lundi 15 octobre 2007

BD - Taniguchi propose du fantastique zen, calme et serein

Dans la préface de cet album, Jiro Taniguchi explique sa fascination pour la bande dessinée européenne. Il a toujours voulu faire un album pour le marché occidental. « Mon rêve devient réalité grâce à Casterman » explique-t-il. 

Cet album de plus de 60 pages est un mélange de souvenirs personnels et de légendes locales. Un jeune garçon, ayant perdu son père et dont la mère est gravement malade découvre qu'il peut parler avec une salamandre géante. Elle lui demande de la conduire à l'intérieur de la montagne dominant la petite localité. Du fantastique zen, calme, serein, avec un beau message d'espoir.

"La montagne magique", Casterman, 13,75 euros 

dimanche 14 octobre 2007

BD - La réalité avant les tranchées

Début du siècle dernier, le destin de deux jeunes Français est au centre de cet album de BD en deux parties. Le scénario est de Lax, les dessins de Frédéric Blier. Jean Gadoix est un braconnier de Haute-Loire. Ousmane Dioum est chasseur au Sénégal. Deux adolescents qui vont se retrouver responsable de leur famille. Jean car son père, alcoolique, est paralysée après un accident, Ousmane après que le mari de sa sœur ait été dévoré par un lion. 

Par touches successives, au fil des années et des événements, on suit ces existences, difficiles, rudes. Les deux hommes se forgent des caractères d'acier. Pendant ce temps, le monde s'agite et en 1914, les bruits de guerre se font insistants.

"Amère patrie", Dupuis, 13,50 euros 

samedi 13 octobre 2007

Roman - Odieux mais séduisant

Avec « Portrait de l'écrivain en animal domestique », Lydie Salvayre raconte comment une intellectuelle peut sombrer face à un homme d'affaires.


Quelle mouche a piqué la narratrice quand elle a accepté d'écrire « la biographie de Jim Tobold, le roi du hamburger » de la marque King Size. Cette femme écrivain, intellectuelle, aux idées progressistes, a pourtant dit oui quand le grand capitaliste lui a demandé de le suivre durant quelques semaines pour décrire sa vie et raconter comment il a façonné cette fortune colossale. Chez les amis de la romancière, les avis étaient partagés : « certains prédisaient que cet engagement signerait ma perte (car se commettre avec un patron vendu au Capital ne pouvait, selon eux, que conduire à la perdition) tandis que d'autres, jugeant ma situation hautement enviable, prédisaient qu'il ferait ma fortune ». Toujours est-il qu'elle a accepté, quitté son petit appartement parisien pour aller vivre dans un immeuble newyorkais d'une centaine de pièces, avec une armée de serviteurs aux ordres.

Les travers d'un être abject

Elle se transforme en petite souris et suit Tobold dans tous ses déplacements, ses rendez-vous, ses conseils d'administrations ou soirées de beuverie. Tobold est le prototype de l'homme qui ne doute jamais. Parti de rien, il se confie facilement sur son enfance à Toulouse, sous la coupe d'une mère qui « me fit longtemps gober qu'elle m'avait conçu sans l'intervention d'aucun homme, mais simplement en entrant en communion spirituelle avec une photo d'Alain Delon. » Aujourd'hui, quand il a une contrariété, pour se calmer, il descend dans son garage et entreprend de compter ses... 365 voitures.

Mais ce n'est pas toujours facile de supporter les avis à l'emporte-pièce de cet homme ne supportant pas la contradiction. Il mène ses entreprises comme des armées, est persuadé d'être infaillible et devient un autre homme dès qu'une négociation s'ouvre : sa drogue, c'est le deal. Plus les jours passent, plus la narratrice découvre les travers de cet être abject, jetant l'argent par les fenêtres, considérant sa femme comme un objet (il l'a rencontrée alors qu'elle était danseuse dans un peep show). Pourtant elle doit continuer a noter, tout noter, pour transformer ces pensées en une nouvelle évangile.

