Même si les programmes télé estivaux sont avares de nouveautés, certaines chaînes profitent cependant des deux mois de vacances pour tester quelques formats. D8, la chaîne en clair de Canal +, bientôt rebaptisée C8, en plus des rediffusions des meilleurs moments (euphémisme) des shows de Cyril Hanouna, ose le jeu générationnel.
Jean-Luc Lemoine abandonne son rôle de sniper et de comique de service pour endosser le costume classe de l'animateur imperturbable, fiches à la main. La chaîne de Vincent Bolloré a des ambitions à l'étranger car s'il est issu de cerveaux français, le programme porte un nom anglais pour favoriser sa vente à l'export. "Guess my age", "Devinez mon âge" en bonne langue de chez nous est tellement basique qu'on se demande s'il n'y a pas erreur. Deux candidats, généralement un couple, doivent deviner l'âge d'inconnus. Leur cagnotte de départ diminue s'ils se trompent. Le jeu doit normalement s'interrompre en août, mais bonnes audiences obligent, il sera certainement reconduit à la rentrée. Car dans les faits, il s'avère assez hypnotisant. Les candidats, choisis pour leur côté jeune et bateleur, n'apportent pas grand-chose.
Par contre les fameux inconnus constituent autant d'instantanés des Français d'aujourd'hui. D'un minet de 20 ans qui en paraît à peine 15 à un papy asiatique de 74 ans (60 d'après les candidats) en passant par le vieux rocker de 59 ans fan des Scorpions, il y en a pour tous les goûts. Leur but est de faire trébucher les joueurs. Immobiles, l'air impénétrable, ils semblent représenter la figuration ultime de la France d'en bas.
Bonus vidéo pour vous faire une idée....
Le second tome du récit de SF de Chris Beckett poursuit l'exploration d'une civilisation renaissante sur une planète sans soleil. Eclairant.
En imaginant « Dark Eden », Chris Beckett a marqué des points dans l'imaginaire des passionnés de science-fiction. Un peu comme Robert Charles Wilson et son « Darwinia », tel un dieu, il a créé de toutes pièces un monde dans lequel les humains peuvent vivre tout en étant totalement déboussolés. Eden, planète inconnue au centre du premier roman (parution chez Pocket) et du suivant, « Les enfants d'Eden », est plongée dans le noir. Pas de soleil pour lui apporter lumière et vie. Pourtant il existe une atmosphère, un climat tempéré, de la végétation et une faune importante. Toute la vie de la planète vient de la lave de ses entrailles. Les arbres en tirent leur sève, la transforme en feuilles ou fruits lumineux. Les animaux aussi, tels certains poissons des abysses terriens, fabriquent leur propre lumière.
A la base, un vaisseau spatial s'écrase sur ce monde entre ténèbres et brillances. Des astronautes survivent. Lassés d'attendre en vain des secours, ils recréent une société, ont des enfants. Qui eux mêmes ont d'autres descendants. Bref, c'est l'histoire d'Adam et Eve qui se répète. Mais en vrai, problèmes de consanguinité non évacué. Quelques générations plus tard, la communauté se sépare. Certains veulent explorer la planète, d'autres préserver les acquis. « Les enfants d'Eden » se déroule après le grand schisme entre les partisans de David et de John raconté dans le premier tome. On suit l'envie de nouveauté de la jeune fille nommée Etoile. Repérée par le descendant direct de John, elle devient la porteuse de l'anneau. Une simple bague, dernier vestige de la toute première femme d'Eden, Angela, devenue Gela au fil du temps.
En autarcie
Chris Beckett délaisse un peu la flore et la faune pour se consacrer sur les personnages. Entre croyances moyenâgeuses, interprétations aléatoires du passé et lutte du pouvoir, on assiste à une redite en accéléré de tous les maux de la regrettée Terre. Étoile, trop naïve, se retrouve entraînée dans une fuite en avant où les forces du passé ne supportent pas les idées nouvelles de justice et d'égalité. Un petit précis de politique qui aborde sans tabou l'eugénisme, le machisme ou tout simplement la démocratie, si dangereuse dans certaines société trop habituées à subir au lieu de décider.
Ce n'est pas forcément optimiste pour notre propre monde. Pour Chris Beckett, le salut semble définitivement dans le repli sur soi, dans de petites communautés vivant en autarcie. Un grand plaidoyer contre la mondialisation...
« Les enfants d'Eden » de Chris Beckett, Presses de la Cité, 22 €.
Malheur aux convalescents estivaux de mon genre bloqués devant la télévision. Si en temps normal je n'ai que peu de temps pour profiter des programmes de la fameuse "petite lucarne", je frise l'overdose en ce mois de juillet.
Entre étonnement et désespoir, je zappe et constate amer que le "mieux disant culturel" a plus que du plomb dans l'aile. Les chaînes de la TNT sont une mine pour qui a envie de s'abrutir. Mardi soir par exemple, vous aviez le choix entre deux des plus mauvais films français des années 2000. "Jet Set" sur NT1 ou "San Antonio" sur NRJ12. Deux naufrages absolus, dignes des pires navets des années 80.
