mardi 17 janvier 2012

BD - "Les faux visages" ou quand les Postiches passaient à l'attaque, BD de David B et Tanquerelle



Le gang des Postiches, en signant des dizaines de hold-up dans les années 80, s'était taillé une belle réputation dans le milieu du grand banditisme. Les aventures de ces amis ont particulièrement intéressé David B. qui en a tiré un scénario mêlant faits avérés et situations fictives. Hervé Tanquerelle a illustré ces 150 pages entre braquages, préparations des coups et magouilles des policiers pour tenter de coffrer ces bandits d'exception. Mais l'essentiel de ce roman graphique porte sur la description des personnalités des protagonistes. Loin de les idéaliser, les auteurs les présentent comme des hommes aimant souvent la violence (et les armes à feu), faisant des braquages pour s'enrichir, mais aussi pour le plaisir de l'action. Ils ont longtemps été introuvables car totalement coupés du milieu traditionnel, loin des indics de la brigade de répression du banditisme. Pourtant un jour tout s'est terminé. Une partie de la bande est tombé sous les balles, une autre a fini en prison, les rescapés sombrant dans la folie.

C'est aussi passionnant qu'un polar tant les « tronches » de ces postiches sont fortes et originales.

« Les faux visages », Futuropolis, 21 €



lundi 16 janvier 2012

BD - "Sept naufragés" : enfants perdus sur une île onirique



Sur une île, ressemblant un peu trop à un paradis, des enfants apparaissent régulièrement, comme s'ils étaient des naufragés. Ils étaient six et ce matin-là, un septième vient d'arriver. Aran sera confié à Maria, une des adultes de ce petit village vivant en autarcie. Aran, mystérieux, veut, dès le premier matin, un cahier. Il explique aux six autres enfants de l'île, tous naufragés comme lui, qu'il veut y noter ses faits et gestes. Une habitude qui lui permettra d'entretenir sa mémoire. Une mémoire qui semble se volatiliser du jour au lendemain chez les six autres enfants. Chez les villageois, c'est l'inquiétude. La démarche d'Aran les inquiète. D'autant que le jeune naufragé désire aller au phare, persuadé que c'est ce dernier qui l'empêche d'avoir des souvenirs.

Ecrite par Andoryss (une jeune auteur de 30 ans), cette histoire intègre la collection « Sept » de chez Delcourt. Dessinée par Tony Semedo, elle est plus onirique que fantastique. Ces enfants perdus, dans tous les sens du terme, sont parfois attendrissants mais aussi un peu inquiétants.
« Sept naufragés », Delcourt, 14,95 €

dimanche 15 janvier 2012

"L'ombre de l'aigle" 2e partie de Kraa de Sokal chez Casterman

Kraa, Sokal, Casterman, aigle
Benoît Sokal, tout en continuant à animer les enquêtes de Canardo, s'est lancé dans une grande saga nature. Kraa est un aigle, gardien d'une vallée isolée. Il règne en maître sur une nature qui le craint. Seuls les hommes pourraient se mettre en travers de son chemin. Pas les Indiens qui le respectent, mais les Blancs porteurs de la modernité. Car cette région regorge de richesses minières. Pour les exploiter, une ville est rapidement bâtie et un barrage est en construction pour réguler le fleuve passant à proximité. La vallée sera alors inondée. Les Indiens n'auront pas la possibilité de protester, ils sont tous massacrés. Tous sauf Yuma, un adolescent. Yuma qui développe un lien chamanique avec Kraa. Ensemble ils vont se venger. Après une première partie très sauvage, le second tome donne une orientation différente à la série. Kraa s'efface un peu au profit de Yuma. Il retrouve  un semblant d'humanité en tombant amoureux de la belle Emily.
Une histoire poignante et des couleurs lumineuses font de cet album une des BD incontournables de la rentrée de janvier.
« Kraa » (tome 2), Casterman, 16 €

BD - "L'ombre de l'aigle", seconde partie de "Kraa" de Sokal chez Casterman


Benoît Sokal, tout en continuant à animer les enquêtes de Canardo, s'est lancé dans une grande saga nature. Kraa est un aigle, gardien d'une vallée isolée. Il règne en maître sur une nature qui le craint. Seuls les hommes pourraient se mettre en travers de son chemin. Pas les Indiens qui le respectent, mais les Blancs porteurs de la modernité. Car cette région regorge de richesses minières. 

Pour les exploiter, une ville est rapidement bâtie et un barrage est en construction pour réguler le fleuve passant à proximité. La vallée sera alors inondée. Les Indiens n'auront pas la possibilité de protester, ils sont tous massacrés. Tous sauf Yuma, un adolescent. Yuma qui développe un lien chamanique avec Kraa. Ensemble ils vont se venger. Après une première partie très sauvage, le second tome donne une orientation différente à la série. Kraa s'efface un peu au profit de Yuma. Il retrouve  un semblant d'humanité en tombant amoureux de la belle Emily.

