jeudi 23 février 2012

BD - Quand un tueur en série s'acharne sur un ancien flic : Ghost



John Ghostman est au fond du trou. Cet ancien flic du FBI a démissionné après la mort d'un serial killer qu'il pourchassait. Le tueur est mort, mais l'enfant qu'il tenait en otage aussi. John ne se l'est pas pardonné. Depuis, il survit en menant des enquêtes privées sordides, avec le fantôme de l'enfant en permanence à ses côtés. Tout change quand un nouveau tueur fait son apparition dans les bas-fonds de cette grande ville américaine. En plus des cadavres, le fou laisse des messages. Clairement adressés à John. Comme s'il cherchait à le provoquer pour qu'il revienne dans le jeu. Andrea Mutti a écrit et dessiné cette histoire, aidé dans la narration par Diego Cajelli. Cet auteur italien, maîtrisant parfaitement le dessin réaliste académique, a noirci son trait et ses ambiances dans ces 70 pages intégrant la collection Hostile Holster. La chasse au tueur n'a rien de scientifique cette fois. Ghost va utiliser ses pires cauchemars pour retrouver sa trace. Une partie fantastique où l'imagination graphique de Mutti est époustouflante.

« Ghost », Ankama éditions, 15,90 €


mercredi 22 février 2012

Littérature - "Le chapeau de Mitterrand" et "5e chronique du règne de Nicolas 1er" : romans présidentiels

A deux mois de l'élection présidentielle, lecture croisée de deux livres autour de François Mitterrand et Nicolas Sarkozy.

Les observateurs politique a beaucoup glosé sur la stature présidentielle. Mitterrand, éternel opposant, une fois élu, a parfaitement endossé ces habits. Nicolas Sarkozy a mis du temps pour prendre la mesure de la fonction, passant par une période bling-bling encore dans toutes les mémoires. Mitterrand et Sarkozy, deux présidents et deux personnages centraux du roman d'Antoine Laurain et du pamphlet de Patrick Rambaud.

Et si la réélection de François Mitterrand en 1988 était due à son chapeau ? Cette hypothèse saugrenue est pourtant au centre de ce roman nous replongeant dans la France de la fin des années 80. Daniel Mercier, petit employé de bureau dine seul dans une grande brasserie parisienne. Il n'en croit pas ses yeux quand il voit le président Mitterrand s'installer à la table à côté. A la fin du repas, le chef de l'Etat oublie son chapeau. Daniel, comme poussé par un mauvais esprit, l'escamote. Le voilà donc avec le chapeau de Mitterrand. Un couvre-chef qui le transfigure. Comme un talisman. Il va enfin avoir le courage de se mettre en avant, de progresser au travail et même de décrocher un poste à responsabilité en province.

C'est lors d'un déplacement en train que Daniel va lui aussi oublier le fameux chapeau dans un compartiment. Il est récupéré par Fanny, partant vers Paris pour rejoindre son amant. Marié, comme de bien entendu. Une relation qui stagne. Avec ce chapeau qui la transforme en garçonne, elle va oser plaquer le malotrus. Un chapeau qu'elle s'empresse d'abandonner sur un banc dans un square.

Il va de nouveau aller de tête en tête (un « nez » inventeur de parfum, un futur collectionneur d'art contemporain...) pour finalement revenir à son légitime propriétaire. Quelques mois avant le premier tour de 1988. Comme un signe... Troisième roman d'Antoine Laurain, « Le Chapeau de Mitterrand » nous interpelle sur notre capacité à nous remettre en question et surtout à réaliser nos rêves. Parfois, un simple accessoire nous libère.

« Intense monarque »


Patrick Rambaud aborde la fonction présidentielle avec un tout autre regard. Il livre le cinquième épisode de ses chroniques du règne de Nicolas 1er. Un pamphlet toujours aussi mordant, même si l'actualité l'oblige à consacrer plus de pages aux courtisans (ou opposants) qu'au monarque. Il est vrai que ce dernier a beaucoup baissé en terme de coups d'éclats et autres opérations médiatiques. Heureusement Patrick Rambaud se délecte des malheurs de M. De Washington ayant « 
bousculé une femme de ménage de 32 ans ». Et ne manquez pas le portrait au vitriol de M. De Béhachel, vicomte de Saint-Germain. « Il n'avait aucun humour. C'était sa principale caractéristique. Ce qu'il disait ou faisait relevait de l'implacable ; l'esprit de sérieux le ravageait »... Cette 5e chronique ne marque pas la fin des péripéties de « l'intense monarque » car Patrick Rambaud termine l'ouvrage par ces terribles mots : « A suivre une dernière fois, espérons-le ».

