mercredi 25 octobre 2023

BD - Mini-écolier dans la classe des créatures perdues


Il ne mesure pas plus de 3 centimètres de haut. Ambre est un tout petit garçon, perdu dans une grande ville. Il vit seul dans un appartement abandonné et n’a qu’une envie : aller à l’école pour en apprendre plus sur le monde qui l’entoure. Mais sa taille l’empêche de se mêler aux autres enfants. Des géants, dangereux. Sa petite vie va basculer quand il rencontre sur une plage Lua, une tortue marine.

Cette dernière, avec qui il peut parler, lui explique qu’il existe au milieu de l’océan une île qui accueille les enfants différents comme lui. Il y a même une école. Ambre, accepte sa proposition et après des mois de navigation atteint enfin le rivage de cette île où tout est possible.

Écrit et dessiné par Jason Pamment, un Australien reconnu dans le milieu de l’animation, séduit par son imaginaire sans limite. Car sur l’île, Ambre va rencontrer d’autres spécimens tout aussi petits et étranges que lui. Un lézard, arrogant et expert en mimétisme, une hirondelle qui se prend pour un pélican, une salamandre si fière de ses jolies branchies ou un rocher, muet mais très agile. Sans compter les différents « monstres » qui peuplent l’île.

Un bestiaire extraordinaire qui semble sans fin et devrait passionner les plus jeunes, toujours prompts à inventer des animaux fantastiques.

« Ambre et l’île des créatures perdues », Jungle, 288 pages, 17,95 €

mardi 24 octobre 2023

Cinéma - Des amours passées ne faisons pas table rase

« Le syndrome des amours passées », film d’Ann Sirot et Raphaël Balboni avec Lucie Debay, Lazare Gousseau, Nora Hamzawi, Florence Loiret-Caille.

Film belge, Le syndrome des amours passées fait partie des rares réalisations de cette fin d’année 2023 qui sort un peu du convenu. Écrit et réalisé par un couple de jeunes réalisateurs, le film raconte la quête d’enfant de Sandra (Lucie Debay) et Rémi (Lazare Gousseau). 

Elle approche de la quarantaine et craint rater la dernière occasion. Ils sont suivis par un scientifique qui ramène d’un congrès aux USA un nouveau protocole : Pour débloquer la situation, il faut que chaque composante du couple refasse l’amour avec tous ses partenaires passés. Les consentants uniquement… Sandra et Rémi vont aller puiser dans leurs souvenirs pour en tirer une liste plus ou moins importante. Plus d’une vingtaine pour madame, seulement trois pour monsieur. Ce premier déséquilibre est une première source de gags pour un film qui au début ne fait pas dans la dentelle. Car Sandra y va franco pour aligner les soirées libidineuses débloquantes. 

Pour Rémi, c’est plus compliqué. Parmi les trois, il y a sa sœur (Nora Hamzawi). Exactement, la fille de l’homme avec qui sa mère a refait sa vie. Mais qu’il considère désormais comme sa sœur. Et sa dernière petite amie avant Sandra ne répond pas à ses sms, mails et autres coups de téléphone. Alors pour rééquilibrer le deal, Sandra lui conseille de rencontrer des femmes sur des sites. 

La thérapie pour avoir un enfant va lentement mais sûrement avoir de graves conséquences sur l’équilibre de ces deux amoureux fous. Le spectateur rit un peu moins, se questionnant sur ce faux libertinage, parfois liberticide. Un film réjouissant, torride parfois, poilant (dans tous les sens du terme) et qui au final se termine par une jolie pirouette très positive.

Un livre jeunesse - Sur les traces de l’ours

Comment donner l’envie aux plus jeunes de sortir de leur chambre pour aller à la découverte de la faune de la région ? Ce joli album de Magali Bardos est une partie de la solution.

Elle raconte en 44 pages illustrées de jolies aquarelles, l’aventure de trois jeunes cavaliers à la recherche des animaux de la forêt des Pyrénées. Ils cherchent l’ours, mais découvrent surtout des traces de martre, de sanglier, de cerf ou de renard. 


Les animaux omniprésents dans l’ouvrage puisque ce sont eux qui racontent le périple des petits humains. Une découverte de la nature environnante ludique et intelligente. Ce livre a reçu le soutien d’Occitanie Livre & Lecture.

« Sur les traces de l’ours » de Magali Bardos, L’école des Loisirs - Pastel, 15 €

BD - Ombres maléfiques


Déclinée en quatre tomes comme les quatre saisons, la série Le temps des Ombres est une remarquable variation sur le thème d’une malédiction s’abattant sur une petite communauté. Dans ce monde imaginé par David Furtaen et mis en images par Pauline Pernette, deux adolescents vont devoir oublier leurs différends pour tenter de sauver les habitants de leurs villages.

