mercredi 12 octobre 2011

BD - Cyril Pedrosa part à la découverte de ses racines portugaises


C'est l'album (le pavé plus exactement) de BD de la rentrée à ne pas rater. Cyril Pedrosa propose sur plus de 260 pages une longue introspection sur ses racines portugaises. Ce qui aurait facilement pu tomber dans le cliché, se révèle un roman graphique d'une sensibilité forte. Il a pris le temps de raconter l'histoire de sa famille, présentant dans deux longs préambules comment cette envie s'est imposée dans sa propre vie. Alors que rien ne va plus dans sa vie amoureuse, trois jours en tant qu'invité d'un petit festival de BD au Portugal va redonner des couleurs à Simon Muchat, le héros. 

Ensuite il retrouvera une partie de sa famille au mariage de sa cousine. L'occasion pour aller passer quelques jours, puis quelques semaines, dans le village où tout a commencé. 

Un scénario solidement charpenté et des dessins « sur le vif » en couleurs directes donnent une puissance à ce récit rarement atteint par une BD.

« Portugal », Dupuis, 35 € 

lundi 10 octobre 2011

BD - Mauvaise nuit pour des cambrioleurs malchanceux

Hermann, 73 ans, n'a plus la même souplesse de trait qu'avant, mais reste quand même un des meilleurs dessinateurs réalistes. Le plus typé, certainement. A côté de ses séries régulières (Jeremiah, Bois-Maury...) il a toujours aimé s'accorder des espaces de respiration, des « one-shot » souvent violents et sombres. Depuis quelques années, ces récits sont signés Yves H. , son fils. Avec « Une nuit de pleine lune », Hermann réussit l'exploit de rendre passionnant un scénario tenant en deux lignes : des cambrioleurs s'attaquent à un psychopathe à la retraite. Ce dernier les élimine tous en une nuit... 

Délaissant la couleur directe, le dessinateur belge a retrouvé toute la puissance du trait noir, au pinceau, pour planter cette ambiance de plus en plus pesante, menaçante, massacrante... Les scènes de nuit, dans la cave, sont les plus noires, dans tous les sens du terme. Pourtant l'horreur finale se déroulera au petit matin, en plein jour, alors qu'un gai soleil semble annoncer une riante journée. Perdu !

« Une nuit de pleine lune », Glénat, 13,50 € (Il existe une édition luxe en noir et blanc à 25 euros) 

BD - La fin (provisoire ?) d'Ythaq, série d'Arleston et Floch


Le succès d'une série dépend parfois de sa régularité. Un dessinateur trop lent dessert souvent ses héros car le lecteur, lassé d'attendre la suite, les oublie trop rapidement. En lançant « Les Naufragés d'Ythaq », Arleston a choisi le bon dessinateur. Adrien Floch, en plus d'être excellent (cela reste l'essentiel, ne l'oublions pas) est de plus rapide et efficace. Depuis juillet 2005, 9 albums sont parus et le 9e, « L'impossible vérité », semble mettre un point final à cette saga. 

Les trois naufragés, Narvath, le poète aux pouvoirs de plus en plus grands, Granite, la blonde mécanicienne amoureuse, impétueuse et... dévêtue et Callista, la grande bourgeoise toujours en train de râler, se retrouvent enfin. C'est la dernière bataille, celle au cours de laquelle Sarkun'hr, entité cosmique prisonnière au cœur de la planète d'Ythaq, va tenter de se libérer. 

La conclusion est éblouissante, donnant l'occasion à Floch de signer des doubles planches foisonnantes de détails. Floch qui, au passage, va jouer désormais les pompiers de service en « dépannant » Vatine légèrement en retard sur le tome 3 de Cixi. La régularité...

« Les naufragés d'Ythaq » (tome 9), Soleil, 13,95 € 

vendredi 7 octobre 2011

BD - Vikings contre aliens dans le double « Midgard » de Stephen Dupre


Stephen Dupré fait partie de ces trop rares dessinateurs maniant avec bonheur tous les genres. Il excelle dans le réalisme tout en sachant parfaitement y introduire du « nez rond » ou de la caricature pour alléger le récit. Il s'est fait connaître avec l'adaptation (très réussie) de la série télé Kaamelott et se lance cette fois en solo sur une ambitieuse série racontant la rencontre du peuple viking avec un représentant extraterrestre. 

