nice. On croise donc les brigands, déguisés comme au carnaval, dérobant bijoux et vêtements de luxe aux nobles. Plus tard, dans ce virage, un jeune résistant sera abattu par des Allemands. Pas loin de l'endroit où des jeunes à scooters vont aussi perdre la vie. Mais cette fois, l'armée d'occupation n'y sera pour rien.

La vie, la mort dans les maisons aussi. Gaby par exemple a acheté cette belle et grande demeure. Elle s'y est installée avec un fiancé musclé, trop influencé par les émissions de décoration. Il va tout casser dans la maison, jetant les gravats par la fenêtre dans la cour. Et puis il disparaît. Gaby se retrouve avec une coquille vide, seule, cherchant à revendre cette ruine, par tous les moyens...

Chaussée étrillée

Et puis tout en revenant sur les vies qui jalonnent cette route, l'auteur poursuit sa description des travaux qu'elle observe, fascinée. Les travailleurs de la nuit « rabotent la chaussée, lui ôtent sa vieillerie, les couches d'asphalte ancien que la raboteuse crache dans le camion qui l'accompagne, on voit les traces des dents de la raboteuse sur la route ainsi mise à nu, la route est écorchée puis violemment lavée, la chaussée est écorchée puis étrillée par les brosses du camion avec un vacarme d'avion qui décolle. »

Ce roman sur un petit coin de France, tel un long poème en prose, fera que jamais plus vous ne regarderez un chantier routier de la même façon.

« Dans la route », Maryline Desbiolles, Seuil, 16,50 €

mardi 15 mai 2012

Billet - Les lolcats peuvent nous rendre plus intelligents !

Telle une invasion d'extraterrestres ou de sauterelles, on les trouve partout sur la toile. Les lolcats prolifèrent dans vos boîtes mail, sur les forums et ont de plus en plus de sites dédiés. Ces photos mettent en scène des chats dans des postures inhabituelles, comme s'ils singeaient des humains. Avec ou sans trucage, elles font sourire. Finissent par exaspérer aussi. Pour beaucoup elles représentent la preuve irréfutable de la futilité - voire inutilité ou nuisance - d'internet. Une théorie empirique battue en brèche par une récente étude de Kate Miltner, étudiante à la London School of Economics (LSE). Dans un mémoire de 100 pages mis en ligne, elle constate que les lolcats ont au moins une vertu : ils permettent aux internautes d'entrer en contact, de se socialiser et participent ainsi au fonctionnement d'une intelligence collective.

Oui, les lolcats rendent plus intelligents ! Certains artistes l'ont déjà compris. Ainsi des cinéastes américains ont lancé une souscription pour financer un long métrage participatif. Des scènes lolcats puisées sur la toile seront insérées dans l'intrigue.

A Lyon, un étudiant aux Beaux-Arts a mis en scène deux chats noirs au milieu de bougies et de jouets pour réinterpréter certaines oeuvres de Gilbert et Georges, les artistes anglais iconoclastes.

Dans ces deux cas, les lolcats non seulement rendent plus intelligents, mais participent à l'évolution de l'art contemporain... Enfin pas si contemporain, les premières photos amusantes de chats seraient l'oeuvre de l'Anglais Harry Pointer... en 1870.

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce lundi 14 mai 2012 en dernière page de l'Indépendant) 

BD - Éducation simiesque pour le "Roi des Singes"


Un homme parmi les singes. Un homme roi des singes. Ce thème cher à la littérature populaire est au centre des aventures de John Arthur Livingstone, écrites par Bonifay, dessinées par Meddour et mises en couleur par Paitreau. Une BD librement inspirée de la véritable vie de Saturnin Farandoul. Dans l'océan Indien, un radeau de fortune s'échoue sur une plage. Un bébé crie. Une femelle orang-outan le recueille l' humain et l'élève avec ses propres petits. Des années plus tard, des Européens découvrent cet enfant-singe. 

Capturé, il est placé dans une pension en Afrique. Saturnin, rebaptisé John Arthur, découvre une nouvelle race : les bonobos. A l'âge adulte, John Arthur est exhibé à Londres. Il fait des conférences sur son expérience et tombe amoureux d'une belle rousse. Mais au même moment, une série de meurtres de femmes aux mœurs légères met la capitale anglaise en émoi. Qui est ce monstre sanguinaire ? A-t-il un rapport avec le roi des singes ? 

Un album éclatant de couleurs, des verts de la jungle aux noirs des bas-fonds britanniques.

« John Arthur Livingstone » (tome 1), Vents d'Ouest, 13,90 € 

lundi 14 mai 2012

BD - Petit et Cro-Mignon le Larh-Don de Dav, Vatine et Cassegrain


Comment vivaient les enfants au temps des hommes des cavernes ? On sait tout de la bravoure et de l'intelligence de Rahan et Tounga, mais que faisaient-ils quand il étaient petits ? La réponse se trouve dans ce premier recueil de gags de Larh-Don, Fils de l'âge bête. Un parti-pris comique très réjouissant. Dav et Olivier Vatine ont écrit les scénarios mis en images par Didier Cassegrain.

