Comment va la famille en 2022 ? Olivier Adam, sans en donner une vision absolue, donne cependant beaucoup d’indices dans la déconstruction de cette cellule qui a longtemps été le socle de toute civilisation. Fans Dessous les roses, il donne à tour de rôle le point de vue de deux frères et d’une sœur. Ils sont réunis autour de l mère pour les obsèques du père. Antoine, le plus jeune, est sur le point de devenir papa.
Claire, sa sœur, infirmière à l’hôpital, veut divorcer, abandonner mari et enfants pour rejoindre un chirurgien anesthésiste, enfin Paul, fâché avec le père depuis des années, est un célèbre réalisateur de film, aimé par la gauche bobo, homosexuel, cynique et s’inspirant sournoisement de sa famille pour critiquer la société contemporaine.
Un drôle de trio qui va se retrouver, tenter la complicité d’antan, se dévoiler, sembler plus fragile malgré les apparences. Une brillante comédie douce-amère, qui ne peut que remuer des souvenirs dans l’esprit du lecteur.
Car qui que l’on soit et de n’importe quel milieu, on va forcément se reconnaître un peu dans les doutes et errances de cette famille déconstruite et en pleine explosion.
Le film débute comme une simple comédie, bourrée de gags et de rebondissements. Pourtant, Jumeaux mais pas trop, de Wilfried Meance et Olivier Ducray, change progressivement de catégorie pour apporter une belle émotion à cette histoire de retrouvailles fraternelles. Et, du coup, les deux comiques de service, Ahmed Sylla et Bertrand Usclat se transforment en excellents comédiens, capables d’aller chercher de l’émotion pour transcender cette belle histoire qui vire à la fable sociale et politique.
Grégoire Beaulieu (Bertrand Usclat), est la caricature du jeune homme politique de droite très ambitieux. En pleine campagne électorale, il va découvrir, grâce à la malice de l’ADN, qu’il a un frère en tout point son opposé. Anthony Girard (Ahmed Sylla) est réparateur informatique. Aussi noir que Grégoire est blanc. Pourtant, la science est formelle : ils sont frères. Et jumeaux qui plus est.
Passé le quiproquo de base, Grégoire et Anthony vont tenter de comprendre comment leurs parents ont pu les séparer. Une longue enquête qui va les rapprocher et, finalement, leur apprendre que leur origine est un peu plus compliquée que l’histoire officielle. Tout le film repose sur l’entente entre les deux acteurs.
Lors d’une avant-première, à Perpignan, Ahmed Sylla expliquait à propos de Bertrand Usclat qu’il était « très content de ne pas l’avoir connu avant. Ça rajoute quelque chose au film puisque c’est la relation de deux frères qui se retrouvent. Des premières répétitions au dernier jour de tournage, c’est une vraie belle rencontre. » Et Bertrand Usclat de renchérir : « Nos personnages ont le même parcours que nous car, dans nos carrières respectives, on vient d’endroits vraiment différents. »
Film de Wilfried Meance et Olivier Ducray, avec Ahmed Sylla, Bertrand Usclat, Pauline Clément
Après le très remarqué Le chant du poulet sous vide, Lucie Rico récidive pour son second roman en entraînant le lecteur dans un époustouflant roadtrip virtuel intitulé GPS. La jeune femme, désormais installée à Clermont-Ferrand et Paris, a passé toute son enfance à Perpignan et a été distinguée par un prix Coup de cœur aux Vendanges littéraires en 2020. Publiée par les prestigieuses et très parisiennes éditions P.O.L., GPS fait partie des romans qui bénéficient d’un excellent retour de la part des critiques, certains pariant même qu’il pourrait intégrer les listes des principaux prix de l’automne (réponse à partir du 7 septembre).
Absence physique, présence virtuelle
La narratrice, Ariane, a de gros problèmes sociaux. Journaliste, elle est au chômage depuis deux ans et ne parvient plus à quitter son petit appartement depuis qu’elle a été « virée de la rubrique faits divers d’un journal miteux. Jusque-là, j’écrivais des horreurs, avec force détails, mais les lecteurs se sont plaints de mon style trop incisif. » Elle a un petit ami et une très bonne amie depuis le collège : Sandrine.