Ailleurs, on mise sur le voyeurisme. A 20 h 50, TMC propose un marronnier estival dans "90' enquête" : "Vacances tout nu : enquête sur le boom du naturisme". De la fesse, du nichon, des situations scabreuses, mais toujours au nom de la liberté d'information. Seul regret, la présentatrice, Carole Rousseau, n'a pas joué le jeu jusqu'au bout en lançant le reportage dans le plus simple appareil. Tout n'est donc pas permis pour faire monter l'audimat. Mais les nudistes ne sont pas une mode d'aujourd'hui. Pour preuve, NRJ12 diffusait en seconde partie de soirée les deux chefs-d'œuvre de Robert Thomas, "Mon curé chez les nudistes" et "Mon curé chez les Thaïlandaises" sortis au cinéma en 1982 et 1983.
Franchement, vaut-il vraiment la peine d'émettre en haute définition des productions tellement bâclées que même les acteurs de la web-série "Les Faucons" de Morandini paraissent talentueux ?
Bonus vidé : la bande annonce
Le 16 juin dernier, la collection Folio policier publiait en livre de poche « Villa Vortex », roman de près de 1000 pages de Maurice G. Dantec paru en 2003 chez Gallimard. Dix jours plus tard, l'écrivain français si controversé, mourrait d'une crise cardiaque dans son exil canadien. Étrange coïncidence pour un écrivain qui n'aura jamais laissé personne indifférent. Mélangeant les genres avec un réel talent, il a toujours été écartelé entre le fantastique, le polar, la science-fiction, la méta-physique et le religieux. « Villa Vortex » raconte deux chutes. Celle du mur de Berlin et des tours du World Trade Center en 2001.
La fin d'un monde, comme annonciatrice de la radicale transformation de notre société. Dantec, entre anarchisme et repli religieux (il a souvent été catalogué parmi les islamophobes pour cause de chrétienté trop affirmée) se voulait une sorte de prophète.
Reste que son œuvre est tellement vaste que tout le monde peut désormais lui faire dire tout et son contraire. Alors, pour avoir une idée de sa pensée, rien ne vaut sa découverte dans le texte. Et donc dans ce «pavé» à jeter sur votre serviette de plage.
« Villa Vortex » Folio Policier, 14,40€
Aujourd'hui ou demain, les chasseurs de Pokémon pourront officiellement s'adonner à leur jeu en France. L'application, disponible quasiment partout dans le monde, n'était pas encore accessible dans l'Hexagone, un simple report en raison de l'attentat de Nice. Mais face à l'engouement, Nintendo lâche ses petites bestioles virtuelles. Il serait dommage de passer à côté d'un tel marché, même si la multinationale japonaise a de beaux jours devant elle. Depuis le lancement de Pokémon GO il y a moins d'un mois, l'action a progressé de 120 %. Une opération sonnante et trébuchante pour les actionnaires dont le capital a plus que doublé en quelques jours.
Pendant que certains s'en mettent plein les poches, d'autres jouent. A leurs risques et périls comme ces deux joueurs tombés d'une falaise car obnubilés par l'écran de leur smartphone. Des malfrats, un peu moins bêtes que la moyenne, ont créé un faux spot de rencontre de joueurs. Isolé, il était idéal pour détrousser les malheureux geeks en quête de Pokéballs et autres potions ou œufs indispensables à la progression dans le jeu. Enfin, à ceux qui s'étonnent que je parle si longuement d'un concept virtuel, sachez que Pokémon GO est devenu depuis sa sortie le jeu mobile le plus joué aux USA. Le record mondial de Candy Crush Saga (96 millions de joueurs) sera certainement explosé dans quelques jours.
Et je parie que dans 20 ans, personne ne se souviendra du vainqueur de l'Euro de foot en 2016, mais qu'ils seront encore des millions à chasser le Pokémon.
PS : Dessin de Terreur Graphique publié sur son mur Facebook.
Après 1968, le secteur de la bande dessinée jeunesse a littéralement été dynamité par quelques auteurs en mal de nouveauté. Avant que Gotlib, Brétécher et Moëbius ne quittent Pilote pour créer Fluide Glacial ou Métal Hurlant, quelques expérimentations ont pris place dans l'hebdomadaire des éditions Dargaud. Alexis, futur dessinateur de Superdupont, a illustré un scénario de Fred (Philémon) au propos pour le moins étrange. Un représentant de commerce s'associe à un savant fou pour tenter de faire fortune en voyageant dans le temps. Ils sont aussi bête et cupide l'un que l'autre. C'est plein de boucles temporelles inextricables digne des meilleurs récits surréalistes. Ces 200 pages sont exhumées en noir et blanc, comme pour mieux admirer la virtuosité d'Alexis, mort à 31 ans seulement.
