lundi 24 janvier 2022

De choses et d’autres - De l’avantage de devenir une femme en Suisse

 


Les questions de genre n’ont pas terminé de faire débat. Pour de bonnes et mauvaises raisons. En Suisse, le législateur a décidé de simplifier au maximum le changement de sexe au niveau de l’administration.

 

Depuis le 1er janvier dernier, il n’en coûte plus que 75 francs pour modifier sexe et prénom sur ses papiers d’identité helvètes. En plus d’un bref entretien pour s’assurer que vous êtes bien sûr de votre décision. Voilà comment un habitant de Lucerne, âgé d’un peu plus de 60 ans, a décidé de devenir une femme. Après avoir réglé ses 75 francs et répondu à quelques questions d’un employé communal, il est ressorti en tant que femme.

Mais ce revirement n’avait rien à voir avec un quelconque mal-être dans son statut d’homme. En réalité, le petit filou (ou la petite…) a fait cette démarche à quelques années de sa retraite. Visiblement bavard, il a expliqué à ses proches que ce changement de sexe n’est justifié que par l’appât du gain.

Car en Suisse, les femmes peuvent profiter d’une retraite complète à 63 ans, soit une année avant les hommes. Il gagne ainsi 12 mois de farniente pour la modique somme de 75 francs, soit un peu moins de 73 euros.

Espérons que cette entourloupe ne donne pas des idées à d’autres vieux messieurs proches de la fin de leurs activités professionnelles. La Suisse se retrouverait d’un coup d’un seul avec beaucoup plus de femmes que d’hommes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 24 janvier 2022

dimanche 23 janvier 2022

BD - Dérive violente dans Mezkal chez Soleil



Bourré de références aux films de gangsters américains, Mezkal de Kevan Stevens et Jef est pourtant une production 100 % française. 188 pages de violence pure à ne pas mettre entre toutes les mains. Vananka, jeune Américain, se retrouve à la rue. 

Le père s’est barré il y a des années, son patron vient de la virer et sa mère, alcoolique, vient de mourir dans une flaque de whisky. Il ne lui reste que sa guitare et son costume. Il prend un bus et file au Mexique. Il croise la route d’une famille d’Indiens dont la belle Leila. 


Durant quelques pages c’est une belle histoire d’amour. Mais ça ne dure pas. Entre gangs de Chicanos et Hells Angels racistes, les armes sont de sortie et Vananka va se retrouver au milieu de cette guerre sanglante arbitrée par des policiers menés par un nain encore plus hargneux que les méchants.  

« Mezkal », Soleil, 26,50 €

Série télé - Les vidéos stressantes d’Archive 81 sur Netflix

Dan (Mamadou Athie) découvre les reportages de Melody (Dina Shihabi). Quantrell D. Colbert/Netflix


Pour faire peur, de nos jours, une série prétendument horrifique ne doit pas accumuler les scènes gores et les effets spéciaux mais au contraire tout miser sur l’ambiance, le détail qui intrigue et l’inattendu. Il faut, pour que l’ensemble fonctionne, particulièrement soigner l’écriture et la réalisation. Souvent c’est un peu raté car l’équilibre et compliqué à trouver. Et puis il y a les petits bijoux qui vous scotchent dans le canapé. 

Archive 81 de Rebecca Sonnenshine, en ligne depuis une semaine sur Netflix, fait clairement partie de la seconde catégorie. Ne vous laissez pas avoir part la supposée lenteur des premiers épisodes. En réalité c’est une façon habile de poser l’intrigue, d’expliquer le principe de vase communiquant entre le présent et le passé. Le présent c’est Dan (Mamadou Athie), un jeune technicien spécialisé dans la restauration des bandes magnétiques. Il est embauché par une mystérieuse multinationale pour remettre en état et numériser des cassettes vidéo sauvées de l’incendie d’un immeuble à New York en 1994. 

Le passé c’est cette année 1994 et l’arrivée de Melody (Dina Shihabi), étudiante en sociologie qui loue un appartement pour être au plus près des locataires. Une légende urbaine circule sur cet immeuble, le Visser. Les habitants, une fois acceptés, ne sortiraient quasiment plus. Melody va rapidement comprendre qu’il se passe des choses étranges au Visser. 

Une étrange et obsédante mélopée sort des bouches du chauffage central, un étage est interdit au public, le sous-sol cadenassé. Et surtout la plupart des habitants refusent de lui répondre. Toute cette enquête, le téléspectateur la vit à travers les yeux de Dan qui méthodiquement restaure et visionne les bandes tournées par Melody. 