Sandrine qui veut absolument faire sortir Ariane de chez elle. Peut-être est-ce pour cela qu’elle décide qu’elle sera la témoin de ses fiançailles. Incapable de mettre un pied dehors à cause d’une phobie de l’extérieur, Ariane consent à mettre le bout de nez hors de son appartement à condition que Sandrine la guide en lui transmettant par un point GPS sa propre localisation permettant d’indiquer où son amie doit la rejoindre. Le nez sur son smartphone, Ariane trouve bien le parc des réjouissances et passe finalement une bonne soirée.
Le lendemain, elle a toujours sur son téléphone la localisation de Sandrine, qui continue à se déplacer sur la carte. Le roman, de simple description des us et coutumes de la jeunesse française de province, bascule dans l’étrange quand Sandrine ne répond plus au téléphone et que l’on retrouve au bord d’un lac le cadavre calciné d’une jeune femme. Un lac où le point GPS est passé. Un lac qui fut un endroit apprécié des deux jeunes femmes quand elles étaient lycéennes. Ariane angoisse. Sandrine ne répond plus. Est-elle morte ? Mais alors pourquoi le point GPS continue de se déplacer ? Pour Ariane, « l’histoire de Sandrine n’est pas terminée tant que son point bouge dans le GPS. Tu ne pourrais pas dire que ton amie te manque puisqu’elle est toujours là. » Le texte prend alors des airs de cauchemar numérique.
Comme si le fantôme de Sandrine parvenait à communiquer avec son amie. Lui envoyant des signes en fonction des endroits où elle se rend. Un jeu de piste comme pour revivre les meilleurs moments des deux amies. On est alors embarqué dans une drôle d’aventure immobile, racontée par Lucie Rico par l’entremise d’une Ariane qui doute de plus en plus de sa raison.
Deux mois ! La réduction de 30 centimes sur le carburant mise en place par le gouvernement durera deux mois. Et pourtant, lancée le 1er septembre, cette ristourne a provoqué dès le premier jour et encore plus hier d’incroyables files d’attente dans toutes les stations-service de la région.
Bloqué dans la circulation à cause de ces queues qui débordaient sur la route, je me suis demandé pourquoi tout le monde avait un tel besoin immédiat de faire le plein. L’impression parfois que la moitié du parc automobile roulait sur la réserve depuis une semaine. A ce rythme, toutes les cuves vont être vides ce week-end.
D’autant que nombre de clients, en plus de remplir leur réservoir à bloc, sortaient des jerrycans pour faire des réserves. Au cas ou… On sait jamais, une pénurie soudaine, la fin du rabais, l’invasion du pays par les Russes. En réalité, mettez un volant entre les mains d’une personne normalement constituée et vous obtenez dans la foulée selon les circonstances, un maître de l’Univers (surtout s’il conduit un gros SUV), ou un bête mouton, angoissé à l’idée de ne pas avoir sa ration de gazole pour aller au supermarché dépenser les derniers euros retirés de son Livret A.
Autre problème, l’essence subventionnée n’améliorera pas notre empreinte carbone. Car si chez nous on fait la queue pour obtenir quelques litres issus dune énergie fossile, en Espagne ou en Allemagne, les queues sont destinées à récupérer les passes gratuits (ou à coût très modéré). Destinés à utiliser les transports en commun, souvent électriques et moins polluants que la voiture individuelle.
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 3 septembre 2022
Tous les peintres du dimanche le savent, le vert n’est pas une couleur primaire. Juste l’addition de jaune et de bleu. Les nuances de vert sont obtenues en modifiant les proportions de deux couleurs primaires. Pourtant le vert est sans doute la couleur la plus répandue dans le monde et d’une façon générale dans la nature. Exactement était la plus répandue.
Cet été, sécheresse et canicule obligent, on a découvert un nouveau vert. D’ordinaire, le plus tendre et sympa est le vert gazon, celui des pelouses bichonnées par les sportifs ou les admirateurs de l’Angleterre. Un vert qu’on retrouve aussi sur tous les bords de route, le long ou dans ces fossés régulièrement fauchés par des employés communaux ou départementaux.
