Lancée il y a dix ans par les éditions Pocket pour soutenir les Restos du cœur, l’opération 13 à table se poursuit avec de nouveau des nouvelles signées par de grands écrivains français. Un livre acheté, ce sont 5 repas de financés. Cette année, sous une couverture de Catherine Meurisse célébrant l’union qui fait la force, on retrouve au sommaire du recueil des nouvelles tournant autour du thème : dans le même bateau.
Au générique en cette année 2024 14 auteurs aux styles très diversifiés comme Sandrine Collette, Lorraine Fouchet, Karine Giebel, Raphaëlle Giordano, Christian Jacq, Marie-Hélène Lafon, Alexandra Lapierre, Marc Levy, Marcus Malte, Agnès Martin-Lugand, Étienne de Montety, François Morel, Romain Puértolas et Jacques Ravenne. « 13 à table », Pocket, 240 pages, 5 €
Toute enquête policière sur une affaire d’homicide passe par une autopsie. Le personnage principal de cette nouvelle série écrite par Antoine Tracqui et dessinée par Follini et Antiga est Jennie Lund, une jeune médecin légiste à l’institut médico-légal de Göteborg en Suède.
À peine formée, elle doit s’occuper d’une affaire particulièrement sensible et sordide. Dans les bois, des randonneurs ont découvert un homme crucifié sur un arbre. Le tueur lui a coupé les jambes, les bras, le sexe et a retiré ses yeux. A ses pieds, des bouts de chair forment comme un message en langage ancien. D’autres cadavres sont découverts et l’enquête est confiée à l’oncle de Jennie.
Dans des paysages enneigés, entre salle d’autopsie sinistre et lieu de massacre horrifique, l’action est racontée par Jennie, beaucoup plus impliquée qu’elle le croit dans une affaire aux effets dévastateurs. A ne pas mettre entre toutes les mains certaines scènes étant particulièrement gore. « Autopsie » (tome 1), Oxymore Éditions, 64 pages, 15,95 €
Pour attraper les méchants, il y a les policiers mais aussi les détectives privés. Un grand classique dans la littérature et BD américaine, revisitée par deux scénaristes de talent : Jeff Lemire et Matt Kindt. Ils ont imaginé les péripéties de ce Cosmic Detective dans un futur lointain et ont demandé à l’Espagnol David Rubin de traduire le récit en superbes planches.
Ce détective, qui travaille pour une agence non officielle, arrive sur la scène d’un crime avant la police. Pour la première fois de sa carrière, il constate que la victime n’est pas un humain mais un… Dieu. Dans cet univers, ces êtres supérieurs, prétendument immortels, sont au-dessus des Humains. Qui a réussi à en occire un ? Avec quelle arme ? Et surtout pourquoi ?
En recherchant la dernière personne ayant vu le Dieu mort, une jeune femme, le détective tombe sur une information capable de faire s’écrouler le monde actuel. Une longue descente aux enfers pour un homme inflexible, partagé entre son devoir et l’envie de simplement profiter de sa famille. « Cosmic Detective », Delcourt, 192 pages, 23,75 €
De marshal à shérif en passant par les agents du FBI, les USA ont toujours apprécié les héros chargés du maintien de l’ordre. Notamment quand ce continent, encore vierge, était livré à toutes les violences, tous les excès. Dans l’Ouest, le vrai, les hommes de loi, les lawmen, sont devenus de véritables légendes.
Tiburce Oger raconte 14 trajectoires de ces rois de la gâchette. Vedettes et autant de dessinateurs réalistes appréciant illustrer ces paysages américains vierges. On va donc croiser des shérifs incorruptibles, d’autres encore plus malhonnêtes que les pires voleurs de bétail, des agents chargés des affaires indiennes et quelques Texas rangers. Sans oublier le juge qui pend, celui qui a finalement le plus de sang sur les mains.
