lundi 21 avril 2008

BD - Naja, tueuse insensible


Jean-David Morvan est devenu un scénariste qui compte. Il en faudrait peu pour qu'il devienne, en plus, un écrivain reconnu. Pour preuve cette nouvelle série, « Naja », dont il vient de confier les dessins à Bengal. Très peu de dialogues dans cette histoire de tueuse professionnelle insensible à la douleur. Les explications viennent en grande partie d'un monologue intérieur brillant qui pourrait tout à fait devenir autonome. Naja y explique pourquoi elle déteste les Français, les Anglais, les Islandais et d'une façon plus générale tous les Sud-Américains. Des réflexions qu'elle doit faire cohabiter avec un instinct de survie décuplé. Tueuse N° 3, elle découvre que le N° 1 veut lui faire la peau.

« Naja », Dargaud, 13 euros


dimanche 20 avril 2008

BD - Quête maritime


Sur la Mer du Nord et la Manche, à plusieurs époques différentes, « Lautremer » raconte la quête d'hommes et de femmes fascinés par un roi de la mer, le général Carausius. Cette série de Heurteau (dessin) et Leclercq (scénario), mélange plusieurs mythes. 

Une sorte de dieu maritime, mais également Alceister Crowley, ce mage du début du siècle, présent dans nombre de récits fantastique et dont la fille cachée, Marcia, est une des héroïnes de l'album. Cette Marcia qui découvre à la mort de son père qu'elle est en fait une petite fille adoptée. Un soir de tempète, son véritable père, l'a confiée à ce couple de pêcheurs. Elle se lance donc à la recherche de ses véritables parents aidée d'un trésor en pièces anciennes légué par son père. 

Elle retrouvera l'épave du yacht de ce dernier, le restaurera et repartira sur les flots à la recherche d'un hypothétique ailleurs. Assez dense, cette histoire balade le lecteur entre différentes époques (entre 1910 et 1930 et du temps de la conquête romaine de la Gaule) . Avec cependant un même « méchant », énigmatique capitaine d'une goélette allemande.

« Lautremer » (tome 1), Casterman, 11,50 € 

vendredi 18 avril 2008

BD - Frissons garantis avec de nouvelles Légendes urbaines


Corbeyran et Rémi Guérin, les scénaristes, se sont amusés à collecter les plus célèbres légendes urbaines circulant de bouche en bouche. Pour ce second recueil, ils en ont sélectionné et adapté quatre et les ont confiées à différents dessinateurs qui y trouvent un parfait terrain pour un premier galop d'essai. Vous pourrez donc visiter « L'antre de la folie » dessiné par Defali, découvrir qui est « Le meilleur ami de l'homme » de Jean-Christophe Fournier et choisir « Un bon jour pour mourir » d'Alice Picard. 

Cette histoire se passe le 11 septembre 2001 à New York. Ce matin-là, un trader a eu la mauvaise idée de ne pas aller au bureau pour passer quelques heures dans les bras de sa maîtresse. Un choix chanceux dans un premier temps, fatal peu de temps après. 

Mais la meilleur histoire reste celle dessinée par Marcelo Frusin. On est dans les pas de deux policiers américains qui vont apprendre à un couple de jeunes campeurs les finesses de « L'hospitalité du Sud ». Moralité : il ne faut jamais trop profiter de son pouvoir.

« Les véritables légendes urbaines » (tome 2), Dargaud, 13 € 

jeudi 17 avril 2008

BD - Gal, naufragée sur une île


À l’affiche de cette aventure de science-fiction qui combine la puissance des univers cosmiques de La Caste des Méta-Barons avec un récit basé sur une action trépidante, une belle et pulpeuse héroïne dans la lignée des pin-up qui ont fait la renommée de Juan Gimenez, excellent dès qu'il est question de dessiner des rondeurs. 

Miss Kennington, Gal, pour ne pas la nommer, est une fugitive en raison des pouvoirs fabuleux qu’elle détient. Elle trouve refuge sur une planète où se trouve un enfant doté des mêmes pouvoirs, mais qu’une maladie risque de faire mourir. Tout en se trouvant impliquée dans un combat intergalactique opposant l’humanité aux extra-terrestres... 

On apprécie dans cette histoire complète les scènes de combats galactiques et dans un tout autre genre les passages au cours desquels Gal, après des mois d'errance, profite d'une bonne douche chaude... Un mélange détonnant de modernité technologique et de glamour absolu, le tout par le dessinateur de La Caste des Méta-Barons, avec des personnages du Quatrième Pouvoir. Bref, on aurait bien tort de bouder son plaisir...

« L'île D-7 », Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

mercredi 16 avril 2008

Roman - Dérive nippone par Dany Laferrière

Dany Laferrière, Québécois d'origine haïtienne, peut-il devenir un écrivain japonais ? Son interrogation se transforme en dérive.


