jeudi 10 mai 2007

BD - Triste télé réalité

Entre le plateau du Larzac et le château de Versailles, cet album, le quatrième de la série, offre un beau voyage aux lecteurs dans quelques lieux typiques de cette France immortelle. Gilles Chaillet, le scénariste, raconte l'alliance entre une chaîne de télévision privée et un gouvernement en mal de popularité. 

Pour résoudre le mal des jeunes des banlieues, ces derniers sont « déplacés » dans des villages abandonnés. Là, sous les objectifs des caméras de la téléréalité, ils se reconstruisent un avenir. Mais le beau scénario est perturbé par la disparition de plusieurs jeunes. Léa, journaliste vedette, se rend sur place pour enquêter. Elle retrouve leur trace dans un ancien camp militaire. Elle a la certitude qu'ils y ont été retenus prisonniers. Des preuves très recherchées car elle échappe, avec son équipe, à une attaque en hélicoptère. Revenue à Paris, elle sera prise en otage dans le château de Versailles. 

Le dessin très réaliste d'Olivier Mangin s'accorde parfaitement aux décors de l'intrigue, reproduits fidèlement. ("Intox", Glénat, 9,40 €) 

mercredi 9 mai 2007

BD - La fin des Vikings

Charlemagne n'est pas encore l'empereur régnant sur la moitié de l'Europe. Mais il est en train de dessiner son futur territoire. Il intrigue notamment pour étendre son pouvoir sur le Nord du continent. Son objectif, conquérir les terres des Vikings. C'est cette épopée historico-guerrière qui est contée dans le premier tome, assez violent, de cette série écrite par Sylvain Runberg et dessinée par Boris Talijancic. 

Le clan de Harald Larsson est en fête. Le jeune homme se marie avec la belle Lina. Le fier Viking commence à imaginer son avenir, radieux, calme, serein... Mais dans la nuit, au plus fort des réjouissances, le clan est attaqué. Björn le Beau est de retour, après son bannissement. Il massacre les villageois, tue le père de Harald et réduit en esclavage les rares survivants dont le jeune couple. Björn est en service commandé pour Charlemagne. C'est au nom de la religion chrétienne de plus en plus puissante qu'il agit. 

Un félon, des humiliés, un peu de magie et de religion : tous les ingrédients sont réunis pour concocter une BD d'aventure, grande fresque épique racontant la fin du peuple Viking. ("Hammerfall", Dupuis, 13 €)

mardi 8 mai 2007

Roman - Une fenêtre jaune sur l'inconnu

Cherchant à retrouver son frère et son fiancé disparus dans le désert américain, Cassidy va découvrir une ouverture sur un monde parallèle.



L'imagination de Serge Brussolo n'a pas de limite. On a même l'impression que cet écrivain ne la maîtrise pas complètement. Certains de ses romans, débutant dans une direction, prennent parfois une toute autre orientation en cours de récit. « La fenêtre jaune », thriller inédit paru directement au Livre de Poche, en est l'exemple même.
Cela débute comme un thriller classique. Très américain. Mais au milieu de l'ouvrage, l'ambiance générale change totalement, basculant dans une science-fiction cauchemardesque toujours chère à Serge Brussolo. Cassidy débarque donc au coeur du désert californien. Cette romancière, spécialisée dans la littérature pour la jeunesse, est interpellée quand elle apprend qu'une voiture vient d'être découverte au sommet d'un piton rocheux totalement inaccessible. Une voiture accidentée. Comme si, après un choc, elle avait été projetée à des centaines de mètres d'altitude.

