samedi 27 juin 2020

Série télé - Inquiétants bois de la sombre Pologne

Tiré d’un roman d’Harlan Coben, Dans les bois a été mis à la sauce polonaise pour cette production originale Netflix. Six épisodes de 50 minutes pour démêler l’intrigue de ce thriller jouant sur passé et présent. Le roman, paru en 2007, des USA, se transporte à la Pologne. Deux époques. En 1994 et de nos jours. Mais les mêmes personnages. Dans les années 90, Pawel est le surveillant d’une colonie de vacances pour de jeunes adultes, comme lui. Il tombe amoureux de Laura, la fille du directeur. Le dernier soir du camp, alors qu’il s’est isolé avec Laura dans les bois autour de la colonie, le cri d’une jeune fille déchire la nuit. Le lendemain, la sœur de Pawel et trois autres jeunes ont disparu. 

Si les corps, affreusement mutilés d’une fille et d’un garçon sont rapidement retrouvés, la seoir de Pawel et son meilleur ami ne referont jamais surface. Le premier épisode raconte, avec un nombre incalculable de lenteurs, ce préambule dramatique. 

Ensuite on découvre que Pawel est devenu procureur et qu’il a l’occasion de relancer l’enquête sur la disparition de sa sœur. Car le garçon disparu avec elle vient d’être retrouvé dans un terrain vague, assassiné. Ce thriller, remarquablement filmé dans des décors naturels devenant forêts estivales bucoliques ou sombres paysages hivernaux, vaut pour l’interprétation des deux personnages principaux. 

Ils sont quatre en réalité, deux pour Pawel (Grzegorz Damiecki et Hubert Milkowski) et deux pour Laura (Agnieszka Grochowska et Wiktoria Filus). Une complicité amoureuse pour les jeunes, un froid dédain pour les adultes. Car cette nuit, bien des mensonges ont été enfouis au plus profond des consciences de ces jeunes vacanciers dépassés par les événements.


vendredi 26 juin 2020

Roman - Drame aux Roches rouges



 Ils ont menti tous les deux sur leur âge quand ils se sont rencontrés dans la salle d’attente de Pôle Emploi. Leïla prétend avoir 26 ans. Antoine 21. En réalité elle n’a que 21 ans et lui pas tout à fait 18. Ces deux presque enfants sont pourtant entrés de plain-pied, contre leur volonté, dans le monde dur et sans pitié des adultes. Leïla, à peine adolescente, se laisse séduire par son professeur de volley. Elle n’a que 14 ans. Ses parents réprouvent cette relation, mais lui permettent de s’émanciper dès ses 16 ans. A 17 ans elle est la mère d’un petit garçon. Depuis, son gentil prof de sport s’est mué en vigile trempant dans divers trafics. La vie dans le deux-pièces de banlieue est un véritable cauchemar. Aussi, quand Antoine lui fait les yeux doux, elle craque. Les voilà amants, mais en se mentant mutuellement. Antoine aussi est un jeune dont la vie s’est brisée à un moment précis. Le roman d’Olivier Adam tourne autour de ce drame qui l’a fait basculer dans l’échec scolaire, la drogue (du shit essentiellement) et les médicaments pour combattre en vain une dépression. 

Antoine et Leïla ce sont un peu les Roméo et Juliette modernes de ce roman spécifiquement destiné aux jeunes adultes. Quand le vigile découvre l’infidélité de Leïla, il pète les plombs. Les deux jeunes amoureux n’ont d’autre solution que de prendre la fuite, une longue cavale vers la maison des grands-parents, dans les calanques provençales, là où « Les Roches rouges » colorent le bleu de la Méditerranée.

Le récit, raconté en alternance par Leïla et Antoine, donne un joli aperçu des désillusions de la jeunesse actuelle. Mais confirme que l’amour sera toujours plus fort que toutes les difficultés. Émouvant, vrai, dramatique : le texte d’Olivier Adam ne laissera personne indifférent. 

« Les roches rouges », Robert Laffont, collection R., 17,90 €  


jeudi 25 juin 2020

De choses et d’autres - Faille temporelle

Vous souvenez-vous de l’année 1994 ? Pas forcément, si ce n’est pas une étape importante de votre vie du genre naissance, dépucelage, mariage ou divorce. De toute manière c’est du passé révolu. 26 ans, plus d’un quart de siècle. Pourtant, il y en a au moins un, en France qui n’a pas passé le cap. Comme s’il était pris dans une faille temporelle dans laquelle il fait du surplace. 

