vendredi 28 octobre 2022

Cinéma - Des bières contre la guerre


Boire moins et réfléchir plus. Telle est la résolution prise par Chickie Donahue à la fin de son incroyable périple raconté dans le film The Greatest Beer Run Ever de Peter Farrelly mis en ligne sur la plateforme d’Apple + TV. 

Ce film ambitieux est basé sur une histoire vraie. En cette année 1967, la guerre du Vietnam fait rage. Et divise les USA. Chickie Donohue (Zac Efron) ne semble que peu concerné par ce débat. Mécanicien dans la marine marchande, entre deux embarquements, il vit chez ses parents et se contente de dépenser sa paye en tournées au bar tenu par un ancien militaire surnommé Le Colonel (Bill Murray). Un soir de beuverie, accusé de ne rien faire pour soutenir les gars du quartier qui tombent au combat, Chickie décide d’aller leur porter des bières du pays pour leur remonter le moral. Promesse d’ivrogne ? Et si pour une fois Chickie faisait ce qu’il promettait ? Contre toute attente, le jeune inconscient va partir, un sac rempli de canettes, pour tenter de les distribuer à ses amis. 

Ce périple débute comme une comédie. Tout sourit à Chickie. Il parvient même à rejoindre le nord en se faisant passer pour un agent de la CIA venu incognito. Mais une fois sur le front, la réalité va le rattraper. Et il va comprendre que son idée, en plus d’être idiote, est très dangereuse. En changeant de registre, le film de Peter Farrelly, en pensum pro américain du début, se transforme en documentaire implacable contre la guerre, l’impérialisme, la manipulation de l’opinion. Et Chickie deviendra adulte, s’en titrera par miracle et tiendra sa nouvelle promesse : moins boire, plus réfléchir. 

jeudi 27 octobre 2022

Roman - Extinction silencieuse

Chaque année, des dizaines d’espèces d’animaux disparaissent de la surface de la Terre. Par la faute de l’homme. Dans Le dernier des siens, Sibylle Grimbert touche du doigt cette réalité en racontant l’histoire d’amitié entre Gus et Prosp. Le premier, chercheur français, est envoyé en Islande pour capturer, mort ou vivant, le second un grand pingouin pour le musée d’Histoire naturelle de Lille. 

Sur un rocher, après que les chasseurs ont massacré la trentaine de membres d’une colonie, Gus capture le dernier, une aile abîmée, mais vivant. « La bête, dont un moignon d’aile cassée pendait sur son ventre, hurla. Elle essaya de mordre Gus, son aile valide tendue le plus possible à la verticale. Mais comme toute son espèce, hors de l’eau, il était impotent. » Une fois de retour à la civilisation, Gus soigne le pingouin, le baptise Prosp et se prend d’affection pour cet être étrange. 

Le scientifique abandonne sa mission, conserve l’oiseau, le protège durant des années, sans savoir au début qu’il s’agit du dernier de cette espèce totalement éradiquée par les humains. Un superbe texte sur l’inconscience de certains hommes, leur cruauté, mais aussi la possibilité toujours présente de l’empathie entre certains d’entre nous et les animaux, quelle que soit leur apparence.  

« Le dernier des siens » de Sibylle Grimbert, Anne Carrière, 18,90 € 

DVD - L’Algérie des “frères blessés”


La guerre d’Algérie et ses horreurs. Un conflit atroce encore dans bien des mémoires, même si certains épisodes ont été plus oubliés que d’autres. Le parcours de Fernand Iveton est au centre de ce film militant de Hélier Cisterne. De nos frères blessés, adapté du roman de Joseph Andras (Actes Sud), raconte la détermination d’un jeune militant communiste, d’origine européenne, mais né à Alger et solidaire de la lutte pour l’indépendance. 