Bref du très beau monde pour une série humoristique rapidement devenue une des vedette de la revue Lanfeust Mag. Larh-Don, blondinet gaffeur, est très peureux. La moindre petite bête le fait fuir. Aussi quand il doit partir à la chasse au T-Rex, il n'est pas rassuré. Larh-Don n'est pas seul à faire rire le public : son père, grosse brute très limitée est une ressource inépuisable de gags. Les copains de Larh-Don aussi sont des pros de la bêtise. Notamment les jumeaux Bouzhofion et Krothofess principaux générateurs d'humour caca boudin.

Mais la meilleure série de gags reste celle mettant en avant les efforts de mimétisme avec les animaux. Cela commence toujours bien mais finit en catastrophe...

« Larh-Don » (tome 1), Soleil, 10,50 € 

dimanche 13 mai 2012

BD - Enquête et kung fu avec les aventures de Ling-Ling

Ling-Ling est une jeune Chinoise téméraire. Orpheline, elle ne veut pas devenir esclave, ou pire, épouse. A 13 ans, elle rejoint un maître de kung fu. Bien qu'à la retraite, il accepte de la former. Cinq années de rudes épreuves mais aussi de joie et d'amitié pour la fillette se transformant en femme. A la fin de son apprentissage, elle part pour le vaste monde, laissant son maître au silence et à la méditation. 

Les aventures de Ling-Ling sont écrites par Escaich (la moitié de Béka des Rugbymen) et dessiné par Marc N'Guessan. Abandonnant le pur réalisme, le dessinateur toulousain simplifie son trait, lui donnant grâce et légèreté, toujours avec cette lisibilité remarquable. La première enquête de Ling-Ling, parue en janvier, raconte comment elle est embauchée au bureau des rumeurs, sorte d'officine secrète chargée de découvrir les secrets les mieux gardés. 

La seconde, chez votre libraire depuis fin avril, relate la recherche de perfection d'un calligraphe. Intrigues innovantes, planches truffées de gags, pléthore de jeux de mots, personnages attachants : cette série a tout pour elle.

« Ling-Ling » (tomes 1 et 2), Bamboo, 13,90 €






 




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samedi 12 mai 2012

Thriller - La Suède des lourds secrets dans "Hanna était seule à la maison" de Carin Gerhardsen

Adolescente étranglée sur un ferry, jeune mère retrouvée morte dans un container : double crime pour les policiers suédois Sjöberg et Westman.


Coup d'essai coup de maître. « La maison en pain d'épices », premier roman policier de Carin Gerhardsen s'est imposé comme un de ces petits bijoux de suspense psychologique à la suédoise. Avec « Hanna était seule à la maison », l'ancienne consultante en informatique devenue romancière confirme son talent. On retrouve les deux policiers de Stockholm au centre de la première enquête: Conny Sjöberg, le père de famille placide, et Petra Westman, belle, célibataire et parfois imprudente. Conny et Petra, faux couple, dont les déboires personnelles apportent encore plus d'humanité à un thriller qui vous fera frissonner jusqu'à la dernière page.

Avant de retrouver les figures connues, la romancière plante le décor, présente les personnages secondaires. Une jeune fille, issue d'une famille à problèmes, est étranglée sur un ferry qui fait la liaison entre Stockholm et la Finlande. Sa petite sœur de 14 ans se retrouve seule, confrontée à une situation qu'aucune adolescente ne devrait connaître.

En faisant son jogging, l'inspectrice criminelle Petra Westman découvre au milieu des buissons un nourrisson dans un état d'épuisement avancé, à proximité du cadavre d'une femme sans aucun papier d'identité.

Au même moment, une petite fille de 3 ans se réveille et découvre qu'elle est seule chez elle. Son papa est en voyage à l'étranger et sa maman est sortie avec son petit frère. Hanna se retrouve sans personne, enfermée à clé dans l'appartement familial. Et le temps s'écoule...

On tremble pour Hanna

Le roman se déroule sur trois plans différents, qui vont au final se rejoindre pour un coup de théâtre époustouflant. Si la majeure partie du récit est constitué du déroulement des enquêtes, les passages les plus marquants sont ceux décrivant l'enfermement de la petite fille. Hanna n'a que 3 ans mais est persuadée qu'elle peut se débrouiller comme une grande. Elle trouve à manger (un plat surgelé qui n'a pas le même goût que celui de sa maman mais qui reste délicieux), parvient à s'habiller, se passe de couches et va aux toilettes (une fois sur deux, mais c'est mieux que rien) et même allumer la télé (mais pas choisir le programme). On va suivre l'évolution de sa pensée, le rejet de sa mère qui l'abandonne, l'espoir que son papa (en voyage d'affaires au Japon) revienne le plus vite possible. Inquiète, elle décide de téléphoner pour demander de l'aide. Elle compose des numéros au hasard. Tombe finalement sur une vieille dame qui croit à son histoire et va tout faire pour la retrouver. Mais d'autres dangers guettent Hanna, innocente fillette, proie facile pour ces prédateurs cachés dans l'ombre, en Suède comme ailleurs...

