mardi 5 janvier 2010

BD - Salade portugaise au menu de Lady S de Van Hamme et Aymond


Jean Van Hamme est omniprésent depuis quelques mois (voir la note précédente). Nouvelle série (Rani au Lombard), reprise de Blake et Mortimer, one shot avec Paul Teng chez Casterman et suite de ses dernières séries. 

Notamment Lady S dessinée par Aymond. Dans ce 6e volet des aventures de la belle blonde, l'action se partage entre Strasbourg et le Portugal. Suzan (ou Shania) est traductrice au Parlement européen. Elle en fait est chargée d'infiltrer un réseau d'extrémistes religieux. Mais au même moment son père, évadé des prisons russes, réapparaît à Lisbonne. Les deux intrigues vont s'entremêler dans un album plein d'émotion et de rebondissements. 

Presque l'archétype de la bonne série d'action qui pourrait parfaitement être adaptée pour la télévision.

« Lady S » (tome 6), Dupuis, 10,40 € 

lundi 4 janvier 2010

BD - Jean Van Hamme est partout


Jean Van Hamme est le scénariste à succès de ces 20 dernières années. Il a beaucoup produit, encore plus vendu, ce qui explique peut-être sa semi retraite. Après avoir assuré sa succession sur ses séries vedettes (Thorgal, XIII) il a décidé de se faire plaisir. Résultat il est très présent en cette fin d'année. Le nouveau Blake et Mortimer mais aussi une série, Rani avec Vallès au dessin, et cet album plus personnel dessiné par Paul Teng.

 « Le télescope » est une histoire d'amitié, de sexe et de d'amour fou. Ils sont cinq amis. Plus très jeunes. Pas très riches. Ecrivain, acteur, restaurateur, banquier, policier... Ils ont perdu leurs dernières illusions, survivant comme ils peuvent avec leurs lots de souffrances physiques. 

Et puis un jour ils la découvrent. Elle a 25 ans, habite en face et ils ne ratent rien de sa vie intime grâce à ce télescope providentiel. Ils rêvent en la regardant s'effeuiller. Un rêve qui va devenir réalité par une rencontre fortuite. Leur vie va changer, basculer, pour Jo, la belle Anversoise. 

Les personnages sont savoureux, Jo est belle à à se damner et la morale de moins en moins présente. Car Van Hamme se risque dans ce scénario à prendre le contre pied de ses productions habituelles, parfois trop vertueuses. C'est clairement immoral mais ces cinq copains sur le retour sont si sympathiques...

« Le télescope », Casterman, 15 €

samedi 2 janvier 2010

BD - Adorable Lou


Lou, la jeune héroïne imaginée par Julien Neel, va sur ses 14 ans. Elle grandit en même temps que ses lecteurs (essentiellement des lectrices) et partage souvent leurs doutes, espoirs et désillusions. Une année qui débute sur les chapeaux de roues. 

Alors qu'elle est en pyjama dans la rue en train de regarder l'immeuble de son enfance flamber, sa mère lui annonce qu'elle va avoir un petit frère. Un double choc, négatif et positif, qui s'équilibre mais ne sera pas sans conséquences sur l'avenir. Cette BD qui est une des séries vedette de Tchô, le journal de Titeuf, est beaucoup plus ambitieuse que certaines rigolades de cour de récréation. Lou a une véritable personnalité, développée par un auteur qui a également soigné les personnages annexes, du chat à la mère. C'est d'ailleurs cette dernière qui est en vedette dans ce 5e tome. 

Une fille-mère comme on disait il n'y a pas longtemps, qui a raconté son histoire dans un journal intime qui est tombé par hasard dans les mains de Lou. La pré-adolescente va ainsi comprendre pourquoi sa mère a tant de difficulté à s'engager avec son amoureux du moment, Richard lui aussi en proie au doute. Dessins doux, histoire intelligente : Lou est une belle réussite, la preuve que la BD d'auteur a encore de l'avenir.

« Lou ! » (tome 5), Glénat, 9,40 € 

vendredi 1 janvier 2010

Roman et rock - Romain Slocombe explore le Paris, côté obscur

Le Paris branché d'hier et d'aujourd'hui est au centre de ce polar crépusculaire de Romain Slocombe, amoureux de la capitale.


