samedi 26 mars 2011

BD - Nuit singulière


Le bac en poche, Mathieu, 18 ans, s'apprête à rejoindre Paris pour y poursuivre ses études. Il va quitter cette ville de province et tous ses copains. L'album de Appollo (récit) et Oiry (dessin) relate cette dernière nuit. 

Il erre, à pied, en compagnie de son pote Christophe, idéaliste qui aimerait devenir écrivain culte et de Jean-Mohamed, surnommé Barjot. Ce dernier a élaboré une théorie qu'il a érigé en mode de vie « La vie est une saloperie. Et il n'y a qu'un moyen de lutter contre cette pute. C'est d'être con. Si tu es un bon gros débile, tu est plus fort que la chierie de la vie ! ». 

Barjot fait rire Mathieu, mais parfois il va un peu trop loin. Notamment quand Mathieu se met à la recherche de Noémie, la petite brune piquante dont il est amoureux secrètement. 

Un roman graphique frais, plein de dérision, d'espoir et d'amour. Sa lecture ne peut que vous faire du bien...

« Une vie sans Barjot », Futuropolis, 16 €

jeudi 24 mars 2011

BD - Le désir et la violence


Jean Dufaux doit certainement être secrètement amoureux de Jessica Blandy. Cette héroïne de BD, qui est pour beaucoup dans sa notoriété en tant que scénariste, avait été mise au placard. Il a décidé, avec l'accord de Renaud, le dessinateur, de la remettre au goût du jour. Pour une trilogie dont « Le désir et la violence » est l'épilogue. 

Jessica est pourchassée. Par deux tueurs (un père et sa fille) et une infirmière. Avec son fils, bel adolescent, elle trouve refuge dans une communauté religieuse très stricte. A côté, les Mormons font figure de pornographes. La belle romancière va devoir reprendre les armes pour se défendre et finalement inverser cette tendance. Ce ne sont plus ses amis qui vont mourir, mais ses ennemis. 

Un album grand format qui permet à Renaud de donner toute sa plénitude à son travail entièrement en couleurs directes. Il a modifié sa technique depuis ses premières armes. C'est beaucoup plus beau. Comme sa redoutable héroïne, toujours aussi désirable.

« La route Jessica » (tome 3), Dupuis, 13,95 € 

mercredi 23 mars 2011

BD - L'œil du monde


Une BD de vikings, avec une jolie capitaine de drakkar, un jeune conteur naïf, un guerrier fort et émotif... Ce qui frappe dans le premier tome de « Aslak », nouvelle série écrite par Hub et Weytens et dessinée par Michalak, c'est la richesse des différents personnages. Leur complexité et leur fort potentiel. 

Waldemar, le roi, veut se distraire. Il en a assez d'entendre toujours la même histoire. Il donne une année à deux frères conteurs pour revenir avec de nouvelles quêtes. Skeggy et Sligand partent à la recherche du maître conteur. Mais Skeggy, le fourbe, s'associe avec Roald le Borgne et tente d'assassiner son jeune frère. 

Ce dernier trouvera aide auprès de la belle Brynhild (qui lui louera son drakkar) et Almarik, un guerrier. C'est ce dernier qui donne tout son sel à l'album. Fort et courageux, il ne supporte pas la vue du sang (il tombe direct dans les pommes). Il a donc tendance à se battre les yeux fermés. 

Cela provoque pas mal de dégâts collatéraux et semble une source inépuisable de gags.

« Aslak » (tome 1), Delcourt, 13,95 € 

Roman - Quand le rouge était symbole politique

En découvrant l'histoire de sa mère, un commerçant toulousain plonge dans l'histoire contemporaine européenne, de l'URSS à la guerre d'Espagne.

Un étonnant grand écart : c'est le premier sentiment que le lecteur a en refermant ce roman de Georges-Patrick Gleize. Tout oppose les deux personnages principaux de « Rue des Hortensias rouges ». Maxence, le riche commerçant toulousain et Mathilde, sa mère, pasionaria rouge qui a abandonné sa famille par amour et idéal. Maxence c'est le côté grand bourgeois, Mathilde celui de la lutte des classes.