Légendes indiennes
Cassidy n'est pas par hasard dans cette région. Elle est la recherche de son frère et de son fiancé, disparus quelques mois auparavant. Pour tenter de retrouver leurs traces, elle loue la même maison isolée qu'eux. Elle y découvre un capharnaüm mécanique dantesque. Avant de s'évaporer, ils ont mis au point une voiture à turbine surpuissante pouvant atteindre des vitesses extrêmes. Le début de cette enquête, entre constatation policière et légendes indiennes de la région, est très classique. Serge Brussolo insiste simplement sur l'angoisse de cette jeune femme, seule au milieu du désert.
Une solitude qui ne dure pas. Elle croise la route de Ziggy Starboy, un illuminé qui lui explique dans quelles circonstances les deux hommes ont disparu. Sur la longue piste d'une base aérienne militaire abandonnée, certaines nuits, une mystérieuse fenêtre jaune mobile se matérialise. Il est persuadé qu'il s'agit de l'ouverture sur un monde parallèle. Mais pour arriver à la franchir, il faut se déplacer aussi vite qu'elle. Une fenêtre qui fonctionne dans les deux sens. Ziggy a déjà récupéré sur la piste des hommes affublés d'un scaphandre doré. Mais ils sont tous morts quelques heures après leur arrivée. Quand Cassidy découvre ces humains, littéralement momifiés dans une salle spéciale, elle commence à croire Ziggy. Et prend sa décision : elle aussi va tenter de franchir cette fenêtre jaune. Pour retrouver son fiancé, pour ramener son frère.
A la page 110, « D'une détente des cuisses, Cassidy plonge à l'horizontale en direction de la fenêtre jaune. La lumière l'avale ». A la page 111, c'est presque un nouveau roman qui débute.
De l'autre côté de la fenêtre, le monde décrit par Serge Brussolo est totalement différent. Mais mieux vaut ne pas en dire plus. Car c'est bien là, dans cette formidable capacité à nous étonner, que réside tout l'intérêt des romans de cet auteur hors normes. Précisons simplement qu'il est question d'une société fermée, terrorisée, où les cauchemars des enfants sont monnaie courante. Un monde angoissant que vous n'êtes pas prêt d'oublier...
« La fenêtre jaune », Serge Brussolo, Le Livre de Poche, 6,50 €

lundi 7 mai 2007

BD - Une tête pas chère


Il y a à peine un peu plus d'un an, les éditions Futuropolis lançaient la collection 32. 32 pages pour moins de 5 euros. Echec commercial. Mais cela ne décourage pas les éditeurs de trouver des solutions innovantes. Paquet, maison suisse, lance donc en ce mois de mai la collection « Tekap ». Des albums de 30 pages, en couleurs et avec couverture cartonnée pour 5 euros pile poil. Parmi les trois premiers titres, une histoire de pirates par Artur Laperla, auteur du remarquable « Voleurs de chiens ». Au début du 18e siècle, le jeune botaniste Lafleur est envoyé aux Antilles pour y effectuer des recherches. Mais, arrivé sur place, il est enlevé par des pirates. Ils demandent une rançon. L'employeur de Lafleur ne voulant pas payer, il est conduit sur une petite île pour y être exécuté. C'est là que son chemin va croiser celui de Wilson l'enragé, pirate redoutable, victime d'une malédiction. Il ne reste de la terreur des Caraïbes que la tête. Une tête très persuasive qui va sauver Lafleur puis l'entraîner dans des aventures maritimes entre magie vaudou et sanglantes batailles maritimes. 
("La tête de Wilson l'enragé", Paquet, 5 €)

dimanche 6 mai 2007

BD - Coma dépassé

Certaines séries ne peuvent que difficilement se lire en cours de parution. « Frontière » (scénario de Rodolphe, dessin de Marchal) en fait partie. Ce troisième tome en est l'exemple type. On voit, dans les premières pages, Yves Fréhel, le héros, raconter à un ami qu'il est sur le point de découvrir une hormone permettant le ralentissement du vieillissement. Ce jeune chercheur français se retrouve du jour au lendemain sur le devant de la scène. Sa trouvaille change sa vie. Mais il reste intègre et refuse de livrer son secret. Jusqu'au jour ou deux gros bras débarquent chez lui pour le faire parler, de force. 

Fréhel parvient à s'échapper mais est grièvement blessé dans la poursuite. Tout ce qui précédait n'était qu'un flash-back. Dans la réalité, Fréhel est dans une chambre d'hôpital. Il est inconscient. Toujours détenteur de son secret. D'autres chercheurs tentent de lui extirper sa découverte en manipulant son subconscient, en trafiquant ses souvenirs, en tentant de lui faire revivre son passé. 

Cela pourrait être emberlificoté et obscur, c'est finalement passionnant, à la condition d'avoir lu les deux premiers tomes. Quant au dénouement, il faudra attendre encore un peu, il n'intervient que dans le quatrième album... ("Frontière", Le Lombard, 13 €)

samedi 5 mai 2007

BD - Amour et trahison sur fond de révolte des vignerons en 1907

L'un est d'origine alsacienne, l'autre Bordelais. Claude Ecken et Benoît Lacou sont pourtant les deux auteurs de cette bande dessinée racontant la révolte de 1907. Ces 48 pages, tout en racontant la vie de Marcellin Albert, se penchent sur la rencontre de Guillaume et Justine. Le premier est fils d'ouvrier agricole, payé par un gros propriétaire pour infiltrer le mouvement de révolte. C'est là qu'il rencontre l'amour en la personne de Justine, membre d'un comité. Guillaume, touché par la révolte de ces gueux, changera de camp. 