Pour atténuer la dureté du récit, le réalisateur l’humanise avec la rencontre et le coup de foudre pour Hélène (Vicky Krieps), mère célibataire polonaise réfugiée en France pour fuir le régime communiste. Des moments de joie, de bonheur, d’équilibre, qui ne durent pas. Une fois de retour à Alger, avec sa femme et son fils adoptif, Fernand Iveton, tout en travaillant comme ouvrier dans une usine, milite au parti communiste algérien et, rapidement, décide d’aider les insurgés. Malgré les craintes de son épouse, il décide de passer à l’action. Il place dans un local désaffecté de son entreprise une bombe qui doit exploser une fois le personnel parti. Mais l’engin est découvert et Fernand arrêté. 

Torture et justice expéditive

Le film se transforme, alors, en réquisitoire contre les mesures d’exception décrétées par l’État français à l’époque et appliquées avec zèle par la police, l’armée et la justice. Torturé, Fernand avoue. Traduit devant un tribunal militaire, il est condamné à mort après un simulacre de procès. Il a encore l’espoir d’être gracié, car il n’a pas de sang sur les mains. Mais le garde des Sceaux de l’époque, François Mitterrand, émet un avis négatif. Fernand sera guillotiné moins de trois mois plus tard. D’une rare efficacité dans sa construction, De nos frères blessés, plus que la dénonciation des exactions de l’État français de l’époque, est un vibrant plaidoyer contre la peine de mort.

Film franco-algérien de Hélier Cisterne avec Vincent Lacoste, Vicky Krieps, Jules Langlade

 

mercredi 26 octobre 2022

BD - Quelques séries au long cours à découvrir ou redécouvrir

Les amateurs de bande dessinée sont de plus en plus attirés par les valeurs sûres. On assiste donc en fin d’année, avant les fêtes, à une déferlante d’albums de séries confirmées et de reprise ou retour de grands anciens. Un phénomène une nouvelle fois très présent cette année même si c’est une année « sans » Astérix ni Blake et Mortimer, champions toutes catégories des BD grand public.

Parmi les retours, on retrouve avec un plaisir non dissimulé la très féministe bien avant l’heure Adèle Blanc-Sec. Tardi a attendu 15 ans pour livrer à ses fans la suite du Labyrinthe infernal. Dans Le Bébé des Buttes-Chaumont (Casterman, 64 pages, 14,50 €), l’héroïne se retrouve confrontée à une armée de clones qui se font exploser à côté de pontes pour la faire accuser. Toute la fantaisie de Tardi, sa noirceur aussi, se retrouve dans cet album, peut-être dernier chapitre d’une série qui a marqué la BD française de ces 50 dernières années même si au total il n’y a que 10 tomes de disponibles. 


Valérian aussi est de retour. La mort de Mézières a mis fin à la série classique mais Christin, sur l’insistance de Virginie Augustin, a écrit un ultime chapitre des aventures des agents spatiotemporels. Ils vont retourner en enfance. 


Une histoire qui va là aussi jouer à fond sur le côté nostalgie des collectionneurs de la série. Et c’est un juste retour des choses si c’est une dessinatrice qui anime cette dernière aventure car depuis quelques titres, c’est Laureline qui en est devenue la véritable héroïne. Là où naissent les histoires (Dargaud, 56 pages, 13,50 €), est la suite logique du dernier album mais reste un titre en dehors de la collection classique. 

Dans les librairies vous pourrez retrouver depuis le mois dernier Corto Maltese (voir l’Indépendant du 25 septembre) ainsi que deux grands anciens de la BD franco-belge qui ont longtemps animé les pages de l’hebdomadaire Tintin. Mais la mort des créateurs a poussé les éditions du Lombard de retrouver des repreneurs. 


Le tome 6 des nouvelles aventures de Ric Hochet, Le tiercé de la mort (Le Lombard, 48 pages, 12,95 €), plonge le journaliste détective dans le monde des courses hippiques. Un héros plus moderne grâce à Zidrou au scénario et Van Liemt au dessin. 


Autre héros qui a marqué certains adolescents dans les années 60 à 80 : Bruno Brazil. L’espion américain a repris du service sur des scénarios de Bollée et des dessins de Aymond. 