Georges-Patrick Gleize, professeur d'histoire, est devenu en quelques années un spécialiste du roman de terroir. Il plante ses intrigues dans le Sud, toujours près de l'Ariège, département où il vit. Une bonne partie de son dernier roman se déroule à Ax-les-Thermes dans les années 30. Mais tout débute à Toulouse. Maxence, riche commerçant toulousain, reçoit la visite d'un enquêteur missionné par un notaire bordelais. Il vient s'assurer qu'il est bien le fils de Mathilde Auzeral. Son unique héritier aussi. Mathilde vient de mourir à Bègles dans la petite maison où elle vivait seule, rue des Hortensias rouges.

Arme et lingots d'or

Sa mère, Maxence ne l'a pas connue. Il était encore au berceau quand elle a abandonné le domicile conjugal. Tout ce qu'il en sait, de la bouche de sa grand-mère, c'est qu'elle « était une écervelée qui l'avait abandonné pour courir le guilledou avec un aventurier de passage. » Intrigué, comme pour retrouver cette maman qu'il n'a jamais connu, il accepte de se rendre à Bordeaux pour s'occuper de la succession. Il découvre le petit intérieur de ce qui semblait être une vieille dame rangée. Elle vivait chichement, entretenant avec soin de superbes hortensias rouges.

La dernière formalité consiste à ouvrir un coffre qu'elle avait à la banque. Maxence y découvre, stupéfait, plusieurs lingots d'or et un révolver de fabrication russe. Et une lettre, d'un certain Fédor, envoyé de Riga. Maxence, voulant absolument tirer toute cette histoire au clair, se rend en Lettonie. Il y rencontre Fédor, un vieillard vivant dans un petit appartement. Il est usé par les années passées dans les camps de Sibérie. Il parle français et se souvient bien de Mathilde. C'est par son récit que Maxence va découvrir la véritable histoire de sa mère.

Bourgeoise et révolutionnaire

Milieu des années 30, Mathilde, fille de bourgeois toulousain, a épousé Jean Auzeral, de 20 ans son aîné. Malade des bronches, la jeune mariée part en cure à Ax-les-Thermes dans les pyrénées ariégeoises. C'est là qu'elle rencontre Fédor Valkas. Ce militant communiste qui a tout sacrifié à sa cause, tombe sous le charme de la jeune Française. Un coup de foudre raconté avec beaucoup de sensibilité par Georges-Patrick Gleize. Mathilde, seule, loin de son mari qu'elle n'aime plus, accepte de déjeuner avec Fédor. « Suspendue à ses lèvres, la jeune femme, les yeux brillants, se gorgeait de ses paroles comme on boit aux sources de la vie. » « Dans les bras de Fédor, Mathilde Auzeral avait dansé jusqu'à l'ivresse. » « Elle avait résisté jusqu'au deuxième tango pour succomber lorsque le souffle de Fédor avait effleuré ses lèvres. » Mathilde découvrait un nouveau monde, fait d'amour et de combat politique.

Elle hésitera longuement avant de quitter le domicile conjugal et rejoindre Fédor, combattant en Espagne. Mathilde sera à Barcelone quand les troupes de Franco mettent en déroute les Républicains. L'auteur raconte la Retirada, cet exode d'Espagnols se réfugiant en France. Puis il y a la guerre, la France envahie par les Allemands, la poursuite du combat de Fédor en URSS. Cette histoire de l'Europe, qui semblait si lointaine à Maxence, se révèle être passionnante car sa mère, loin d'être la dévergondée décrite par la grand-mère, était une pasionaria rouge qui n'a jamais renié ni son amour de Fédor, ni ses idéaux de justice. Un splendide portrait de femme libre.

« Rue des Hortensias rouges » de Georges-Patrick Gleize, Albin Michel, 18 €

lundi 21 mars 2011

BD - Frangins... pour la vie


Difficile quand on déménage de se refaire des copains. Surtout quand on quitte des HLM de banlieue pour une gentille zone résidentielle. Dimitri et Luka sont frères. Ils se détestent mais pour l'occasion, trouveront un terrain d'entente. 

Dimitri est un adolescent en pleine crise existentielle (ses hormones le démangent), Luka, lui, est amoureux de son skate, et totalement dépendant de sa manette de jeux vidéo. Cette série de gags est écrite par Gaston qui a beaucoup fait pour la réputation des Lapins Crétins. Il s'est adjoint les services d'un vieux routier de la BD humoristique, Curd Ridel. 