On retrouve quelques habitués (c’est le 4e titre de la série) comme Corentin Rouge, Laurent Hirn, Laurent Astier ou Dominique Bertail et quelques nouveaux dont Richard Guérineau, Xavier Besse ou Alain Mounier. « Lawmen of the west », Bamboo - Grand Angle, 120 pages, 19,90 €
Dix ans. Il aura fallu dix ans pour connaître la suite du tome 13 des aventures de Soda, le flic new-yorkais qui se déguise en pasteur pour ménager sa mère cardiaque. Intitulé Résurrection, il voyait l’arrivée d’un nouveau dessinateur : Dan Verlinden. L’épisode suivant, Révélations, était en cours d’écriture quand le scénariste, Tome, meurt subitement. Après quelques années de doute, les enfants de Tome confient les notes de leur père à Zidrou et Falzar pour écrire la conclusion de l’histoire.
Voilà pourquoi cette suite a mis dix ans à voir le jour. Dans un New York post-attentats du 11 septembre, la surveillance vidéo est devenue omniprésente. Caméras à tous les coins des rues, mais aussi drones. Soda n’apprécie pas spécialement mais continue son boulot et quand il apprend qu’un attentat va sans doute être commis dans le métro, il entre en action.
Dans la suite tant attendue, on découvre que les terroristes ne sont pas ceux que l’on croit, que le 11 septembre cache beaucoup de mensonges d’État. L’histoire semble un peu déconnectée de la réalité, mais on apprécie avant tout les dessins de Dan Verlinden. Ancien assistant de Janry, il a une maîtrise absolue de l’univers sombre imaginé par Tome. Et on constate qu’en dix ans, il a peaufiné son trait et ses mises en page.
Il aurait été un excellent repreneur, mais finalement, Soda va rester dans le giron de Bruno Gazzotti, le dessinateur de la série depuis le tome 3. Il a récemment relancé son héros avec le renfort d’Olivier Bocquet au scénario. « Soda » (Résurrection & Révélations), Dupuis, 48 pages, 13,50 €
La pratique de la musique, classique ou populaire, est omniprésente dans ce film d’Emmanuel Courcol. Un trait d’union entre deux frères qui apprennent à se connaître.
Tout réussi à Thibaut Désormeaux (Benjamin Lavernhe). Ce chef d’orchestre réputé enchaîne les grandes salles et compose. Une vie de rêve et de passion. Jusqu’à la découverte d’une leucémie. Une greffe de moelle devient urgente. Il demande à sa petite sœur. Mais elle n’est pas compatible. Pire, le chirurgien découvre qu’ils n’ont aucun lien de parenté. Thibaut a été adopté. Une vérité qui bouscule son quotidien, ses certitudes. Et lui permet de nouveau de faire des projets. Il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin). Reste à le convaincre de devenir donneur.
Le début du film d’Emmanuel Courcol mélange mélodrame (découverte de la maladie) puis comédie (deux frères de milieux sociaux totalement différents). Mais là où d’autres auraient réduit leur propos à un enchaînement de situations comiques et cocasses, le réalisateur livre une œuvre fine et aboutie, avec l’utilisation de la musique pour raconter l’histoire et le rapprochement de ces deux hommes privés d’une enfance commune. Pour réussir ce grand écart, le jeu des comédiens est essentiel. En confrontant Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, le réalisateur accomplit un tour de force génial.
Car tout semble opposer ces deux inconnus aux parcours si différents. A la base ils ont la même mère, incapable de s’occuper d’eux. Thibaut tire le bon numéro en intégrant une famille qui détecte très tôt un petit génie de la musique. À l’opposé, Jimmy va de famille en famille avant de se stabiliser dans le foyer d’un mineur du Nord. C’est là qu’il va faire sa vie, employé dans une cantine scolaire, divorcé, père d’une adolescente. Il a pourtant un point en commun avec Thibaut : l’oreille absolue. Il l’utilise chichement en participant à la fanfare du village. Il joue du trombone, adore la trompette et se débrouille au piano.
