Et si dans un futur proche, la plus grande menace pour l’Humanité n’était plus le réchauffement climatique, la montée des intégrismes ou l’envolée des prix des carburants mais l’émergence des intelligences artificielles ? Dans Control, thriller de Singer et Cole, deux experts américains du sujet, on est plongé dans une Amérique qui n’a plus de travail. Les robots ont commencé par les tâches répétitives et compliquées, puis, plus leur intelligence et capacité d’apprendre progressaient, ils ont aussi remplacé des professionnels comme avocats, banquiers ou journalistes.
Lisa Keegan, ancienne Marine, agent du FBI, doit apprendre le métier de policier et d’enquêteur à une nouvelle recrue, TAMS. Un robot qui lui est 100 fois supérieur dans tous les domaines. Lisa et TAMS qui devront unir leurs forces pour déjouer un vaste complot ayant pour but d’éradiquer les intelligences artificielles.
Ce thriller, parfois un peu compliqué, où toutes les innovations sont référencées, fait parfois très peur. Car déjà, dans notre quotidien, les intelligences artificielles interviennent régulièrement, sans qu’on le sache.
« Control » de P. W. Singer et August Cole, Buchet-Chastel, 22,90 €
"La page blanche", premier film de Murielle Magellan qui sort ce mercredi 31 août au cinéma, est une jolie comédie romantique avec une Sara Giraudeau omniprésente.
Tiré d’une BD dessinée par une femme (Pénélope Bagieu), ce film réalisé par une femme (Murielle Magellan) met une jeune femme en vedette. Eloïse (Sara Giraudeau) souffre d’une amnésie très particulière. Elle se souvient de tout excepté de ce qui à trait à sa vie. Quand elle reprend ses esprits sur le banc public d’une place parisienne, elle est incapable de se souvenir son nom, où elle habite et ce qu’elle fait dans la vie.
Déboussolée, elle va devoir se transformer dans les premières minutes du film en détective amateur pour tenter de retrouver les bases de son existence. Un début tonitruant, où la voix fluette de Sara Giraudeau, sa bouille d’ange aux grands yeux innocents font des merveilles. De la pure comédie. Mais cela se transforme petit à petit en cauchemar. Car plus Eloïse découvre ce qu’elle faisait et était dans la vie d’avant, moins elle apprécie cette jeune femme prétentieuse, ambitieuse et sans tabou.
L’égarement de la provinciale
Vendeuse dans une librairie, elle se découvre une liaison avec son chef hiérarchique, une propension à se moquer d’une collègue (Sarah Suco) et des amitiés avec d’autres vendeurs tous plus mesquins et mauvaises langues les uns que les autres. Trop c’est trop, Eloïse décide de réécrire sa vie, avec plus de sensibilité, plus d’empathie. Mais en réalité cette provinciale qui est arrivée à Paris depuis un peu plus d’un an va tout simplement redevenir elle-même.
Car La page blanche, plus qu’un film sur l’amnésie ou la solitude des jeunes Parisiennes, est une très belle réflexion sur les origines, la famille et son cortège de secrets. Autre thématique abordé, le problème des provinciales qui perdent leurs racines en «montant» à la capitale, une problématique qui a souvent intéressé Murielle Magellan, qui a toujours essayé de poursuivre sa carrière artistique (elle est également écrivaine et met en scène des spectacles vivants) tout en conservant des attaches fortes avec sa ville d’origine, Montauban.
Un film distrayant, entre futilité et recherche de sens, qui reste une belle comédie romantique, avec happy end entre Eloïse, redevenue « humaine » et un informaticien frappadingue Moby Dick (Pierre Deladonchamps), celui qui permettra à la belle amnésique de retrouver sa fantaisie et de perdre sa morgue arrogante.
Être une femme politique c’est avant tout apprendre à prendre des coups. En provenance de ses collègues mâles qui en ont dans le slip, eux. Edith Cresson ou Cécile Duflot sont passées par là. Désormais la place peu enviée de femme politique française la plus détestée est occupée par Sandrine Rousseau.
Élue députée écologiste en juin dernier, elle aime aborder les sujets qui fâchent, ceux que les hommes évitent. Sandrine Rousseau ne paye pas de mine mais, telle un moustique estival affamé, elle ne cesse de tournoyer autour de ses proies qui en deviennent complètement folles. Au point de se dévoiler avec leurs gros sabots, incapables d’admettre que oui, finalement, ce qu’elle affirme est censé.
Sa dernière saillie sur la masculinité autour des barbecues en est l’exemple parfait. Immédiatement, ils sont des légions à se moquer. Comme s’il n’y avait pas des sujets plus importants à traiter...
Et pourtant, voilà bien résumé autour des braises ardentes toute la décomplexion du mec persuadé qu’il est le roi de la cuisson de la bidoche, expliquant doctement à son beau-frère quand et comment placer les entrecôtes, saucisses ou merguez sur la grille pour qu’elle soient saisies à point. Généralement, le beauf a lui aussi une théorie arrêtée sur le sujet.
