vendredi 5 octobre 2007

BD - Héritage à problème


Miguelanxo Prado, maître du récit court, sait également tenir en haleine ses lecteurs sur du long cours. Cette histoire est le récit des désillusions d'une famille ayant hérité d'une vieille tante oubliée. M. Gomez est tout excité avant d'aller chez le notaire pour découvrir le testament d'Isoline. M. Gomez se souvient de sa maison dans la campagne entourée d'arbres. 

Il était jeune, c'était le Paradis. Quand le notaire lui demande de choisir entre la maison de famille, les terres qui l'entourent ou quelques biens acquis par le défunte plus récemment, il n'hésite pas une minute. Il vient de renoncer à cinq appartements et plusieurs places de parkings... 

Une déception renforcée quand il découvre que la maison de famille est presque en ruine et que les les terres se limitent à 2000 m2. Il tente de vendre son bien, mais le maire de la commune, ne lui en propose qu'un prix symbolique : le terrain est trop petit pour y reconstruire une nouvelle maison. 

On assiste au naufrage de ce naïf, de plus en plus victime de requins de l'immobilier. A vous dégoûter d'hériter...

("La demeure des Gomez", Casterman, 9,80 €) 

jeudi 4 octobre 2007

BD - Panique chez les super-héros

Rien ne va plus au pays des super-héros. Elections truquées, coup d'Etat de certains, fuite des autres : c'est la panique. « Comix Remix » de Hervé Bourhis s'achève avec de plus en plus de références politiques sans oublier une bonne dose d'action et des sentiments très humains. Le héros, John-John, un enfant doté d'un super pouvoir, choisit le camp de la corporation avec Mr Spice contre les clandestins menés par sa mère. Ce que John-John ne sait pas c'est que Mr Spice est à l'origine de l'assassinat de son père. 

Les super-héros voudraient régner en maîtres absolus sur la ville, mais la population se révolte. De plus, des entrailles de la cité, surgit une attaque violente et inattendue d'un papillon géant menant une armée de chenilles. Cela bouleverse l'avenir de toutes les communautés. Ce troisième et dernier album de 80 pages clôt cette série étonnante. 

Bourhis s'il conserve un peu l'esprit des comics américains, l'illustre d'un dessin s'approchant plus de Reiser que des maîtres anatomistes d'outre-Atlantique. Un décalage déroutant durant les premières pages, mais très vite l'intrigue et les rebondissements prennent le dessus.

("Comix Remix", Dupuis, 15 €)


mercredi 3 octobre 2007

BD - Dans les tranchées au cœur des batailles

La guerre 14-18 n'en finit plus d'inspirer les auteurs de BD. Après Tardi et d'autres, c'est Morvan, scénariste plus porté sur la SF, qui décide de conter l'histoire du « Cœur des batailles ». Un album dessiné par Kordey, dessinateur né en 57 en Yougoslavie qui dédie cette BD « à tous mes vieux camarades de guerre ». En 1940, un ancien poilu se souvient. Notamment du jour où Amaréo Zamaï est apparu dans le camp. Ce soldat originaire d'Afrique, au port altier, mais peu sociable, fascine le conteur. Des souvenirs qui laissent la place à l'action dans les dix dernières pages. Décalée et réaliste, cette série sur la guerre ne laissera personne indifférent.

"Le cœur des batailles", Delcourt, 12,90 euros 

mardi 2 octobre 2007

BD - Les indes claires de Didier Conrad

Conrad est doublement d'actualité au cours de cette rentrée. Il signe le tome 4 des aventures de Tigresse Blanche et le second de RAJ, plus classique, dessiné dans une ligne claire épurée. A Bombay, au milieu du XIXe siècle, Alexander Martin, jeune agent de la police de la Compagnie des Indes, est chargé par sa hiérarchie de retrouver trois notables ayant disparus. Un quatrième « nabab », Lord Bullock s'évapore à son tour. En compagnie d'une belle indigène et du neveu de Bullock, ils vont dans un temple pour tenter de le sauver. Les dessins de Conrad sont superbes. 

Il signe de nombreuses demi-planches muettes, véritables tableaux que bien des collectionneurs aimeraient avoir dans leur salon.