Mona est de retour. Mona, l'ancienne chanteuse des Mona Toys, groupe de rock des années 80 au succès aussi fulgurant que bref. Mais cette réapparition n'a rien d'un come back programmé par des publicitaires en mal de trouvailles pour gagner un maximum d'argent avec un minimum de création. Mona est simplement aperçue déambulant dans une rue. Cela reste quand même un événement puisque Mona Granados, normalement, est morte depuis quelques années...

Cette chanteuse, muse du héros, Alain « Glucose » Gluckheim, est la fameuse « Infante du rock » du titre de ce polar de Romain Slocombe, pièce maîtresse de « Noir 7.5 » nouvelle collection dirigée par Olivier Mau et dont l'ambition est de mettre en scène un « Paris d'aujourd'hui. Un Paris qu'on reconnaisse et non la toile de fond intemporelle d'un décor qui n'aurait guère changé depuis Nestor Burma. » Dans cet exercice, Romain Slocombe s'est transformé en guide touristique d'une ville sombre et mystérieuse. Où les lieux glauques sont parfois moins angoissants que les hommes et femmes les fréquentant. Ainsi, la découverte par Alain Glucose d'un sauna échangiste, sous la conduite de son riche éditeur accompagné d'une romancière à succès, sent l'expérience vécue. Et nauséeuse.

Folles années 80

Mona est donc au centre de ce roman. Figure tutélaire d'une certaine époque, quand la pop française était inventive et enthousiasmante. Alain Glucose était le parolier du groupe. Amoureux transi de la chanteuse qui préférait le guitariste. Et puis le succès aidant, la drogue a tout détruit. Alain survit maintenant en écrivant des polars mous, en assurant des traductions et des visites guidées pour les touristes japonais. Après la disparition de Mona, il a passé quelques années au Japon. Recruté par les Yakusas qui aiment la distinction des poètes maudits français... Le roman alterne vie d'aujourd'hui et longs flashbacks sur ces années 80 qu'on semble tant regretter alors que se profile une nouvelle décennie.

Alain, résigné, se contente d'une existence pépère, comme floue et triste après les ors et paillettes de la gloire. Tout change quand Takao, le yakusa fan des Mona Toys, revient à Paris. Un retour qui coïncide avec l'apparition de Mona. Alain est persuadé de l'avoir croisée dans une rue. Pourtant elle a été déclarée morte. Un dernier article sur elle est paru en février 1992. A la rubrique faits divers. On a retrouvé son corps, mais sans tête, pieds ni mains dans la Seine. Bien involontairement, Alain va se transformer en détective privé. Il se lance sur les traces de Mona avec le fol espoir de la retrouver et enfin lui avouer son amour. Mais en 20 ans, les branchés ont viré leur cuti. 

Finalement, Alain sera celui qui aura le mieux gardé l'esprit créatif et bohème de l'époque. Du DRH cynique au gourou sataniste, les anciens membres des Mona Toys ont bizarrement évolué. C'est aussi toute la richesse de ce polar, étude sociologique très réaliste d'une génération perdue.

« L'infante du Rock », Romain Slocombe, Parigramme, 15 €

mercredi 30 décembre 2009

Polar - Montagne vertigineuse

Ce thriller de Karine Giebel se déroule exclusivement en montagne. C'est d'ailleurs le personnage principal de ce roman vertigineux.


Envie d'une grande bouffée d'air pur ? Prenez ce roman policier de Karine Giebel et plongez dans cet univers merveilleux mais aussi très dangereux qu'est la montagne. Rendez-vous sur les hauteurs des Alpes de Haute-Provence, vers les villages d'Allos et de Colmars-les-Alpes. Des lieux touristiques, zones habitées de cette vallée vivant essentiellement de l'afflux des visiteurs du parc naturel du Mercantour.

C'est là que vit Vincent, guide touristique l'été, vivotant de petits boulots le reste du temps. Juste de quoi entretenir sa maison, l'Ancolie, dominant la vallée, plantée en haut d'un chemin escarpé et défoncé. Vincent, le personnage principal de ce drame psychologique mené de main de maître par un auteur qui s'impose de titre en titre comme une des plus brillante du genre.

Séducteur sans cœur

Vincent n'est pas spécialement sympathique dans les premiers chapitres. Ce quadragénaire parfaitement conservé, très sportif, est un grand séducteur. Mais il a un principe : jamais plus d'une nuit. Il séduit ainsi une jeune stagiaire de l'office de tourisme qui ne résiste pas plus de deux jours à son charme. Le lecteur apprendra un peu plus tard que cette attitude, par bien des aspects abjecte, est conditionnée par l'échec de son couple. Sa femme, un jour, est partie. Avec un touriste. Depuis elle occupe ses rêves. Ses cauchemars plus exactement. Accumuler les conquêtes c'est un peu comme une vengeance. Cela n'empêche pas qu'il est surnommé le « cocu »par les villageois. Et détesté par toutes les femmes qu'il a jeté comme un mouchoir en papier après utilisation.