Pour son retour au romanesque, Dany Laferrière signe un petit bijou littéraire. L'écrivain canadien, d'origine haïtienne, aime prendre ses lecteurs à contre-pied. En tentant de se glisser dans la peau d'un écrivain japonais, il pousse l'exotisme à son paroxysme. Un roman dans lequel il n'hésite pas à se mettre en scène, avec ses travers, ses manies, ses obsessions, ses vaines tentatives de se prendre au sérieux. Fiction, réalité, il mélange le tout dans un joyeux charivari peuplé de personnages aussi déjantés que l'écrivain, le héros.

Donc, Dany Laferrière décide d'écrire un roman intitulé « Je suis un écrivain japonais ». Au début ce n'est qu'un titre après une réflexion dont il explique la genèse : « Quand je suis devenu moi-même un écrivain et qu'on me fit la question « Etes-vous un écrivain haïtien, caribéen ou francophone ? » je répondis que je prenais la nationalité de mon lecteur. Ce qui veut dire que quand un Japonais me lit, je deviens immédiatement un écrivain japonais. » Une fois le titre trouvé, il lui suffit de le vendre à son éditeur, qui, enthousiaste, lui verse une belle avance. Mais l'auteur reconnaît que s'il est un bon titreur, il est moins aisé d'aller au bout de son idée.

Chanteuse et diplomates

Il va donc tenter de s'imbiber de la culture japonaise. Mais à Québec, cela ne va pas plus loin que le cliché. Armé d'une montagne de préjugés glanés dans les revues et vus à la télévision, il va tenter de se transformer en bon nippon, lisant sans cesse l'œuvre de Basho, un célèbre poète du pays du soleil levant. Et il va payer de sa personne en traînant dans un bar où une chanteuse japonaise, Midori, se produit accompagnée d'une multitude d'amies (rivales ou maîtresses) toutes plus bridées les unes que les autres. Dans ce roman foisonnant, on rencontre Bjork, la chanteuse islandaise possédée par une poupée vaudou, des policiers accusateurs légèrement sadiques et des diplomates nippons très intrigués par la démarche de cet écrivain noir ayant la prétention de devenir, selon leur vision, le prototype de l'écrivain japonais.

L'occasion également pour Dany Laferrière pour lâcher, de-ci delà, quelques réflexions acerbes sur la perception du monde par nos contemporains. Clairvoyant et désabusé, il signe des pages qui feront date comme ce passage sur le pouvoir du sourire : « L'Anglais a déjà tenté de conquérir le monde avec son flegme et son parapluie. Le Japonais, son large sourire et un appareil photo. Le Louvre fait recette avec le sourire de la Mona Lisa. Personne ne rit en Occident. Le sourire c'est le pouvoir. Le rire souligne la défaite du Nègre. Je passe des journées entières à apprendre le sourire japonais. Un sourire détaché du visage. »

Moins « chaud » que ses précédentes œuvres (« Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer » ou « Le goût des jeunes filles »), ce roman donne une dimension supplémentaire à un écrivain inclassable, hors du commun, passionnant dans ses différences.

« Je suis un écrivain japonais », Dany Laferrière, Grasset, 17,90 € 

mardi 15 avril 2008

BD - Fin de cavale pour la fille du Yukon


Assez déroutante la troisième et dernière partie de la série "La fille du Yukon" écrite par Philippe Thirault et dessinée par Sinisa Radovic. Ce western âpre et sans concession se déroulant durant la grande ruée vers l'or de la fin du 19e siècle vers les territoires du Nord, prend des airs de mélodrame dans cet album. 

Après les nombreuses morts violentes des précédents tomes, c'est l'heure de la stabilité et du calme. Bonnie, la petite fille née dans les dernières pages du tome 2, est au centre de l'histoire. Elle est devenue adulte et est amoureuse d'un jeune indien. Une passion naissante racontée en parallèle à son enfance et la mort de ses parents. Une nouvelle épreuve attend cependant la jeune femme : quelques jours avant son mariage, son fiancé est mobilisé et envoyé dans les tranchées de la guerre 14/18. 

Des grands espaces sauvages, au confinement de la boue, de la sueur et du sang. Un grand écart graphique que Radovic maîtrise parfaitement.

"La fille du Yukon" (tome3), Dupuis, 13 € 

lundi 14 avril 2008

BD - Quand des humains étaient exhibés en cage


Le premier tome de « Kia Ora », paru en janvier 2007, avait fait sensation. Cette histoire de troupe de danseurs et chanteurs Maoris, embauchés par un promoteur de spectacle anglais pour présenter leurs coutumes à Londres à la fin du 19e siècle, était profondément humain. Le premier volume montrait comment Maaka et son épouse, jeune couple ayant des difficultés financières, avait accepté de partir durant ces quelques mois, laissant leur fillette, Nyree, aux grands-parents. 