Mycène croit au pouvoir des plantes. Apprentie herboriste, elle concocte des potions pour soigner. Roch, esprit scientifique, fait la même chose, mais rationnellement. La tradition contre la modernité. Mais un même but : sauver les villageois victimes d’un mystérieux mal. Ils semblent pris dans un cocon sombre, devenant de véritables zombies. Le second tome, L’été de feu, vient de paraître et décrit le périple de Mycène et Roch à la recherche d’une vieille femme qui aurait le remède au mal des Terres d’Ombre.

Beaucoup de poésie dans ce récit initiatique, non dénué d’humour mais aussi de drames et de critiques indirectes de notre propre société. Une jolie découverte à mettre entre toutes les mains des jeunes à partir de 10 ans.

« Le temps des Ombres » (tome 2), Éditions de la Gouttière, 88 pages, 15,70 €

lundi 23 octobre 2023

Un beau livre de poésie - Une saison en enfer par Rimbaud et Patti Smith


Patti Smith, chanteuse et poétesse américaine, a régulièrement cité Rimbaud en exemple. C’est donc tout naturellement qu’elle intègre la luxueuse collection « Grande Blanche illustrée » en proposant une soixantaine de photos, dessins documents ou textes inédits en regard des poèmes de Rimbaud parus dans Une saison en enfer

Un beau livre permettant de redécouvrir sous une approche très actuelle ces textes parus il y a 150 ans. Patti Smith qui signe également, textes et photos de son quotidien dans Un livre de jours (Gallimard, 400 pages, 26,50 €)

« Une saison en enfer », Rimbaud et Patti Smith, Gallimard, 45 €

Rentrée littéraire - L’amour sera toujours l’amour grâce à Dominique Barbéris et François Bégaudeau

Deux romans français présentent des histoires d’amour quelconques mais aussi remarquables, au final, que les grandes romances. Amour contrarié avec Dominique Barbéris, amour simple et linéaire selon François Bégaudeau.


Ecrire sur l’amour en 2023 ! Quelle drôle d’idée alors que les actualités ne nous parlent que de guerre, massacres, génocides, enlèvements, attaques au couteau et exécutions sommaires. Pourtant on a trop tendance à oublier le formidable pouvoir de l’amour sur l’équilibre de nos sociétés. Aimez et vos envies de meurtres, ou de vengeances, passeront au second plan. Saluons donc ces deux écrivains qui pour la rentrée littéraire française consacrent l’entièreté de leurs ouvrages à ce thème sans doute rebattu mais essentiel qu’est l’amour. Un amour impossible avec Dominique Barbéris, un amour simple et linéaire sous la plume de François Bégaudeau.

À Douala, Madeleine n’arrive pas à l’intégrer dans la communauté des colons français. Nous sommes au début des années 60, le Cameroun est sur le point d’accéder à l’indépendance. Madeleine, Nantaise, mère d’une petite fille, mariée à un Breton travailleur et taciturne, croise la route d’Yves Prigent, un aventurier, séducteur, un peu espion et homme de main de la Françafrique. C’est la nièce de Madeleine, Dominique Barbéris, qui tente dans ce roman intitulé Une façon d’aimer (toujours dans la dernière sélection du Goncourt), qui tente de comprendre pourquoi ce coup de foudre, évident, n’a pas eu de suite.

Car à cette époque, rares étaient les épouses qui osaient tromper leur mari.
Alors Yves se contentera d’une cour assidue et respectueuse, Madeleine profitera de quelques moments en sa compagnie, mais au final la passion ne sera pas au rendez-vous. Un roman nostalgique sur les relations entre hommes et femmes. L’occasion aussi de faire revivre les colonies françaises dans leur crépuscule.

Amour compliqué d’un côté, amour simple et linéaire de l’autre. François Bégaudeau, en signant L’amour (présent dans la seconde sélection du Renaudot), court roman percutant, a voulu raconter une histoire qui arrive à des milliers de Français chaque année, et ce depuis presque la nuit des temps. Un homme, une femme, une rencontre, une union et une vie passée à se côtoyer, pour le meilleur comme le pire. Jacques Moreau séduit Jeanne au début des années 70.
Après quelques baisers furtifs au cours des fêtes de village, ils passent aux choses sérieuses dans la chambre de l’hôtel où travaille, de nuit, Jeanne. Enceinte, elle décide de se marier avec Jacques

. Ce dernier est tout content. Et c’est parti pour cinquante ans de vie commune racontée avec humour et lucidité par un François Bégaudeau toujours aussi parfait quand il faut décrire la vie simple des gens d’aujourd’hui.
On rit des manies de Jeanne et des défauts de Jacques. Eux, font des efforts pour les supporter. Et finalement sont heureux dans leur vie que certains qualifieraient d’étriqué, mais qui est en réalité pleine et épanouissante. Il y aura des crises, des remises en question mais ils seront ensemble jusqu’au bout.
L’émotion fait une arrivée remarquée dans la dernière partie du roman, quand seule la mort parvient à les séparer temporairement. Juste temporairement.