Un grand solitaire

Mais Tobold reste un homme, un être humain. La proximité va petit à petit changer son regard sur le milliardaire. « Il n'y avait pas homme plus détesté sur terre, pensais-je. Il n'y avait pas homme plus seul. Plus effroyablement seul. De là à avoir de la peine pour lui, ça non, jamais, enfin, pas trop, quoique, quoique je finisse par ressentir à son endroit un mélange de pitié, de rancoeur et de fascination. » La petite scribe va-t-elle tomber sous le charme de l'affreux profiteur ? Ce serait beaucoup trop simple et Lydie Salvayre dans ce roman jubilatoire, notamment quand elle décrit avec force détail les excès de son héros mâle ou les atermoiements de son héroïne femelle, pousse la réflexion un peu plus loin. Quelques rebondissements christiques plus tard, ce ne sont plus les mêmes personnages qui vont cohabiter, apprendre à s'apprivoiser. Un double glissement de personnalité qui accompagne cette féroce charge contre la société de consommation dans laquelle nous nous vautrons de jour en jour, trame de ce roman toujours présent dans la dernière sélection du prix Goncourt.

« Portrait de l'artiste en animal domestique », Lydie Salvayre, Seuil, 18 € (au format poche chez Points)

vendredi 12 octobre 2007

BD - L'impossible enfant de Martina Wachendorff chez Rivages

Une héroïne journaliste à la télévision, un fait divers sordide, le tout dans la région de Nîmes : un polar atypique signé Martina Wachendorff.

Si vous cherchez de l'intrigue bien ficelée avec force de rebondissements et de fausses pistes, passez votre chemin. Ce premier roman de Martina Wachendorff, tout en intégrant une collection de roman policier, est avant tout le récit des doutes d'une journaliste face à certains faits divers. Cette journaliste, c'est Nadia Mamméri, jeune, jolie, d'origine khabile. Elle travaille pour France 3 Languedoc Roussillon. Basée à Nîmes, elle a connu la notoriété quand elle présentait un magazine de décryptage des faits divers. Quelques enquêtes délicates plus tard, l'émission est supprimée, Nadia doit se contenter de « couvrir » la petite actualité de la région tournant autour des quelques notables provinciaux, dont « l'empereur de Septimanie » qui au passage en prend un peu pour son grade.

Enlèvement d'un enfant

Son chef, Prost, « l'envoie aux cocktails des pompiers... Mais attention, elle peut encore retomber plus bas, retourner aux piges de ses débuts. Sa place est fragile, elle la doit à son physique, sorte de diplôme supérieur pour une femme arabe désireuse de travailler dans les médias ».

Mais Nadia doit également être disponible quand un faits divers survient dans son rayon d'action. Son chef, Prost, l'envoie dans un institut spécialisé pour jeunes handicapés. Un enfant de 5 ans, Max, a été enlevé en plein jour. Atteint d'une maladie génétique, il est sourd, muet et défiguré. Nadia se souvient de lui. Sa famille avait bénéficié d'un vaste élan de solidarité pour faite opérer le visage du petit aux USA. Des fonds avaient été collectés. L'opération reportée. Prost est persuadé qu'il s'agit d'un acte raciste, la mère de Max est Maghrébine. Nadia n'y croit pas. Elle sait par expérience que dans la région tout est systématiquement mis sur le dos du racisme... ou des arabes.

Fausse couche

L'enquête change d'orientation quand une lettre de revendication arrive. Les ravisseurs exigent qu'un texte soit publié dans le Monde. Une longue déclaration dénonçant le manque de moyens dont souffre la recherche génétique. Cet enlèvement bouleverse Nadia. La jeune journaliste est en plein doute. Elle est amoureuse de José, un graphiste indépendant dans son travail et sa vie. Ils se retrouvent parfois, au restaurant puis dans l'appartement de l'un ou de l'autre. Quand Nadia découvre qu'elle est enceinte, elle sent que le moment est venu de franchir le pas. Elle n'en fera rien. Chez elle, alors qu'elle pensait si fort à cet enfant, elle fait une fausse couche. La jeune femme ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'enlèvement de Max. Et la revendication qui indique également que « les désordres génétiques sont dans 70% des cas à l'origine d'une fausse couche, de la mort enfantine subite et de la stérilité. »

Nadia va tout faire pour tenter de retrouver Max, comme pour sauver son enfant qu'elle n'aura pas. Une longue marche vers la vérité, vers l'horreur aussi. Mais comment Nadia Mamméri, petite journaliste de province, peut-elle faire exploser cette affaire aux dimensions nationales ?