Le premier tome peut se lire dans deux sens. D'un côté 110 pages présentent les héros vikings, de l'autre comment Oon s'évade d'un vaisseau prison. Si la partie vikings est tout ce qu'il y a de plus classique (pillage, vol et batailles sanglantes), l'autre est très originale. Les petits êtres bleus sont à la recherche d'air pur. 

Oon, jeune délinquant, semble avoir trouvé un filon dans des réserves secrètes. Mais elles sont bien gardées. Poursuivi par toute la police du vaisseau, il est obligé de voler une navette. Il se posera (pas sans dommages) près du village irlandais que les Vikings sont en train de piller. C'est là que la rencontre a lieu et que Midgard commence véritablement. Mais ce sera pour le prochain album...

« Midgard » (tome 1), Casterman, 15 € 

jeudi 6 octobre 2011

Roman - Deux femmes, deux amours et la guerre en commun

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, ce sont les vies bouleversées de deux femmes face à la guerre, cette redoutable mangeuse d'hommes. Marguerite habite Nice. Elle rencontre Eugène au cours des vacances. Lentement mais sûrement ils vont tomber amoureux. Un bonheur de courte durée, la guerre de 14/18 bouleversant le quotidien de millions d'Européens. Cette histoire c'est Jeanne qui la raconte. C'est son métier car elle est officiellement écrivain « nègre » pour ceux qui lui demandent. Jeanne, elle aussi, va rencontrer l'amour. Le grand, celui qui vous chamboule à l'intérieur et bouscule votre vie. Amour virtuel puis bien réel avec un mystérieux homme rencontré sur internet. Elle ne connaitra pas son visage, les rencontres se déroulant toujours dans des pièces obscures. Valérie Péronnet semble avoir beaucoup mis d'elle dans ce premier roman sensible et émouvant.

L'extrait : « Cet homme est fou. Des jours et des nuits que le désir laboure nos vies dans tous les sens, et il ne bouge pas. Ne dit rien. Je sais qu'il peut ne pas bouger et se taire pendant des heures. Des jours. Des semaines, si ça se trouve. Ça me glace. »

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, Calmann-Lévy, 14,50 € 

mercredi 5 octobre 2011

Littérature - Campagne, sexe et croisière dans le roman de Patrice Pluyette au seuil

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette est un roman complètement barré. Cela commence comme une fable campagnarde bucolique. Hercule, garçon de ferme, courtise la belle Angélique. Finalement cela dévie vers l'érotique avec l'arrivée d'une star du porno. Mais l'auteur, intenable, emmène une partie de ce beau monde à bord du Magnifique, un paquebot où tous les excès seront permis. Amateurs de rationalité, passez votre chemin. Par contre si vous appréciez la folie douce d'une imagination débridée n'hésitez pas à embarquer sur ce Magnifique, vous ne serez pas déçu de la traversée.

L'extrait : « Angélique conduit Hercule vers ses parties à elles les plus sensuelles, cherchant à procurer des réactions en chaîne chez Hercule qui découvre le plaisir de la chose avec un soin extrême, désireux d'apprendre étape par étape les jeux de l'amour, s'enivrer des vapeurs de la chair, se faire sucer l'oreille, masser le coude de sa partenaire (…) éprouver ce qu'il ressent quand on le touche ici, quand on le pince là, quand il me voit, moi ; frotter ma joue contre ta joue, faire rejoindre nos nez, caresser les sourcils, s'assoupir, s'étendre sur le côté. »

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette, Seuil, 18 € 

mardi 4 octobre 2011

Roman - Cette agnosie si savoureuse de « Je vous prête mes lunettes »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, entre délire paranoïaque et fable surréaliste, fait partie de ces romans inclassables, carrément bizarres et dont les personnages, ou les scènes, vous trottent longtemps en tête. Construit en trois partie, on entre d'abord dans le quotidien d'une jeune femme perturbée par une fuite d'eau dans sa salle de bain. Après quelques extrapolations libidineuses avec le réparateur, le problème devient plus grave en raison de la présence d'une « bête » dans l'appartement. La seconde partie traite de jalousie et, à l'opposé, la troisième présente un homme agneusique c'est à dire privé de goût. C'est cette portion du roman qui est la plus succulente, la description infernale du quotidien de cet homme se moquant de tout semble, finalement, nous faire terriblement envie.

