Portrait d'une génération en quête de liberté dans "A peine j'ouvre les yeux", film de Leyla Bouzid sur la Tunisie d'avant la révolution de 2011. Farah (Baya Medhaffar) n'a pas 18 ans. Elle vient de passer son bac et cette brillante élève l'obtient avec la mention très bien. Cela fait la joie de sa mère Hayet (Ghalia Benali) qui la verrait bien en médecin dans quelques années. Mais Farah a d'autres projets. Son groupe de musique compte plus que ce diplôme. Elle interprète les compositions de Borhène (Montassar Ayari) et va pour la première fois chanter en public.
En quelques plans, Leyla Bouzid, la scénariste et réalisatrice du film "À peine j'ouvre les yeux" décrit le dilemme de Farah, jeune fille déterminée, avide de découverte, d'amour et de liberté. Ce pourrait être simple si l'on n'était pas en 2010, sous le règne de Ben Ali, président tout puissant d'une Tunisie laïque mais étouffée par la censure et la corruption. Ce film autant politique que musical permet de comprendre pourquoi la jeunesse de ce pays a fini par se révolter. Farah, belle et libre, vit sa vie de femme sans contrainte. Elle flirte avec Borhène qui la transcende en muse. Leur complicité, sur scène et à la vie, est belle à voir. Mais ce n'est pas sans heurts ni difficultés.
Des "rêves délavés"
Les textes de Borhène sont engagés. Il se lamente pour son pays : "À peine j'ouvre les yeux, je vois des gens éteints, coincés dans la sueur, leurs larmes sont salées, leur sang est volé et leurs rêves délavés". Des chansons sans conséquence tant qu'elles ne quittent pas le garage où ils répètent, mais dès qu'elles sont interprétées en public, dans un de ces bars de nuit qui attire la jeunesse désœuvrée, les ennuis commencent. Dès le lendemain, Hayet reçoit un message d'avertissement sur son téléphone portable. Et rapidement la situation se dégrade. Les jeunes musiciens voient les portes se fermer devant leurs tentatives d'organiser des concerts. Jusqu'à ce que Borhène soit interpellé et passé à tabac. La description de cette paranoïa permanente dans une Tunisie espionnée, observée et bridée fait froid dans le dos. Farah, accepte de se mettre en retrait à la demande de sa mère. Mais la tentation est trop forte. Elle retourne dans le groupe, chante des textes de plus en plus engagés. La police va l'enlever. Des forces de l'ordre qui ont tous les droits dans cette dictature qui ne dit pas encore son nom. On ressort du film la tête pleine de sons et de chansons prenantes. Composées par Khyam Allami et réellement interprétées par la jeune et talentueuse Baya Medhaffar, elles sont l'arme de destruction massive de cette génération en pleine rébellion, avant de faire la révolution. Une année plus tard, l'Histoire bascule. Ce n'est pas dans le film, mais tout le monde sait que le printemps arabe a pris sa source dans ces mouvements lancés par des jeunes qui ont risqué leur vie pour quelques vers de poésie et l'envie de vivre pleinement, loin des carcans, des privations et des brimades. Ce film est une ode à la liberté, la jeunesse et la musique.
"Je suis un compositeur de chansons qui a travaillé avec les plus grandes stars de la variété française, j'ai débuté en tant qu'animateur en présentant le hit-parade sur une radio périphérique, j'ai été candidat pour le RPR aux législatives à Saint-Pierre et Miquelon en 1981 ; licencié en droit j'ai fait de la publicité pour une eau gazeuse, je présente un jeu sur France 3 tous les soirs depuis 1988, je serai au chômage le 20 février prochain ! Je suis, je suis, je suis... » « Julien Lepers !", répondent en chœur les fidèles de toutes les maisons de retraite qui connaissent parfaitement le parcours sans faute de leur petit Julien. Seule la dernière affirmation est dure à encaisser. Le 20 février prochain, Julien Lepers ne sera plus le présentateur de "Questions pour un champion" sur France 3. Son départ, envisagé dans un premier temps, vient d'être confirmé par la société de production. A 66 ans, il ne part pas à la retraite comme 95 % de son public. Non, il est viré, comme un vieux devenu encombrant et obsolète. Pourtant, il n'existe pas de plus grand paradoxe que de licencier le présentateur d'une émission dont le troisième âge constitue le cœur de cible pour la simple raison qu'il a fait son temps. Julien Lepers, habitué des bêtisiers pour ses bourdes légendaires mais aussi les réponses surréalistes de certains candidats, manquera au paysage audiovisuel français. Reste maintenant à trouver son successeur. J'ai comme l'impression que les postulants ne se bousculent pas au portillon.