On sera séduit par la personnalité de Nadia, volontaire mais également réaliste. Quant au fond politique du roman, chacun aura son avis, les débats entre scientifiques n'ayant jamais clarifié la situation. Mais il est probable que certains « devoirs de précauton » mis en avant de nos jours auraient été plus utiles il y a 50 ans...

« L'impossible enfant », Martina Wachendorff, Rivages Noir, 7,50 €

jeudi 11 octobre 2007

BD - Rire tout en travaillant avec Bamboo Job


Les éditions Bamboo, de petit éditeur en province, est devenu un poids lourds de la BD classique. Le succès est venu avec la série « Les Profs » de Pica et Erroc. Le filon a été creusé et différents métiers ont été passés au crible des gags. En cette rentrée, ce ne sont pas moins de quatre nouveautés « Bamboo job » qui partent à l'assaut des librairies, dont deux aux tirages très conséquents. 

A tout seigneur tout honneur, les Profs rentrent une 10e fois avec une « Motivation : 10/10 ». On retrouve avec délice tous ces enseignants, bornés, découragés, enthousiastes, luttant contre les élèves ignares (la rédaction sur la biographie de Jules Ferry est à se rouler par terre) et l'administration parfois opaque. 

Autre succès, les Pompiers imaginés par Cazenove et Stédo. Les hommes du feu se trouvent devant des situations toutes aussi délirantes les unes que les autres, incendies, accidents ou entraînements. Une série qui sort du lot en raison de ses dessins signés Stédo. Une fonction publique qui est particulièrement brocardée puisque vous pourrez également rire aux dépens des Postiers (par Godard et Du Vigan) et des Fonctionnaires (Bloz et Béka).

(Bamboo, 9,45 € chaque titre)

mercredi 10 octobre 2007

BD - A la recherche de l'opale

L'Europe du 17e siècle est en toile de fond de « La conjuration d'opale », série écrite par Corbeyran et Hamm et mise en images par Grun. Entre grande histoire et petits complots, les trois héros imaginés par les auteurs doivent tenter de mener à bien leur mission et surtout survivre face à de redoutables ennemis invisibles. Walaya est une aventurière, Erick un mercenaire, Joachim un alchimiste. 

Trois êtres différents mais qui trouvent un terrain d'entente pour mener à bien la « conjuration d'opale ». Dans ce troisième album, Walaya, quittant son bateau se lance à la recherche d'Erick, en train de cuver son vin dans une auberge. Le mercenaire est au plus bas, Joachim est mort, frappé par la peste, son corps vient d'être brûlé en place publique. De plus les opales ont disparu. Walaya elle n'a qu'une priorité, quitter au plus vite cette ville d'Anvers qui vient d'être placée en quarantaine en raison de la redoutable maladie. 

Une BD très ésotérique, avec de multiples références à Nostradamus. L'intrigue est parfois touffue, mais on reste en admiration devant les dessins de Grun. Plus peintre que dessinateur, il s'affirme de titre en titre comme le maître absolu de la couleur directe.

("La conjuration d'Opale", Dargaud, 11 €)

mardi 9 octobre 2007

BD - La célèbre île au trésor dessinée par Fred Simon

La collection Ex-Libris, dirigée par Jean-David Morvan s'attaque à un très gros morceau de la littérature mondiale. Après Dumas, Hugo ou Dickens, c'est le chef d'oeuvre de Robert Louis Stevenson qui est adapté en bande dessinée. Un roman qui a fait rêver des dizaines de générations, archétype du roman de pirates. Pas évident donc de trouver une accroche graphique originale. Simon, sur un scénario de Chauvel, a mis toute la précision et la chaleur de son trait dans cette adaptation graphique réaliste. On est rapidement happé par les trognes des pirates, même si dans la première partie ils sont à quai, pas encore connus sous leur véritable jour. 