« Une façon d’aimer » de Dominique Barbéris, Gallimard, 208 pages, 19,50 €
« L’amour » de François Bégaudeau, Verticales, 92 pages, 14,50 €

 

dimanche 22 octobre 2023

Roman français - Les fous de Goya explorent « Les alchimies »

Quel rapport entre la chirurgie et Goya ? Réponse dans "Les alchimies", roman de Sarah Chiche, où la folie occupe une place prépondérante.


La folie n’épargne pas les hommes et femmes les plus intelligents. Bien au contraire serait-on tenté de constater en refermant le roman Les alchimies de Sarah Chiche. Une folie cachée, secrète, mais destructrice. Encore plus quand elle prend sa source dans les études et la profession des protagonistes de cette histoire : la médecine.

Camille Chambon, petite, autoritaire, déterminée, est une médecin légiste reconnue. Elle a suivi la voie de ses parents, lui déjà légiste, elle officiant dans un cabinet de médecine générale. Le début du roman est une plongée dans le malaise hospitalier. Des services épuisés, sans moyens, devenus rachitiques en raison des démissions. Face à la tempête, Camille fait face. Mais tout va déraper quand elle reçoit un email concernant… le crâne de Goya.

Le roman bascule alors entre l’Histoire, l’horreur et cette folie qui aura bercé l’enfance de Camille. Ses parents ont passé des années à chercher le crâne de Goya, disparu après son inhumation à Bordeaux. Une quête qui les a conduits sur des chemins dangereux pour obtenir des résultats. Ils en sont morts. Un accident de plongée en Espagne.

Camille va retrouver une de leur connaissance et le roman se transforme en quête épique et malsaine. On comprend mieux le mal-être de Camille quand ses parents, découvrant qu’ils s’aiment, décident qu’ils « travailleraient ensemble, chercheraient ensemble le crâne de Goya, auraient un enfant, mais un seul, pour avoir le temps de s’en occuper, qu’il ne fasse pas obstacle à leur carrière. Un petit monstre d’intelligence qu’ils nourriraient patiemment pour le conduire à son tour, non pas à une ambition, car l’ambition c’est vulgaire, mais à l’accomplissement de son destin. »

Un roman au style souvent flamboyant, percutant, bourré de références et de suspense. Passionnant pour tous les curieux des errements causés par la folie humaine.


« Les alchimies » de Sarah Chiche, Seuil, 240 pages, 19,50 € 

Thriller - Des crimes islandais dans l’entourage de « La poupée », roman paru chez Actes Sud

La découverte d’une poupée dans la mer en Islande relance de vieilles enquêtes. Des affaires pour la psychologue Freyja et le policier Huldar, imaginés par Yrsa Sigurdardottir.


Une bonne série policière nordique passe souvent par l’invention de héros récurrents attachants. Yrsa Sigurdardottir maîtrise parfaitement le sujet quand elle lance son duo composé d’une psychologue, Freyja et d’un policier, Huldar. ADN, paru en 2018 en France, rencontre un succès immédiat. Résultat, le cinquième titre de la série vient de paraître.

Au centre de l’intrigue, une poupée. Elle est repêchée au large des côtes islandaises par un pêcheur amateur lors d’une sortie dominicale en compagnie d’une collègue et de sa fille, Rosa. Prise dans le filet, la poupée est assez effrayante : « La bouche était à peine entrouverte, les lèvres de plastique ne se touchaient pas. On aurait dit que le visage était resté figé pour l’éternité à l’instant où le bébé allait poser une question. […] Autour du cou, la poupée portait une fine chaîne dont le médaillon disparaissait sous une carapace de crustacés. »

Quelques mois plus tard, la mère de Rosa trouve la mort chez elle. Une nuit, alors que la poupée disparaît. La fillette va aller de foyer en famille d’accueil, persuadée que la poupée maléfique a tué sa mère. Le roman commence véritablement quand, de nos jours, Huldar et Freyja se retrouvent pour enquêter sur une possible affaire d’abus sexuels dans un foyer pour jeunes en difficulté. Foyer qui aurait accueilli récemment Rosa. Mais cette dernière a disparu depuis quelques semaines.

