jeudi 23 décembre 2021

BD - Ode aux livres


Et si l’ultime danger pour la démocratie était tout simplement l’interdiction des livres ? Ce cauchemar, François Durpaire, écrivain et historien, l’a théorisé dans cette bande dessinée illustrée par Brice Bingono. Tout partirait de la prise de pouvoir par un certain Z. Pas le candidat, mais le patron d’un immense réseau social spécialisé dans la revente et l’utilisation sans limite des données personnelles. 


Devenu président des USA, il supprime l’éducation (tout est déjà présent sur le net) et sous prétexte de pacification de la société, interdit les textes subversifs. Puis, de fil en aiguille, tous les livres qui font de la concurrence à son modèle économique. C’est parfois un peu tiré par les cheveux, mais d’ici trois ou quatre siècles, il se pourrait fort que la réalité dépasse cette fiction.   

« Le dernier livre », Glénat, 16,50 €


De choses et d’autres - Pédalage mortel

Je vous ai déjà parlé des placements produits dans les films ou séries. Le dernier James Bond en est le parfait exemple : voitures, montres, offices du tourisme : la moindre scène est déjà rentable avant même d’être tournée. Et puis, il y a parfois de très mauvaises publicités involontaires pour des marques qui s’en seraient bien passé.

Exemple, la semaine dernière, pour la société Peloton, aux USA, qui fabrique et commercialise des vélos d’appartement de luxe. La marque, cotée en Bourse, a dévissé d’un coup d’un seul, de plus de 10 %, à l’ouverture. À la fin de la séance de vendredi, l’action Peloton avait perdu 5,37 %.

Tout ça à cause d’une série télé. Le premier épisode de And Just Like That avait été diffusé quelques heures auparavant sur HBO (série disponible, en France, sur la plateforme Salto). Cette série est la suite indirecte du très célèbre Sex in the City. Les fans retrouvaient une grande partie des personnages, dont un certain Mr Big, très populaire auprès des femmes. Or, dès l’entame de l’intrigue, Mr Big mourrait d’un infarctus en faisant du vélo d’appartement. Sur les images, on distinguait clairement que c’était un Peloton. Very bad buzz pour le coup.

Producteurs et fabricant ont essayé de rétropédaler de concert, ce week-end, expliquant que la mort de Mr Big était surtout due à sa mauvaise hygiène de vie : cigares, nourriture trop grasse, alcool à gogo… Et de souligner, qu’en fait, cette fin brutale a sans doute été retardée par sa pratique d’un exercice physique… sur un vélo Peloton.

Reste que le mal est fait. Le Peloton n’avance plus, comme s’il avait crevé. Et avant de réparer la roue crevée d’un vélo d’appartement, encore faut-il la trouver.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 14 décembre 2021

mercredi 22 décembre 2021

BD - De monde en monde avec Pécau et Kordey


Ambitieuse série de science-fiction que ce Mobius écrit par Pécau et dessiné par Kordey. Loin de resservir les mêmes intrigues, elle innove dans le voyage entre divers mondes parallèles. Pour passer de l’un à l’autre, il suffit de mourir. Ce que feront à plusieurs reprises les deux personnages principaux : Berg, vaillant guerrier amnésique et Lee, combattante chargée de le guider. 


Quand ils arrivent à Kadath, la ville qui rêve, ils sont immédiatement aux prises avec les masques, des morts vivants possédés. Ils vont affronter les sept démons aux allures véritablement effrayantes grâce au talent de Kordey. Avec le risque de se retrouver dans les Limbes, cette zone où certains morts se retrouvent bloqués. Un sacré choc graphique visuellement et beaucoup de questions métaphysiques pour le lecteur un peu curieux.  

« Môbius » (tome 2), Delcourt, 14,95 €


De choses et d’autres - La primaire tombe allô

Si pendant longtemps la France était le pays de « la droite la plus bête du monde », on a basculé sans coup férir dans la catégorie encore moins enviable « de la gauche la plus pathétique de l’univers ». Si en son temps la gauche plurielle a donné la victoire à cette union de progrès, on a désormais des gauches fractionnées. L’impression qu’il y a autant de partis que de responsables politiques.

Le parti socialiste a fait des petits. Des petits scores surtout. Anne Hidalgo désignée, elle a vu sa candidature dézinguée par tout ce qui est à gauche et à droite de sa position. Et même certains, totalement dans sa ligne, ont préféré monter une muraille pour s’isoler de la maire de Paris.

Quand elle a décidé de proposer une primaire pour que cesse cet éparpillement de la gauche, ceux qui font plus qu’elle dans les sondages ont rejeté l’offre. Cela aurait pu s’arrêter là mais à gauche, il y a toujours quelqu’un pour oser le pire. Cette fois c’est Arnaud Montebourg, un autre candidat autodésigné, qui a décidé d’intervenir directement pour sortir son camp de l’ornière. Il a pris son plus beau téléphone portable et s’est filmé en train d’appeler tous les candidats se revendiquant de gauche. Aucun n’a répondu. Il a laissé des messages sur les répondeurs. Mais pas un seul n’a décroché. Pathétique. Ridicule…

La primaire mort-née devenait de fait la plus grosse plaisanterie de cette campagne déjà très atypique.