RAJ, Dargaud, 13 euros 



lundi 1 octobre 2007

BD - La petite héroïne de Koma est en colère


La petite Addidas est en colère. En fuyant la ville en compagnie de son père ramoneur, elle a échoué dans une maison qui se révèle être une prison. En compagnie de deux autres enfants, eux aussi prisonniers, elle décide de prendre la fuite, malgré le monstre qui semble les guetter dans les sous-sols. Son père, resté dans la maison, découvre les capacités du bâtiment. Durant quelques secondes, on change complètement de personnalité. De plus en plus souvent. Jusqu'à ne plus se souvenir qui on est. 

Cinquième volet de cette série fantastique de Wazem et Peeters : le premier imagine ce monde de cauchemar, le second l'illustre d'un trait charbonneux, adapté à cette ambiance angoissante.

Koma, Les Humanoïdes Associés, 10 euros 

vendredi 28 septembre 2007

BD - "Les terres de Cael", de la SF pour les débutants

Cela commence dans l'espace avec l'arrivée d'un corps étranger dans un vaisseau spatial. Cela continue sur terre, quelques années plus tard, dans une décharge, une casse pour engins stellaires démantelés. Nolan et Myrko, deux petits délinquants purgeant une peine d'intérêt général découvrent un tube mémoire top secret dans le ventre d'une épave. Mais trois gros méchants veulent également ce tube et une course poursuite s'engage dans la ville haute et basse. 

Les deux jeunes héros parviennent à leur échapper et vont chez Lullaby, une belle pirate informatique, pour tenter de décrypter ces mystérieuses données. Ils vont découvrir un vaste complot destiné à déstabiliser la planète. Il s'agit du premier tome d'une nouvelle série SF assez classique mais très efficace. 

Si le début de l'histoire de Syde manque de nouveauté, le rythme et les dessins très dynamiques de Christophe Alliel permettent de passer le cap. Ensuite, l'ensemble prend une autre dimension, annonçant une suite beaucoup moins conventionnelle.

("Les terres de Caël", Soleil, 12,90 €) 

jeudi 27 septembre 2007

BD - Treize fois Cliff


Seconde partie de la première enquête de Cliff. Un héros multiple. Un schizophrène absolu puisque cohabitent en lui treize individualités distinctes. Depuis quelques années, il est sous la surveillance d’un psychiatre du FBI. Cliff était emprisonné, l’une de ses composantes se révélant être un tueur sanguinaire. Une facette qu’il parvient à maîtriser. Il est utilisé par la police fédérale pour tenter de résoudre les affaires les plus compliquées, celles relevant du « service des méthodes parallèles d’investigation ». 

Cliff s’est lancé à la poursuite de "La Torche", un tueur en série qui arrose ses victimes d'essence avant de les enflammer avec son briquet. Les différentes composantes de Cliff vont apporter leur savoir faire. L’informaticien laisse la place à une voyante puis à une tête brûlée experte en art martial, très efficace pour la scène finale. 

Mosdi, le scénariste, relance l’intérêt du lecteur avec la multiplication des personnalités dessinées par Winoc dont c’est la première série.

("Cliff and Co", Bamboo, 12,90 euros) 

mercredi 26 septembre 2007

BD - Caresse mortelle dans "Hel"

Série fantastique flamboyante, "Hel" est l’occasion de découvrir la révélation de cette rentrée : Anne Renaud. Premier album pour cette jeune dessinatrice, mais son aisance graphique éclabousse chaque planche. Décors futuristes grandioses, anatomie des personnages irréprochable, elle se permet même le luxe de créer un minotaure plus vrai que les légendes. Une virtuosité qu’elle a acquise en travaillant plusieurs années dans le secteur de l’animation. Elle a présenté deux planches de Hel à un concours, remporté haut la main. 

Hel, l’héroïne, est une jeune femme vivant dans l’ombre. SDF, solitaire, elle subsiste en fournissant à des artistes jumeaux, visionnaires et extrêmes, des cadavres et autres fœtus d’êtres difformes. Se dresse sur sa route un autre collectionneur, Fortunio Damanos, richissime original, fasciné par les "janus", des fœtus de siamois. C’est dans son palais qu’Hel rencontre ce minotaure dressé pour la tuer. C’est là aussi qu’elle utilisera son terrible secret : tout être vivant meurt à son contact.