On le voit passionné par la quête de l’étudiante qui se filme souvent en train de parler face à un miroir. Car en plus de son travail universitaire, la jeune femme recherche sa mère biologique qui aurait résidé au Visser. Quand Melody commence à s’immiscer dans les rêves de Dan, puis sa réalité, on se doute que le cauchemar est multiple.

Archive 81 fait mouche dans le mélange des univers. Melody a besoin de Dan, même si à son époque ce n’est qu’un gamin de 8 ans. Et Dan, adulte, est attiré par cette femme qui pourtant aurait 25 ans de plus que lui. Romance impossible à cheval sur les époques. À moins qu’il existe des portes entre différents mondes.


samedi 22 janvier 2022

De choses et d’autres - Le désamour vache


Il y a les divorces à l’amiable et puis les séparations un peu plus compliquées avec pertes et fracas. L’histoire d’amour entre un couple de Landais est l’exemple parfait des ravages de la jalousie. Monsieur en a assez de madame. Il demande le divorce et entend désormais vivre avec une autre compagne, plus conciliante. Mais c’est sans compter avec la rancune tenace de la première épouse.

Elle ne cède sur rien. Mène la vie dure à son presque ancien mari et profite de toutes les failles du système judiciaire pour faire durer le plaisir. Finalement, après des années de batailles par avocats interposés, le divorce est prononcé. C’était il y a quatre ans. Comme aucun accord n’est trouvé sur la maison, elle est donc séparée en deux parties distinctes et les anciens époux restent de très proches voisins.

Et c’est là que l’épouse pousse son pion le plus sournois. Depuis sa partie de l’habitation, elle passe à longueur de journée des disques de Michel Sardou le plus fort possible. La maladie d’amour en continu, bonjour le cauchemar !

Résultat son ancien mari n’en peut plus et décide de porter plainte pour harcèlement. Les juges ont donc eu à se prononcer pour déterminer si diffuser des chansons de Michel Sardou s’apparente à du harcèlement ou simplement à du bon goût français en matière de variétés. Verdict : trois mois de prison avec sursis pour la malade d’amour.

Personnellement, si ma femme avait la mauvaise idée de m’imposer du Sardou, c’est un peu plus qu’une plainte que je déposerai auprès des policiers. En réalité, malgré toute ma douceur légendaire, je serais à deux doigts de basculer dans la catégorie féminicide.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 22 janvier 2022

Document. A la découverte d’un petit pays qui a failli exister


Chaque pays a sa devise. Face à « Liberté, égalité fraternité » si chère aux Français, les habitants du Liberland ont préféré « Vivre et laissez vivre ». Devise toute théorique comme le pays, utopie libertarienne qui n’a jamais réussi à passer l’épreuve de la reconnaissance par une autre nation. La brève histoire du Liberland est racontée par Timothée Demeillers et Grégoire Osoha, deux auteurs qui ont rencontré le président de ce micro-état situé sur la Danube, sur une bande de terre non revendiquée entre Croatie et Serbie. 

Ce document, raconté comme un roman politico-diplomatique, est par moment incroyable. Comment un Tchèque, homme politique qui a tenté en vain d’importer le parti libertarien des USA dans son pays, a cru possible de créer un état indépendant sur cette bande de terre coincée dans les méandres du Danube entre deux pays qui il y 20 ans à peine étaient en pleine guerre ? 

Pourtant Vit Jedlicka y a cru jusqu’au bout. Tout a débuté en 2015. Vit, sa compagne et un ami, posent le pied sur ces terres, les revendiquent et hissent les couleurs du Liberland. Ils sont vite chassés par les gardes-frontières croates. Ce qui était considéré comme une plaisanterie devient plus compliqué quand des milliers de personnes veulent devenir citoyens du Liberland. L’argent afflue, Vit entreprend de longues tournées pour recevoir le soutien de pays. Il croit arriver à son but quand il est officiellement invité comme chef d’État à l’investiture de Trump. 

Mais malgré se solides appuis chez les Républicains américains, les USA ne bougent pas. Et sur place, les centaines de colons sont obligés de rester loin des terres revendiquées. 

Ces péripéties sont racontées avec gravité, parfois humour, par les deux auteurs qui loin de banaliser cet état où tout serait permis, soulignent aussi que c’est essentiellement l’extrême-droite, les racistes et les complotistes qui apprécieraient qu’un tel état voit le jour. Pour l’instant ce n’est pas le cas. Mais d’autres tentatives pourraient voir le jour, sur d’autres terres reculées et vierges. 