Restaurations remarquables de chefs-d'œuvre du cinéma français. Le cinéma, heureusement, ne se résume pas à des blockbusters. Inventé en France, il a longtemps permis à des artistes de s'exprimer simplement, avec leur cœur et leur âme. Pathé, fort d'un catalogue grandiose, s'est lancé dans la restauration de quelques œuvres légendaires de la production hexagonale. Cinq titres viennent d'être dévoilés, trois des années 40, deux autres plus récents avec Alain Delon en vedette. "Les disparus de Saint-Agil", "L'assassinat du Père Noël" et "Goupi mains rouges" ont pour point commun qu'il s'agit de l'adaptation de romans de Pierre Véry. L'écrivain français, spécialiste du genre fantastico-policier, a mis sa plume au service des meilleurs cinéastes de l'époque. Christian-Jaque signe peut-être son chef-d'œuvre avec "Les disparus de Saint-Agil". Une histoire palpitante, une bande de gosses d'une rare spontanéité (dont Mouloudji à la voix trainante et dans des rôles de figuration Aznavour et Reggiani) et deux stars de l'époque : Michel Simon et Erich Von Stroheim. Dans ce pensionnat pour garçons, les trois membres de la société secrète des "Chiche-capons" complotent. Leur but : aller en Amérique. Mais en pleine nuit, dans la salle de sciences naturelles, un homme mystérieux apparaît dans l'ombre d'un squelette. Dans les bonus, en plus d'un reportage très complet sur le processus de restauration, Noël Véry, fils du scénariste, mène plusieurs entretiens avec des spécialistes de la littérature populaire, Pierre Tchernia et Robert Rollis dont c'était le premier rôle.
Occupation
Réalisé en pleine occupation allemande, "L'assassinat du Père Noël" est le premier film produit par la Continental, la société française voulue par Goebbels. Toujours Christian-Jaque à la réalisation sur une histoire de Pierre Véry, mais avec Harry Baur en vedette. Entre conte et intrigue policière, l'histoire se déroule aux alentours de Noël, dans un village de montagne isolé par de fortes chutes de neige. Superbes images et décors dignes de la Belle et la Bête rattrapent ce film un peu suranné. "Goupi mains rouges" de Jacques Becker est une satire du monde paysan. Tourné vers la fin de la guerre, il met en vedette Fernand Ledoux mais surtout Robert Le Vigan. Ce spécialiste des seconds rôles (il est également à l'affiche des deux précédents films) interprète Goupi Tonkin, un colon nostalgique de l'Indochine à l'esprit dérangé. Robert Le Vigan, certainement un des plus grands acteurs français du XXe siècle. Sa carrière a cependant été brève. Promis au plus bel avenir, il a fait les mauvais choix durant l'Occupation. Non seulement il a accepté de tourner pour les Allemands, mais il a participé à nombre d'émissions de Radio Paris au cours desquelles il a déversé son fiel antisémite. Il fuit en Allemagne après le débarquement puis il est capturé et jugé. Condamné à dix ans de travaux forcés, il rejoindra l'Argentine au milieu des années 50 où il vivra pauvrement jusqu'à sa mort dans la misère en 1972. Ces trois films permettent de le redécouvrir dans toute sa démesure, notamment quand il est face à Michel Simon dans les "Disparus" où il livre une composition inquiétante et glaciale. "Les Disparus de Saint-Agil", "L'assassinat du Père Noël" et "Goupi Mains rouges", Pathé, 19,99 euros chaque coffret DVD + blu-ray.