Une intrigue à la Ruy Blas, revendiquée par Claude Ecken, le scénariste, qui a découvert que Marcellin Albert a interprété cette pièce de Victor Hugo quelques années avant la révolte. Toutes en couleurs directes, ces planches sont exposées au Palais des Congrès de Gruissan ce week-end à l'occasion du festival.

"1907, la longue marche des vignerons du Midi" de Claude Ecken et Benoît Lacou. Editions Aldacom. 12 euros.

vendredi 4 mai 2007

BD - Police et infiltration

Brillante élève policier, Claire a été choisie pour un poste très risqué. Elle va infiltrer le monde de la prostitution lyonnaise. Depuis quelques années le milieu albanais terrorise les filles, n'hésitant pas à faire venir des pays de l'Est cette chair fraîche si appréciée par les clients occidentaux. Claire devient Clara et débute cette plongée dans l'horreur. Elle est toujours sur la ligne blanche. Protégée, surveillée, elle est pourtant très menacée. 

Toute personnalité trop affirmée est sévèrement réprimée par les malfrats albanais. 

Le premier tome de cette série de Laurent Astier, sur près de 100 pages, racontait la mise en place de la cellule Poison, de son but, de ses moyens. Le second tome accorde beaucoup plus d'importance à la psychologie des personnages. Leurs doutes, leurs peurs. En quatre chapitres très rythmés, on découvre le passé de Zoran, l'autre infiltré dans le milieu, et un voyage en Albanie, dans une sorte de supermarché du sexe tarifié, fait froid dans le dos.

 Quant à Claire, elle ne sait plus qui elle est véritablement et se pose de plus en plus de questions. Une série majeure à ne pas manquer. ("Cellule Poison", Dargaud, 11 €)

jeudi 3 mai 2007

BD - La guerre des Barons

Bérard, le doyen de la caste des méta-barons entreprend, dans le premier tome de cette nouvelle série écrite par Jodorowsky, de conter l'histoire de ses ancêtres. Place donc à Dayal, dessiné par Das Pastoras, virtuose espagnol s'étant déjà illustré avec « Les Hérésiarques ». Sur Ahour-la-Naine, la plus petite planète de la galaxie, perdue aux confins de l'empire, 2 000 habitants auraient pu vivre en paix. Mais ils sont divisés en deux clans, les Amaruka aux étendards rouges et les Castaka, fiers de leur couleur blanche.

 Délaissant la technologie, ils se battent au sabre, avec un code d'honneur implacable. Cet affrontement bascule avec l'enlèvement de la reine Castaka. Engrossée par le roi Amaruka, elle donne naissance à Dayal. Il pourrait devenir le maître la planète après la victoire totale des Castaka, mais c'est un bâtard. Il est maintenu en vie uniquement car il est le seul mâle en état de procréer sur la planète. 

Dayal, père de centaines d'enfants, devra finalement s'enfuir, quitter Ahour-la-Naine en compagnie de sa femme et de ses filles, pour survivre. De roi, il deviendra pirate, bandit. Le côté sombre des méta-barons vient de débuter. ("Castaka", Les Humanoïdes Associés, 12,90 €)

mercredi 2 mai 2007

Roman - Les soins délirants

Dans « Hépatite C », Vincent Ravalec fait le récit des effets secondaires d'un traitement radical contre cette maladie méconnue.

Vincent Ravalec, de « Cantique de la racaille » à « Un pur moment de rock'n roll » s'est beaucoup inspiré de ses aventures (certains parleraient d'errances) de jeunesse pour bâtir des romans forts et sans concession. Il s'est assagi avec l'âge, mais a gardé un soupçon de rébellion. et une sale maladie. Il pose le problème dès les premières pages de ce « récit » : « J'étais écrivain, j'avais légèrement dépassé la quarantaine, et j'étais porteur de l'hépatite C depuis les années soixante-dix. A mon avis depuis 1976. Au moment où j'avais les cheveux plus longs qu'aujourd'hui. Quand un élan un peu fou rassemblait les gens dans des festivals de musique dissidente, avec ce truc de contre-culture, l'héro en pagaille, l'arrivée du punk. Avant la déferlante du sida et des seringues en vente libre. » Une maladie qu'il faut surveiller. Qui peut se faire oublier. Malgré les fréquents examens. « L'hépatite C n'était pas grave tant que vous étiez vert avec un peu de jaune. Quand vous étiez rouge-rouge, c'était le début de la fin ».

