lundi 25 mars 2024

Un livre témoignage : la marche selon Noëlle Bréham

 

Visage connu des téléspectateurs amateurs de jardinage, voix identifiable après des décennies à France Inter, Noëlle Bréham a délaissé l’audiovisuel pour l’écrit.

Elle raconte dans ce récit au ton léger mais instructif (comme ses émissions) son besoin vital de marcher. De son enfance à sa retraite, elle en aura fait des kilomètres. « Quand je mets mes chaussures de marche, mon chien et mon cœur font la même chose : ils sautent de joie » se confie-t-elle. Une marche assez sportive : « Je marche vite, mais la plupart de mes amis marchent lentement, et ça me rend dingue. » En refermant ce livre vos pieds vont bouger tout seuls.

« Tête en l’air et pieds sur terre » de Noëlle Bréham, Salamandre, 128 pages, 19 €

dimanche 24 mars 2024

BD - Chat géant chez les dragons


Ethan Young, dessinateur américain d’origine chinoise, a imaginé son nouveau roman graphique en se basant sur des légendes du pays de ses parents. La voie dragon allie Chine ancestrale, futur inquiétant et fantastique classique. Le clan Wong est nomade.

Dans une sorte de château ambulant escorté par des engins plus maniables, il rejoint le Vieux Pays. Mais avant d’atteindre ces terres d’où il a été chassé il y a des décennies, il doit traverser le pays des dragons. Des humanoïdes ressemblant des dragons de Komodo. La confrontation est inévitable.

« La voie dragon », Glénat, 200 pages, 17,90 €

Seul le prince Sing échappe à leurs griffes. Après une longue errance, il atteint le Vieux Pays et rencontre le Mystique Ming, un sorcier, protégé par un chat gigantesque (au moins 10 mètres de hauteur), surnommé le Monstre par les légendes, Minuit pour les amis. Virtuose du dessin, Ethan Young parvient à donner une ampleur étonnante aux combats, malgré le petit format de la BD.

Par contre c’est un peu moins concluant au niveau du scénario, peu de surprise et une apologie de la royauté et du sang royal qui forcément à un peu de difficulté à passer au pays de la Révolution, des droits de l’Homme et de la guillotine…

« La voie dragon », Glénat, 200 pages, 17,90 €

samedi 23 mars 2024

BD - Imaginaires et Maléfics de Castlewitch

 


Second tome de la trilogie de Castlewitch, série imaginée par Nicolas Jarry et dessinée par François Gomes. Après avoir découvert la ville de Castlewitch et ses spécificités dans le premier tome, le lecteur plonge un peu plus dans la guerre entre Imaginaires et Maléfics.

Chaque enfant se crée un ami imaginaire. A Castlewitch ils sont réels. A l’adolescence ils disparaissent sauf dans certains cas. L’ami devient un Imaginaire si son créateur est bienveillant, un Maléfic s’il est animé de mauvaises intentions. Malo, le jeune héros, a un Imaginaire nommé Afnu’rr. Certains de ses camarades de classe aussi, ont un compagnon qui participe au combat souterrain.

Dans cette suite, Malo va se lier avec Irina, une nouvelle habitante de Castlewitch. Elle a un Maléfic, mais elle parvient toujours à le dominer. Jeu dangereux ? La suite est pleine d’affrontements, de combats et d’actes de bravoure. De renoncements aussi.

L’univers mis en place par Nicolas Jarry est particulièrement cohérent et passionnant. Chaque Imaginaire est représentatif des jeunes. Combatif pour Farah, peureux pour Jules et encore un peu trop joueur pour Malo.

Certains Maléfics sont véritablement terrifiants, mais d’autres sont risibles. Car cette BD, tout en étant très sérieuse et parfois même dramatique, offre une bonne dose de sourires. Et cela devrait aller en augmentant avec l’arrivée, dans le tome 3, de Grizzbou et Granloup, deux nouveaux Imaginaires envoyés pour aider les jeunes amis de Malo dans son combat.

« Castlewitch » (tome 2), Soleil, 56 pages, 13,50 €

vendredi 22 mars 2024

BD - Les dragons de Bédu

 


Bédu fait partie de ces destinateurs extrêmement doués mais qui n’ont pas eu la possibilité de magnifier leur talent. Longtemps il a dessiné des planches à la chaîne pour le journal Tintin. Puis il a rencontré le succès avec les Psy sur des scénarios de Cauvin. Mais il se contentait de passer d’un monde à un autre, sans pouvoir bâtir son propre univers graphique.