Tout débute quand l’ancienne cheffe du parquet national financier a évoqué des « pressions » dans l’affaire Fillon. Eric Ciotti, éminent membre de l’Opposition, tendance Les Républicains, a écrit à la garde des Sceaux pour que soit ouverte une enquête judiciaire pour « forfaiture ». Forfaiture, le grand mot. Mais, comme l’inculpation, devenue mise en examen, la forfaiture n’existe plus en droit français. Et ce, depuis le 1er mars 1994. 

Donc, pour Eric Ciotti, si l’on suit sa logique temporelle, le président de la République s’appelle toujours François Mitterrand, le Premier ministre, Edouard Balladur, Ciotti n’a que 29 ans et se souvient encore que c’est grâce à un piston de François Fillon qu’il a été exempté du service militaire. Eric Ciotti n’a pas de page Facebook, ni Twitter, « choses » qui n’existent pas encore dans son présent.

 Il lit en cachette Charles Bukowski, aujourd’hui âgé de 99 ans et moins vert que dans ses jeunes années, admire toujours autant Ayrton Senna (60 ans), recordman de titres de champions du Monde de Formule 1 (14 au total). Enfin, il voit d’un très bon œil l’investiture Républicaine de Kurt Cobain aux USA, l’ancien chanteur grunge qui a viré droite presque extrême après l’attaque des Twins Towers. Eric Ciotti, Mr Forfaiture, est un exemple parfait d’uchronie réelle.  

Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le 25 juin 2020

mercredi 24 juin 2020

BD - Pandora n°5 : 280 pages de BD pour un été divertissant



Pandora, la revue de bande dessinée des éditions Casterman, a décidé de faire peau neuve pour cet été. Sa nouvelle formule de 280 pages, enrichie à la bande dessinée, aux illustrations et autres jeux désopilants, fera de Pandora le compagnon idéal de vos vacances.

Pas moins de 60 auteurs et autrices signent autant de récits libres, aventureux, drolatiques, extravagants et toujours surprenants, autour du thème fédérateur de l’été ! 



On apprécie, dès la 3e page, l’édito illustré par David Prudhomme et mis en page à la mode (A SUIVRE). On retrouve ensuite des récits de quelques stars de la BD, comme Bastien Vivès, Nicolas de Crécy, Bouzard, Taniguchi ou Blain qui signe la couverture, mais l’essentiel du contenu est dû à de jeunes talents comme Icinori, Fanny Dalle-Rive ou Minaverry. 

Pandora, tome 5, Casterman, 19 € (en vente dans les librairies)


mardi 23 juin 2020

De choses et d’autres - Gare à la mémoire courte


Il y a deux mois, on était tous enfermés, interdits de mouvement, obligés de se contenter des mauvaises séries Netflix et du point quotidien du directeur de la Santé, tous les soirs, en direct, sur l’ensemble des chaînes d’info. Deux mois, ce n’est pas si loin que cela. Pas tout à fait de la mémoire immédiate, mais quasi. Alors, comment se fait-il que tant de monde semble avoir oublié aujourd’hui par où on est passé ? 

A Paris, pour la fête de la musique, ils étaient des centaines à danser collé-serré dans la rue. Un verre à la main. Beuverie générale sur fond de musique techno à fond. Dans l’ombre, le virus ricane. Que d’occasions de passer de l’un à l’autre, de se multiplier en toute tranquillité. Et je ne vous dis pas aujourd’hui. 

Chaque nouvel infecté doit en contaminer quelques-uns de plus. Et ne croyez pas que je ne noircis intentionnellement le tableau. Pour preuve le dernier chiffre du taux de reproduction du virus en France, dévoilé vendredi dernier. Il faut qu’il soit inférieur à 1 pour considérer que l’épidémie est contenue. À la fin du confinement, il était de 0,73. 

Mais, vendredi, plusieurs régions affichaient des taux anormalement élevés. Notamment l’Occitanie qui plafonnait à 1,51. Par comparaison, en Guyane ou un reconfinement est envisagé, le taux est de 2,59. 

Alors, après une fête de la musique où les gestes barrières n’ont pas été invités, il faut absolument être intransigeant pour le second tour des municipales de ce dimanche. Sinon, le 14 juillet, non seulement il n’y aura pas de défilé, mais en plus on cuira enfermés à la maison alors que, dehors, il fera 40 °C.  