Où est-elle ? Quel rapport avec l’enquête ? Qui détient aujourd’hui a poupée ? Une multitude de questions que le duo, toujours aussi complice mais n’osant pas aller trop vite dans leur relation personnelle, va devoir résoudre. Non sans découvrir d’autres affaires suspectes comme l’assassinat d’un SDF ou la mort de deux touristes retrouvés en mer, exactement là où la poupée est apparue des années auparavant.

Un thriller tentaculaire, dressant un instantané criant de vérité d’une certaine Islande gangrenée par la drogue et les problèmes psychologiques de la jeunesse.

« La poupée » d’Yrsa Sigurdardottir, Actes Sud, 400 pages, 23,50 €

samedi 21 octobre 2023

BD - Georges Lucas, le tenace


Leçon de ténacité et de cinéma, Les guerres de Lucas est un roman graphique d’une rare intensité. Laurent Hopman, le scénariste, raconte comment Georges Lucas, étudiant à peine sorti de la fac, se lance dans le plus grand projet de film de science-fiction jamais imaginé sur Terre. Renaud Roche, illustrateur reconnu dans le milieu de l’animation et du story-board, apporte son trait léger et précis pour donner du corps à ce qui ressemble à une longue bataille où l’inventeur de l’univers de Star Wars est seul face à une armée de sceptiques toujours prompts à dénigrer son « délire d’adolescent » et à faire capoter le projet.


Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, les deux auteurs ont expliqué d’où vient le jeune Lucas, mauvais élève à l’école, tête brûlée, uniquement intéressé par les histoires qu’il s’invente à longueur de journée. Un doux rêveur, légèrement asocial aussi, mais qui est capable à tous les sacrifices pour arriver à son but. Surtout, il a une vision parfaite de ce qu’il désire obtenir au final.

Même s’il reprend, presque en intégralité et près d’une dizaine de fois le scénario de son film, il sait à l’avance qu’il est en train de construire une nouvelle mythologie, celle du XXIe siècle qui est désormais aussi connue que l’Odyssée ou la légende du Roi Arthur.

Truffé d’anecdotes, ce récit pourrait devenir un livre de chevet de bien des cinéastes ou créateurs en devenir. La preuve que l’obstination alliée au talent paye.

« Les guerres de Lucas », Deman Éditions, 208 pages, 24,90 €

Roman jeunesse - Les promesses de bonheur du « Jaguar aux yeux d’or »

Isabel et Marc Cantin, écrivains installés dans les Pyrénées-Orientales dans le Vallespir, nous font découvrir la vie authentique des Indiens Embéras de Colombie.


En imaginant la vie de Majina, jeune Indienne Embéra (tribu vivant dans la forêt équatoriale en Colombie), Isabel et Marc Cantin ont voulu un peu boucher un trou dans l’existence d’Isabel. Élevée en Bretagne, mariée à Marc et vivant désormais en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales, Isabel est une Embéra. Mais bébé, elle a été adoptée et n’a jamais parcouru la forêt vierge à la recherche de citrons ou d’autres trésors encore plus extraordinaires. Elle a redécouvert son peuple d’origine une fois adulte et signe avec ce roman, Le jaguar aux yeux d’or, un roman initiatique sans doute le plus personnel.
La vie de Majina est simple. Toute tracée. Membre de la tribu des Embéras, elle ne va plus à l’école et doit aider sa mère aux taches ménagères. Voilà pourquoi on la découvre dans les premières pages en train de cueillir des citrons sauvages qu’elle revend une misère en ville Car dans cette Colombie gangrenée par la corruption et les pseudo-révolutionnaires, les Indiens sont les laissés-pour-compte de la Nation.

Quand un jaguar lui vole le butin de sa chasse, Majina se rebelle, tente de reconquérir son butin et, après une longue poursuite, découvre ce qui pourrait définitivement améliorer l’ordinaire de la petite communauté. Mais est-ce bien raisonnable. Et surtout, cela ne va-t-il pas attiser des convoitises, déchirer les familles ?
Une histoire simple et en grande partie véridique, fable destinée aux adolescents sur l’utilité de continuer de cultiver son jardin, même s’il est caché dans une clairière entre des arbres centenaires, presque inaccessible et peuplé d’une myriade d’animaux tous plus venimeux les uns que les autres.

« Le jaguar aux yeux d’or » d’Isabel et Marc Cantin, Talents Hauts éditions, 224 pages, 14,90 €