Depuis l'émergence des sites parodiques comme le Gorafi, je me méfie toujours en surfant sur le net quand je tombe sur une information un peu trop farfelue. Je crains le canular et redoute de me faire piéger. Nombre de confrères ont par exemple mis quelque temps avant de se rendre compte que le site NordPresse n'est pas un journal sérieux d'outre-Quiévrain mais une machine à blagues made in Belgium. Aussi, quand je tombe sur le titre d'un article expliquant que « Airbus dépose un brevet pour un avion décapotable », je souris et me dis que c'est un peu gros de voler à 10 000 mètres d'altitude les cheveux aux vents. Je me plonge quand même dans le corps du papier et découvre, stupéfait, qu'il ne s'agit nullement d'un canular. Au contraire, le constructeur européen estime que l'avenir du trafic aérien en dépend. En réalité le titre s'avère un peu exagéré. L'avion n'est pas véritablement décapotable. Mais simplement construit en modules. La partie cockpit et moteurs d'un côté, la cabine des passagers de l'autre. Une cabine amovible, qui peut être enlevée en quelques secondes. Et remplacée par une autre. Conséquence, l'avion reste moins longtemps immobilisé sur le tarmac. Et pour les compagnies aériennes (Ryanair par exemple qui raccourcit au maximum les escales) le temps c'est de l'argent. Si ce projet aboutit, les anxieux auront une nouvelle raison d'angoisser. Non seulement les moteurs peuvent prendre feu, mais en plus la cabine pourrait se désolidariser. Bon voyage quand même !
André Malraux ne croyait pas si bien dire quand il soutenait que "Le XXIe siècle sera religieux, ou ne sera pas." Les religions occupent le devant de la scène, meilleur prétexte trouvé par les uns et les autres pour s'entre-tuer. Il existe pourtant une frange de la population qui fait tout pour détourner le peuple de ces croyances. Par exemple les inventeurs du "pastafarisme". Pour bien démontrer le ridicule des cultes, ces Américains créent une religion de toutes pièces. Il y a dix ans environ, ils décrètent que l'univers est la création d'un monstre volant en spaghettis, que les adeptes doivent porter une passoire sur la tête et aduler les pirates. Farfelu mais pas plus idiot que la croix, le voile ou la soutane... Dernier point, chaque prière des "pastafariens" doit être conclue par l'expression "R'amen", autre nom des nouilles chez les Japonais. Pour devenir une véritable religion, quelques apôtres portent la bonne parole partout dans le monde. La Pologne l'a reconnue en 2014 et récemment, l'état néo-zélandais lui a donné l'autorisation de célébrer des mariages. Car les "pastafariens" aiment se marier, "parfois plusieurs fois" selon la responsable de l'église. Et qui sait, dans 200 ans le "pastafarisme" sera peut-être devenu la religion dominante, après une première guerre sanglante entre les orthodoxes (pâtes cuites al dente) et les réformateurs (pâtes crues). Du moins si elle surmonte le schisme déclenché par les fervents du "sans gluten." Car pour eux, le gluten, c'est l'incarnation du diable.
Seconde saison de la meilleure série française de ces dernières années.
Les Revenants - Chapitre 2 - Les premières...par CANALPLUS Le film de Robin Campillo n'avait pas fait grand bruit lors de sa sortie en 2004. Fabrice Gobert l'a transformé en série et tout de suite cette fiction fantastique « made in France » a conquis un large public. La diffusion de la première saison sur Canal + a battu tous les records. Un essai qui devait être transformée par une seconde saison. Pari risqué mais réussi au final, même si le petite pointe de nouveauté et de surprise manque par rapport au premier opus.
