
"Le Juge, la République assassinée" (tome 2), Dargaud, 13,99 euros
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout

Jessica est pourchassée. Par deux tueurs (un père et sa fille) et une infirmière. Avec son fils, bel adolescent, elle trouve refuge dans une communauté religieuse très stricte. A côté, les Mormons font figure de pornographes. La belle romancière va devoir reprendre les armes pour se défendre et finalement inverser cette tendance. Ce ne sont plus ses amis qui vont mourir, mais ses ennemis.
Un album grand format qui permet à Renaud de donner toute sa plénitude à son travail entièrement en couleurs directes. Il a modifié sa technique depuis ses premières armes. C'est beaucoup plus beau. Comme sa redoutable héroïne, toujours aussi désirable.
« La route Jessica » (tome 3), Dupuis, 13,95 €
Alors que le premier tome d'une intégrale Jessica Blandy est annoncé pour fin février, Renaud et Dufaux poursuivent la publication de ce spin off de la série originale. « La route Jessica » est un road movie mouvementé et sanglant. On suit le parcours de deux mercenaires, des tueurs, Soldier et sa fille. Ils ont une liste de noms. Ils ont pour mission d'éliminer ces personnes. Des hommes et femmes qui gravitent dans l'entourage de Jessica Blandy.
Ils pistent donc la belle blonde. Cette dernière est au Mexique. Elle va tenter de sauver son fils adoptif, Rafaelle. Adolescent rebelle, il est sur le point d'intégrer le gang d'Atapulta. Un des plus sanguinaires de la région, dirigé par Anita Royola surnommée Piment rouge. Ce n'est pas parce qu'elle aime cette spécialité locale : « Anita est le piment rouge. Si tu la caresse, tes mains brûlent. Si tu l'embrasses, ta bouche est en feu. Si tu l'aimes, tu ne seras plus que cendres. »
Cet album, en couleurs directes, est peuplé de belles femmes, toutes plus cruelles les unes que les autres. D'Anita à Salina en passant par la fille de Soldier ou la mystérieuse infirmière, elles sont toutes élégantes et... sans pitié. Elles font quand même rêver. Comme si la beauté pardonnait tous les excès...
« La route Jessica » (tome 2), Dupuis, 13,50 €
Cela fait plus de 30 ans que je lis des BD. Trois décennies au cours desquelles j'ai pu voir l'évolution de certains dessinateurs. Ils sont reconnus et ont du succès aujourd'hui, mais cela n'a pas toujours été vrai. Les débuts ont parfois été durs pour certains. La maîtrise n'était pas complète.
Certains dessinateurs ont également eu des problèmes à leurs débuts pour des erreurs de castings. En clair, leur première série n'était pas du tout ce qu'ils pouvaient dessiner de mieux. Une sorte d'apprentissage, presque de bizutage. Ainsi comment imaginer que Griffo, dessinateur de SOS Bonheur, Giacomo C. , Sade ou Ellis Group a débuté en reprenant... Modeste et Pompon. Cette série de gags, imaginée par Franquin et animée durant de nombreuses années par Mittéi était orpheline. Griffo, postulant à la rédaction de Tintin, en a signé une petite trentaine. Un petit galop d'essai avant de s'imposer comme dessinateur réaliste dans les pages de Spirou.
Franz aussi a longtemps hésité entre dessin réaliste et humoristique. Alors même qu'il se lançait sur les traces de Jugurtha, il amusait les lecteurs de Tintin avec Korrigan, des histoires complètes écrites par Vicq. Frais, sans prétention, cette série a rencontré un joli succès. Mais il a fallu que Franz choisisse. Son amour des chevaux et des belles femmes a certainement fait pencher la balance vers Jugurtha et Lester Cockney.