Direction le pôle Nord pour le Commando Caïman dans Terreur boréale à Eskimo Point (Le Lombard, 56 pages, 15,45 €) pour affronter des ours blancs mais aussi quelques « méchants » de la pire espèce. Et ces quatre nouveautés ne doivent pas vous faire oublier que chaque série possède des dizaines de titres à redécouvrir !


 


Séries télévisées à gogo sur 6Play


Les amateurs de séries ont trop tendance à se précipiter vers les plateformes payantes. Or les grandes chaînes généralistes ont développé au fil des ans des sites et applications qui fonctionnent parfaitement sur les téléviseurs connectés et proposent, juste en échange de la création d’un compte et de quelques secondes de pub en début de programme, des dizaines et des dizaines de programmes. Au début, on ne trouvait que le replay des épisodes diffusés dans la semaine. Mais petit à petit, des intégrales ont fait leur apparition et viennent donner une occasion supplémentaire pour passer des heures et des heures connectés sur ces sites. France.tv est en pointe, mais 6Play, qui reprend les programmes des chaînes du groupe M6, est de plus en plus riche en exclusivité. 

Petit tour d’horizon des nouveautés et de ce que vous seriez idiot de rater.

On commence par une petite exclusivité en avant-première. La bande dessinée Dad (9 albums aux éditions Dupuis) de Nob, auteur résidant dans les Pyrénées-Orientales, vient d’être adaptée sous forme de dessin animé. La saison 1, de 52 épisodes de 11 minutes, sera diffusée tous les mercredis matin à 9 h 10 à partir du 12 octobre. Mais vous pouvez déjà découvrir trois aventures des Filles de Dad sur 6Play. L’occasion de rire des déboires de ce papa poule débordé par ses quatre filles, Panda l’intello, Ondine la volcanique, Roxane l’espiègle et Bébérénice, la petite dernière. 

Plusieurs séries issues de la BBC viennent de débarquer en intégralité sur le site. Notamment de grandes sagas en costumes comme Jane Eyre ou Bienvenue à Sanditon. Un peu d’exotisme aussi avec La folle aventure des Durrell : En 1935, Louisa Durrell se retrouve veuve et criblée de dettes. Elle décide alors de quitter l’Angleterre avec ses quatre enfants : direction l’île grecque de Corfou. Dans ce nouveau décor paradisiaque, c’est la vie de toute la famille qui est bouleversée du jour au lendemain. Quatre saisons de six ou huit épisodes avec en vedette Keeley Hawes, Milo Parker ou Josh O’Connor. 

Vous trouverez également depuis peu sur 6Play l’intégrale des Musketeers, adaptation très libre des Trois Mousquetaires en trois saisons et 30 épisodes au total. Les amateurs de science-fiction ne sont pas délaissés puisque Misfits, l’histoire de cinq jeunes qui sont dotés de superpouvoirs par hasard, rejoint aussi cette offre de série en intégrale. Et puis côté humour, vous avez le choix entre les séries maisons (Kaamelott, Scènes de ménages) et des classiques indémodables. Dans cette catégorie, retrouvez la bonhomie des années 60 avec Ma sorcière bien-aimée interprétée par la regrettée Elizabeth Montgomery. 254 épisodes et un petit nez inoubliable.

(édit : M6 play est devenu depuis 2024 M6+ )


mardi 25 octobre 2022

BD - Dad se démultiplie


Sous huit couvertures différentes, Dad, le papa poule imaginé par Nob, est de retour dans les librairies. Il se grime en Dragon Ball, Obélix, Batman et autre héros de la jeunesse actuelle. 

Une opération marketing qui ne doit pas cacher l’essentiel : la qualité de cette série qui raconte avec humour et gentillesse, le quotidien de ce père de quatre filles avec quatre mères différentes. Trois d’entre elles ne vivent plus avec lui. 