« Le Chapeau de Mitterrand », Antoine Laurain, Flammarion, 18 €

« Cinquième chronique du règne de Nicolas 1er », Patrick Rambaud, Grasset, 14,50 € (Des chroniques récemment adaptés en BD chez Drugstore et le quatrième tome vient de sortir au Livre de Poche).

mardi 21 février 2012

BD - Les secrets de l'île du "meilleur job du monde"



Six mois seul sur une île tropicale, disposant de tout le confort, avec à la clé un salaire de 150 000 dollars. On se souvient de cette offre d'emploi venant d'Australie et qui a fait fantasmé des milliers de candidats. C'est à partir de ce fait réel que Christophe Bec a construit l'intrigue de sa nouvelle série dessinée par Fonteriz. Doug est le jeune gagnant de cette compétition si particulière. Il plaque son boulot et s'envole pour l'île Carpenter appartenant à une riche industrielle. Il sera seul, devra tondre le green du golf, nourrir les oiseaux rares et arroser les plantes. Cela lui laisse pas mal de temps libre pour profiter de la piscine, du lagon et de la salle de sport. Mais il va pourtant découvrir que cette île n'est pas tout à fait comme les autres. Il sera rejoint par un chien, et verra au large une femme nue faire de la pirogue. Devient-il fou à cause de la solitude ou se passe-t-il vraiment quelque chose d'anormal sur ce paradis ? L'angoisse va crescendo ; finalement, ce job n'est pas aussi cool qu'annoncé...
« Le meilleur job du monde » (tome 1), Soleil, 14,30 €

dimanche 19 février 2012

Hervé Morin : un faux puis un vrai abandon dans la course à la présidentielle

J'ai comme l'impression que la campagne présidentielle sera moins marrante à suivre sur internet désormais. L'entrée en lice de Nicolas Sarkozy marque la fin de la récréation. Boutin puis Morin ont jeté l'éponge, malgré leurs multiples déclarations affirmant leur intention "d'aller jusqu'au bout".
Pour Hervé Morin, son retrait s'est passé en deux temps. Une première annonce sur son site, mercredi soir. Il s'est vite avéré que des pirates avaient bidouillé une déclaration -sérieuse au début- déviée rapidement vers la satire. Puis vint hier l'annonce officielle au Figaro.
Hervé Morin et ses décisifs "0%" aura bien fait rire la toile durant ces quelques mois de laborieuse campagne. Premier coup d'éclat quand il se souvient du débarquement des alliés en Normandie. Problème : comment se souvenir d'un fait antérieur de 17 ans à sa naissance ?
La semaine dernière, un maire, pour le soutenir, promène dans un marché deux dromadaires, symboles de "la traversée du désert" du candidat Nouveau Centre.
Ultime éclat avec la fausse déclaration des pirates de mercredi dans laquelle il annonce sa décision de retirer sa candidature, "prise dans ma cuisine en surveillant une blanquette de veau". Et de conclure par son soutien à Nicolas Sarkozy, "le seul à pouvoir assurer l'avenir de la France, et ma réélection comme député de l'Eure." 12 heures plus tard, Hervé Morin cesse effectivement d'être candidat : "Ma détermination ne doit pas tourner à l'obstination" dit-il au Figaro.
(Chronique "Ça bruisse sur le net" parue le vendredi 17 février en dernière page de l'Indépendant)

BD - Showman Killer, l'assassin envouté de Jodorowsky et Fructus



Revoilà Showman Killer, le nouveau héros imaginé par Alexandro Jodorowsky. Le tueur le plus redouté de la galaxie va-t-il redevenir humain ? On l'avait laissé avec un bébé dans les bras. Et cet enfant, à la demande d'une sorcière tatouée qui semble l'avoir envoûté, Showman va l'élever et le protéger. C'est l'enfant d'or, celui qui pourra sauver le monde des manigances de l'infâme suprahiérophante. Et pour le nourrir, Showman ira jusqu'à se transformer en louve puis en plantureuse humaine aux seins chargés de bon lait nourrisseur. Au dessin, Nicolas Fructus fait encore des prouesses. Pas évident d'illustrer un scénario de Jodorowsky. 
Cela veut dire que l'on passe derrière Moëbius, Gimenez, Bess, Arno ou Boucq. Mais cet illustrateur formé dans le jeu vidéo, collaborateur de Jean Giraud et Druillet, est plus qu'à la hauteur. Ses couleurs éclatent dans des planches riches en détails. Le héros est toujours aussi charismatique (bien que totalement dénué de sentiments) et si la suprahiérophante ne vous fait pas faire des cauchemars, c'est que votre subconscient est bien noir...

