Si la vengeance est un plat qui se mange froid, l’adultère est la sauce pimentée qui rendra le repas encore plus compliqué à digérer. N’avoue jamais, film d’Ivan Calbérac qui sort en DVD chez Wild Side, marque la 12e collaboration entre Sabine Azéma et André Dussollier.
20 ans après Tanguy, ils sont toujours mariés. Mais à plus de 70 ans, le mari découvre que son épouse l’a trompé… 40 ans plus tôt. Ancien militaire, à cheval sur les principes, il décide d’aller corriger son rival joué par Thierry Lhermitte. Mais l’arthrose et les rhumatismes ne font pas toujours bon ménage avec la vengeance. Une comédie enlevée, sur un 3e âge tonitruant et plein de principes.
On rit. Jaune parfois, mais on rit de ces déboires conjugaux à rebours.
Histoire de femmes écrite, réalisée et interprétée par des femmes, La place d’une autre ressemble par certains aspects au Retour de Martin Guerre. Il y a au centre d’intrigue une usurpation d’identité. Mais assumée et révélée d’entrée. Toute la tension du film réside dans la façon de préserver les positions acquises par la fausse liseuse.
En 1914, la France vient d’entrer en guerre. Les hommes sont au front, les femmes seules dans la misère. Nélie (Lyna Khoudri), jeune orpheline, va de foyer en foyer, se prostituant à l’occasion pour manger à sa faim. Quand la Croix Rouge lui propose de venir aider au front comme brancardière, elle accepte. Dans une maison isolée des Vosges, elle soigne des blessés. Une jeune Suisse s’y réfugie. Rose (Maud Wyler) doit rejoindre comme liseuse la veuve française d’un ami de son père récemment décédé. Lors d’un bombardement Rose est grièvement blessée à la tête. Elle semble condamnée.
Nélie y voit un signe pour enfin quitter cette vie de misère et de privations. Elle va endosser l’identité de Rose et se présenter à Eléonore (Sabine Azéma). Sa simplicité, son dévouement, sa gentillesse, vont lui permettre de changer d’existence. Certes, au prix d’un mensonge, mais que ne ferait-on pas pour s’élever dans cette société encore très corsetée par les origines sociales ?
Trois femmes d’exception
Tout bascule quand la véritable Rose fait irruption dans la maison d’Eléonore accusant la jeune liseuse d’usurpation d’identité.
Ce film d’Amélia Georges est une jolie surprise. La reconstitution historique est juste, les costumes mis en valeur par un éclairage naturel très maîtrisé. Les différents coups de théâtre permettent de maintenir le suspense et de montrer les deux jeunes femmes comme des victimes d’un monde où les hommes ont tous les droits. Lyna Khoudri apporte sa fraîcheur et sa beauté lumineuse à un personnage complexe, Sabine Azéma sa grande expérience cinématographique à une bourgeoise pleine d’empathie et Maud Wyler crève l’écran dans cette folie provoquée par une situation qui lui échappe.
Trois couples et un malade. Avec cette configuration inhabituelle, Alain Resnais imagine nombre de combinaisons dans Aimer, boire et chanter, son dernier film.
George ! George ! George ! Elles sont trois, trois femmes mariées (Caroline Silhol, Sandrine Kiberlain et Sabine Azéma), toutes les trois de plus en plus obnubilées par ce fameux George, véritable vedette du dernier film d’Alain Resnais, « Aimer, boire et chanter ». Mais qu’a-t-il de si exceptionnel ce George dont tout le monde parle mais que l’on ne voit jamais ? Il est charmeur, vif, séduisant, plein d’allant... et condamné. Un cancer qui ne lui laisse que six mois à vivre.
Adaptée d’une pièce de théâtre anglaise, cette comédie met en scène trois couples. Colin (Hippolyte Girardot) est le médecin traitant de George. C’est lui qui vend la mèche à sa femme Kathryn qui s’empresse de le répéter à Jack (Michel Vuillermoz), meilleur ami du malade. Par ricochet, Tamara, femme de Jack l’apprend et l’annonce à Monica, l’ancienne compagne de George, aujourd’hui en ménage avec Simeon (André Dussollier), fermier. Des Britanniques aisés et cultivés, qui s’adonnent au théâtre en amateurs. Ils auront l’idée de proposer un rôle à George, histoire de lui changer les idées.
Quatre saisons
Alain Resnais a découpé son film au fil des saisons. L’annonce de la maladie se fait au printemps, les répétitions en été, les représentations en automne. L’hiver...
Rapidement, le rapprochement de George avec Tamara et Kathryn (actrices dans la pièce) va bouleverser leur quotidien. Elles vont tout faire pour l’aider et rapidement tomber sous le charme. Tamara, trompée par son mari, va se sentir désirée. Kathryn, qui s’ennuie mortellement, va redécouvrir la joie des imprévus. Quant à Monica, elle doute de plus en plus de son amour pour le paysan bougon et se met à regretter la vie avec George. Ce dernier, tel un marionnettiste se tenant hors cadre, manipule tout ce beau monde. Le paroxysme sera son idée de passer quinze jours de vacances à Ténérife. Il propose aux trois femmes du film de l’accompagner, séparément. Quand elles l’apprennent, elles sont sur le point de s’écharper. Les maris, trompés par anticipation, ils tombent dans les 36e dessous.
Comédiens impeccables, situations cocasses, rebondissement de dernière minute : “Aimer, boire et chanter” se laisse déguster comme un bon vin gouleyant, frais et plein de saveurs.
Alain Resnais s’est peut-être un peu reconnu dans cet homme de l’ombre, excellent directeur d’acteurs, obtenant ce qu’il veut d’hommes et de femmes fascinés par sa dextérité et son talent.
Film posthume, « Aimer, boire et chanter » sera donc l’ultime chapitre de longue et riche filmographie d’Alain Resnais. Décédé le 1er mars, il n’aura pas vu la sortie de son film. Mais savait qu’il était déjà apprécié puisqu’il a été récompensé au Festival de Berlin par le prix du “film ouvrant de nouvelles perspectives”. Une reconnaissance de modernité pour un cinéaste qui n’a jamais cessé d’innover. Malade, il n’était pas à Berlin. Il s’en désintéressait même. Son producteur a confié que Resnais pensait déjà au scénario de son prochain long-métrage.
A l’écoute des nouvelles tendances, Alain Resnais aimait la bande dessinée. Il a collaboré avec Bilal et pour cette comédie anglaise, il a fait appel à Blutch, dessinateur de Fluide Glacial. Les scènes se déroulent dans quatre maisons différentes. Après les images réelles, la liaison avec les décors de théâtre se fait par l’entremise de grandes illustrations de Blutch. C’est lui aussi qui signe l’affiche avec un George toujours aussi énigmatique, planant au-dessus des trois couples, la tête invisible, dans les étoiles.