Et ce n’est pas mieux à droite, Valérie Pécresse vient de choisir pour slogan « Le courage de dire, la volonté de faire », formule déjà utilisée en 1986 par… le Front national. Comme c’est parti, le président sortant n’aura même pas besoin d’entrer en campagne pour l’emporter dès le premier tour.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 13 décembre 2021

mardi 21 décembre 2021

Thriller - L’avenir de l’Humanité passe peut-être par les ours

Vaste roman d’aventures particulièrement dépaysant, Inestimable du Polonais Zygmunt Miloszewski permet de retrouver l’héroïne de son précédent thriller, Inavouable. Zofia est la renommée directrice d’un musée national en Pologne. Mais cette femme qui doit son poste à son aptitude à traquer les voleurs d’œuvres d’art est à l’étroit dans cette structure étatique. Quand elle décide de faire un peu bouger les lignes, elle est licenciée sur-le-champ par le gouvernement qui ne voit qu’une apologie de la pornographie. Il est vrai qu’une banane est très phallique. Surtout pour des religieux intégristes. 

Zofia qui a ainsi l’occasion d’accepter l’offre de Bogdan Smuga, un biologiste et aventurier qui lui propose de retrouver des artefacts d’une tribu aïnous vivant sur l’île de Sakhaline entre Sibérie et Japon. Le froid, la boue, les ours, les chamans : cette partie du roman est très agitée. Par contre pour le mari de Zofia, malade (il perd la mémoire), c’est très calme dans sa clinique retirée dans les Pyrénées. Et le lecteur découvre alors avec étonnement que l’auteur polonais place cet établissement près de Céret dans le Vallespir

L’occasion de parler aussi d’ours, c’est un peu la clé du roman, en racontant une des fêtes : « des autochtones en baskets, déguisés en ursidés, poursuivaient d’autres autochtones et les enduisaient d’une substance noirâtre. » Le roman se déroule aussi en partie à Paris, en Pologne évidemment et en plein océan dans un bateau servant de laboratoire secret ambulant. 

Une écriture brillante, un sens du rythme rarement atteint, des personnages tous complexes, une multitude de lieux dépaysants : ce roman est particulièrement addictif. Et totalement dans l’actualité car en filigrane, on découvre le risque pour l’Humanité de disparaître à cause de l’artefact ramené de Sakhaline, un siècle auparavant, par un Polonais qui l’avait légué à sa compatriote, double prix Nobel, Marie Curie.

« Inestimable » de Zygmunt Miloszewski, Fleuve Noir, 21,90 €


Beau livre - Luxe vigneron


Les amateurs de bon vin et d’architecture du Sud vont se délecter à feuilleter ce livre écrit par Laure Gasparotto sur des photos d’Aurelio Rodriguez. En 2000, Jean-Claude Mas a décidé de créer les Domaines Paul Mas. Des propriétés réparties dans ce Languedoc allant des Costières de Nîmes à Perpignan en passant Limoux, les Terrasses du Larzac et les Corbières. À travers ce livre, Jean-Claude Mas partage les passions qui l’animent au quotidien : les paysages à fort caractère ; des vins évidents, subtils ou complexes, issus de quarante-cinq cépages différents ; les plaisirs du goût au restaurant Côté Mas, établi avec une maison d’hôte à la cave de Montagnac, son fief ; le besoin des produits simples du potager, du verger, des ruches, de la mer, des causses et des prés, qu’il cuisine lui-même ; la science des belles mécaniques à réparer et à faire vrombir ; le sens des matières nobles, de l’art et de l’artisanat…

« Luxe rural en Languedoc », Glénat, 39 €

lundi 20 décembre 2021

Cinéma - “Chère Léa”, petit précis de fin d’histoire d’amour


Jonas (Grégory Montel) est amoureux fou de Léa (Anaïs  Demoustier). Une jeune artiste qu’il a quittée depuis un mois. Entrepreneur plongé dans les difficultés financières, il a presque quitté sa femme Harriet (Léa Drucker) pour Léa. Après une quasi nuit blanche, il décide de retourner chez Léa. Pour tenter de la récupérer. En vain. Alors, au lieu de retourner bosser, il s’installe dans le café au pied de l’immeuble de son ancienne maîtresse et décide de lui écrire une longue lettre d’explications. Il mettra une journée à la finaliser et à se rendre compte que finalement, cette belle histoire d’amour est effectivement terminée.  