Six mois après la fin de la saison 1, la petite ville coupée du monde tente de se remettre des événements. Les morts sont revenus, puis sont repartis. Emmenant avec eux quelques habitants dont Simon, Camille et sa mère, Victor et Julie. Alors que l'armée a pris possession des lieux, Léna et son père n'ont pas perdu espoir de retrouver Camille. Quant à Adèle, elle est enceinte de Simon. Pour donner un peu plus de punch, les scénaristes ont fait revenir d'autres morts, comme Milan, le père de Toni et Serge. Un trio qui apporte beaucoup dans le côté dramatique. Milan (Michaël Abiteboul) massif et méchant, revient avec l'envie de terminer ce qu'il avait commencé quelques décennies auparavant. Serge (Guillaume Gouix), se retrouve face aux femmes qu'il a assassinée dans le tunnel et Toni (Grégory Gadebois), mort à son tour, rejoint la cohorte des revenants. Laurent Lucas, vieux routier des films de série B français, apporte son expérience des rôles ambigus en interprétant Berg, un ingénieur venu inspecter le barrage (à l'origine de tous les maux). La série vaut aussi par la richesse de son casting féminin. Céline Sallette, instable, passionnée, dépassée, est la plus émouvante. Clotilde Hesme, dans le rôle d'Adèle, jeune femme incapable d'oublier son premier amour, personnifie la folie, l'abandon face aux événements. Chez les « jeunes », Swann Nambotin dans le rôle très complique de Victor confirme la bonne impression de la première saison. Un peu comme pour les séries HBO, le générique est soigné et la musique, signée de Mogwai, est omniprésente et essentielle. Dans le making of, le réalisateur explique qu'elle a été écrite avant le tournage et qu'elle accompagnait les acteurs durant leurs prises. Il n'y aura pas de saison 3. Logique au vu du scénario. Mais ne doutons pas que Fabrice Gobert saura de nouveau nous étonner dans son prochain projet. « Les Revenants » (saison 2), Studiocanal, 29,99 euros le coffret DVD, 34,99 euros le coffret blu-ray. Il existe une intégrale des deux saisons pour 49,99 euros les six DVD ou 59,99 euros les six blu-ray.
Un peu de fantastique, un serial killer plus classique, un couple d'écorchés : Sire Cédric manie à merveille ses ingrédients pour mitonner un excellent thriller.
L'auteur toulousain a un nom étrange : Sire Cédric. Comme ses bouquins, à cheval entre plusieurs genre. Il aime insuffler une bonne dose de fantastique dans ses thrillers de facture classique. « Avec tes yeux », son dernier titre paru, édité pour la première fois aux Presses de la Cité, joue à merveille avec les codes du genre. Un gros bouquin de 550 pages qui met un peu de temps à se lancer car les actions sont indépendantes les unes des autres dans la première partie. D'un côté Thomas, webmaster plombé par de trop longues insomnies, de l'autre Nathalie, jeune gendarme, cantonnée à des tâches administratives dans une brigade de la région parisienne. Thomas, qui vient de se faire larguer par sa copine, décide en désespoir de cause de consulter un hypnotiseur. Une séance serait peut-être la solution à ses nuits blanches qu'il passe à discuter sur internet avec des inconnus. Mais cela se passe très mal. Plongé dans l'inconscience, il se réveille en sursaut persuadé d'être attaqué par un monstre inhumain. « Doté de deux énormes cornes de bouc qui jaillissent de part et d'autre de son crâne. Sa peau est grise, purulente. Ses yeux trop grands, trop ronds. Et sa bouche n'est pas une bouche. C'est une gueule animale, disproportionnée, aux crocs taillés en pointe, qui luit de gouttelettes de bave. » Après un tel cauchemar, on n'a plus trop envie de se rendormir...