« Showman Killer » (tome 2), Delcourt, 14,20 €


samedi 18 février 2012

BD - Sibylline de Macherot, de si charmants animaux



Le second volume de l'intégrale des récits de Sibylline par Raymond Macherot reprend les histoires publiées dans la revue Spirou de 1969 à 1974. Près de 200 pages de bande dessinée animalière par le maître incontesté du genre. Dans un dossier de présentation, on revient sur l'arrivée de Macherot dans l'écurie Dupuis. Il rencontrait le succès avec Chlorophylle au Lombard. Il lance Chaminou chez Dupuis. Mais son ton plus sarcastique et violent n'accroche pas. Il va donc se rabattre sur ce qu'il faire de mieux. C'est ainsi que nait Sibylline, petite souris vivant en compagnie de Taboum. Chassés de leur maison par le chat Pantoufle, ils s'installent à la campagne et vivent en harmonie en compagnie d'autres animaux, du corbeau Flouzemaker au hérisson Verboten. Dans cette seconde livraison (l'intégrale est prévue en 5 tomes), ne manquez pas Sibylline et le petit cirque et une autre longue aventure, Sibylline contre les pirates dont le scénario est de Deliège, le créateur de Bobo. Ces pages raviront tous les nostalgiques de Spirou et des éditions Dupuis. Même si, paradoxalement, ce sont les éditions Casterman qui font cette fois office de gardiens du Temple...

« Sibylline » (intégrale, tome 2), Casterman, 25 €

vendredi 17 février 2012

Billet - L'éducation à l'américaine : au pistolet et avec un ceinturon...



Comment éduquer sa fille de 15 ans en pleine crise d'adolescence ? Tommy Jordan, un Américain devenu très célèbre grâce à une vidéo visionnée plusieurs millions de fois sur Youtube, a la solution : exploser son ordinateur portable en le perforant de 9 balles tirées de son pistolet. Hannah a eu le malheur de poster sur son mur facebook un texte dans lequel elle se plaint des nombreuses tâches ménagères que lui imposent ses parents. Tommy, stetson sur le crâne, a dit ce texte devant la caméra. Et à la fin, décide de donner une bonne leçon à sa fille. Il se filme en train de truffer de plomb l'ordinateur d'Hannah. Et de conclure : « Tu pourras avoir un nouvel ordinateur portable quand tu te l'achèteras. Il faut aussi que tu me rembourses les balles parce qu'elles coûtent chacune à peu près un dollar.

 
Cette grande leçon d'autorité parentale à l'américaine a déchaîné les passions. Certains approuvaient la démarche de ce père responsable. D'autres s'inquiétaient, craignant que la prochaine fois ce ne soit pas sur l'ordinateur qu'il tire.
Une histoire à mettre en parallèle avec cette autre querelle père-fille. Un honorable juge, reprochant à sa fille de trop surfer sur internet, a préféré l'intimité de sa chambre pour lui expliquer son courroux. Un tabassage en règle à coups de ceinturons qui lui a coûté sa carrière. Sa fille avait branché la webcam de son ordinateur et a diffusé la scène au monde entier...
(Chronique "Ça bruisse sur le net" parue dans l'Indépendant du jeudi 16 février)

BD - Harry Octane, le pilote perdu de Papazoglakis



Le lancement de la collection « Plein gaz » de chez Glénat va faire du bruit. Des « Vraoummm » et des « Bwhaaar », comme au grand temps de Michel Vaillant. Il est vrai que les dessinateurs signant les premiers titres sont issus des studios Graton. Ils obtiennent une autonomie, mais ne perdent pas les bonnes habitudes. Papazoglakis par exemple est au générique de Chapman, mais est seul auteur de « Harry Octane ». 
Cette dernière série mêle milieu de la course automobile et ambiance roman policier. Harry Octane, pilote américain, fait des prouesses en rallye. Jusqu'au jour où il quitte la route, en Sicile, et fauche les spectateurs. Plus de 20 morts, fin de carrière. Il se retrouve professeur dans une minable école de conduite. 
Pour s'en sortir, il accepte même un boulot presque en dehors de la légalité. Il doit convoyer une héritière rebelle de la côte est aux bords du Pacifique. Trois jours pour traverser le continent, avec quelques méchants aux trousses. 
Un premier tome sympathique, qui finalement ne laisse pas tant que cela de place aux belles mécaniques. Comme si l'auteur cherchait un alibi pour délaisser les carrosseries métalliques pour celles, plus arrondies, de la belle héritière.

« Harry Octane » (tome 1), Glénat, 13,90 €


jeudi 16 février 2012

Billet - La Saint-Valentin sur les réseaux sociaux : une orgie d'amour


Ils ont bien réussi leur coup les publicitaires. La Saint-Valentin, la fête des amoureux, connaît un regain de vitalité grâce à internet. Depuis une semaine, on percevait un frémissement, hier c'était l'apothéose, l'overdose même. Partout et à propos de tout, on ne parlait que de ça. Les moutons de la toile avaient les yeux en forme de cœur, les bisous contaminaient tout...