« Time is money » (intégrale) Dargaud, 29 €
Chasseurs de Pokemon GO dans la vraie vie, les gamers du nouveau jeu de Nintendo vivent parfois intensément. Les anecdotes sur les incidents de parcours sont légion. Comme cette jeune femme aux USA qui, à la recherche d'un Pokemon eau au bord d'une rivière a trouvé, en lieu et place de sa bestiole virtuelle, un cadavre en état de décomposition avancée. Dans d'autres pays, les autorités ont été obligées de créer des panneaux de signalisation éphémères qui demandent de ne pas jouer en conduisant.
Pour progresser dans les parties, il faut se rendre dans des "spots" où on trouve, au choix, quantité de munitions ou de Pokemon. Décidées parfois un peu arbitrairement, ces zones investissent les espaces publics. Sauf dans le cas de cet Américain qui a vu des dizaines de personnes débarquer dans son jardin, smartphone à la main.
Il a été fait mention, mais sans savoir s'il s'agissait de simple rumeur d'un goût douteux, que des joueurs ont découvert un filon dans le camp d'Auschwitz, dans une église et un sex-shop. Authentifiée par contre l'aventure de ce restaurant, dont le chiffre d'affaires a augmenté de 50 % pour cause d'afflux de joueurs. Le gérant, pas bête, a élaboré un menu Pokemon qui fait fureur.
En France, le jeu n'est pas encore disponible, mais grâce aux versions étrangères il existe quand même des chasseurs hexagonaux. Ils voulaient le week-end dernier organiser une chasse dans les Jardins du Luxembourg. Veto immédiat des sénateurs. Pas question que quelques excités troublent le repos estival des vieux élus. Une suite de petites histoires qui ne fait que commencer.
A New York, dans les années 30, trouver du travail n'est pas très compliqué. Sacha, émigré ukrainien, participe à la construction des gigantesques gratte-ciels. Un salaire de misère qu'il complète en gardant des chiens et en participant aux petites combines d'un lieutenant de la mafia locale. C'est dans ce cadre qu'il rencontre Magda-Lena, deux sœurs siamoises. La passion prend parfois d'étranges chemins si l'on en croit l'histoire concoctée par Régis Hautière. Amour fou, incontrôlable, impossible malgré toutes les bonnes volontés du monde. Un récit âpre et désenchanté mis en images (en abîme plus exactement) par le pinceau tourmenté de David François.
« Un homme de joie » (tome 2), Casterman, 13,95€
Entre la fin de l'Euro et l'attentat du 14 juillet à Nice, excepté le « scandale » Jean-Marc Morandini (j'y reviendrai forcément à la rentrée), les journaux en mal d'idée originale en ont fait des tonnes sur le phénomène « Pokemon GO ».
C'est l'habitude dans ces lancements de jeu vidéo, il se dit tout et n'importe quoi. Comme si tout buzz, positif ou négatif, était bon à prendre quand de grosses sommes entrent en jeu. Car ces jeux vidéo restent avant tout de nouvelles machines à fric. L'application est gratuite, mais le bracelet payant et des achats sont proposés pour débloquer certaines situations. Rien de bien nouveau à ce stade.
La différence majeure de Pokemon GO consiste à demander aux joueurs de sortir de chez eux. Le chasseur, totalement inoffensif pour une fois, course dans le monde réel ces bestioles virtuelles appelées Pokemon. L'écran du smartphone se transforme en troisième œil capable de voir ces drôles de zèbres, invisibles sinon. Pour les capturer, il convient de les bombarder de « pokeballs », comme dans le jeu classique. Armes qu'on trouve dans des endroits stratégiques. Le smartphone et sa fonction GPS sont les véritables arbitres du jeu.
Les jeunes « gamers », dont les parents se désespéraient de les voir passer des journées affalés sur le canapé, abrutis devant leurs jeux, deviennent des marathoniens potentiels. Dans l'absolu, Pokemon GO améliore la santé physique. Par contre, côté santé mentale, de nombreuses dérives ont déjà été relevées.
Demain, ici même, le meilleur du pire.
Envie de bonheur, de nostalgie, de vacances et de soleil ? Plongez sans hésiter dans le second tome de la la série « Les beaux étés ». Zidrou, scénariste du sensible, frappe une nouvelle fois très juste avec cette chronique sociale de la famille Faldérault. Le père, Pierre, dessinateur de BD, met une dernière touche à ses planches avant de rejoindre femme et enfants dans la vaillante 4L, prête à quitter la froide Belgique pour le soleil du Midi. En cette année 1969, c'est une calanque qui accueille pour quelques jours la famille. En racontant l'infiniment petit, les auteurs nous entraînent dans l'infiniment grand. Enfants poètes, parents rêveurs, rencontres étonnantes, décors féériques : tout, des dialogues aux dessins de Jordi Lafèbre, est à déguster lentement comme une bonne sieste sous un pin, au son des cigales.
« Les beaux étés » (tome 2), Dargaud, 13,99€