La première arrestation de la gendarme Et quelques heures plus tard, il a de nouvelles visions horribles, une femme attachée qui se fait torturer, lacérer. Et bouquet final énucléé. Le plus horrible, il a l'impression d'être dans le corps du tueur. Nathalie connait cette pauvre victime. C'est sa voisine. Elle passe devant sa maison tous les matins lorsqu'elle va courir dans les bois environnants. Quand Thomas, de plus en plus perturbé par ses visions, retrouve la maison de la jeune femme, il découvre que ses prétendues hallucinations sont tout à fait réelles. Il sort en catastrophe de la villa et tombe sur Nathalie qui l'interpelle immédiatement. Sa première arrestation, elle en rêvait, elle l'a fait. Dans le genre rencontre « amoureuse » on fait mieux. La suite du roman alterne les points de vue de Thomas, de Nathalie, du mystérieux tueur et d'une quatrième personne qui entre un peu plus tard dans le jeu, un hacker informatique qui va se révéler très utile à Thomas. Adepte des théories du complot, il va découvrir que son ami est en relation psychique avec un tueur qui a déjà sévi dans les parages. Démasquer le serial killer permettra à Thomas de se faire totalement innocenter. Une hypothèse que réfute Nathalie, persuadée qu'il est complice. Sire Cédric signe un thriller palpitant, dont on a décroche difficilement. Si le personnage de Thomas semble un peu caricatural, par contre les autres intervenants sont criants de vérité, du tueur au hacker en passant par Nathalie, si faible et peu sûre d'elle même. Un joli portrait de femme qui pourrait bien déboucher sur une série avec personnage récurrent.
Michel Litout
« Avec tes yeux », Sire Cédric, Presses de la Cité, 21,50 €
Chaque matin, c'est mon rayon de soleil, mon bonheur de vivre, mon moment jubilatoire. Cette petite Belge est devenue essentielle à mon équilibre quotidien. Ceux qui me connaissent pestent déjà : « Allez, une fois, il va encore nous parler de sa femme. » Perdu ! Car j'ai deux Belges dans ma vie. Mon épouse, depuis plus de 20 ans et Charline. Charline Vanhoenacker, journaliste en poste à Paris qui a quitté les pages sérieuses du Soir pour les plages plus rigolotes des billets d'humeur sur France Inter. Très tôt le matin dans un premier temps, quand elle animait la tranche 5 heures - 7 heures, puis à un horaire plus civilisé, 7 h 55, juste avant le journal de 8 heures, le plus écouté de la radio. Des chroniques de 3', mordantes, méchantes, avec cet humour typique des Belges sans foi ni loi. Elles sont reprises dans un recueil de 250 pages et autant d'éclats de rires et de piques sanglantes. Un régal dans lequel elle ridiculise sans distinction Sarkozy et Hollande, Marine Le Pen et Ségolène Royal. A mettre entre toutes les oreilles ou toutes les mains. « Bonjour la France ! », Charline Vanoenacker, Robert Laffont, 18 euros.
Au pied du sapin, n'oubliez pas d'offrir quelques beaux livres, ce sont des cadeaux qui s'adaptent toujours aux personnalités des êtres choyés.
L'art de Tibet
Longtemps considéré comme un dessinateur commercial, Tibet n'a pas connu de son vivant la pleine reconnaissance de son talent. Pourtant , le créateur de Chick Bill et de Ric Hochet est le parfait exemple de l'artiste ignoré car trop productif. Pour vivre de son crayon, Tibet dans ses jeunes années a dû multiplier les projets et les collaborations. Un rythme d'enfer qu'il n'a jamais abandonné une fois le succès en vue. En publiant entre deux et trois albums par ans, sur un demi siècle, il fait partie de ceux qui ont le plus produit en une carrière. Pourtant, que de chefs-d'œuvre dans ces histoires et couvertures fournies aux magazines qui le publiait. Cette somptueuse biographie, alliée à une exposition à la galerie parisienne Daniel Maghen, permet de découvrir les originaux de Tibet, avec crayonnés et notes dans les marges. De plus quelques raretés sont reprises comme une histoire complète du détective Dave O'Flinn, ancêtre de Ric Hochet, parue en 1952. « Mystères », Daniel Maghen, 59 euros