Une histoire poignante et des couleurs lumineuses font de cet album une des BD incontournables de la rentrée de janvier.

« Kraa » (tome 2), Casterman, 16 € 

samedi 14 janvier 2012

Virus en mutation dans "Rifteurs" de Peter Watts

Une explosion atomique dans les profondeurs de l'Océan Pacifique a ravagé la côte Ouest des USA. Dans ce chaos, l'Humanité tente de survivre.

Peter Watts, Rifteurs, Starfish, Science-fiction, Fleuve NoirAprès le huis-clos au plus profond des abysses (« Starfish » paru en 2010 au Fleuve Noir), Peter Watts prolonge sa saga de science-fiction au grand air. Son héroïne, Lenie Clarke a survécu. Après l'explosion et le tsunami qui en a résulté, elle s'est tapi au fond de l'océan. Technicienne chargée d'entretenir ces nouvelles centrales électriques utilisant l'énergie géothermique, elle a a été « améliorée » pour résister aux grandes pressions et respirer sous l'eau. C'est à pied qu'elle rejoint la cote américaine. Et ce qu'elle découvre ne ressemble plus au monde qu'elle a connu avant. « Le fond était entièrement recouvert de cadavres. Qui semblaient eux aussi couvrir plusieurs générations. Certains se réduisaient à  des agglomérats symétriques d'algues. » Des millions de morts, des pans entiers du pays disparu : l'Amérique peine à se redresser.

Camps de réfugiés
Mais dans ce futur proche, des repères restent. Les rares parties côtières épargnées sont toujours longées par un mur infranchissable. Un mur édifié pour empêcher aux réfugiés venus de toutes parts de pénétrer dans cet Eldorado rêvé. Lenie Clarke, en sortant de l'eau, telle une divinité antique, devient un sujet de conversation, puis d'admiration pour les milliers de réfugiés survivant au bord de l'eau. Parqués, mais pas abandonnés. Des machines les nourrissent au quotidien. Un magma de protéines, coupé avec de puissants médicaments pour abolir toute velléité de rébellion. Un homme, tout en se méfiant de Clarke, va lancer un vaste mouvement de grève de la faim. Cela permet aux réfugiés de libérer leur conscience, de retrouver cette volonté d'avancer, de conquérir le pays.

Le Maelström prend le pouvoir
Ce monde apocalyptique, où le clivage entre nantis et moins-que-rien est de plus en plus grand, est surveillé par des drones-robots pilotés par des techniciens bien au chaud dans leurs maisons high-tech. Le roman nous fait découvrir les interrogations d'une de ces surveillantes toute puissante : Sou-Hon. Elle tente de contacter Lenie Clarke alors qu'au même moment des incendies ravagent des régions entières et que le Maelström, l'immense réseau informatique ayant succédé à internet, voit se développer des intelligences artificielles de plus en plus autonomes.
Peter Watts, écrivain canadien, est biologiste marin de formation. Avec ce roman, il quitte son domaine de prédilection pour la terre ferme. Mais ses spéculations sur des thèmes d'actualité (gestion des réfugiés, maîtrise de l'information, nouveaux dangers bactériologiques) cachent un thème plus universel : l'exploration de la psychologie humaine. Il nous avait épaté dans « Starfish », tous les personnages étant des « déviants » (serial-killers, violeurs...). Cette fois, ils sont plus dans la norme, mais tous potentiellement sujets à de graves psychoses. Le constat n'est pas très optimiste. Mais en prendre conscience permettra peut-être d'éviter quelques catastrophes planétaires.

« Rifteurs », Peter Watts, Fleuve Noir, 24 €

Présidentielle : à la santé des candidats


Le site internet « Le vin des présidents » vient de lancer un sondage original demandant aux amateurs de vin d'associer un cru à chaque candidat à l'élection présidentielle afin de définir leur « oeno-profil ». 11 régions sont proposées aux internautes, dont le cru minervois pour le Languedoc. Hier, plus de 3700 votes étaient enregistrés, donnant une bonne indication sur l'image de chacun.
Nicolas Sarkozy, reste très « bling bling » puisque 50 % des votants lui associent le champagne. Breuvage lié au luxe et à la fête, le champagne est également le vin reflétant le mieux la personnalité de Dominique de Villepin. Ces deux candidats semblent à l'opposé complet du minervois, présenté sur le site comme un vin dont les qualités sont d'être « chaleureux, envoûtant, souple et épicé », puisqu'ils ne sont que 3 % des internautes à leur trouver une ressemblance avec ce vin rouge produit dans l'Aude et l'Hérault.
Le champion du minervois est Nicolas Dupont-Aignan, avec un 26 % à prendre avec prudence car les votes sont peu nombreux sur son nom.
François Hollande (et le parti socialiste en général) a toujours obtenu des scores élevés en Languedoc. Mais son nom n'est associé qu'à 11 % au minervois. Pourtant, si l'on a mauvais esprit, les défauts du minervois collent parfaitement avec la caricature du candidat socialiste aux Guignols : « lourd, mou, simple »...
Enfin, Marine Le Pen n'est minervois qu'à 4 %. Les votants préfèrent l'associer à 25 % à un vin d'Alsace. Un vin très féminin, puisqu'il est également celui qui symbolise le mieux... Eva Joly.