Et pendant qu’ils se dorent la pilule dans les fumées âcres de la cuisson, maniant la pique comme leurs ancêtres ferraillaient avec une épée de mousquetaire, les femmes épluchent les légumes, font la vinaigrette et dressent la table. Pourtant, à les écouter, ce sont eux qui ont tout fait pour ce médiocre repas constitué de quelques morceaux de viande carbonisés (ou pas assez cuits, ça dépend).
Bref, merci Sandrine Rousseau de donner une si bonne image de la masculinité en France en cette année 2022.
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 31 août 2022
Il y a un peu plus d’un siècle, un auteur tchèque signait une pièce de théâtre dans laquelle il imaginait que des hommes mécaniques se soulevaient. Pour les désigner, il a inventé le terme de robot qui est dérivé de l’expression « travail forcé ».
Aujourd’hui les robots sont de plus en plus présents et l’utopie de Karel Capek toujours d’actualité. Katerina Cupova, dessinatrice tchèque, propose l’adaptation fidèle de cette pièce de théâtre (R.U.R. Le soulèvement des robots) dans un vaste roman graphique de 240 pages dessiné en douceur et teintes pastel.
Les robots, de plus en plus intelligents, décident de se passer des Humains. La jeune héroïne de l’album, Héléna Glory, fille du président, milite pour l’émancipation de ces machines pensantes. L’action se déroule sur une île isolée, dans l’usine de la Rossums Universal Robots, là où sont fabriqués ces robots de plus en plus vindicatifs.
Va-t-on assister à la fin de l’Humanité ? Faut-il accéder aux demandes des robots ? Les questions restent toujours d’actualité un siècle plus tard.
« R. U. R. Le soulèvement des robots », Glénat, 25 €
Second roman de Mark Miller, Sur la route de Key West est le prototype parfait du best-seller estival qui devrait vous passionner quelques jours à la plage ou la nuit dans la chaleur étouffante de la caravane ou du mobil-home. Écriture simple et efficace, personnages typés et attachants : l’intrigue vient renforcer cette arme fatale de lecture de masse. Tom Baldwin est écrivain. Il s’est retiré dans une villa paradisiaque des Key West en Floride après un drame personnel, un accident la veille de Noël.
Il sort du coma et apprend que son fils est mort dans la collision. Auteur de plusieurs best-sellers, il change de vie, mais n’arrive pas à oublier son petit garçon. Trois ans plus tard, il reçoit un message anonyme lui affirmant que son enfant est vivant. Assailli d’un doute doublé d’un fol espoir, Tom se lance dans une enquête où le rôle de son riche et peu honnête ex-beau-père s’avère peu reluisant. Si l’on passe outre quelques clichés (« Cerné par le clapotis des vagues léchant les pilotis, je plissai les yeux, ébloui par le disque de feu qui embrasait l’horizon »), ce roman est un excellent moyen d’oublier les soucis du quotidien le temps de ses vacances.
« Sur la route de Key West » de Mark Miller, XO Éditions, 19,90 €
Une nouveauté au rayon BD en ce 10 août ! Étonnant et pourtant certains éditeurs osent sortir des sentiers battus. Saluons dont Bamboo de proposer ce roman graphique se déroulant dans le Lot au cœur de l’été, bien avant la rentrée littéraire.
Philippe Pelaez raconte comment le petit village de Douelle, le long du Lot, a connu des jours sombres quand plusieurs femmes sont découvertes violentées et noyées dans l’écluse du village. Or, l’éclusier, Octave, est un simple d’esprit, bossu et au visage difforme. Une sorte de Quasimodo que tout le monde a tendance à accuser.
Pourtant Octave est doux comme un agneau, innocent comme un poussin. Par contre Alban, le jeune caïd local, n’hésite pas à menacer les jeunes filles du cru pour obtenir des faveurs sexuelles. Tout le monde le sait. Personne ne réagit. Alban est trop dangereux. Et les policiers envoyés de Cahors ne vont pas permettre de faire cesser les crimes. Un polar rural sombre et crépusculaire, se déroulant dans les années 60, mis en images par Gilles Aris, Toulousain connaissant parfaitement la région.
Anne Goscinny ne semble s’être lancée dans l’écriture que pour tirer un trait sur le drame de la mort de son père, René Goscinny, le créateur d’Astérix et Obélix. Elle n’était qu’une fillette quand il a succombé en plein test d’effort chez un cardiologue. Depuis, la petite Anne est devenue une femme, mais a conservé des séquelles de cette absence.
En signant Romance, elle semble avoir enfin fait le tour de ce traumatisme. Un roman puissant, prenant, envoûtant et parfois angoissant. Jeanne, la narratrice, après des années à veiller sur son fils unique, décide de déménager, de couper les ponts avec ce jeune adulte. Elle emménage dans un appartement logé à l’étage d’une grande maison. Elle est accueillie par Romance, la petite fille du propriétaire. Un médecin. Et Jeanne comprend que ce toubib c’est le chirurgien qui l’a soignée enfant et dont elle est tombée amoureuse, juste car il était devenu un père de substitution. On explore dans ce roman à la limite du fantastique, les méandres de l’esprit humain, les impasses et aveuglements. Jeanne va se réveiller et Anne Goscinny passer à autre chose.