Or, à plus de 70 ans, Bédu signe d’un coup d’un seul sa grande œuvre, SangDragon, un album très personnel avec quantité de magie, de héros et de… dragons.

Dans ce Moyen Âge fictif, le roi Arthmel vient de rendre son dernier souffle. Son fils, le prince Oghor va prendre la relève. Même si secrètement le roi aurait préféré confier son royaume à sa fille, Hélia. Une mort et une naissance. Car au même moment un dragon s’éveille. Hélia est attirée par le monstre volant d’écailles et de feu. Elle va donc se lancer dans une longue quête pour retrouver la bête fabuleuse et découvrir qui en veut au Royaume. Car le roi a été empoisonné.

Le trait typique du style franco-belge de Bédu s’affranchit de ses traditionnelles rondeurs quand il imagine les dragons et surtout le peuple belliqueux qui vit avec eux. Le tout est d’une rare beauté combinée à une efficacité à toute épreuve. Un futur classique de la BD fantasy.

« SangDragon », Dupuis, 96 pages, 18,95 €

jeudi 21 mars 2024

Cinéma - Retrouvailles “Hors-saison”

Film délicat, mélancolique et sensuel, « Hors-saison » de Stéphane Brizé explore les amours passées, les retrouvailles et les impasses sentimentales. 


Certains couples formés le temps d’un film sont plus crédibles que d’autres. Dans Hors-Saison, Stéphane Brizé associe Guillaume Canet et Alba Rohrwacher. Et dès le premier regard, c’est l’évidence. Mathieu (Guillaume Canet) et Alice (Alba Rohrwacher) sont faits l’un pour l’autre, s’aiment comme personne ne peut aimer. Et pourtant, ce ne sont que des retrouvailles. 15 ans après une première histoire d’amour sans doute trop vite écourtée.

Le début du film est un peu plombant. Mathieu est un acteur de cinéma très connu approchant de la cinquantaine. Il arrive seul (sa femme, présentatrice du 20 heures est restée à Paris), pour une semaine de thalasso et de remise en forme dans un établissement de luxe au bord de l’océan. Entre deux selfies, il broie du noir lors de soins qu’il effectue l’esprit ailleurs. Mathieu doute. Il venait de s’engager sur une pièce de théâtre, la première de sa carrière. De moins en moins sûr de son choix, apeuré par un possible échec, il a tout abandonné, dont ses collègues et le metteur en scène.

Deux comédiens au diapason

Stéphane Brizé, en filmant un Guillaume Canet sombre et grimaçant, comme vide de tout sentiment, raconte avec justesse ce doute, cette désillusion. Et comme le séjour se déroule hors-saison, le temps, venteux et pluvieux, ne fait que renforcer cette impression d’écrasement, presque de désespoir. Jusqu’au jour où il reçoit un message d’Alice. Il y a plus d e15 ans, il vivait avec cette pianiste. Le succès l’a éloigné d’elle. Elle vit dans cette ville balayée par les embruns, mariée, mère d’une grande adolescente et donnant des cours de piano. Accepterait-il de la revoir ? Comme si un autre film débutait, c’est un couple qui se retrouve devant la caméra sensible du réalisateur. Ils tâtonnent pour leurs retrouvailles. N’osent pas trop parler du passé, de leurs bons ou mauvais moments. Comme deux bons copains. Mais tout dans leur gestuelle, leurs regards, leurs hésitations, démontre que les sentiments sont toujours présents. 15 ans plus tard, ces retrouvailles sont intenses. Même s’ils se séparent, après un simple thé, en bons amis.

Mathieu retourne déprimer sous les couches de boue et d’algues, à lire des scénarios convenus ; Alice prépare l’anniversaire de sa fille et participe aux réunions municipales organisées par son mari à domicile. Et puis ils se revoient. Presque sans le vouloir. Car chacun de son côté n’en peut plus de ressasser le passé, de regretter la fin abrupte de leur première histoire, de croire qu’il y a peut-être une seconde chance.