vendredi 13 janvier 2012

De la Free(ture) sur la ligne

Vous vous demandez ce qu'est la pensée unique ? Facile, il suffisait de se balader mardi matin sur internet (sites d'infos, twitter, facebook, forums...). Une seule information dominait tout : le lancement des forfaits Free Mobile par Xavier Niel au cours d'une conférence de presse diffusée en direct sur Dailymotion. Éclipsés les petite phrases de la présidentielle ou Messi et son 3e ballon d'or.
Tout le monde était pris d'une frénésie numérique à l'annonce de la commercialisation de forfaits à 19,99 euros, voire moins si on passe déjà par la FreeBox pour accéder à internet. Comme si c'était le début d'une nouvelle ère, d'une révolution complète et absolue.
En réalité, ce n'est que l'application d'une recette low-cost ayant fait ses preuves dans le secteur très concurrentiel des fournisseurs d'accès à Internet. Arnaud Montebourg a même osé ce tweet : « Xavier Niel vient de faire avec son nouveau forfait illimité plus pour le pouvoir d'achat des Français que Nicolas Sarkozy en 5 ans. » Certes les dépenses des Français pour les nouvelles technologies de l'information ont fortement augmenté ces dernières années, mais pas au point de dépasser le montant de leur loyer.
Reste que cet emballement, s'il est un peu surfait, est malgré tout justifié. Pour preuve, sur lindependant.fr, l'USAP reste le maître étalon des attentes des lecteurs. Or hier, l'annonce de la signature de Marc Delpoux au poste de manager n'a vraiment pas fait le poids face au décollage de la fusée Free Mobile.

BD - Wayne Shelton est un retraité actif, comme ses deux auteurs Van Hamme et Denayer


Plus de 70 ans pour le scénariste, Jean Van Hamme, plus de 65 pour le dessinateur, Christian Denayer : les auteurs de Wayne Shelton, comme le héros, ne sont plus de la première jeunesse. Mais cela ne les empêche pas d'être talentueux et très verts. Wayne, la cinquantaine passée, dans les premières pages de ce 10e album intitulé « La rançon », ne crache pas sur un cadeau d'anniversaire aux courbes parfaites. Mais la bagatelle ne nourrit pas son homme (et n'entretient pas le voilier qu'il vient de s'offrir). Il accepte d'aider un ami milliardaire dans une affaire d'enlèvement. Il va se charger de l'échange d'une jeune femme contre une rançon de 20 millions de dollars en diamants bruts. Problème, la transaction va se dérouler en plein désert irakien.
Jean Van Hamme s'en donne à cœur joie dans cette histoire entre rebondissement convenu et véritable surprise. De la BD d'aventure sans prétention. Ni morale, ce qui est plus rare de nos jours...
« Wayne Shelton » (tome 10), Dargaud, 11,55 € 


Billet - Circulez mon côlon !

On connaissait le régime Mayo qui, comme son nom ne l'indique pas, nous faisait gober des œufs durs ad nauseam. Voilà aujourd'hui le régime « nettoyage du côlon ». Impossible de passer à côté de ces nouvelles pilules tant les publicités sont omniprésentes sur tous les sites s'adressant un tant soit peu aux femmes. Et l'argument publicitaire de préciser que « chaque être vivant a au moins un parasite qui vit sur ou en lui et les humains en ont bien plus. La nourriture et l'eau sont les plus fréquentes sources d'organismes envahisseurs. » Donc pour maigrir il suffit « d'éliminer les parasites vocraces qui vivent en vous. »

Enfin, d'abord il faut identifier ce que sont des parasites « vocraces ». Je n'ai pas trouvé le mot dans le dictionnaire. Un anglicisme ? Une faute de frappe ? J'aurais bien tenté de le demander à mes parasites, mais ils boudent depuis que je leur ai annoncé mon intention de « décoller les plaques mucoïdes de la paroi du côlon », toujours grâce à ces pilules miracles...