Cette BD de Barbucci (dessin) et Arleston (scénario) va mettre un peu de piquant dans votre été. Du relevé dans votre bouche, l’action se passe au Mexique et la cuisine y est très épicée, du très ébouriffant pour vos yeux, la belle héroïne, Fourmille, se dénudant de plus en plus dans les premières pages.
Avec Yuri, son compagnon d’aventure, elle va mettre le cap sur Mexico. La belle, dans le monde d’Ekho (le même que le nôtre, mais sans électricité et beaucoup de magie), a la possibilité d’accueillir les âmes des morts en errance. Cette fois elle va devoir aider Juan à trouver le chemin du Paradis.
Après l’Afrique, l’Asie, l’Europe ou l’Amérique, Arleston s’attaque donc à l’Amérique centrale. Le Mexique qui y est décrit est chatoyant, joyeux et aussi très violent. Il y est question d’un produit permettant de retrouver la mémoire. Mais aussi d’un virus qui la fait disparaître.
En creux, les amateurs de complots en tout genre y liront l’histoire du Covid, inventé par les laboratoires pharmaceutiques pour écouler leurs milliards de doses de vaccins. Comme si la vie était aussi simple qu’une BD…
Tim est autiste. Il vit en permanence avec sa mère. Son père, Marc, s’est éloigné de cet enfant anormal, compliqué à gérer, qui vit dans son monde et n’a aucun repère social. Quand Marc reçoit un message de son ancienne épouse lui expliquant qu’elle n’en peut plus et qu’elle doit prendre du recul, il ne comprend pas immédiatement que désormais, c’est lui qui aurait la lourde responsabilité de s’occuper de Tim.
Un changement radical de vie pour cet homme actif qui aime sa liberté.
Écrit par Bernard Villiot, auteur de littérature jeunesse, et dessiné par Alexandra Brijatoff, ce long roman graphique explique comment on perçoit les enfants comme Tim et surtout comment eux, perçoivent notre réalité. Édifiant.
Deux profs, une mutation : la lutte sera rude entre ces modèles de l’éducation à la française.
Comédie française bâtie autour du personnage de Mlle Sofia Boudaoui (Melha Bedia), la présence d’Audrey Fleurot au casting, devenue l’actrice la plus vue dans une série française (HPI sur TF1, plus de 10 millions de téléspectateurs pour chaque épisode), a propulsé cette dernière en grand sur les affiches. Pourtant elle incarne la « méchante sorcière » de l’histoire, une caricature d’une certaine bourgeoisie française, trop distinguée pour être honnête. Un rôle hautement antipathique qui ne perturbe en rien celle qui a un réel talent dans la comédie.
De toute manière elle est beaucoup moins présente que Melha Bedia, la « gentille princesse », présente dans toutes les scènes. Sofia est professeur de français dans un lycée de banlieue. Elle a une classe de seconde qui lui mène la vie dure. Timide, complexée par ses rondeurs, elle n’a qu’une envie : être mutée. Quand elle reçoit enfin sa nouvelle destination, c’est une explosion de joie : lycée français de Barcelone.
Retrouver la vocation
Tellement contente que pour le dernier jour de cours, elle déballe tout aux élèves et dit tout le mal qu’elle pense de ces « puceaux boutonneux ». Ça soulage. Moins quand elle apprend dans la foulée que la mutation est suspendue, Une autre candidate veut un réexamen des dossiers. Pas n’importe quelle enseignante : Mme Delahaye, femme d’un diplomate qui va être muté à Barcelone, appréciée de ses élèves dans un collège privé catholique.
Ce film écrit et réalisé par Frédéric Quiring prend dans sa première demi-heure des airs de lutte des classes. D’un côté l’élite française, blanche et bien-pensante, de l’autre l’exemple de la diversité, avec ses difficultés et ses désespoirs face à une administration qui montre un peu trop ses préférences. Les deux profs vont être évaluées par un inspecteur (Arié Elmaleh). Sofia, sur les conseils d’un voisin (François Berléand), va tenter de le séduire. En vain. Par contre, quand il découvre qu’elle aide la femme de ménage guinéenne du lycée à apprendre le français, il salue cette action de philanthropie. Et Sofia de monter une association d’alphabétisation pour étoffer son dossier.
L’intrigue, tout en continuant à distiller les pièges et chausse-trapes que s’infligent les deux femmes, prend une couleur plus sociale. Avec quelques belles tirades sur l’importance d’apprendre. Et rapidement Sofia va retrouver la foi et la vocation en son métier et se découvrir indispensable à ces hommes et femmes pour qui lire et écrire le français leur offre un nouveau départ dans leur vie.
Plus qu’une comédie, La très très grande classe est un beau plaidoyer pour l’émancipation par l’éducation.