Film d’une grande douceur, Hors-saison est porté par les deux comédiens. Guillaume Canet déploie son talent pour retranscrire toutes les émotions de cet homme brisé qui ne tient debout que grâce à sa carapace forgée au fil des ans. Alba Rohrwacher, comédienne italienne d’une lumineuse beauté, excelle pour nous faire comprendre que le passé, tout aussi douloureux qu’il soit, n’est que le résultat de nos choix du moment.

Film de Stéphane Brizé avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher

 

mercredi 20 mars 2024

Cinéma - Une jeune fille trop belle pour de simples paysans

Film d’animation polonais de DK Welchman et Hugh Welchman avec Kamila Urzedowska, Robert Gulaczyk, Miroslaw Baka. 

Pour leur premier long-métrage, DK et Hugh Welchman avaient frappé un grand coup. Premier film d’animation entièrement peint à la main, cette histoire autour de la vie de Van Gogh avait été nommé aux Oscars et remporté le prix Coup de cœur à Voix d’étoile 2017.

Ils récidivent avec « La jeune fille et les paysans », vaste fresque historique polonaise tirée du roman de Wladyslaw Reymont, prix Nobel de littérature en 1924. Ils ont conservé la même technique. Un premier tournage avec de véritables acteurs, puis ces images sont peintes selon les styles de différents artistes polonais (les meilleurs du mouvement Jeune Pologne) et déclinées des centaines et des milliers de fois pour transformer le tout en une animation fluide.

Le résultat est surprenant, beau et très concluant. On est littéralement plongé dans ces tableaux colorés qui composent le film au fil des saisons. Tout en profitant de cette histoire universelle d’une femme convoitée par les hommes de son entourage.

Jagna est une jolie blonde. La plus belle du village. Une beauté à marier. Les prétendants ne manquent pas. Mais la mère de Jagna a une préférence : Boryna. Il pourrait être le père de Jagna, mais c’est un veuf et surtout c’est le paysan le plus riche de la région. Alors que Jagna tombe amoureuse de son fils, Antek, le père le déshérite et se marie avec Jagna qui se plie aux traditions de son pays.

Un film étonnamment moderne tant Jagna est indépendante, fougueuse, libre. Mais elle est en avance sur son temps et fait des envieux. Et des envieuses. Le drame couve, la jeune fille est trop belle pour ces paysans.

 

mardi 19 mars 2024

En vidéo, “Melchior l’apothicaire”

 


Petit rappel pour les incultes : les pays baltes sont au nombre de trois. Parmi eux, l’Estonie. Capitale Tallinn. Particularité : riche passé et industrie audiovisuelle en plein essor.

Pour preuve la sortie en vidéo chez Condor du premier long métrage des enquêtes de Melchior l’apothicaire. Un polar médiéval de Elmo Nüganen inspiré des romans d’Indrek Hargla (six tomes chez Babel Noir). Le jeune apothicaire est aussi un fin limier. Il est recruté pour découvrir qui a tué un chevalier templier.

Les amateurs de reconstitutions historiques apprécieront ces décors criant de vérité. Melchior, en précurseur de Sherlock Holmes, est secondé par un mystérieux jeune marin pour découvrir les raisons de ce meurtre sur fond de quête de pouvoir et de protection de la religion catholique.
 

lundi 18 mars 2024

BD - Quand la violence déborde des cases

 Beaucoup de noir, un peu de rouge sang : Quelque chose de froid et Brigantus sont deux albums de BD particulièrement violents. Le premier se déroule aux USA durant les années 30, chez les gangsters, le second raconte le périple sanglant de légionnaires romains à la conquête de l’Écosse. 

Froid comme un cadavre

Parmi les nombreuses sorties signées de Philippe Pelaez, Quelque chose de froid sort de l’ordinaire. Il est vrai que le scénariste le plus recherché du moment aborde un genre qu’il connaît particulièrement et aime par-dessus tout : le polar hommage aux films noirs américains.

Et pour illustrer cette histoire de vengeance implacable, il s’est adjugé le concours d’Hugues Labiano, dessinateur toulousain très à l’aise pour rendre ces ambiances sombres et inquiétantes.