Ces publicités pourraient faire rire si elles ne profitaient pas de la crédulité de certaines personnes en situation de détresse. A ces dernières je n'aurai qu'un conseil : lisez, tout en bas du site web, les recommandations écrites en tout petit. Elles précisent que pour obtenir des résultats optimums, vous devez « augmenter votre activité physique et réduire votre consommation calorique. » Voilà bien les seules paroles sensées à retenir à propos de ce « nettoyeur de côlon ».

(chronique parue en dernière page de l'Indépendant du Midi en janvier 2012)

jeudi 12 janvier 2012

Littérature - Mufle d'Eric Neuhoff et Le Seigneur de la route de Jean-Pierre Gattégno : des cocus magnifiques

Ils sont cocus, mais pas forcément contents les deux héros de « Mufle » d'Eric Neuhoff et « Le seigneur de la route » de Jean-Pierre Gattégno.


Sont-ils à plaindre ces hommes délaissés ? Doit-on les prendre en pitié ou les ignorer ? Ne l'ont-ils pas cherché ? Ces deux romans très français sont, en plus de leçons de littérature, des histoires banales dans leur origine. Oui, tout passe, tout lasse, même les amours fusionnelles.
Pierre Raustampon, avant de devenir au volant d'une Mercedes « Le seigneur de la route », titre du roman de Jean-Pierre Gattégno, est un petit professeur insipide. Il a séduit la belle Madeleine car il ressemble au personnage principal d'un tableau exposé au musée des Beaux-Arts de Dijon. Mais Madeleine, insatiable, a trouvé d'autres sosies au « Portrait de jeune homme » d'Emile Savitry. Dernier en date, un riche industriel.

La Mercedes de l'amant

Un jour, rentrant plus tôt que prévu, Pierre découvre, dans son salon, les habits de l'amant de sa femme. Ne voulant pas les surprendre dans le lit conjugal, il s'enfuit. Tout en emportant portefeuille, Iphone et clé de voiture du rival. C'est une puissante berline allemande. Comme envouté, Pierre va se glisser derrière le volant et se lancer dans un road-movie très mouvementé.Découvrant le plaisir de la vitesse, il fonce sur les autoroutes françaises, à plus de 200 km/h, il double en klaxonnant à tue-tête ces tortues se trainant à 130. Il dort sur les aires de service, paie avec les cartes bleues de l'amant et usurpe même son identité lors d'un contrôle de police. Au bout de plusieurs jours de cavale, Pierre s'étonne de la non réaction de l'industriel. Quittant l'autoroute, il reprend pied dans la réalité et frise la panique. Le policier qui l'a contrôlé a été tué d'une balle dans la tête et les corps de sa femme et de l'amant ont été retrouvés dans l'appartement de Pierre.Recherché, il va se réfugier dans ce monde impersonnel de l'autoroute. « De nouveau un paysage connu et rassurant. L'interminable ruban gris dont les bords se rejoignaient à l'horizon. » Les affaires de Pierre se compliquent quand il est kidnappé par des apprentis braqueurs, qu'il prend conscience qu'il est aussi recherché par des tueurs russes et qu'il tombe amoureux de Muriel, la femme de son malheureux rival.Jean-Pierre Gattégno laisse alors libre cours à son imagination, ne lésinant pas sur les coups de théâtre ni les incongruités comme cette analyse d'un hold-up, transformé... en plan de dissertation.



Le souvenir de Charlotte

Tout aussi percutant est le « Mufle » d'Eric Neuhoff. Dans ce court roman, le narrateur, la cinquantaine, tombe des nues : Charlotte le trompe. « Un amant. Elle avait un amant. Quel mot étrange. Nous ne sommes même pas mariés. L'amant, c'était moi. De quoi avais-je l'air ? Ma maîtresse a un amant. La phrase sonnait comme du boulevard. » Dans un premier temps, il est totalement anéanti. En perd le sommeil. Ne pense qu'à ça. Il l'aime toujours. Cela donne de superbes pages, d'un lyrisme étonnant sous la plume d'un Eric Neuhoff habituellement plus caustique. « Tu étais noble, farouche, conquérante. Tu semblais voler de victoire en victoire. Tu t'endormais d'un coup et ton visage devenait soudain celui d'une autre. Ton long corps amolli, souple plein. C'était un vrai corps. Je m'y noyais. »
Des mois de souffrance et puis un jour comme les autres, « devant la cage aux orangs-outans, il décida de la quitter. » Une nouvelle vie commence. « Je ne t'oublie pas, Charlotte. Je prends mes distances. Je ne te connais plus. »
« Mufle » est un petit bijou d'écriture, vif, entraînant, si distrayant. Une Charlotte en papier...

« Le seigneur de la route », Jean-Pierre Gattégno, Calmann-Lévy, 17,50 €
« Mufle », Eric Neuhoff, Albin Michel, 11,90 €