Chère Léa, comédie de Jérôme Bonnell, est beaucoup plus sombre et réaliste que son dernier film A trois on y va, a parfois des airs de pièce de théâtre. Depuis le bar, Jonas surveille Léa et la faune locale qui fréquente le zinc. Le patron (Grégory Gadebois), intrigué par cet homme à l’air si fatigué et désespéré, va réussir à lire la lettre. Il va alors conseiller à Jonas de ne pas la donner à Léa. Parfaite ment maîtrisé, ce film semble couler de source. Tout s’en chaîne avec un brio porté par des comédiens investis, vrais,  authentiques. Une mention spéciale à Grégory Montel, passant par toutes les émotions dans une journée charnières de son existence.

Film français de  Jérôme Bonnell avec Grégory Montel, Grégory Gadebois, Anaïs Demoustier 


Beau livre - Les lumières du Sud


Bien connu des lecteurs de l’Indépendant depuis des années, Christophe Levillain, en plus d’être un expert en randonnée dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales (une excursion chaque semaine dans ces pages magazines), est un remarquable photographe. Après l’édition de plusieurs livres ces dernières années, il récidive avec ce « Llums, lumières du Pays Catalan ». Ce livre est le fruit d’un travail photographique mené au gré des saisons, des terroirs et du patrimoine de ce territoire d’Orient des Pyrénées, terre de soleil et de lumière balayée par la Tramontane. “Llums”, qui signifie lumières en catalan, célèbre la terre, l’air, la mer et le feu du Roussillon, au fil des quatre saisons. Ces pages sont le résultat de 30 ans de prospections, de découvertes et de rencontres sur les sentiers maritimes et montagnards.

« Llums, lumières du pays catalan », Christophe Levillain, 49 €

dimanche 19 décembre 2021

Cinéma - "Un héros" raconte l’Iran en pleine psychose

Pour sortir de prison, un homme va profiter de l’emballement des réseaux sociaux avant d’en être une nouvelle victime.


Si pour les Occidentaux l’Iran est un pays dominé par la religion et ses chefs, en réalité ce sont plutôt les réseaux sociaux qui dictent désormais la pensée du peuple. En racontant l’histoire simple et tragique de Rahim (Amir Jadidi), Asghar Farhadi, réalisateur iranien du film Un héros, ausculte la psychose de son pays, sa paranoïa omniprésente entretenue par un soupçon permanent. Ce film majeur, thriller psychologique angoissant, a remporté le Grand Prix au dernier festival de Cannes. Un héros est aussi l’histoire de la réhabilitation ratée d’un homme sans doute bon au fond de lui.

Le soupçon permanent

Rahim est en prison depuis quelques mois. Il a tenté de créer sa propre petite entreprise. Il a emprunté une grosse somme à un usurier. L’associé est parti avec l’argent. Le beau-père a remboursé, mais a dénoncé son gendre qui est en prison tant qu’il ne peut pas rembourser. Au cours d’une sortie, Rahim, toujours souriant, annonce qu’il va pouvoir rembourser sa dette. La nouvelle femme de sa vie a trouvé un sac à main dans un abribus. Dedans des pièces en or. Presque de quoi rembourser. Presque seulement. Le beau-père refuse cette avance.

Rahim, rongé par la culpabilité, décide alors de retrouver la propriétaire du sac et de lui rendre. La transaction se déroule par l’intermédiaire de la sœur du prisonnier. Mais quand les autorités pénitentiaires l’apprennent, Rahim, détenu honnête, est propulsé sur le devant de la scène.

Un mouvement de sympathie va dès lors naître dans cette ville de province par l’intermédiaire des réseaux sociaux pour obtenir la libération de ce "héros" du quotidien. Rahim, toujours souriant, va alors un peu trop embellir son histoire, mais toujours le sourire aux lèvres.

Pris au piège de sa propre histoire

Malheureusement pour lui, en Iran comme en Occident, les sceptiques sont aussi nombreux que les enthousiastes. Et qu’est ce qui prouve que cette histoire de sac rendu n’est pas une combine inventée pour être élargi ? La rumeur enfle, alimentée par le créancier et d’autres détenus. Et quand Rahim tente de retrouver la propriétaire du sac, il va se retrouver face à une impasse.

Ce film, implacable, montre toute la mécanique de la rumeur et de la médisance. Rahim, malgré sa bonté, son sourire et sa volonté de s’en sortir pour refaire sa vie et aider son fils handicapé, va se retrouver pris au piège de sa propre histoire.

Film iranien d’Asghar Farhadi avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust

Beau livre - Auprès de nos arbres


Nature
. Majestueux, capable de s’adapter à tout type d’environnement, et parfois millénaire, l’arbre est depuis toujours au cœur des récits et des mythes, des contes et des légendes. Marqueur du temps qui passe, guérisseur et parfois source d’effroi, l’arbre fascine ou inquiète, mais ne nous laisse jamais indifférent.

Édith Montelle retrace l’histoire symbolique de l’arbre, compagnon des hommes et des femmes, depuis l’apprentissage de l’écriture jusqu’aux stratégies de protection mises en œuvre ces dernières années. Mêlant histoire, botanique, récits et beaux-arts, elle rend hommage aux relations que nous entretenons avec « nos » arbres.

« Auprès de nos arbres », Delachaux & Niestlé, 39,90 €