En 1936, Ethan Hedgeway revient à Cleveland après un long séjour en prison. Ancien comptable, suspecté d’avoir trahi son patron, Frank Milano, parrain de la pègre de cette ville du nord des USA, Ethan sait qu’il est en sursis. Récemment, les sbires de Milano ont enlevé sa femme puis l’ont libérée… en morceaux. Bien décidé à se venger, Ethan trouve refuge dans un petit hôtel et parvient à déjouer plusieurs tentatives d’assassinats. Il tente de comprendre qui est le plus dangereux entre la police corrompue, la mafia omniprésente et Victoria, ravissante unijambiste qui lui fait du charme.

L’intrigue est sombre, les événements dramatiques. Mais cela ne suffisait pas à Philippe Pelaez qui y a rajouté une angoissante série de crimes dans les bidonvilles de Cleveland. Un fou qui après avoir assassiné ses victimes, les démembre et les décapite. Un album magistral, premier d’une trilogie autour du noir. Les deux auteurs seront aux Rencontres autour de la BD de Gruissan le week-end du 13 et 14 avril. L’occasion de se faire dédicacer le tirage de luxe en noir et blanc proposé en plus de l’édition classique, en couleurs.

Légionnaire ou bête à massacrer

Hermann n’en a pas terminé de nous surprendre. Le dessinateur de Bernard Prince ou Jeremiah, rajoute un univers à sa palette graphique : le péplum. Il a déjà fait du western (Comanche, Duke), des récits historiques (les Tours de Bois-Maury), mais avec Brigantus il plonge ses pinceaux dans l’empire roman.

Sur un scénario de son fils, Yves H., il raconte les déboires de Brigantus, légionnaire romain. Avec ses camarades qui le détestent, Brigantus participe à la conquête de l’île de Bretagne. Ils s’enfoncent de plus en plus au Nord, vers ce qui deviendra l’Écosse.

Mais la résistance des autochtones est de plus en plus farouche. En quelques planches d’une extraordinaire violence, Hermann dessine un Brigantus, féroce colosse sans pitié, tuant des dizaines d’assaillants dans des torrents de sang. Il sera presque le seul survivant. Et une fois à l’abri, dans une caserne romaine, il sera accusé de trahison. Brigantus, héros et banni. La trame ressemble à un western. Mais les décors, landes désolées recouvertes de brouillard, marécages fétides, modifient la donne.

Pas de soleil éclatant, juste du froid et de l’humidité rendant la survie encore plus compliquée. Un premier tome efficace, avec un Hermann qui a un peu modifié son trait en perdant un peu de précision, mais conserve toujours cette force et puissance rarement atteintes par d’autres dessinateurs.

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« Quelque chose de froid », Glénat, 64 pages, 15,50 € (Édition noir et blanc, 29,50 €)

« Brigantus » (tome 1), Le Lombard, 56 pages, 15,95 €

dimanche 17 mars 2024

En DVD et blu-ray - “Iris” redécouvre le désir


Moins comique que Antoinette dans les Cévennes, mais tout aussi profond dans son message, Iris et les hommes s’appuie de nouveau sur le duo gagnant formé par Caroline Vignal (scénariste et réalisatrice) et Laure Calamy (comédienne). 

Après les grands espaces de la Lozère champêtre, c’est un film résolument urbain qui devrait provoquer quelques remous dans certains couples un peu trop installé dans ses habitudes. Ces habitudes, si pratiques et confortables dans le quotidien, mais qui inéluctablement érode, voire annihile totalement, le désir qui a permis, quand ils étaient jeunes et pleins de sève, à Iris (Laure Calamy) et Stéphane (Vincent Elbaz) de devenir mari et femme et parents de deux filles. 

Mais aujourd’hui Iris est triste. Cela fait des années que c’est le calme plat dans la chambre à coucher. Elle aime toujours Stéphane. C’est réciproque. Mais la flamme du désir s’est éteinte. La solution, Iris va la découvrir au hasard d’une rencontre avec la mère d’un élève qui est dans la même classe que sa fille : « Inscrivez-vous sur un site de rencontre. Vous vous sentirez de nouveau désirée ! » Ce qu’Iris fait immédiatement, avec un réel succès. 

Le film, de populaire, aurait pu virer au graveleux. Écueil évité car ce n’est que du point de vue de l’épouse qui cherche à retrouver confiance en elle, son corps, que l’histoire est racontée. Iris expérimente, hésite, échoue, jouit, se remet à sourire. Ce qu’elle résume dans un étonnant point de vue à sa fille adolescente de 16 ans « Il ne faut pas toujours dire non. Dire oui, c’est accepter de vivre. » Et c’est ce message, dire oui à la vie, accepter ses envies et oser, qui risque de faire des remous dans les couples courageux qui auront vu ce film ensemble.