À partir de début juillet, j’ai constaté que ce fameux vert gazon avait pris une toute autre teinte. Un peu comme si tout le bleu s’était fait la malle, restant dans ce ciel estival résolument exempt du moindre nuage et d’eau de pluie. Le nouveau vert, que l’on pourrait renommer « vert sécheresse », est en fait un jaune à 100 %, tendance paille et herbe sèche. D’ailleurs elle brûle si facilement cette herbe couleur « vert sécheresse » que le moindre mégot jeté par la fenêtre de la voiture (oui, ils sont encore trop nombreux à le faire en toute impunité), se transformait immédiatement en incendie qui ne demandait qu’à s’étendre.
Avec pour conséquences immédiates, les coupures d’autoroute durant les grandes transhumances des vacanciers.
Voilà comment en cet été 2022, on est passé d’une campagne vert gazon (ou chlorophylle) en vert sécheresse puis en vert cramé. Franchement, des nuances de vert dont on se serait bien passé.
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 2 septembre 2022
Il n’y a pas qu’en France que les femmes politiques sont la cible d’attaques que l’on peut juger sans trop prendre parti d’injustes. En Finlande, la Première ministre est une sociale-démocrate très jeune. Sanna Marin, à la tête de l’État depuis 2019, s’est retrouvée victime des réseaux sociaux.
Désignée par certains journaux comme « la femme politique la plus cool au monde », une vidéo a circulé sur le net la montrant en train de danser chez elle avec des amis. Rien de bien exceptionnel, juste une soirée entre trentenaires après une trop longue journée de boulot.
Mais du côté des partis conservateurs de Finlande, c’est une occasion inespérée pour attaquer une adversaire. Et certains de se demander si elle n’aurait pas absorbé un peu trop alcool, voire des drogues. En France, une telle allusion à propos d’un homme politique aurait été balayée d’un revers de main : vie privée, passez votre chemin.
En Finlande, Sanna Marin a été obligée d’accepter de passer un test de dépistage prouvant qu’elle n’avait ni bu et encore moins pris des drogues. Ce que ses opposants lui reprochent essentiellement, c’est d’être normale. Une femme bien dans sa peau, capable de tenir tête à Poutine mais aussi de s’amuser simplement avec des amis. En soutien à Sanna Marin, en Finlande mais aussi un peu partout dans le monde, des femmes ont dansé publiquement à sa manière.
Cela a donné des images assez détonantes aux journées d’été d’Europe Écologie Les Verts d’une cinquantaine d’élues dansant durant quelques minutes sur la scène principale. Parce quelles aussi, comme l’a déclaré Sanna Marin en révélant que ses analyses étaient nickel : « Je suis un être humain. J’aspire parfois aussi à la joie. »
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 1er septembre 2022
Jean-Loup Dabadie au scénario d’après un roman de Simenon : le film de Jean Becker met Depardieu en vedette.
En acceptant son âge et ses ennuis de santé, Gérard Depardieu, au fil des films, est en train d’acquérir une nouvelle dimension. Déjà au sommet (et ce depuis des années), il a lentement mais sûrement endossé les habits d’un doyen qui a tout vu et tout vécu. Il est devenu le Gabin des années 2000.
Logiquement il se retrouve en tête d’affiche de ce film qui a des airs de succès des années 70-80. Jean Becker (84 ans) réalise Les volets verts sur un scénario de Jean-Loup Dabadie (mort à 81 ans en 2020) d’après un roman de Simenon paru en 1950 (72 ans déjà…). Amateurs d’effets spéciaux, de wokisme ou de résilience, passez votre chemin.
Cœur brisé
Dans les années 70, Jules Maugin, acteur vieillissant, est encore très populaire. Tous les soirs, le théâtre est complet. Il fait aussi des films et même des publicités pour la bière sans alcool. Paradoxe pour cet homme qui carbure uniquement à la vodka.
Maugin qui ne se remet pas de sa rupture avec Jeanne Swann (Fanny Ardant), autre vedette qui lui donne la réplique tous les soirs sur les planches. Le film (comme le roman de l’époque), est le portrait d’un homme au cœur brisé, dans tous les sens du terme. Malheureux en amour, mais aussi en piètre condition physique. Son médecin est formel : Maugin doit arrêter l’alcool. Il n’essaie même pas.