Mais la petite parvient à se glisser à bord du bateau en partance. Elle sera découverte quelques jours plus tard, affamée, et sera donc du voyage. Pour ces maoris, fiers et courageux, la découverte de Londres est un rêve éveillé. Leur accueil par les Européens est beaucoup moins agréable. Passé la surprise, le spectacle remporte beaucoup moins de succès. Un « haka » cela fait peur une fois, mais c'est assez limité dans le temps. 

Le promoteur, au bord de la faillite, trouve comme solution de repli le jardin d'acclimatation de Paris. La troupe de Maoris y sera exhibée comme des animaux en cages. Les hommes du Pacifique appréciera moyennement. 

Le scénario de Jouvray et Olagnier s'appuie sur la vision de Nyree. Efa, au dessin, est sobre et efficace.

« Kia Ora » (tome 2), Vents d'Ouest, 13 € 

dimanche 13 avril 2008

BD - Apprendre l'Histoire en s'amusant


A chaque rentrée scolaire, ils font rire des milliers de jeunes et de moins jeunes. Les Profs, en quelques années, sont devenus les champions du rire et des ventes. Une formule qui marche parfaitement et que les deux auteurs, Pica (dessin) et Erroc (scénario) ont décidé de prolonger par une série thématique sur l'Histoire. 

Pas de gags cette fois mais huit récits complets qui conduisent les héros à divers époques de l'Humanité, de la préhistoire à un futur proche. On appréciera particulièrement le récit se déroulant en Egypte à l'époque des Pharaons. Les scribes Antoinis et Paulis, après une vaine tentative de grève, sont chargés, pour se faire racheter, de rédiger la légende du pharaon Touthéfaktis. 

Ils mettent beaucoup de coeur à l'ouvrage, mais le résultat final laisse à désirer car ils ont eu le malheur de confier à Boulardis, le pire cancre du Nil, la rédaction au propre de leur brouillon. Pica a du retrouver avec plaisir les décors et costumes d'une de ses séries défuntes. Du temps où il signait Pierre Tranchand et que Chafouin et Baluchon étaient les héros du mensuel « Gomme ». Nostalgie, quand tu nous tiens...

« Les Profs refont l'Histoire » (tome 1), Bamboo, 9,45 € 

samedi 12 avril 2008

BD - L'énergie des barbouzes


Un scénariste français ayant fait ses débuts dans l'écriture de jeux vidéos, Fred Weytens, un dessinateur canadien longtemps spécialisé dans les super héros, Denis Rodier, se sont associés pour cette nouvelle série d'action et d'espionnage de la collection Impact de chez Delcourt. Egide est une officine secrète, dépendant directement des gouvernements de quelques pays européens. 

Ses membres sont sollicités quand il faut intervenir à la limite de la légalité. Marc de Saint-Mont en est le chef. Il a sous sa responsabilité un génie de l'informatique, une pilote d'exception et un gros bras aimant les sensations fortes. Ils vont être chargés de surveiller un ancien agent secret russe sur le point de détourner une invention déterminante pour l'avenir. Un premier album mené à 100 à l'heure, où en plus de l'intrigue, Egide va tenter de recruter un nouvel élément. 

Aléna est une jeune cambrioleuse russe. Ses compétences de discrétion et de camouflages seront utiles à ce groupe de barbouzes efficaces et sympathiques. Reste à la convaincre de l'utilité de choisir le bien commun contre ses intérêts personnels...

« Egide » (tome 1), Delcourt, 10,50 € 

vendredi 11 avril 2008

BD - Kogaratsu dans la fournaise


Kogaratsu, presque à la retraite, a délaissé son sabre pour la hache. Le samouraï errant subvient à des moyens en fendant des bûches de bois pour un fermier. Une existence calme et tranquille qui ne va pas durer. Il reçoit un énigmatique message qui le pousse à reprendre la route. Il se rend au rendez-vous et découvre que c'est sa famille qui lui lance un appel au secours. Il se rend donc au chevet de la « Mère », dans ce donjon perché au sommet des montagnes. 

Une communauté de femmes qui fait bien des envieux. Une bande de brigands conspire pour prendre la place forte et s'emparer du trésor. Ils ont l'avantage d'avoir une alliée dans la place. Mais l'issue du combat pourrait changer avec l'arrivée de Kogaratsu. Le héros japonais de Bosse et Michetz était resté longtemps silencieux. Une parenthèse due au perfectionnisme du dessinateur qui a particulièrement soigné ces 52 planches. 

Un trait de plus en plus épuré, des scènes d'action époustouflantes : cet album ne vous décevra pas. L'incendie du donjon est reconstituée avec grande minutie par un graphiste d'exception. Une série rare à ne pas oublier.

« Kogaratsu » (tome 11), Dupuis, 10,40 €