Sur fond de lutte sociale, de paupérisation des anciennes régions industrielles et de mise en avant de la solidarité et de la joie de vivre typiques du Nord, En fanfare est une ballade sublime entre grande musique, jazz et variétés. Une renaissance pour le chef d’orchestre, un peu déconnecté de la vraie vie à cause de son succès, une seconde chance inespérée pour Jimmy, incapable d’avoir suffisamment confiance en lui pour exploiter ses talents.
Une histoire de rédemption, joyeuse et émouvante, un grand film ou l’on retrouve deux géants déjà honorés récemment au cinéma : Ravel et Aznavour.
Film d’Emmanuel Courcol avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco
Film et voyage hypnotiques que ce Grand Tour signé Miguel Gomes. Le réalisateur portugais mélange allègrement les styles dans un long-métrage entre fiction et documentaire. La fiction raconte comment un homme fuit quand sa fiancée arrive pour se marier. Une course-poursuite dans plusieurs pays asiatiques, de Singapour aux contreforts tibétains de la Chine en passant par la Malaisie ou le Japon.
En 1918 à Rangoon, Edward (Gonçalo Waddington) panique. Sa fiancée, depuis 7 ans, Molly (Crista Alfaiate), va débarquer du bateau, en provenance de Londres, pour se marier. Il décide de prendre la fuite. Il saute dans le premier train et part le plus loin possible. Molly va le suivre à la trace dans ce Grand Tour des capitales asiatiques.
La construction du film est, au début, assez déconcertante. Miguel Gomes, avant de tourner les scènes d’Edward et de Molly, en studio au Portugal, a lui même traversé les villes et pays. Et filmé certaines scènes typiques (danses de marionnettes, pandas dans la forêt, pêcheurs sur un fleuve, frénésie de la circulation des deux-roues dans des artères surchargées) pour illustrer la cavale d’Edward et la traque de Molly.
Mais si les comédiens sont bien dans la bonne époque, début du XXe siècle reconstitué en noir et blanc avec image granuleuse, le reste ressemble à un documentaire. Il faut rapidement accepter ce parti pris de production pour bénéficier pleinement de ce film. Une fois l’effort réalisé, on est plongé dans une réalisation fascinante, où les scènes du réel interpellent judicieusement les parties scénarisées.
Avec les belles performances de deux comédiens principaux. Gonçalo Waddington dans la peau d’un Edward pleutre, perdu et pris dans un maelström frénétique tel un fétu de paille. Crista Alfaiate incarne une Molly déterminée, pressée, désespérément optimiste et joyeuse. Son rire est un véritable enchantement. Œuvre à part, le Grand Tour de Miguel Lopes lui a permis de remporter le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Récompense méritée pour un créateur exigeant aux propositions aussi originales que talentueuses.
Film de Miguel Gomes avec Gonçalo Waddington, Crista Alfaiate.
Griessel et Cupido, les deux policiers sud-africains préférés de Deon Meyer s’attaquent à forte partie : des soldats reconvertis dans le braquage.
Rien de tel qu’un bon polar pour découvrir les mœurs de certains pays étrangers. L’Islande n’a plus de secrets pour les fans d’Erlendur et l’Afrique du Sud devient familière pour les lecteurs des enquêtes de Griesel et Cupido, policiers imaginés par Deon Meyer.
Le nouveau roman de cet auteur au style aussi direct qu’efficace, raconte deux histoires en parallèle. D’un côté on retrouve le quotidien de ce duo de flics, beaucoup trop honnêtes pour un pays gangrené par la corruption. Ils ont payé leur zèle en quittant le service d’élite des Hawks pour un commissariat traitant des crimes de la vie quotidienne. Voilà comment ils se retrouvent à constater le décès d’une cycliste dans un parc. Simple chute, attaque d’un animal ou agression ? Malgré leur spleen, ils vont faire leur boulot au mieux et découvrir que derrière cette mort banale se trouve un homme mystérieux, ancien des forces armées devenu mercenaire.