Film français de Caroline Vignal avec Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque, Laurent Poitrenaux

 

samedi 16 mars 2024

Essai - Lydie Salvayre vénère le dimanche

 Ce texte parfois hilarant, longue réflexion sur la nostalgie des dimanches immobiles qui dérive sur l’inutilité du travail et le droit à la paresse, permet à Lydie Salvayre de mettre les rieurs de son côté. 

Que faites-vous les dimanches ? Êtes-vous de ceux qui attendent impatiemment le lundi et la reprise de la semaine active ou bien, comme Lydie Salvayre, vous aimez vous « réveiller sans l’horrible sonnerie du matin qui fait chuter vos rêves et les ampute à vif. » L’immense majorité aime les dimanches, un jour à part, où il n’y a pas de règle, d’obligation. Et puis le dimanche, normalement, on ne travaille pas. « Nous aimons vaquer dans la maison, en chaussons éventrés et pyjama informe. Et ce total insouci du paraître nous est, à lui seul, une délectation » explique la romancière. Elle se souvient de ces dimanches où, encore jeune, elle restait plongée dans les classiques de la littérature française. Un jour où « nous aimons lanterner, buller ». Bref paresser. Or, selon Lydie Salvayre, « la paresse est ni plus ni moins qu’une philosophie. »

Poursuivant sa réflexion, elle en arrive à se dire que le problème c’est avant tout le travail. Et le petit essai sur la quiétude dominicale se transforme en féroce attaque contre la charge travail qui nous bouffe la vie. « C’est le travail exagéré qui nous use et nous déglingue, au point que nous nous demandons chaque soir si nous pourrons, le lendemain, reprendre le collier, et si nous aurons assez de jus pour poursuivre. » Et de constater, personne ne peut la contredire : « C’est le travail qui prématurément nous fane. C’est le travail qui nous épuise, qui nous brise, qui nous vide… »

Pourtant il existe une solution. Lydie Salvayre se fait la zélatrice du « travail-patience » en opposition au « travail-corvée ». Selon des experts, « quinze heures par semaine de ce travail-patience seraient tout à fait suffisantes ». Beaucoup mieux que les 35 heures !

Ainsi on pourra enfin affronter sereinement le lundi « jour odieux, jour honni, jour maudit entre tous. » Même si les arguments avancés semblent très sérieux, c’est sans oublier un humour de bon aloi avec lequel Lydie Salvayre tente de convaincre ses lecteurs. Elle se met en scène, reconnaît qu’elle va souvent trop loin, qu’elle pousse le bouchon. Mais elle ne fait que suivre la voie des grands anciens, ceux qui avant elle ont combattu ce travail forcément aliénant.

Elle cite Blanqui, le révolutionnaire audois, surnommé « l’Enfermé » car il a passé plus de temps en prison (à ne rien faire…) qu’en liberté. Blanqui qui était ami avec Paul Lafargue, « gendre turbulent de Karl Marx » rédacteur en 1880 d’un « petit traité séditieux qui va défrayer la chronique et quelque peu agacer son illustre beau-père : Le Droit à la paresse. » Car selon lui, le « droit au travail n’est autre qu’un droit à la misère. »

Arrivé à ce niveau de revendication, que même l’extrême gauche actuelle n’ose plus avancer (pourtant il a existé un ministère du Temps Libre dans les années 80 après l’élection de François Mitterrand), comment la bonne fée du dimanche (Lydie Salvayre), va-t-elle se tirer de ce mauvais pas ? Tout simplement en convoquant le plus petit-bourgeois des auteurs français, Marcel Proust en personne. Et dans une nouvelle démonstration éclatante, elle explique que celui qui a écrit A la recherche du temps perdu (16 ans pour accoucher), a tout simplement prouvé que « la paresse est une forme de travail ». Lydie Salvayre connaît cependant bien son public et laisse le dernier mot à… Rabelais.

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« Depuis toujours nous aimons les dimanches » de Lydie Salvayre, Seuil, 108 pages, 16,50 €