mardi 8 mai 2012

BD - "Conquistador" de Dufaux et Xavier : la folie de l'or


Après la série sur les Croisades, Jean Dufaux (toujours avec Xavier au dessin), entreprend de romancer l'épopée des conquistadors. Le premier tome, fort de 64 pages, débute alors que Cortés est toujours considéré comme une divinité par l'empereur aztèque. Mais les prêtres doutent de plus en plus et les Espagnols sentent qu'il va falloir faire vite pour mettre la main sur le fabuleux trésor. Des montagnes d'or qui font saliver les nombreux mercenaires embarqués avec Cortés. 

L'album raconte comment une petite troupe est formée avec pour mission de dérober le plus de métal précieux. Premières pages sur la formation du commando, puis place à l'action et entrée en scène du fantastique. Les mercenaires ont réveillé une créature mythique et elle n'est pas contente... 

Superbement dessinée, cette série est palpitante. Dufaux est toujours aussi bon dans la création de personnages atypiques.

« Conquistador » (tome 1), Glénat, 14,95 € 

lundi 7 mai 2012

Billet - Quand mentir ou "jouer du pipeau" devient un art...

En pleine campagne électorale, on redécouvre le charme des bonimenteurs invétérés et autres affabulateurs compulsifs. Si vous n'êtes pas trop à l'aise dans le mensonge, rabattez-vous sur le Pipotronic, un petit logiciel libre adaptable à toutes les situations.

A la base, ce générateur de phrases convenues est un hommage au langage technocratique. De nombreuses versions circulent en fonction des circonstances. Admettons, vous avez réussi à vous incruster dans une soirée karaoké réservée aux prix Nobel de physique-chimie (ils sont comme tout le monde, après le boulot ils aiment se détendre). Pour bramer « Les lacs de Connemara » de Sardou ou ânonner « Voyages, voyages » de Désireless, pas de problème. Vous savez faire. 

Mais si entre les chansons il faut parler ? Rabattez-vous sur la version « Physicotron » imaginée par Lorraine Montel. « Histoire de passer pour un génie de la science, un Einstein méconnu, un type à la pointe de la modernité. Bref, pour faire semblant d'être un physicien des particules » explique-t-elle. Reste à placer dans la conversation, et au bon moment : « Inversement, les protons du noyau échangent de l'énergie avec les ondes gamma de charge inconnue en fusionnant avec des photons incidents de masse plus élevée. » Pas évident que cela impressionne un prix Nobel, mais l'effet est garanti sur cette mignonne brunette. Elle chante moins bien que Magali Vaé (c'est dire) mais a d'autres atouts remarquables.

Merci Physicotron !

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue vendredi 4 mai en dernière page de l'Indépendant)

dimanche 6 mai 2012

BD - Paroles de bêtes dans les aventures de Cerise, fille de Laurel


Cerise est une petite fille de 9 ans comme les autres. Intelligente, joueuse, espiègle, elle aime les animaux. Tous les animaux, des chats de la maison (Brume et Pelote) aux araignées ou escargots. Aussi quand elle voit un sale gamin écraser un pauvre gastéropode, son sang ne fait qu'un tour. Recueillant la pauvre petite bête agonisant dans ses mains, cette dernière lui donne le don de communiquer avec les animaux. Un début un peu tiré par les cheveux mais qui permet ensuite à Laurel, la dessinatrice (et mère de Cerise) de multiplier les gags et histoires courtes. 

Directement inspirées de sa vie (Laurel est la célèbre blogueuse de « Un crayon dans le cœur ») ces scénettes sont parfois poétiques, souvent drôles et amusantes. Cerise, petite fille un peu naïve, est souvent la victime des blagues de sa mère. Mais elles ne sont jamais méchantes et on sent une réelle complicité entre elles. Cela fait tout le charme de ce premier album.

« Cerise » (tome 1), Le Lombard, 10,60 € 

samedi 5 mai 2012

BD - Adorable Caroline Baldwin...


La belle et sexy Caroline Baldwin poursuit son combat contre les méchants. La brune s'attaque cette fois à une organisation secrète qui projette d'assassiner, à Montréal, les présidents des Etats-Unis et de la Chine. Aventure rondement menée par André Taymans, l'auteur de la série, sa création la plus personnelle. 