("Hel", Delcourt, 12,90 euros) 

mardi 25 septembre 2007

BD - Megaron, sacré cochon


Jason, porteur d’une amulette, est quasiment immortel. Heureusement pour lui car ce chasseur de primes, parti délivrer la fille du roi, croise la route de Megaron, dit Ronnie. Le héros de cette nouvelle série de Sapin (scénario) et Pion (dessin) est un colosse à tête de cochon. Il massacre Jason et charme la fille du roi. Ils rentrent donc à trois au palais. Mais qui des deux est le libérateur ? 

Pour faire son choix, le roi leur demande de se lancer dans une quête très difficile : trouver une Drosophila Megalonaster Rex, une variété de mouche... Composé de récits complets indépendants, cet album, tout en puisant dans les ressorts de l’héroic fantasy, est avant tout un exercice de style glorifiant le second degré. Le héros, musculeux et à tête de cochon, en plus de faire fondre la princesse, préfère passer ses journées dans les bibliothèques que de batailler avec les méchants. Jason, défiguré, envieux et frustré, sera systématiquement dépassé par Ronnie. 

Décalée et originale, cette histoire l’est d’autant plus que le dessin est résolument réaliste et sombre.

("Megaron", Dargaud, 13 euros) 

lundi 24 septembre 2007

Roman US - Tranches de vie sur un « Campus »

La réputation sans faille du lycée d'Ault rassemble l'élite du gratin de la côte Est des USA, dans laquelle Lee tombe comme un cheveu sur la soupe.

Ault, campus prestigieux de la côte Est, dans les collines verdoyantes du Massachusetts, est un univers réservé par tradition aux vieilles familles riches. Fermés et élitistes, les élèves fortunés (la majorité) intègrent difficilement dans leur cercle restreint les élèves boursiers. C’est le cas de Lee Fiona, qui, venant du fin fond de sa campagne de l’Indiana, constate très vite, à ses dépens, la différence flagrante de comportement de ses condisciples aisés envers elle. Elle partage d’ailleurs une chambre avec Sin-Jun, très discrète et très correcte avec sa copine moins fortunée. Ce qui n’est pas le cas de Dede, toujours prête à lancer un propos acerbe ou un sous-entendu méchant. Mais vaille que vaille, Lee supporte tout et se consacre à ses études, consciente de sa chance de pouvoir les poursuivre dans ce lycée prestigieux.

Enfin une amie

Lors d’un cours de sport, Lee se retrouve à faire équipe avec Conchita, qui, à son grand étonnement, ne sait pas rouler à vélo et à qui elle propose de lui apprendre. "Je fis la connaissance de Conchita Maxwell au printemps, le premier jour d’entraînement de lacrosse. (...) Je savais que Conchita n’avait pas de petit ami et il ne me semblait pas non plus que Conchita ait beaucoup de copines." Elle tombent d’accord sur le côté "différent" de Ault. "Les choses sont différentes sur la côte Est, observai-je d’un ton évasif. C’est peu de le dire, répliqua Conchita en riant. Quand je suis arrivée ici, j’ai eu l’impression d’atterrir sur une autre planète." Et Lee continue d’observer ses condisciples, tout en essayant de ne pas tomber dans les jugements stéréotypés. A toutes occasions, elle se place comme observatrice extérieure, examinant les autres élèves comme un entomologiste ses insectes.

Pendant les "dîners officiels" mensuels par exemple, "tout devenait à la fois immense et lointain, et quelques chose se passait là-bas, très loin - une image confuse d’élèves bien habillés gagnant des tables couvertes de nappes blanches et de plats argentés."

Cross, le beau gosse

Le décalage avec la réalité n’arrange pas les interrogations existentielles de Lee et ses fréquentations fragmentées avec les "autres". Elle ne peut cependant pas s’empêcher de remarquer le beau Cross Sugarman, tout en sachant pertinemment qu’elle ne pourra jamais même approcher ce beau gosse issu d’une famille richissime. Quoique...

Entre les problèmes relationnels de Lee avec les étudiants comme avec les professeurs, le fossé qui se creuse avec ses parents et les premiers émois amoureux de son héroïne, Curtis Sittenfeld fait mouche avec son "Campus" élu meilleur roman de l’année 2005 par le New York Times. Le grand nombre de dialogues rendent la lecture de ce best-seller légère comme une plume. L’écriture et le style parfaitement maîtrisés confirment le talent de l’écrivain.

« Campus », Curtis Sittenfeld, Presses de la Cité, 22 € c