Et le comédien au chômage déprime. Comment occuper son temps sans ces chipies dans les pattes ? On compatit. On rit aussi… 

« Dad » (tome 9), Dupuis, 11,90 €


DVD et Blu-ray - Dans le "Vortex" avec Gaspar Noé


Gaspar Noé n’est pas le cinéaste de la facilité. Chacune de ses œuvres se mérite. Le public est mis à l’épreuve quand il aborde des thèmes violents ou sexuels. Dans Vortex, qui sort en vidéo chez Wild Side, l’effort demandé aux spectateurs est différent. Durant 2 h 20, on assiste au naufrage de la vieillesse. C’est rude, émouvant, impitoyable. Dans un appartement parisien, débordant de souvenirs et de livres, un vieux couple survit tant bien que mal. Tout le film montre deux images en parallèle : ce que fait et vit la femme mais aussi ce que fait et vit le mari. 

Cela débute normalement.   La femme (Françoise Lebrun), se lève et va préparer le café. Ensuite elle s’habille et descend sortir la poubelle. La suite est plus problématique. Elle va dans un petit magasin et reste de longues minutes devant les jouets. Puis erre dans les rayons, le regard vide. L’homme (Dario Argento), après avoir bu son café se met à sa table de travail et continue la rédaction de son livre sur le cinéma et les rêves. Et puis il s’inquiète et part à la recherche de son épouse. Elle est malade, perd la tête. 

C’est cette lente descente aux enfers, pour eux deux et le fils (Alex Lutz), qui est radiographiée dans un film qui nous happe tel un cauchemar dont on ne sait pas s’extraire.

lundi 24 octobre 2022

BD - Le meilleur de Métal Hurlant


Métal Hurlant teste le « C’était mieux avant ». La revue, en renaissant, alterne les numéros bourrés de nouveautés avec ceux qui reprennent les grands classiques de cet âge d’or de la BD futuriste. 


Ce numéro 4 est particulièrement remarquable avec de véritables pépites. Du très connu avec Exterminateur 17 de Bilal ou L’homme est-il bon de Moebius mais aussi des redécouvertes d’auteurs remarquables comme Nicole Claveloux, Chantal Montellier, Macedo, Keleck ou Jean-Michel Nicollet. Que du beau monde.

« Métal Hurlant » (n° 4), Les Humanoïdes Associés, 19,95 €


DVD - A la découverte du "Limbo"


Certains films ont tout pour intriguer. Limbo de Ben Sharrock interpelle par l’association de plusieurs facteurs normalement peu compatibles. Ou du moins rarement vus ensemble. Sur une petite île au nord de l’Écosse, des réfugiés tentent de survivre. Parmi eux, Omar (Amir El-Masry), venu de Syrie, ne quitte jamais son oud soigneusement rangé dans son étui. De la musique orientale sur les terres froides et ventées des Hébrides ? Le cocktail se révèle au final plus que savoureux. Après des mois de galère et de prise de risque notamment en Méditerranée, le film raconte le quotidien morne et triste de quatre réfugiés, hébergés sur cette île quasi déserte essentiellement peuplée de moutons. Ils attendent une hypothétique réponse à leur demande d’asile. Omar, séparé de sa famille, n’arrive plus à jouer de son instrument. Pourtant dans son pays il était un virtuose. Comment se reconstruire ? Pourquoi vouloir une seconde vie, Limbo (L’atelier d’images) apporte plus que des réponses, c’est une véritable philosophie de la résilience qui est mise en pratique dans une histoire finalement universelle. 

dimanche 23 octobre 2022

BD - La nounou des garnements


Astrid Bromure est une petite fille privilégiée. Dans ce monde imaginaire dû au talent de Fabrice Parme, ses parents, très riches, doivent supporter le reste de la famille, très dépensière. Un repas entre les deux frères (le papa d’Astrid et le gérant de l’usine de biscuit) oblige le premier à trou- ver une baby sitter. 


Mais Astrid (et ses cousins), sont pleins de ressources pour la faire craquer. Une BD aussi fraîche que classique, avec des garnements très dissipés et une nounou, guère plus âgée, mais déterminée.

« Astrid Bromure » (tome 7), Rue de Sèvres, 10,50 €