Chronique parue en dernière page de l'Indépendant du 23 juin.

lundi 22 juin 2020

Cinéma - Benni, fugue mineure

Benni n’est pas une fille facile. Elle donne bien du fil à retordre à ses éducateurs. Benni, blondinette aux yeux bleus pourrait charmer qui elle veut en souriant. Mais Benni est en réalité une enfant sauvage aussi dangereuse qu’un volcan sur le point d’entrer en éruption. Pourquoi Benni rejette-t-elle à ce point la société ? Le spectateur le découvre au fil des minutes, plongeant à son corps défendant dans la psyché de cette enfant qui a visiblement été très mal traitée dans sa petite enfance.

De foyer en hôpital psychiatrique

Le film de Nora Fingscheidt, une des sensations de la dernière Berlinale, est tout le temps sur la corde raine. Comme les humeurs de la petite Benni, magistralement interprétée par Helena Zengel du haut de ses 9 ans. Elle a été retirée du foyer familial. Presque au soulagement de la mère qui a déjà fort à faire avec ses deux autres enfants. Benni est incontrôlable. Elle ne veut pas aller à l’école, a tendance à se battre, surtout avec les garçons mais surtout pique des crises d’hystérie totale si par malheur quelqu’un lui touche le visage. L’explication est donnée au détour d’une des nombreuses consultations médicales (Benni est du pain béni pour certaines psychiatres en mal de phénomènes) : quelqu’un aurait tenté de l’étouffer avec un oreiller quand elle était bébé. Qui, le film ne le dit pas. Reste le traumatisme. 

L’assistante sociale chargée de la suivre ne sait plus quoi faire. Tous les foyers la refusent. Et de toute manière elle fugue quasiment toutes les semaines pour tenter de rejoindre sa mère qui lui manque tant. Il ne reste que la solution de l’institution fermée, mais elles n’acceptent les enfants violents qu’à partir de 12 ans. Peut-elle passer deux années dans un hôpital psychiatrique en attendant ? La solution va venir d’un de ses accompagnants scolaires, Micha (Albrecht Schuch). Il propose de la prendre durant deux semaines dans une cabane isolée dans les bois, sans électricité. Juste lui et elle pour se confronter à une autre réalité. Un point sera fait après cette expérience. Le film, de drame social âpre et violent, se transforme lentement en relation fusionnelle entre deux incompris, sensibles à la poésie de la nature. On est subjugué par la scène de l’écho. Micha emmène Benni très loin dans les bois. Sur une crête, il lui demande de crier pour que l’écho lui réponde. Benni va se défouler durant deux longues minutes à appeler en vain sa maman. Une scène poignante. Comme toutes celles qui suivent car Benni n’en a pas terminé avec les problèmes, malgré ses promesses à Micha à qui elle demande de devenir son père. 

Le destin de cette petite fille perdue, traumatisée, incapable de trouver sa place dans notre société, devient alors un grand film qui restera dans les mémoires

Film allemand de Nora Fingscheidt avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide 

Cinéma - La peine des filles de joie

Le destin de trois femmes, obligées de se prostituer pour survivre dans une société sans pitié.

Tous les matins, elles partent travailler de l’autre côté de la frontière. Ces Françaises ont choisi de gagner leur vie en Belgique. Là où la prostitution dans des bordels est légale. Trois Filles de joie, selon le terme désuet mais si vrai dans ce cas précis, héroïnes au quotidien d’une vie qui ne leur fait pas de cadeau. Le film, politique et réaliste de  Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich montre sans l’enjoliver ce monde où les femmes deviennent de simples « steak hachés » pour les hommes comme le souligne hargneuse Axelle (Sara Forestier). Encore jeune, pleine d’illusions, elle tente d’élever seule avec l’aide de sa mère, les trois enfants qu’elle a eu avec un homme qu’elle n’aime plus. Lui voudrait reprendre la vie commune, juste pour qu’elle redevienne son objet, sa chose. Pour s’en sortir, Sara devient Athena dans la maison close, acceptant toutes les perversions des clients, ceux-là même qui permettent à la prostitution de continuer d’exister depuis la nuit des temps. 

Au boulot, elle y va dans la voiture de Dominique (Noémie Lvovsky). Plus âgée, elle joue le rôle de maman dans le bordel. A un mari, deux grands enfants, un autre métier, infirmière à l’hôpital, mais doit elle aussi faire des passes pour assurer le quotidien. Enfin il y a Conso (Annabelle Lengronne), d’origine africaine, elle est persuadée de filer le parfait amour avec un blondinet qui lui promet monts et merveilles. Elle espère tomber enceinte pour l’obliger de l’épouser. 