Autre débutant des années 70 devenu un dessinateur reconnu aujourd'hui : Renaud. Sa première série a surtout marqué les esprit par la complexité du scénario. Aymone, héroïne sortie de l'imagination de Jean-Marie Brouyère, évoluait dans des décors enneigés au milieu de nombreux militaires. Une belle jeune femme, toute en formes. Renaud a continué dans cette voie, dénudant de plus en plus ses personnages féminins, notamment la sublime Jessica Blandy sur un scénario de Jean Dufaux.
Ces débuts hésitants de dessinateurs ont parfois été réédités en album bien des années après leurs publications dans les revues. Certains sont totalement introuvables comme les gags de Modeste et Pompon. Heureusement, le site officiel de Griffo a exhumé ces planches que l'on peut visionner dans un « musée des antiquités ». Pour ma part, toutes ces BD sont encore bien présentes dans ma mémoire tant elles m'avaient marqué, par leurs défauts ou leurs différences.
A l'inverse, la vieillesse a parfois joué des tours à certains auteurs qui ont lentement perdu leur coup de crayon. Exemple avec Raymond Macherot. Son trait, très classique, au sommet de sa carrière, est devenu tremblant et hésitant dans les dernières années. Il n'a pas su s'arrêter à temps. Mais parfois, les dessinateurs n'ont pas le choix, même si leur santé est chancelante, ils doivent continuer à produire pour assurer les fins de mois. Ils sont rares ceux qui peuvent arrêter une série et profiter d'une retraite méritée. Berck (Sammy) et Deliège (Bobo) en font partie. Et pour ces deux derniers, on regretterait presque ce retrait du monde de la BD tant ils sont partis au sommet de leur art.
Réservée aux adultes éclairés, la série Vénus H de Dufaux (scénario) et Renaud (dessin) plonge le lecteur dans un monde où les tabous n'ont plus cours, où la morale est abandonnée dans les vestiaires de ces alcôves réservées aux clients de cette agence de prostituées de luxe. Wanda, blonde, froide, experte dans sa partie, est devenue la favorite d'Oleg Kosca, bras droit de Maître Abel, prince de la débauche et de la drogue.
Wanda qui a un secret. Il y a quinze ans, elle a eu une fille. Dominique. Incapable de s'en occuper, elle l'a confiée à un couple de fonctionnaires. Mais Dominique semble marcher sur les traces de sa mère naturelle. Elle vient de faire une fugue en emportant un sac bleu d'une grande importance qui cause bien des soucis à Maître Abel.
Wanda, en apprenant les déboires de sa fille, décide de tout tenter pour la tirer des griffes de cette organisation tentaculaire ne faisant que peu de cas des "fusibles", même s'ils n'ont que 15 ans. Renaud, dessinant en couleurs directes, produit moins rapidement mais ses femmes n'en sont que plus belles et désirables.
"Vénus H" (tome 3), Dargaud, 13 €
Vénus H est un petite entreprise florissante. Ses « employées » sont louées par de grands noms de la finance. Pour paraître. Se montrer. Plus si le contrat le demande. C'est plus cher. Vraiment très cher. Après un premier tome tragique racontant le destin d'Anja, Dufaux s'attache à une seconde pensionnaire, Miaki. La jeune Asiatique est au service de Monsieur Zatoga.
Louée pour six mois. Une mission au long cours. Avec cette exclusivité, elle ne doit satisfaire que les amis de son commanditaire. Ce dernier a une idée derrière la tête. Il est en froid avec un scénariste américain. Après avoir signé un contrat pour un prochain film et empoché une belle avance, l'écrivain a disparu. Miaki devrait faire un superbe appât pour ce créateur, alcoolique et névrosé mais fasciné par l'Orient.
Problème, il n'y a pas que Zatoga qui recherche le créateur. De plus la belle tombe dans les bras de Serge, petite frappe au service de Zatoga. Une intrigue riche, avec éllipse, manipulation et coup de théâtre final. Le tout illustré par Renaud, dessinateur ayant véritablement franchi un cap depuis qu'il a adopté la technique de la couleur directe. ("Vénus H", Dargaud, 13 €)