Par contre pour soigner son blues, il va se prendre d’affection pour Alice (Stefi Celma), charmante et jeune souffleuse. Il va même se transformer en protecteur de cette mère célibataire et vivre les joies simples d’être un grand-père de substitution pour sa fillette de 5 ans. La partie la plus bucolique et apaisée du film, quand ils trouvent refuge tous les trois dans la grande villa d’Antibes aux volets verts.
Ce film, réalisé par un vétéran du cinéma français, est subtilement éclairé par Yves Angelo. Ce directeur de la photographie sait amener une ambiance vintage sur la pellicule. On lui doit le Maigret de Patrice Leconte, déjà avec Depardieu. La reconstitution de Paris la nuit, notamment au Bœuf sur le toit, « cantine » du célèbre comédien, est criante de vérité. En opposition, la luminosité des scènes tournées en Provence apporte vie et espoir au crépuscule de la vie de cette star. Un message qu’on ne peut que transposer à l’acteur principal d’un film qui prend des airs de testament artistique.
Perdus au milieu de l’Océan, on ne les entendra pas hurler de terreur. En cette année 1789, plusieurs marins de l’Alicante, un grand voilier marchand, sont assassinés les uns après les autres. Avec une signature sur le visage : un A tracé avec leur sang sur le visage. Pour le mousse, Rêveur, l’explication est simple : ce sont les grands monstres des profondeurs qui viennent se venger. Et il les dessine dans son carnet et les montre aux survivants, terrorisés.
Écrite par Kristok Mishel et dessinée par Béatrice Penco Seshi, cette histoire complète intitulée Les damnés du grand large, débute véritablement 20 ans plus tard. Un conteur tente de captiver la clientèle d’une taverne avec son récit glaçant. Lui-même fait très peur avec son corps entièrement tatoué. Sur le bateau, la rencontre d’un vaisseau fantôme va encore plus faire angoisser ce qui reste de l’équipage.
Paru dans la collection Drakoo, dédiée à la fantasy, ce récit est pourtant très éloigné du fantastique. Et même si le final est aussi effrayant qu’abominable, on reste dans le rationnel et explicable.
« Les damnés du grand large », Bamboo Drakoo, 15,90 €
Comment réagiriez vous si des superpouvoirs vous tombez dessus ? C’est la question à laquelle va devoir répondre Nathan, un écrivain raté de 30 ans.
Criblé de dettes, il est obligé de retourner dans la petite ville de son enfance et de vivre de nouveau chez ses parents.
Pourtant une nuit, il est frappé par une sorte de mini-trou noir et se retrouve doté de pouvoirs extraordinaires. Cette BD de Higgins et Costa raconte les cas de conscience quand on est propulsé du jour au lendemain Superhéros. Et ce n’est pas que du bonheur !
Un nouveau livre de Jo Nesbø est un événement pour tous les amateurs de polar et de thriller. Mais attention, De la jalousie est un recueil de nouvelles, genre qui a toujours tendance à moins satisfaire la majorité des lecteurs, plutôt avide de pavés et de récits au long cours. Le romancier norvégien qui a connu la célébrité mondiale avec les enquêtes de l’inspecteur Harry Hole propose six textes très courts et un plus long presque assimilable à un petit roman. Avec à chaque fois un problème de jalousie comme déclencheur du drame.
Dans Phtonos, la plus longue nouvelle, l’action se situe sur une petite île grecque. Un policier venu d’Athènes doit déterminer si la disparition d’un touriste américain est liée à une querelle amoureuse avec son frère jumeau. Très rapidement, le lecteur se pose des questions sur la véritable identité du suspect, son mobile et surtout où est le corps du disparu. Un engrenage fatal dans lequel le flic d’Athènes va tenter de démêler le vrai du faux, l’apparent de l’invisible.
Les autres textes, plus incisifs, ciselés telles des pierres précieuses, sont parfaits pour s’évader un bref moment, loin de notre quotidien et, qui sait, de nos crises de jalousie…
« De la jalousie » de Jo Nesbø, Gallimard, Série Noire, 19,50 €