Le portrait de la Suède proposé par Carin Gerhardsen est peu réjouissant. Petra harcelée par son supérieur hiérarchique, Sjöberg, mari aimant, obsédé dans ses rêves par une femme rencontrée au cours de sa précédente enquête. Une femme avec laquelle il va franchir le Rubicon. Pourquoi une adolescente est prête à se prostituer pour quelques billets ? Qu'est-ce qui empêche de réagir un jeune homme sous la coupe d'un père violent et d'une mère infirme ?

C'est sombre, peut reluisant mais terriblement humain. Et l'auteur, en bon feuilletoniste, ménage le suspense, notamment dans l'évolution des sentiments de ses deux principaux personnages. On referme ce livre en se disant, à juste titre, vivement la suite.

« Hanna était seule à la maison », Carin Gerhardsen, Fleuve Noir, 19,90 €  (également disponible en poche chez 10/18)

Billet - Pierre Salviac et le tweet de trop



Twitter ce n'est pas la troisième mi-temps d'un match de rugby très arrosée. Ni le lieu pour y dévoiler ses pires travers. Pierre Salviac, ancien commentateur du rugby à la télévision, chroniqueur sur RTL, s'est cru marrant en recommandant à ses « consœurs », de coucher utile, ainsi « vous avez une chance de vous retrouver première Dame de France ». Tollé immédiat. Beaucoup de journalistes femmes ont dénoncé sa misogynie, sa bêtise voire sa connerie. Il a bien tenté de s'excuser dans un premier temps. Mais Jacques Esnous, directeur de la rédaction de RTL annonçait la fin de la collaboration de Pierre Salviac avec la radio de la rue Bayard.

Paradoxalement, devenir la bête noire d'un réseau social n'a pas que des désavantages. Salviac, se présentant comme « vanneur et persifleur », a vite rebondit. Et de se féliciter : « Le jour où je perds un employeur je franchis allègrement la barre des 10 000 followers. »

En fait, Pierre Salviac doit avoir un sérieux problème avec les femmes de François Hollande. Avant ce tweet assassin contre Valérie Trierweiler, il avait violemment attaqué Ségolène Royal lors de son parachutage aux législatives à La Rochelle. En réaction, il voulait même se présenter car se considérant « plus légitime qu'elle ». Il y avait renoncé en février. Maintenant qu'il a un peu de temps libre, il va peut-être revenir sur sa décision ? Et créer dans la foulée le parti de la Beaufitude. Le poste de président est pile-poil dans ses compétences.
(Chronique "ça bruisse sur le net" parue en dernière page de l'Indépendant ce vendredi 11 mai)

jeudi 10 mai 2012

BD - "Gringos locos" : trois Belges en vadrouille


En 1948, craignant une troisième guerre mondiale nucléaire en Europe, le dessinateur Jijé décide de s'expatrier aux USA en compagnie de toute sa famille. Il emporte dans ses bagages deux jeunes auteurs, Morris et Franquin. Ce périple totalement délirant fait partie de la légende de la BD franco-belge. 


Ces trois génies ne parviendront pas à se faire embaucher par les studios Walt Disney et trouveront une porte de sortie au Mexique, continuant leurs séries respectives (Spirou, Lucky Luke) depuis Tijuana. Yann, le scénariste, a cette idée d'album en tête depuis des années. Il a collecté les anecdotes de la bouche même de Franquin. 

Dessinée par Schwartz, cette épopée est très romancée. Un peu trop au goût des héritiers qui ont bloqué la parution de l'album, puis obtenu le rajout d'un texte présentant « leur vérité ». Un complément documentaire qui enrichit cet album événement, très attendu et particulièrement réussi.

« Gringos locos », Dupuis, 14,95 € 

mercredi 9 mai 2012

BD - La "deuxième génération" après la Shoah


Un peu en écho à « Maus » d'Art Spiegelman, Michel Kichka publie « Deuxième génération, ce que je n'ai pas dit à mon père ». Dessinateur de presse d'origine belge et vivant actuellement en Israël, Michel Kichka est le fils d'un rescapé des camps de la mort. Né en 1954, Michel va découvrir, ce qu'était ces camps. Dans les livres et aussi dans les histoires de son père. C'était presque un enfant quand il s'est retrouvé entre les barbelés en compagnie de toute sa famille. 

Lui seul en sortira vivant. En racontant son enfance, l'auteur raconte aussi toute la difficulté de communiquer et de vivre avec un rescapé de la Shoah. On se laisse entraîner dans ces souvenirs d'enfance entre joies simples et prises de conscience. Et le récit devient universel quand il aborde les difficultés de communication à l'intérieur d'une famille ou la perte d'un être cher (son petit frère). Un roman graphique à mettre entre toutes les mains. Des fils... et des pères.

« Deuxième génération », Dargaud, 17,95 €