D'ailleurs il décline son héroïne sur le net, avec un clip vidéo et prochainement un long métrage. Le projet n'est encore qu'en phase d'écriture, mais Caroline a suffisamment de potentiel pour qu'elle s'épanouisse sur grand écran.

« Caroline Baldwin » (tome 16), Casterman, 11,95 € 

vendredi 4 mai 2012

BD - La folle expérience du Protocole Pélican se poursuit


Second tome du Protocole Pélican, thriller scientifique écrit par Marazano et dessiné par Ponzio. La douzaine de cobayes humains, enlevés aux quatre coins du monde et conduits sur une plateforme pétrolière ne comprennent toujours pas ce que les gardiens attendent d'eux. Prisonniers, maltraités, chacun réagit différemment. Le responsable du projet semble chercher une personnalité en particulier. Et pour faire accélérer le verdict, les cobayes sont laissés seuls, sans gardiens, sur la plateforme. 

Là encore, les réactions sont très différentes... Une série angoissante pour montrer toute la folie de certains scientifiques.

« Le protocole pélican » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

jeudi 3 mai 2012

Roman - Rallumez les Lumières, message du "Cerveau de Voltaire" de Franck Nouchi

Un illuminé, regrettant l'époque des Lumières, dérobe le cerveau de Voltaire pour tenter de cloner et ressusciter le célèbre penseur.


Roman foisonnant d'idées et de références, « Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi est aussi une charge sans concession contre les penseurs d'aujourd'hui. Alors que Voltaire, en son temps, était l'intellectuel le plus connu et respecté d'Europe, que son avis était régulièrement pris par tous les « Grands » du monde, aujourd'hui les rares intellectuels font figure d'imposteurs médiatiques. C'est du moins le message développé en filigrane dans ces 200 pages, premier ouvrage de fiction de ce journaliste du Monde, tournant parfois au pamphlet.

Dans un avant-propos très didactique, le lecteur apprend que Voltaire « meurt le 30 mai 1778 dans d'horribles souffrances ». L'autopsie révèle que « le cœur était très petit, le cerveau très gros ». Les deux organes ont été conservés. Le cœur dans le salon d'honneur de la Bibliothèque nationale, le cerveau, après moultes péripéties, à la Comédie Française.

Intellectuels étrillés

De nos jours, en prévision d'une exposition hommage à Voltaire, le Professeur Grunberg, chef du laboratoire du musée de l'Assistance publique, charge la jeune scientifique Clélia Cohen de décrypter le génome du grand intellectuel. Des recherches qui donnent l'idée à un illuminé de cloner Voltaire. Dans ce but, il dérobe le cerveau de Voltaire. Le roman devient alors policier, avec l'entrée en scène du commissaire Marcel Attias. Avec la ravissante Clélia, c'est le personnage clé du roman. Ce flic un peu bourru, juif pied-noir, est une légende du Quai d'Orsay. Il a gardé un petit accent chantant. Mais « c'est un dur à cuire, l'un de ces flics incapables de lâcher une affaire tant qu'il ne l'avait pas résolue. » Attias, en plus de l'enquête de terrain, va se pencher sur l'œuvre de Voltaire et c'est à travers ses yeux que l'on redécouvre le parcours du maître des Lumières.

Et puis une revendication arrive. Une lettre anonyme qui annone que « dans une vingtaine de mois, peut-être moins, je serai en mesure de mettre au monde de nouveaux Voltaire. Pour le plus grand bien de l'Humanité qui en a tant besoin. » Le roman change à nouveau de direction, explorant les coulisses des recherches sur le clonage humain. Et Attias, tout en multipliant les interrogatoires, n'avance pas d'un millimètre.

En désespoir de cause il demande conseil à quelques intellectuels et faiseurs d'opinion. C'est la partie la plus jouissive du roman car Franck Nouchi n'est pas tendre pour les BHL, Sollers, Alain Minc et autres Plenel. Et on doit admettre dans son sillage que les penseurs de notre époque sont bien ternes en comparaison de Voltaire. C'est un peu la morale de cette histoire sans fin : un grand homme l'est surtout par son unicité. Celui du XXIe siècle n'est pas encore connu. A moins que cette histoire de clonage ne se réalise un jour...

« Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi, Flammarion, 18 € (disponible également au format poche chez J'ai Lu) 

mercredi 2 mai 2012

BD - Ignition City : un western spatial de Ellis et Pagliarani


Ignition City, la porte des étoiles, la plus grande base de lancement de fusées de terre. La dernière aussi. Cette BD de Warren Ellis (scénario) et Gianluca Pagliarani (dessin) plonge le lecteur dans une uchronie steampunk à l'arrière-goût très western. En 1956, une attaque martienne a changé la face du monde. La guerre s'est déplacée au-delà de l'atmosphère terrestre. 

Certains sont devenus des héros. Comme Rock Raven, un pilote légendaire. Mais c'est du passé aujourd'hui. Rock vient d'être retrouvé mort dans un hôtel minable d'Ignition City. Sa fille, Mary, 24 ans et quelques voyages dans l'espace sur son CV, se rend dans la ville pour démasquer le tueur. Elle va tomber sur une communauté de « volants », cloués au sol, magouilleurs, malhonnêtes. De bars minables en hôtels pouilleux, elle va retrouver la trace de l'assassin et tout se règlera dans la rue, à coup de pistolets lasers.

144 pages glauques et futuristes, « Ignition City » est un des premiers titres de la nouvelle collection Comics lancée par Glénat.

« Ignition City », Glénat Comics, 14,95 € 

mardi 1 mai 2012

BD - Une "Gueule cassée" de retour au pays


La première guerre mondiale est terminée depuis quelques mois. Beaucoup d'appelés français ne sont pas rentrés. D'autres sont encore dans les hôpitaux à se faire soigner. Félix en ce printemps 1919 revient enfin dans sa ferme dans une vallée des Pyrénées. Après les combats, il a passé de longs mois à se réparer. Les éclats d'obus lui ont labouré la moitié du visage. Aujourd'hui c'est une « Gueule cassée », cachant cette immense cicatrice derrière un masque opaque. Le soldat, qui a perdu bien plus que son apparence humaine dans les tranchées, redoute le jugement de ses connaissances. 

De sa femme Esther, mais surtout de son fils. Il a dix ans aujourd'hui, et rejette ce père défiguré qui ne l'a pas vu grandir. Par chance, le retour de Félix sera éclipsé par une affaire qui fait beaucoup parler dans la vallée : un mystérieux chasseur tue le bétail des paysans. Vache, cochon, brebis : rien n'est épargné. Un policier parisien, lui aussi grand blessé de la guerre mène l'enquête.

Laurent Galandon, le scénariste, utilise cette intrigue pour parler de ces soldats marqués dans leur chair. Dan, au dessin, surfe entre oppression du héros et beauté des paysages.

« Pour un peu de bonheur » (tome 1), Bamboo, 13,50 € 

lundi 30 avril 2012

BD - Crevettes de l'espace dans "Shrimp" chez Dargaud

Albert, cuisinier belge, est le roi du beignet de crevettes. Son restaurant ne désemplit pas. Heureux en affaires, malheureux en amour. Albert est pourtant amoureux. De Mia, une charmante jeune Chinoise, sa voisine. Parfois elle vient, elle aussi, déguster ces fameux beignets aux crevettes. Albert, ce soir-là, est prêt à lui déclarer sa flamme. Mais Mia n'est pas seule. Un certain Tchang l'accompagne. 

Et en écoutant leur conversation, Albert apprend qu'ils vont prochainement passer des vacances à Las Palmas, le paradis des crevettes. Cette petite romance part en vrille quand Albert parvient à dérober le billet de Tchang. Il embarque dans le paquebot devant rejoindre Las Palmas... et se retrouve propulsé dans l'espace pour un remake de la Grande Marche de Mao à destination de la planète Xing-Xiang.

Mathieu Burniat dessine cette fantaisie belge et décalée sur un scénario de Benjamin d'Aoust et Mathieu Donck, cinéastes dont Shrimp est la première incursion, très réussie, dans la BD.