Petit écran mais très grands souvenirs Ce livre objet permet de nous replonger dans les grandes heures de la télévision. Patrick Mahé, emblématique directeur de la rédaction de Télé 7 jours a ouvert les archives de son magazine pour retracer l'évolution de cet objet devenu si important dans notre vie. La préface est d'Antoine de Caunes, dont la famille a véritablement traversé toute l'histoire de la télévision française. Parmi les bonus offerts dans le livre, on trouve la couverture d'un exemplaire de 1961 où Jacqueline Joubert, la plus célèbre des speakerines, pose en compagnie de son fils, Antoine qui un demi siècle plus tard sera aux manettes du Grand journal. Quant au papa, Georges de Caunes, le livre revient sur sa mésaventure de naufragé volontaire sur une île du Pacifique Sud. Su sport aux variétés en passant par les jeux et la télé-réalité, ce sont tous les genres qui sont célébrés avec un énorme chapitre pour ce qui fait de plus en plus la spécificité du petit écran : les séries, digne descendants des feuilletons du 19e siècle « Les archives de la télévision », Chêne, 216 pages et de nombreux fac-similés, 45 euros
Double dose de bulles Il était prédestiné à faire de la bande dessinée. Malabar, le personnage des célèbres chewing-gums fait d'énormes bulles roses. Une façon de s'exprimer qui a donné l'idée aux agences de publicité chargées de la promotion du produit de s'adresser directement aux consommateurs par l'intermédiaire de vignettes puis d'histoires. Le personnage, imaginé par Jean-René Le Moing (illustrateur qui a fait l'essentiel d sa carrière dans l'ombre au journal Pilote), a ensuite été confié à des signatures plus prestigieuses. Frank Margerin le premier a calqué son univers à celui du grand blond au tee-shirt jaune. Durant une année il multiplié les planches de commande lui assurant confort financier et rodage intensif avant de se consacrer à son héros plus adulte, Lucien. Poirier, Yannick et Dimberton lui ont succédé avant Olivier Taffin et Régis Loisel en 1982. Cette saga des aventures publicitaires de Malabar est reprise dans une jolie intégrale collectée et commentée par Alain Lachartre. Un album au délicieux goût de nostalgie, comme l'arôme tutti frutti des gommes d'antan... « Malabar », Dupuis, 384 pages, 28 euros
Le pavé de Sherlock Holmes
Monument de la littérature anglo-saxonne, les aventures de Sherlock Holmes ont révolutionné le genre policier. Dans une nouvelle traduction d'Eric Wittersheim, les éditions Omnibus proposent l'intégrale des nouvelles dans une édition illustrée des dessins d'origine signés Sidney Paget. On retrouve donc les 56 nouvelles, dans leur ordre chronologique, parue entre 1891 et 1927, avec une grosse interruption de dix ans, après la mort du héros puis sa résurrection à la demande des lecteurs. Une version ultime d'exceptionnelle qualité pour le plus grand personnage de la littérature policière. « Les aventures de Sherlock Holmes », Omnibus, 820 pages, 39 euros
Paris, l'éternelle
Il fait du bien ce livre de Marie-Hélène Westphalen. Il retrace un siècle de vie à Paris, de 1880 à 1980. La capitale parisienne, durement touchée le 13 novembre dernier, a besoin d'être aimée. Des débuts de Picasso à la vie spécifique dans le village de « Ménilmuche », on retrouve entre les différents des documents d'époque porteur de forte nostalgie. Comment ne pas s'extasier devant le manuscrit du « J'accuse » de Zola, rêver en parcourant une brochure publicitaire pour le Lido, célèbre cabaret ou tout simplement réviser sa géographie en détaillant les stations du métro en 1900. Et puis surtout, comment ne pas avoir une pensée pour les victimes devant une photo sur une double page montrant la terrasse du Flore, bondée de gens heureux. « L'âme de Paris », Les Arènes, 108 pages et de nombreux fac-similés, 34,80 euros
L'ivresse des mots
Grand expert de la langue française et des mots en général, Alain Rey vient de signer un essai sur l'ivresse. Un essai dans les beaux livres ? Normal car ce texte d'une très grande intelligence est illustré de calligraphies de Lassâd Metoui. Une association étonnante mais qui permet de transformer ce texte parfois un peu trop pointu en superbe œuvre d'art. De l'origine du pastis en passant par les différentes méthodes pour faire le vin à travers les époques, devenez incollable sur cet alcool éthylique, l'appellation chimique de ce qui fait tourner la tête des hommes et des femmes depuis de siècles. Savant et savoureux « Pourvu qu'on ait l'ivresse », Robert Laffont, 352 pages, 30 euros