L'extrait. « Moi je n'aime rien, mais je peux comprendre. Je n'aime ni les gens ni les objets. Non seulement rien ne me passionne, mais rien ne m'intéresse. Je n'ai pas envie de me suicider non plus, ni de vivre comme un reclus. La fadeur ambiante me convient. Je marche, je dors, je mange, je parle – le moins possible. Je ne déteste pas écouter les autres, j'ai du temps, je leur en accorde volontiers. »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, Le Dilettante, 15 € 

lundi 3 octobre 2011

BD - La Contessa, une cambrioleuse de charme imaginée par Crisse et dessinée par Herval

Dans la catégorie des héroïnes de charme, la Contessa imaginée par Crisse et dessinée par Herval devrait rapidement prendre une place de choix. Cette jeune Italienne, riche et élégante, mène une double vie. Jet-setteuse le jour, la nuit, elle se transforme en redoutable cambrioleuse signant ses forfaits d'une flacon de parfum. Après un prologue au cours duquel elle dérobe une couronne en or de l'époque florentine, elle poursuit sa première aventure à bord d'un paquebot de luxe. 

Une croisière exceptionnelle au cours de laquelle se déroule un tournoi de poker avec 15 millions de dollars à gagner. Un somme qui est à bord... Cela attise quelques appétits, des relations de travail... de la Contessa. Ils sont une demi-douzaine à espérer dérober le pactole. Mais est-ce bien raisonnable si la belle Italienne est également sur le coup. 

Une BD d'action et de charme aux airs de film hollywoodien. L'intrigue à rebondissements et parfaitement ciselée par Crisse est illustré par Herval, dessinateur réaliste précis et élégant.

« La Contessa » (tome 1), Drugstore, 11,50 € 

dimanche 2 octobre 2011

BD - Ursula, une femme fragile partage ses tourments dans un album de Fred Bernard


Rousse aux yeux verts, Ursula est strip-teaseuse dans un bar en Bourgogne. Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est peut-être pour cela que Fred Bernard a décidé de la raconter. Plus habitué aux histoires pour enfants, il signe un roman graphique presque entièrement réalisé aux crayons de couleur. 

Cela donne un faux air de conte pour petite fille alors que l'existence d'Ursula est tout sauf une belle histoire. 

D'origine polonaise, brimée dans une institution catholique, elle est adoptée à 8 ans par un couple de riches vignerons bourguignons. Elle pourrait tranquillement reprendre l'exploitation familiale mais sa crise de l'adolescence et son amour de la danse la poussent à faire le show sur les comptoirs de bars. 

Montrer ses fesses, qu'elle a très belles, lui permet de gagner vite sa vie. Même si une grande partie de l'argent part en alcool et en drogue. Fred Bernard a réellement connu Ursula. Le roman est aussi reportage. L'auteur se met en scène en fou tentant de la raisonner. Une œuvre à part, suite de ses précédentes BD adultes parues chez Casterman.

« Ursula vers l'amour et au-delà », Delcourt, 17,50 € 

samedi 1 octobre 2011

BD - Toute la bande à Lucien de retour dans le tome 11 des déboires du vieux rocker de Margerin


Vous avez découvert cet été dans les pages de Centre Presse et Midi Libre et en avant-première quelques-uns des récits complets formant ce 11e tome des péripéties de Lucien et de sa bande. Frank Margerin a toujours la banane et malgré le poids des ans et les cheveux blancs, il garde son humour rock et bon enfant. 

Lucien a vieilli, il est maintenant casé, avec femme et enfant. Mais il a toujours les mêmes potes, ceux de sa bande qui ont écumé durant quelques années les festivals rock de France et de Navarre (Margerin était d'ailleurs encore la semaine dernière à Perpignan pour le Festival international du disque et de la Bande dessinée). Eux aussi ils ont évolué et se sont reconvertis. Riton, par exemple, a trouvé le petit boulot idéal pour arrondir sa retraite de fonctionnaire. Gardien dans un musée, il s'investit complètement dans ce milieu culturel. Mais essentiellement pour draguer les jeunes étudiantes des Beaux-Arts.

Retraite, maladie, anniversaires ou écologie sont également au sommaire de ces 11 histoires courtes qui sont très loin de ne s'adresser qu'aux vieux rockers nostalgiques.

« Lucien » (tome 11), Fluide Glacial, 10,40 €