Il ne faudra pas longtemps à Servane pour percer les défenses de Vincent. Cette jeune gendarme, dont c'est la première affectation, lui demande de lui faire découvrir la région. Il la conduit en excursion à travers les sentiers pour arriver sur les berges du lac d'Allos. Elle va découvrir un spectacle grandiose : « Quelques larges plaques de glace étincelante dérivaient à la surface, vestiges de l'hiver si rude à cette altitude. Le ciel et les tours se reflétaient dans ce lac-miroir, y dessinant un relief inattendu. »

Le roman alterne les descriptions de cette nature qui semble tant inspirer Karine Giebel et les moments de tension ou d'action. Ainsi, quand un de ses collègues est retrouvé mort au fond d'un ravin, Vincent ne croit pas à la chute accidentelle. Il va retourner sur les lieux avec Servane et tenter de retrouver les preuves du meurtre qu'il suspecte. Le roman va alors basculer vers sa partie thriller. Vincent devra faire face à certains fantômes du passé. Une épreuve qu'il tentera de surmonter avec l'aide de la belle Servane, de moins en moins insensible au charme du guide.

Si les précédents romans de Karine Giebel étaient courts et incisifs, allant droit au but, celui-ci est plus long (près de 500 pages) et plus abouti. Elle s'est concentrée sur l'exploration de la personnalité de ses deux héros. Le roman y gagne en densité.

« Jusqu'à ce que la mort nous unisse », Karine Giebel, Fleuve Noir, 19 € 

mardi 29 décembre 2009

BD - Intégrales made in Delcourt


Les éditions Delcourt se sont fait une spécialité d'éditer des intégrales essentielles en fin d'année. Cela donne de beaux cadeaux, des objets de collection et l'occasion de redécouvrir des séries. Ainsi ne manquez pas le premier tome de l'intégrale de Sillage de Morvan et Buchet. En 150 pages et pour 25 euros vous découvrirez les trois premiers tomes de la série SF de référence de ces 15 dernières années. Autre titre majeur du catalogue Delcourt, « Golden City ». 

Là aussi ce sont les trois premiers tomes de la BD de Pecqueur et Malfin que vous pourrez déguster d'un coup dans ce volume de la collection Long métrage. Golden City est une ville majestueuse bâtie sur l'océan, à l'abri de la surpopulation et de la violence qui règnent sur le continent. Un pays à part, qui a ses codes et ses secrets. 

Si vous accrochez, n'hésitez pas à acquérir la nouveauté de cette fin d'année, le tome 8, intitulé « Les naufragés des abysses ». Enfin pour les plus jeunes, ne manquez pas « Le vent dans les saules », la superbe adaptation du roman de Kenneth Grahame par Michel Plessix. Les quatre premiers tomes d'un coup, 126 pages de rêve, pour 25 euros. 

lundi 28 décembre 2009

BD - Hélène Bruller n'a plus d'amis

Dans le genre « je dis ce que je pense, même si cela fait mal » Hélène Bruller est championne olympique. Elle s'attaque cette fois à ses amis. Elle l'explique dans une préface destructrice : « Je vais dire plein de gentilles choses sur mes amis... Mais surtout des tas de saloperies au cas où ils m'auraient trahis sans que je le sache ». Et c'est parti pour une revue d'effectif où le cynisme est magnifié par un esprit d'observation exacerbé. 

Hélène présente sa tribu qu'elle réunit pour un grand repas. De Fabrizio, le hype gay à Loula la bombe, ils en prennent tous pour leur grade. On découvre au passage des personnages que l'on connaît par ailleurs, Humour man par exemple, alias Philippe, le mari de la dessinatrice, également connu sous le sobriquet de Zep. Cela donne une autre vision du créateur de Titeuf. Le portrait de l'éditeur d'Hélène Bruller, Benoît, est lui aussi gratiné. 

Le mix d'un premier de la classe avec un teenager trash... Un album décapant, qui nous venge d'amis qui nous énervent. Le problème c'est pour Hélène Bruller. Il y a de fortes chances pour qu'aujourd'hui elle n'ai plus beaucoup d'amis...