Les portraits de la création
Louis Monier, photographe français, emprisonne dans ses boitiers depuis cinquante ans les portraits des plus grands créateurs de la planète. Dans ce volumineux livre en noir et blanc, ce sont des centaines d'artistes qui sont photographiés, leurs carrières expliquées par des textes synthétiques d'Olivier Bosc. Borges, Hossein, Louis Malle : tous ont marqué leur domaine. Louis Monier les a rencontré et les montre tels qu'ils sont souvent : passionnés et passionnants. « Création j'écris ton nom », Éditions Vents de sable, 192 pages, 39 euros
Radioscopie d'un passionné
Mort il y a moins d'un an, Jacques Chancel a marqué l'histoire de la radio. Comme pour se rappeler à notre bon souvenir, il est au centre d'une biographie hommage coordonnée par son épouse, Martine. On retrouve de larges extraits de ses précédents livres, quand il se racontait en toute humilité, de très nombreuses photos et des hommages de ses collègues, amis et invités, de Philippe Bouvard à Gabriel Matzneff. Jacques Chancel c'était Radioscopie du France Inter et Le grand échiquier mais il semble avoir vécu mille vies, de ses débuts de journaliste en en Indochine, la création d'Antenne 2 avec Marcel Jullian ou la direction de collections de prestigieuses maisons d'éditions comme Juillard. Enfin une large part est faite à l'autre grande passion de cet homme de Bigorre : le sport. « Les années Chancel », Flammarion et Radio France, 204 pages, 24,90 euros
Napoléon sur grand écran
Napoléon est certainement le personnage de l'Histoire française qui a le plus été adapté au cinéma u à la télévision. Son incroyable épopée, de simple soldat à empereur régnant sur la moitié de l'Europe pour terminer en exil au milieu de l'Atlantique Sud offre des centaines d'angles et d'interprétation. Hervé Dumont a collecté dans encyclopédie tous les films mettant en scène le grand homme. Pas moins de 1000 dont plus de la moitié sont toujours inédits en France. Napoléon a pris les traits de Charles Boyer, Marlon Brando ou Christian Clavier. Il a inspiré les plus grands réalisateurs comme les plus obscurs. De la tragédie à la comédie satirique, la vie de l'empereur brille dans les cinémas. Et ce n'est pas près d'arrêter... « Napoléon, l'épopée en 1000 films », Ides et Calendes, 724 pages, 39 euros
Dimanche dernier, vous avez peut-être surfé sur les sites d'information pour suivre en direct les résultats des élections régionales. Rapides et synthétiques, plusieurs brèves annonçaient le nom des élus, les pourcentages obtenus par les listes, la composition des nouvelles majorités. Quelques phrases informatives rédigées par… des robots. Les journalistes aussi risquent de se faire subtiliser leur travail par des machines. Notamment les soirs d'élections où une avalanche de chiffres tombe sur la rédaction. Certes, ces logiciels ne sont pas encore au point pour élaborer des suites complexes de mots, mais ils présentent un avantage sur l'humain : la rapidité (outre le fait qu'ils n'ont pas besoin d'un plateau-repas et de carburant liquide, local de préférence, pour fonctionner). Mettez un tableau de résultats devant un rédacteur. Le temps pour lui de comprendre la différence entre inscrits et exprimés, de convertir les voix en pourcentages (après avoir une nouvelle fois oublié la règle de trois) et de saisir le titre, le robot a pondu quatre brèves, directement mises en ligne. Le lecteur n'y voit que du feu. Expérimental il y a encore quelques années, le système a fonctionné à plein aux régionales. Avec satisfaction. Donnez de bons chiffres à ces machines, elles les transformeront en articles. Ça marche également pour les informations économiques et les résultats sportifs. Cette rubrique n'est pas encore en danger. Mais le jour où un robot aura conscience de son existence, qu'il peut manier le "je" (lui) et je (moi) pourrai aller pointer à Pôle Emploi.
En bonus, le meilleur robot de tous les temps : Syntax Error d'Objectif Nul :