Légèrement hypocondriaque

Pour la première fois, les résultats sont « rouge-rouge ». « Je vais clamser, cette fois c'est certain ! » fanfaronne Vincent Ravalec en rentrant chez lui. Ayant une « certaine propension à l'hypocondrie », il n'est pas pris au sérieux par sa petite famille, une femme active et deux ados dont une fille an de David Guetta. Cela pourrait être dramatique, cela prend des airs de farce. Vincent Ravalec n'arrive pas à s'apitoyer sur son sort. Au contraire il se met en scène, tel un pantin hésitant.

Quand on est rouge-rouge, c'est surtout le signe qu'il faut tenter d'éradiquer la maladie. Il existe un traitement, lourd et cher, mais qui donne souvent de bons résultats. Une bithérapie devenue obligatoire, malgré les effets indésirables secondaires. Après avoir listé les symptômes de l'hépatite C (jaunisse, gonflement des chevilles et du ventre, vomissement de sang, infections à répétition...), il détaille avec un plaisir macabre tout ce qui l'attend : « douleurs d'estomac, sang dans les selles, toux persistante, battements cardiaques irréguliers, problèmes de vue et dépression ». Par exemple dans le volet dépression, il est marqué sur la notice livrée avec les médicaments que « certains patients sont allés jusqu'au suicide ».

Ours et nonnes lesbiennes

C'est donc la peur au ventre que l'auteur débute son traitement. Assommé les premiers jours, il va lentement mais sûrement glisser vers un état s'approchant plus en plus de la paranoïa la plus intense. Pour se protéger des murs de son salon qui se rapprochent de lui, il se confectionne un abri avec des chaises recouvertes de draps. C'est là qu'il va passer plusieurs jours, hagard, hébété, de plus en plus déconnecté de la réalité.

La suite du livre va crescendo. Ayant une révélation mystique, il quitte son appartement parisien pour rejoindre un monastère dans les Pyrénées. Il y croisera des nonnes lesbiennes toxicomanes, un ours agressif et un gourou à Lourdes. Son périple, dantesque, délirant et hilarant, s'achèvera à un péage d'autoroute, les gendarmes reconnaissant cet homme qui fait l'objet d'un « avis de recherche dans l'intérêt des familles ». Le récit de sa cavale est entrecoupé de souvenirs de jeunesse et d'affreux cauchemars. Si toute une partie du livre est sérieuse et documentée, apprenant au lecteur nombre d'informations sur l'hépatite C, une maladie qui touche 700 000 personnes en France, Vincent Ravalec n'a pas négligé dans des passages d'anthologie son côté iconoclaste trash, cher à ses lecteurs.

« Hépatite C », Vincent Ravalec, Flammarion, 16 €

mardi 1 mai 2007

BD - Le naufrage de la vieillesse

« Rides » propose au lecteur un voyage dans les affres de la mémoire défaillante. Signé Paco Roca, auteur espagnol très prometteur, cet album d'une centaine de pages offre un regard sensible, lucide et sans concession sur la maladie d'Alzheimer. Ernest, un paisible retraité, est placé par ses enfants dans une résidence du troisième âge. 

Cet ancien banquier a parfois des absences. Il est dans la période critique d'Alzheimer où il en a encore conscience. Mais il n'ose pas réellement y croire. C'est en découvrant qu'il a le même traitement qu'un homme devenu un véritable légume qu'il comprend l'étendue de sa maladie. En compagnie d'Emile, son collègue de chambre, il va tenter de retarder les effets du mal en exerçant sa mémoire puis en mettant des étiquettes sur les objets de la vie courante. 

Mais inexorablement le cerveau malade ne tourne plus rond et Ernest s'enferme dans un monde figé et de plus en plus incompréhensible. Emile, de vieillard cynique profitant de tout et de tous, se transforme en compagnon de galère attentif, retrouvant un sens à sa vie, elle aussi en fin de course. Préparez les mouchoirs. (Delcourt, 14,95 €)