« Love », Drugstore, 13,90 € 

dimanche 27 décembre 2009

BD - Jessica Blandy épicée

Alors que le premier tome d'une intégrale Jessica Blandy est annoncé pour fin février, Renaud et Dufaux poursuivent la publication de ce spin off de la série originale. « La route Jessica » est un road movie mouvementé et sanglant. On suit le parcours de deux mercenaires, des tueurs, Soldier et sa fille. Ils ont une liste de noms. Ils ont pour mission d'éliminer ces personnes. Des hommes et femmes qui gravitent dans l'entourage de Jessica Blandy. 

Ils pistent donc la belle blonde. Cette dernière est au Mexique. Elle va tenter de sauver son fils adoptif, Rafaelle. Adolescent rebelle, il est sur le point d'intégrer le gang d'Atapulta. Un des plus sanguinaires de la région, dirigé par Anita Royola surnommée Piment rouge. Ce n'est pas parce qu'elle aime cette spécialité locale : « Anita est le piment rouge. Si tu la caresse, tes mains brûlent. Si tu l'embrasses, ta bouche est en feu. Si tu l'aimes, tu ne seras plus que cendres. » 

Cet album, en couleurs directes, est peuplé de belles femmes, toutes plus cruelles les unes que les autres. D'Anita à Salina en passant par la fille de Soldier ou la mystérieuse infirmière, elles sont toutes élégantes et... sans pitié. Elles font quand même rêver. Comme si la beauté pardonnait tous les excès...

« La route Jessica » (tome 2), Dupuis, 13,50 € 

samedi 26 décembre 2009

BD - Victor Sackville sur la frontière

En bande dessinée, il y a les héros immuables, où chaque aventure n'est qu'une péripétie sans conséquence sur son caractère (Ric Hochet en est l'archétype...) et puis ceux qui évoluent en fonction des événements qui traversent leur existence. Victor Sackville est un bel exemple de cette seconde catégorie, le 22e titre de la série marquant un tournant dans les aventures de ce héros imaginé par Borile et Rivière et illustré par Carin. 

L'agent secret anglais est envoyé à Anvers en Belgique. Le pays est occupé par les Allemands. Il s'agit pour Victor Sackville et son ami Pavel de trouver le successeur au chef du réseau de résistance de la ville de Vlissuigen, ville frontière essentielle dans la communication des informations collectées par les nombreux espions officiant durant la guerre 14/18. Dans une ville sous la coupe d'un occupant sans pitié, les deux héros vont découvrir que les apparences sont parfois trompeuses. Ils rencontrent Jeanne Laroche, résistante de la première heure, une des plus efficace, mais qui passe aux yeux de la population pour une traître vendue aux Allemands. 

Une belle parabole sur ces gens ordinaires, agents de l'ombre, mettant l'amour de leur patrie plus haut que leur réputation.

« Victor Sackville » (tome 22), Le Lombard, 10,40 € 

vendredi 25 décembre 2009

BD - Lanfeust, le retour

Il était parti, bien malgré lui, dans les étoiles. Il est de retour dans son monde d'origine. Lanfeust n'a vieilli que d'une année alors que presque 20 ans se sont écoulés en réalité. Se basant sur ce principe qui chamboule tout, Arleston, le scénariste, toujours secondé par Tarquin au dessin, se propose de raconter l'odyssée de Lanfeust, « Lanfeust Odyssey » après consultation des têtes pensantes du marketing des éditions Soleil. 

Alors que la belle C'Ian, mariée et retirée dans un castel protégé de la magie, élève ses enfants, Lanfeust est obligé de s'inscrire à la faculté pour achever ses études. Dans le même temps, Hébus, le troll, est envoûté et vendu à un vulgaire marchand qui l'utilise à de basses besognes. Ce premier tome est avant tout une mise en place. Il faut redécouvrir les personnages vieillis, Cixi, Nicolède et le fils de C'Ian, le très prétentieux chevalier Alcybiade Or-Azur. Il y a un peu moins de gags, plus d'action et le rythme est plus percutant. 

Tarquin sur ces 64 pages très dynamiques, a moins chargé son dessin. Il est plus épuré, encore plus en mouvement. Il semble avoir pris beaucoup de plaisir. Un plaisir qui est partagé par le lecteur, fan ou pas de la première série, tant l'ensemble est efficace.

« Lanfeust Odyssey » (tome 1), Soleil, 13,50 €