« Voyage au Liberland » de Timothée Demeillers et Grégoire Osoha, Marchialy, 20 €

vendredi 21 janvier 2022

Streaming - Drôle de changement pour Hôtel Transylvanie sur Prime Vidéo


100 millions de dollars. C’est le prix que Amazon Prime a déboursé pour avoir en exclusivité les droits de diffusion du quatrième opus de la saga Hôtel Transylvanie. Ce film d’animation produit par Sony devait sortir en salles au mois d’octobre dernier. 

Il a été reporté à plusieurs reprises en raison de la crise sanitaire et finalement le long-métrage débarque directement en streaming sur la plateforme du géant de la vente en ligne. 100 millions c’est une belle somme même si le 3e volet avait rapporté 527. Mais c’était en 2018…

Dans cet Hôtel tenu par Dracula, les monstres sont choyés. Mais le patron est sur le point de prendre sa retraite. 

Il envisage de céder son commerce à sa fille Mavis (une vampire) et son gendre Johnny (un banal humain, complètement crétin en plus). Au dernier moment il abandonne son projet. Justifiant sa décision par le fait que Johnny n’est pas un monstre. Problème, à cause d’une invention de Van Helsing, Johnny se transforme en monstre. Et Dracula en humain. Ils vont devoir se lancer dans une quête dangereuse en Amazonie pour tenter de remettre les choses dans l’ordre.


Le film ne fait pas dans la dentelle parfois. Notamment quand Johnny se met à chanter. Mais cette idée d’inverser les rôles est parfaitement maîtrisée et une source inépuisable de gags. On rit beaucoup, avec les enfants mais aussi seul car les allusions et clins d’œil adultes pimentent parfois le scénario.

De choses et d’autres - Mal au casque

 

Un éleveur turc, pour diminuer le stress de ses vaches laitières, a tenté une expérience. Il en a équipé certaines de casques de réalité virtuelle. Tout en restant à l’étable, elles avaient l’impression de se balader dans de vertes prairies. Résultat, les deux mammifères équipés ont produit en moyenne 27 litres chaque jour contre seulement 22 pour les ruminants bien conscients de leur enfermement.

 

Je pense qu’il faut absolument étendre cette expérience à bien des secteurs de notre société sclérosée pour gagner en productivité. Chaque enseignant, entre deux cours, en salle des profs où il boit des cafés debout, devra porter un casque VR qui le propulsera au bord de la Méditerranée, transformant le petit noir en mojito, le chauffage d’appoint en soleil brûlant et les revendications des collègues syndiqués en musique techno. Une fois de retour en classe, il sera plus détendu et aussi efficace que son ministre de tutelle.


De même, les livreurs de pizza et autres repas issus des chaînes de restauration rapide, pour bien comprendre qu’ils sont l’avenir économique de notre pays puisqu’ils représentent la moitié du million de créations d’entreprises en 2021, devront, entre deux commandes, s’entraîner grâce à la réalité virtuelle à troquer leur vélo pour une Ferrari et vivre par procuration des conseils d’administration des géants du CAC40.

Et même moi je vais demander à ma direction d’être équipé. Avec un casque VR me plongeant en pleine séance du dictionnaire à l’Académie française, je suis certain de faire moins de fautes. Et de trouver facilement le sommeil.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 21 janvier 2022

jeudi 20 janvier 2022

Absence mortifère au cœur de “Serre moi fort”



Clarisse (Vicky Krieps) quitte le domicile conjugal. Au petit matin, elle part, seule. Un dernier regard vers son mari Marc (Arieh Worthalter) qui dort encore. Elle lui prend juste son briquet. Dans la chambre des enfants, elle remet le garçon dans le bon sens du lit. L’aînée, Lucie, semble la regarder. Clarisse sort par la porte de la cuisine, monte dans une vieille voiture (celle de la jeunesse de Marc) et part vers la mer. Elle a envie de voir la mer…

Les premières minutes de « Serre-moi fort » (Gaumont Vidéo), film signé Mathieu Amalric sont très déstabilisantes. On devine dans l’attitude de la mère une grande tristesse. De la lassitude aussi. Presque du renoncement. Mais pourquoi partir ? Ensuite, c’est un tsunami d’interrogations. Les enfants se lèvent. Constatent l’absence de leur maman. Le père fait comme si de rien n’était. La vie continue. Clarisse est-elle un fantôme comme le suggère Lucie ? À moins que la famille n’existe plus que dans le souvenir de Clarisse ? 