Mercenaires, c’est en faisant ce travail peu recommandable que plusieurs anciens commandos se sont connus. Ils sont sur un gros coup. Très gros. Énorme. Ils ont appris que dans un entrepôt anonyme bien caché dorment des millions de dollars et plusieurs tonnes d’or. Le casse du siècle, presque du millénaire, seconde partie du roman. On en suit les préparatifs par l’intermédiaire de Chrissie Jaeger, blonde athlétique, fille de la brousse, aimant défier les animaux sauvages, notamment les lions.
Avec une science de la narration absolue, Deon Meyer raconte, heure par heure, les préparatifs du casse (il y en a deux en réalité…) et comment les deux policiers mis sur la touche, vont finalement être sollicités pour faire tomber, non pas les braqueurs, mais les propriétaires (et surtout voleurs) de ces milliards spoliés au peuple sud-africain. Un polar, de l’action et pas mal de politique sur les trésors volés de ce pauvre continent africain, du Nord au Sud. « LEO » de Deon Meyer, Série Noire - Gallimard, 622 pages, 23 €
Montrer qui on est véritablement. Et prendre sa revanche. Deux étapes essentielles pour tous ceux et celles qui espèrent devenir célèbres. De nos jours, le talent n’est plus important. Une personnalité originale, du bagout et surtout peu de pudeur et vous pouvez vous retrouver avec des milliers de followers, aussi renommé qu’un écrivain lauréat du Goncourt ou qu’un comédien primé aux Césars.
Cette exposition médiatique, synonyme de richesse instantanée, fait rêver Liane (Malou Khebizi). A 19 ans, elle rêve de strass, de paillettes et de luxe. Pour y arriver, elle compte sur sa volonté, sa plastique. Fausse poitrine, lèvres pulpeuses, ongles géants : elle travaille son look. Et sent qu’elle est à deux doigts d’y arriver quand une directrice de casting, les nouveaux faiseurs de rois et de reines, la recommande pour intégrer Miracle Island, l’émission de téléréalité qui cartonne. Deux mois au soleil de Miami et la fin de la galère, magouilles et petits vols dans les magasins ou prises de tête avec sa mère.
Le film d’Agathe Riedinger raconte ce temps figé de l’attente. On découvre sa prestation au casting puis comment elle s’occupe avec ses copines, de pures « cagoles » selon la terminaison un peu vulgaire de ce sud. On entre dans l’intimité de cette jeune fille, pas encore femme, mal dans sa peau, jouant un rôle en permanence. Obligée de se montrer forte face aux hommes qui la désirent, juste pour l’asservir. Le film, plongée dans la misère sociale de ce XXIe siècle, est très dur.
Car si la télé réalité est souvent sale, la vraie vie est parfois encore plus abjecte. Un Diamant brut qui permet aussi d’en découvrir un autre, Malou Khebizi, livrant une performance haut de gamme pour ses premiers pas à l’écran.
Film d’Agathe Riedinger avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond
Rares sont les réalisateurs français osant s’attaquer à la science-fiction. Jérémy Clapin, repéré après son film d’animation pour adultes J’ai perdu mon corps, a relevé le défi en écrivant et filmant e très énigmatique Pendant ce temps sur Terre. Elsa (Megan Northam), une jeune femme se pose beaucoup de questions après la disparition, en orbite, de son frère, spationaute.
Quand elle croit entendre la voix du disparu, elle comprend qu’il est aux mains de mystérieux extraterrestres. Avec un minimum d’effets spéciaux, le metteur en scène fait passer un message entre poésie et science.
L’édition DVD du film chez Diaphana offre des commentaires audio du réalisateur, un livret et un court-métrage de 2009.