Un trio uni, qui tient car chacune est là quand l’autre a des moments de blues. Quand Conso découvre la véritable mentalité de son « amoureux », quand Axelle doit faire face au chantage du père de ses enfants, quand Dominique s’inquiète des relations de sa fille, à peine adolescente, considérée comme de la chair fraîche à monnayer pour les petites racailles du quartier. 

Le film est dur, parfois violent, tendre quand il le faut mais surtout vrai et réaliste. La réalisatrice a longtemps rencontré de véritables prostituées pour s’abreuver de leur vécu, épaissir le scénario, y apportant cette touche d’humanité qui fait si souvent défaut quand il est question de relations sexuelles tarifées. Vous serez touché par les peines de ces trois filles de joie.

Film franco-belge de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich avec Sara Forestier, Noémie Lvovsky, Annabelle Lengronne


Disney + - Artemus Fowl et le monde magique


Pourtant réalisé Kenneth Branagh, la dernière production Disney qui devait sortir en salles début juin s’est finalement retrouvé directement sur la plateforme Disney + à cause de la pandémie. Cette adaptation fidèle de l’univers magique de l’écrivain Eoin Colfer pèche surtout par le manque de charisme de l’interprète d’Artemis, Ferdia Shaw. 

Par contre, côté effets spéciaux, on regrette fortement la non diffusion sur grand écran tant on en prend plein la vue. Le reste de la distribution sauve le film (qui normalement devrait avoir une suite), notamment Judi Dench en commandante en chef de l’armée des Elfes et Colin Farrell, décidément capable d’endosser tous les rôles, des plus classiques aux plus étranges.


dimanche 21 juin 2020

BD - Les combats des héros solitaires



Seuls, un peu victime de son succès, ne peut plus suivre tous les personnages principaux. Le scénariste, Fabien Vehlmann, se consacre à chaque album sur une personnalité. 

Ce 12e tome voit la belle et rebelle Leïla mises à l’épreuve par Saul, l’empereur de Néosalem. Des combats à morts où elle doit tenter de survivre tout en préparant la rébellion des sans-grade. 



L’opposition Saul-Leïla occupe les deux-tiers de l’histoire, le reste nous met l’eau à la bouche pour l’avenir des autres héros de cette série fantastique, Terry toujours accompagné du redoutable Maître des couteaux, Dodji prisonnier du Maître-Fou et Camille, devenue l’élue du Mal. 

Une série toujours aussi passionnante et de mieux en mieux dessinée par Gazzotti qui se renouvelle sans cesse dans ses cadrages dynamiques et ses scènes d’action criantes de vérité.

« Seuls » (tome 12), Dupuis, 10,95 € 


BD - Planquez vos dentiers !



Politique fiction, combat de rue et vieillissement de la population sont les trois thèmes principaux de cette série BD imaginée par Nicolas Juncker et dessinée par Chico Pacheco. 

Un mélange des genres détonnant qui donne au final le bouquin le plus étrange de cette sortie de confinement. Nous sommes en 2050. Les octogénaires sont de plus en plus nombreux. Mais le pays a basculé dans la dictature depuis la victoire à la présidentielle de Mohamed-Maréchal Le Pen. Conséquence, une fois passé 80 ans, c’est l’euthanasie obligatoire si vous n’êtes pas en parfaite santé. Pas de chance pour Stéphane, ses dernières analyses ne sont pas bonnes. 


Positif à la nicotine, il n’a que 24 heures pour dire au revoir à sa femme Nadège. Mais quitte à mourir, autant le faire avec éclat. Il prend la fuite avec son épouse et tente de trouver refuge chez les néo-ruraux dans une zone de non-droit. Là, dans des centres commerciaux à l’abandon, les barons de la pègre organisent des combats entre octogénaires. 

Stéphane, de papy tranquille, se transforme en bête de ring, capable de tuer tout vieillard qui ose lui tenir tête. Les 120 premières pages de cette sorte de manga (l’ensemble est de petit format en noir et blanc) à la française sont magistrales. 

On apprécie la parabole politique (le Gaullisme, dans 30 ans, sera récupéré à toutes les sauces, les centristes des terroristes impitoyables) mais aussi les scènes d’action qui n’ont rien à envier aux meilleurs films de karaté et rabaissent le MMA à un innocent jeu de récréation pour gamins de 30 ans.  

« OctoFight » (tome 1), Glénat, 12,90 €