Même des virus ont pris la sympathique forme d'une application à partager sur Facebook pour mettre votre profil aux couleurs de la Saint-Valentin (à dominante rose !). Ne succombez pas à ce bête excès de romantisme, vous le regretteriez...
Qui dit Saint-Valentin dit ébats amoureux. Une étude américaine nous apprend que chez les moins de 35 ans, la classique cigarette d'après l'amour est en train d'être détrônée par les réseaux sociaux. Ils sont 35 % à aller raconter leurs exploits, essentiellement depuis des smartphones. Saluons au passage le format de Twitter (140 signes maximum), idéal pour les éjaculateurs précoces.
Sur Twitter justement, le nouveau jeu à la mode est une petite application qui se charge de trouver votre âme sœur sur le réseau. Je l'ai testé et il ressort que @litout (moi, en l'occurrence) serait amoureux de... @lindependant (le compte du journal, mon boulot quoi). Ça semble complètement idiot, mais finalement mon épouse n'est pas loin de confirmer. A son grand regret, je passe beaucoup trop de temps à travailler.
Sur ce, je met un point final à cette chronique. J'ai un cadeau à trouver moi...
(Chronique "Ça bruisse sur le net" parue dans l'Indépendant du mercredi 15 février)

Roman - Grégoire Delacourt raconte les envies de son héroïne

Une vie tranquille, de l'ambition, un foyer, un mari aimant, de l'argent... Quels sont les ingrédients du bonheur ? Tentative de réponse dans ce roman de Grégoire Delacourt.



Jocelyne Guerbette est mercière à Arras. Un drôle de CV pour être héroïne de roman. Mais Jocelyne, sous la plume de son créateur, Grégoire Delacourt, va vite devenir un de ces personnages de roman qui vont longtemps vous revenir en mémoire. Ces êtres de papier qui pourtant vous semblent plus réels que la voisine ou le collègue avec qui vous parlez tous les jours de choses et d'autres.

Jocelyne est mariée à Jo. C'est le diminutif de Jocelyn. Jocelyn et Jocelyne. Une histoire d'amour simple. La jeune femme, encore apprentie dans la mercerie de son ancien patron, a vite été séduite par ce Nordiste pure souche qui travaille à l'usine Häagen-Dazs. Ils ont eu deux enfants, Romain et Nadine. Et un petit ange, Nadège, morte à la naissance. Depuis cette date Jo a changé. Jocelyne se contente alors du souvenir de cet homme aimant et attentionné.



Porsche Cayenne contre économe

Vingt ans plus tard, Jo va mieux. Il a même des envies. Un écran plat, une Porsche Cayenne, la collection complète des James Bond en DVD. Jocelyne de son côté vivote avec sa mercerie. Pour s'occuper, elle ouvre un blog pour y raconter les trucs de couture d'antan. Elle va réveiller les souvenirs de nombreuses femmes et rapidement, son entreprise virtuelle va permettre de relancer son commerce. Jocelyne, qui est la narratrice du roman, nous raconte aussi comment elle a perdu sa mère, la maladie d'Alzheimer de son père, ses repas avec Danièle et Françoise, les jumelles qui tiennent le salon Coiff'Esthétique, leurs rêves de richesse et de princes charmants. Alors c'est aussi le tour de Jocelyne de faire la liste de ses envies. Et les circonstances vont lui permettre de placer la barre beaucoup plus haut que son mari. Elle sera modeste dans un premier temps, « Un nouveau micro-ondes, un économe, un couteau pour le pain, des boule Quiès (à cause du ronfleur !) » Et puis petit à petit elle changera de braquet, s'intéressera à des objets ou choses dont elle n'a connaissance qu'à travers ses discussions avec les jumelles ou dans les magazines féminins : « Plein de trucs chez Chanel, des sous de côté pour Romain (il finira mal) » Dans sa dernière liste, elle écrira « Acheter une maison avec un grand jardin et une terrasse d'où l'on voit la mer, le Cap Ferrat, où papa sera bien, surtout ne pas demander le prix, juste faire le chèque avec désinvolture. »

Avec « La liste de mes envies », Grégoire Delacourt transforme l'essai de son premier roman, « L'écrivain de la famille ». Il a remporté une multitude de prix en plus d'un beau succès public. Jocelyne, la mercière d'Arras, devrait elle aussi plaire à un important lectorat.

« La liste de mes envies », Grégoire Delacourt, Lattès, 16 €