Mais le créateur du Gowap et de Tandori a abandonné son style léché (à la Peyo) pour un trait plus lâche et brut, comme pour amplifier les horreurs imaginées par ces deux terreurs. 

Une BD très actuelle, pas toujours politiquement correcte, même si la dernière histoire pourrait faire couler une larme aux plus sensibles...

« Mon frère ce boulet ! » (tome 1), Jungle, 9,95 € 

vendredi 18 mars 2011

BD - Inénarrable Jean-Claude


Prototype du demeuré congénital, Jean-Claude Tergal n'avait rien pour devenir un véritable « héros » de bande dessinée. Pourtant il vit dans ce long récit sa 10e aventure. C'est du moins le 10e album relatant ses exploits. Cette fois, « Jean-Claude Tergal ne rentre pas seul ce soir » prévient la couverture. 

Alors ça y est, le brave Jean-Claude va enfin se déniaiser ? Sans dévoiler l'issue de l'album, on peut simplement dire que Jean-Claude, à cause de la ligne Maginot, va rencontrer une femme dans un train. Il ne la quittera pas durant quelques heures, réussissant même à la glisser dans son lit. Tronchet a de plus en plus de sympathie pour son personnage. 

Certes il est complètement idiot, lâche et timide, mais il n'a pas son pareil pour dénoncer certaines injustices. Et puis il a cette extraordinaire propension à rendre complexes les choses simples du quotidien. Un clown burlesque, en liberté dans la vraie vie. 

Irrésistible de drôlerie.

« Jean-Claude Tergal » (tome 10), Fluide Glacial, 10,40 € 

jeudi 17 mars 2011

BD - Violence politique italienne


Très ambitieuse série que cette « Mano » écrite par Thirault et dessinée par Pagliaro. Les auteurs entendent raconter la montée de la contestation violente d'extrême-gauche dans l'Italie des années 60. 

Ce n'est pas une BD historique. Pour comprendre ce qui a provoqué les fameuses années de plomb, ils vont suivre le parcours de cinq jeunes amis, insouciants et idéalistes. Ils sont donc cinq, comme les doigts de la main. 

Leur première action, brûler la grange d'un propriétaire terrien qui exploite des travailleurs immigrés, leur permet de mettre la main sur une petite fortune. Ensuite, ils multiplieront les actions, symboliques quand ils lancent des bombes à eau sur un universitaire fasciste, plus radicales quand la voiture d'un contremaître sadique est détruite dans une explosion. 

Le groupe se séparera temporairement après avoir causé involontairement la mort d'un « ennemi ». 

En plus de la trame politique, Thirault greffe au récit des romances amoureuses complexes entres ces trois garçons et ces deux filles.

« La Mano » (tome 1), Dargaud, 13,95 € 

mercredi 16 mars 2011

Roman français - Fuir la folie rouge

Jean-Pierre Milovanoff a beaucoup écrit sur le Sud de la France. Cette fois il raconte ses racines russes. Où comment fuir un pays devenu fou.



Novembre 37 dans une ville du sud de l'Ukraine. Deux fossoyeurs font des heures supplémentaires de nuit. Ils creusent des fosses communes pour les dizaines de cadavres charriés chaque nuit par la police. Staline est au pouvoir. La terreur règne. Une terreur que Jean-Pierre Milovanoff raconte dans ce court roman, témoignage d'un passé encore très proche et certainement présent dans la mémoire collective de toute la Russie et des anciennes républiques soviétiques.

L'idée de ce roman, presque un témoignage, un récit, l'auteur français l'a eu en retrouvant, dans les affaires de son père récemment décédé, « une mince brochure en anglais, « How I escaped the red terror », signée d'un certain MIKE. » Le père de Jean-Pierre Milovanoff a lui aussi fuit la Russie communiste. Mais bien avant que Staline ne transforme le pays en une vaste machine à dénoncer, à torturer, à emprisonner et à tuer.