Dès la première image, montrant l'auberge du jeune Jim faisant face à la mer, perchée sur le rebord d'une falaise, on est fasciné par ce milieu et ce suspense. On fait connaissance avec les personnages principaux, Jim, le docteur, le chevalier Trelawney... mais on ne sent le souffle de la grande aventure qu'à l'apparition du fameux Long John, unijambiste, manipulateur, machiavélique. Une première partie qui s'achève sur une pleine page montrant le bateau voguant et la vigie criant « Terre ! Terre en vue ! »

"L'île au trésor", Delcourt, 9,80 € 

lundi 8 octobre 2007

BD - Aventures en pantoufles

Certains le considèrent comme le héros de bande dessinée le plus crétin de la création. D'autres pensent que c'est un poète du quotidien à la mesure d'un facteur Cheval. Raymond Calbuth a lancé la carrière de Tronchet. Raymond Calbuth est enfin de retour. Le dessinateur avait négligé Raymond pour conter les aventures de Jean-Claude Tergal. Après un passage vers le grand écran, et des albums plus sérieux réalisés avec sa compagne Anne Sibran, il revient à ses premières amours : Raymond et Monique. 

Le couple n'a pas changé, toujours le même appartement, les mêmes petites habitudes réductruces. Et quand Raymond estime qu'il est temps de changer de charentaises, c'est la grande aventure qui commence. Mais la plupart du temps il ne quitte pas son deux pièces, allant même à organiser des visites guidées de cet intérieur qui restera unique pour l'éternité. 

Ce huitième titre de la série marque également le 20e anniversaire du personnage. Pour cette occasion, avec l'album, vous aurez droit à un petit livret souvenir reprenant « Les 20 coups d'éclat qui ont fait les années Calbuth ».

("Raymond Calbuth", Glénat, 9,40 €) 

dimanche 7 octobre 2007

BD - Experts helvètes


La nouvelle série de Ceppi c'est un peu « Les experts à Genève ». La brigade des enquêtes réservées (BER) entre en action quand le délit semble dépasser les frontières de la confédération. Par exemple, quand le personnel d'un hôtel de luxe découvre dans une chambre une prostituée tuée par balle et son client, à côté, visiblement suicidé. Mais la mise en scène est sommaire, d'autant qu'une cliente révèle qu'elle a fait entrer dans l'hôtel, quelques minutes avant le crime, un homme suspect. Une affaire relevant d'autant plus de la BER que les deux morts sont Italiens. 

Une rapide enquête conduit les policiers vers le siège d'un parti d'opposition à un pays africain. La prostituée était chargée d'empoisonner le leader politique, l'Italien se révèle être un agent américain... Cela se complique sérieusement quand un ordre venu de très haut demander de lever le pied sur l'enquête. Avec, cerise sur le gâteau, un trafic d'armes. 

Les policiers imaginés par Ceppi sont très réalistes. Sérieux mais désabusés, ils savent que la plupart du temps, leur enquête butera sur la raison d'Etat. Une certaine vision du monde, certainement très proche de la réalité.

("CH Confidentiel", Le Lombard, 9,80 €) 

samedi 6 octobre 2007

BD - Fées jumelles

François Debois connaît son monde celtique sur le bout des doigts. Après avoir adapté nombre de contes dans les recueils de l'Ankou ou de Brocéliande, il se lance dans une longue saga ayant pour héroïnes deux fées chargées de veiller sur l'île volante d'Avalon. 

Aileen utilise ses pouvoirs pour maintenir Avalon dans le ciel, Brynn, devenue guerrière, met sa redoutable épée au service de Dame Alya. Au retour d'une de ses campagnes, Brynn retrouve Avalon détruite, Aileen assassinée. Elle décide de se venger quand elle apprend que c'est justement Dame Alya qui a volé l'âme de sa soeur. Dragons, guerriers maléfiques, leprechaun : le chemin sera long avant d'atteindre la repaire d'Alya. 

Une série d'héroïc fantasy promise à un beau succès. En raison du scénario, solide et surprenant, mais surtout des dessins de Gwendal Lemercier. Après avoir illustré de nombreux ouvrages sur le monde celtique ou l'univers des dragons, il se lance dans cette série. 

Certaines doubles planches fourmillent de détails, ses batailles et lieux infernaux grouillant de bestioles vous fascineront.

("Les Arcanes d'Alya", Soleil, 12,90 €)