Tiré d’une pièce de théâtre de Claudine Galéa, Serre moi fort, comme les musiques classiques qui rythment le film, va crescendo dans l’émotion. Quand on comprend où se trouve la réalité, on entre en empathie avec cette famille brisée. Et comme Clarisse, on redoute l’arrivée de ce printemps, même s’il conserve son caractère de renaissance. 

 Film de Mathieu Amalric avec Vicky Krieps, Arieh Worthalter 

 


De choses et d’autres - Nourriture automatique

 

Amateurs de bonne bouffe et de gastronomie à la française, passez votre chemin. La modernité aura peut-être raison de ce savoir-faire qui fait des envieux dans bien des pays. Désormais, il existe des restaurants qui ne fonctionnent qu’avec des robots.

 

En Chine il y en a des dizaines qui préparent le wok aussi bien que le cuisinier qui a pourtant un tour de main qui semble inimitable. Les assiettes, chaudes, arrivent par le plafond. Les bras articulés agitent des cocktails à une vitesse qu’un barman ne pourrait pas atteindre, même en phase terminale de Parkinson.

En France aussi les premiers restos automatisés viennent d’ouvrir leurs portes. Une enseigne en région parisienne propose des pizzas à Chatelet et à Val d’Europe. La simplicité aurait été de préparer les pizzas à, l’avance et de simplement les cuire à la demande. Mais ça, n’importe qui peut le faire chez soi.



Dans les restaurants Pazzi, c’est un robot qui confectionne votre pizza. Plusieurs bras articulés officient autour du four selon la démonstration en ligne sur le site de l’enseigne. Le plus impressionnant reste le découpage final. Cela devrait donner des idées à quelques réalisateurs de films d’horreur.

Par contre je suis un peu déçu de ne pas voir les bras robotiques jongler avec la pâte en la faisant tournoyer dans les airs. C’est quand même le plus important dans la fabrication d’une pizza : la frime à l’italienne.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 20 janvier 2022

mercredi 19 janvier 2022

Cinéma - La fausse liseuse veut prendre « La place d’une autre »

 Histoire de femmes écrite, réalisée et interprétée par des femmes, La place d’une autre ressemble par certains aspects au Retour de Martin Guerre. Il y a au centre d’intrigue une usurpation d’identité. Mais assumée et révélée d’entrée. Toute la tension du film réside dans la façon de préserver les positions acquises par la fausse liseuse.


En 1914, la France vient d’entrer en guerre. Les hommes sont au front, les femmes seules dans la misère. Nélie (Lyna Khoudri), jeune orpheline, va de foyer en foyer, se prostituant à l’occasion pour manger à sa faim. Quand la Croix Rouge lui propose de venir aider au front comme brancardière, elle accepte. Dans une maison isolée des Vosges, elle soigne des blessés. Une jeune Suisse s’y réfugie. Rose (Maud Wyler) doit rejoindre comme liseuse la veuve française d’un ami de son père récemment décédé. Lors d’un bombardement Rose est grièvement blessée à la tête. Elle semble condamnée.



Nélie y voit un signe pour enfin quitter cette vie de misère et de privations. Elle va endosser l’identité de Rose et se présenter à Eléonore (Sabine Azéma). Sa simplicité, son dévouement, sa gentillesse, vont lui permettre de changer d’existence. Certes, au prix d’un mensonge, mais que ne ferait-on pas pour s’élever dans cette société encore très corsetée par les origines sociales ?

Trois femmes d’exception

Tout bascule quand la véritable Rose fait irruption dans la maison d’Eléonore accusant la jeune liseuse d’usurpation d’identité.

Ce film d’Amélia Georges est une jolie surprise. La reconstitution historique est juste, les costumes mis en valeur par un éclairage naturel très maîtrisé. Les différents coups de théâtre permettent de maintenir le suspense et de montrer les deux jeunes femmes comme des victimes d’un monde où les hommes ont tous les droits. Lyna Khoudri apporte sa fraîcheur et sa beauté lumineuse à un personnage complexe, Sabine Azéma sa grande expérience cinématographique à une bourgeoise pleine d’empathie et Maud Wyler crève l’écran dans cette folie provoquée par une situation qui lui échappe.


Film français d’Aurélia Georges avec Lyna Khoudri, Sabine Azéma