« Shrimp » (tome 1), Dargaud, 11,99 € 

dimanche 29 avril 2012

Dalida, la légendaire, dans deux romans de David Lelait-Helo et Philippe Brunel

La chanteuse de variété dont on célèbre le 25e anniversaire de sa mort est au centre de deux romans faisant la part belle à sa personnalité torturée.

« Pardonnez-moi, la vie m'est insupportable. » Le 2 mai 1987, Dalida, mettait fin à sa carrière. A sa vie aussi. Mais la chanteuse de variétés était-elle encore véritablement vivante ? Ne jouait-elle pas un rôle depuis des années ? Alors que les hommages vont se succéder à la télévision (ses tubes semblent indémodables, elle est une valeur sûre d'une certaine nostalgie-refuge), deux romans reviennent sur le côté obscur de la diva aux robes constellées de paillettes. Deux romans où la mort est omniprésente. Une constante dans le parcours de Iolanda Gigliotti, dite « Dalida ».

Dernier dialogue

« C'était en mai, un samedi » de David Lelait-Helo imagine les dernières heures de Dalida. Il raconte sa détermination, sa méticuleuse préparation, mais imagine aussi qu'avant de passer à l'acte, elle a tenté une dernière fois de se raconter. Dans sa chambre obscure, avec alcool et médicaments à portée de main, elle compose un numéro au hasard. Sophie, dans sa maison de Sologne, décroche.

Le romancier imagine ce dialogue entre une Dalida heureuse d'être enfin anonyme et cette femme, récemment divorcée, écorchée vive après la trahison de son mari, le père de ses enfants.

Ce roman est magique car tout en faisant découvrir la vie passionnée de la chanteuse populaire, il met dans la bouche de la principale intéressée des regrets, des aveux, qui la rendent beaucoup plus humaine que l'image froide d'une diva pour papier glacé.

A Sophie, sans dévoiler sa véritable identité, elle va raconter comment tous les hommes qu'elle a aimés, elles les a quittés, comment ils sont tous morts, suicidés. Lucien Morisse, Luigi Tenco, le comte Richard de Saint-Germain... « J'ai toujours cherché l'amour sans jamais, je crois, le trouver vraiment » confie-t-elle à Sophie. « En fin de compte il y avait toujours un creux en moi, comme une béance d'amour, je dirais. J'ai toujours quitté les hommes, persuadée que quelque chose de plus grand et de plus beau m'attendait ailleurs. Je crois que j'ai cherché quelque chose qui n'est pas de ce monde... » Tragique destinée pour une femme, une artiste, toujours dans la lumière alors que son âme sombrait dans des noirceurs absolues. Sophie va tenter de la sauver, de lui redonner le goût de vivre. En vain. Toute souffrance doit cesser un jour. Même Sophie le reconnaîtra 25 ans plus tard.

Suicide à San Remo


Philippe Brunel aussi revient sur les zones d'ombre de la carrière de Dalida, notamment en janvier 1967, au festival de la chanson de San Remo. Dalida y interprète une chanson de Luigi Tenco, son amant du moment. Après le gala, Dalida reste au repas, Luigi retourne à son hôtel. Et se suicide d'une balle dans la tête. « La nuit de San Remo » est entre enquête journalistique (l'auteur se met en scène, des années plus tard, à la rencontre des rares survivants) et réflexion sur la non-reconnaissance du créateur. Il raconte aussi cette romance improbable entre « la diva consacrée des prime time » et « le jeune auteur compositeur engagé, confiné aux cabarets ». « Mais les contraires s'attirent. Dalida est séduite, bluffée par son éthique, son intransigeance. Tenco est un rêveur irrécupérable mais comme elle le dira plus tard, « il était mon instinct, ma vocation musicale ». Et sa chanson la touche. » Décomposée par ce suicide spectaculaire, Dalida tentera de le rejoindre dans la mort quelques jours plus tard. Une première tentative. Avant d'autres. Et la bonne, le 2 mai 1987.

« C'était en mai, un samedi », David Lelait-Helo, Anne Carrière, 17,50 € (également disponible en poche chez Pocket)

« La nuit de San Remo », Philippe Brunel, Grasset, 16 €