Dans ce monde sans pitié, Anton Semionovitch Vassiliev est du bon côté. Membre de la police, le sinistre NKVD, il est craint et respecté. Il fait essentiellement du travail de bureau. Les dossiers des pseudos « espions » et « terroristes » passent tous entrent ses mains. C'est lui qui décide, d'un simple coup de tampon, s'ils iront croupir dix ans en Sibérie ou finiront une balle dans la nuque. Anton doit son statut à son père médecin. Il a soigné un général au bon moment. La famille est donc protégée par le régime. 

Ce n'était pas le cas de leurs voisins, les Milovanoff qui ont préféré fuir en France bien avant le début de la terreur. Anton complice mais pas convaincu. Ce n'est qu'une façon de se protéger, lui et sa mère. Mais quand il apprend que le général bienfaiteur vient d'être condamné à mort, il se doute que tout va basculer. Avec son jeune amant, lui aussi membre du NKVD, il décide de fuir. Ils vont, en quelques heures, mettre en place un plan ingénieux pour franchir ces frontières devenues totalement imperméables.

La cupidité des chefs

Le récit de Jean-Pierre Milovanoff est d'une dureté extrême. Il raconte notamment comment certains petits chefs font du zèle, pour assurer leur situation voire obtenir une promotion à Moscou. Avec l'espoir fou de se rapprocher de Staline. Ainsi le supérieur direct d'Anton, Romanenko, lâche et paranoïaque est devenu expert en la matière : « Avec l'acharnement des démons inférieurs, l'habile Romanenko avait aggravé le cas de l'accusée en impliquant plusieurs personnes de son quartier de manière à constituer à partir d'elle un réseau de terroristes. Le procédé était simple. Toute personne à qui la malheureuse avait adressé la parole un jour ou l'autre, fût-ce pour acheter une demi-livre de betteraves, devenait le membre actif d'une conspiration. » Des délateurs professionnels étaient même payés pour étayer les accusations. Des millions de personnes ont perdu la vie au cours de cette « terreur rouge ».

Et Jean-Pierre Milovanoff d'analyser cette dérive du régime : « Que serait l'histoire du monde sans la cupidité des chefs ? L'idéal de pauvreté des premiers bolcheviks n'a pas résisté à la réalité d'un pouvoir incapable de nourrir la population. » Un témoignage historique toujours d'actualité dans certaines dictatures vacillantes.

« Terreur grande », Jean-Pierre Milovanoff, Grasset, 14 €

mardi 15 mars 2011

BD - A fleur de peau


Quand on est policier, face à des affaires d'enlèvement, tout est bon pour retrouver la victime. Tout, même le paranormal. Malika et Patrick sont un binôme classique d'inspecteurs de police. Moins classique est leur aide épisodique, Dan. 

Cet étudiant à un don. Il peut « sentir » où se trouvent les disparus. Comme une boussole attirée par le Nord. Il ressent également leurs émotions, souvent angoissantes et douloureuses. Écrites par Séverine Lambour, ces trois enquêtes autonomes sont illustrées par Benoît Springer. 

Le duo s'affirme comme un des plus novateurs dans les thèmes abordés, aimant tester les genres à tout va. Dan, surnommé la « Boussole » souffre beaucoup, mais il a un tel potentiel qu'il serait dommage que ses enquêtes s'arrêtent là.

« La boussole », Soleil Quadrants, 17 € 

lundi 14 mars 2011

BD - Rencontre virtuelle


Charles Masson, médecin et auteur de BD, se contente du rôle de dessinateur pour cette étrange histoire de rencontre amoureuse sur le net. 

Le scénario est de Chloé von Arx, une comédienne belge qui signe là son premier album. Léa, décoratrice, désespère de trouver l'âme sœur. Elle écume les sites de rencontre et semble enfin avoir trouvé l'oiseau rare. Noé, coiffeur, a flashé sur elle. Le premier rendez-vous va être épique. 

Noé est venu accompagné de ses deux meilleurs amis : un ersatz du Che Guevara et un illuminé gothique. Bizarrement, Léa lui donne une seconde chance. Mais finalement elle devra se rendre à l'évidence : les fous pullulent sur internet. 

Un album qui laisse un petit goût d'inachevé malgré des personnages forts et attachants.

« L'arche de Noé a flashé sur vous », Futuropolis, 18 €