mercredi 3 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'amour à la ferraille


Des milliers de cœurs brisés. A Paris, ville lumière, une flopée d'amoureux se sont réveillés hier matin le palpitant pantelant au moment même où le Pont des Arts s'allégeait de 45 tonnes. 45 tonnes d'amour fou, symbolisés par les cadenas fixés aux parapets de l'ouvrage. Touristes ou autochtones, pour prouver leur amour, entrelaçaient deux cadenas, accrochaient l'ensemble au parapet avant de jeter les clés dans la Seine. Une superstition un peu stupide (pléonasme...), mercantile et surtout de plus en plus dangereuse. Le poids de ces amours éternelles, loin d'être négligeable, fragilisait les rambardes voire l'ensemble de l'ouvrage d'art.
Exit donc les cadenas. Une entreprise spécialisée a découpé les anciennes balustrades et récupéré l'ensemble avant la pose prochaine de nouveaux panneaux... en verre. Pour donner un vernis culturel à cette décision éminemment politique, quatre graffeurs ont obtenu carte blanche, histoire d'oublier les tendres verrouillages. De l'art encore, pour la ferraille récupérée. Plutôt que de la vendre au poids, la mairie de Paris conçoit le projet de fondre l'ensemble et de transformer le tout en une œuvre d'art monumentale. Qui symbolisera, à n'en pas douter, la plus grosse orgie de l'Histoire de l'Humanité.
Hier à Paris il y avait les pour et les contre l'interdiction des cadenas. Dans le premier camp les rares poissons de la Seine, pas mécontents de ne plus recevoir de clés sur la tête. Dans le second les bouquinistes, par ailleurs principaux « dealers » de cadenas à proximité du pont. A 8 euros pièce, le romantisme s'avérait fort lucratif.

mardi 2 juin 2015

Cinéma - Méandres amoureux à trois dans "L'Ombre des femmes" de Philippe Garrel

Le vaudeville (la femme, le mari, la maîtresse) n’a rien de comique dans sa version « L’ombre des femmes », film grave et austère de Philippe Garrel.


Tourné en noir et blanc dans un Paris très années 60, le nouveau film de Philippe Garrel poursuit son exploration des sentiments amoureux de trentenaires en plein doute existentiel. Le triangle parfait, un homme et deux femmes, selon les règles très établies du genre. Comme si rien n’avait jamais évolué depuis les coucheries de Feydeau. La vie de couple avec ses bas, « Je te déteste », et ses hauts, « Tu es la femme de ma vie ». Un éternel recommencement.
Les premières images du film font penser à ces films sociaux très à la mode en ce mois de mai comme La tête haute ou La loi du marché. Plongée vers la misère. Dans un appartement presque insalubre, le propriétaire annonce à sa locataire que si elle ne paie pas le loyer dans deux jours, il la met à la porte. Cinq minutes de réalité vite oubliées, Philippe Garrel revient à ses fondamentaux : les mystères de l’esprit. Manon (Clotilde Courau) vit avec Pierre (Stanislas Merhar). Ce dernier est cinéaste. Réalisateur de documentaires exactement. Manon l’assiste en tant que scripte et monteuse. Ils ne vivent pas de leur art. Quelques petits boulots (surveillante d’une cantine et manœuvre sur des chantiers) permettent de payer ce satané loyer.
Pierre, particulièrement taciturne, à la limite de la dépression, retrouve le sourire quand il croise la route d’une jeune stagiaire aux archives de l’armée française. Élisabeth (Lena Paugam) succombe instantanément au charme de ce blond ténébreux. Une fois cette base établie, on se demande où veut nous mener le réalisateur. Pas très loin en fait. Du moins pas dans l’exceptionnel.

Tous jaloux...
La maîtresse est plus jalouse que la femme. Le mari n’arrive pas à choisir entre la sûreté et le futile. La femme trompée termine elle aussi dans le lit d’un autre. Le tout dans un Paris irréel, caricature d’un milieu bobo qui ne fait plus rêver personne. La situation intenable ne peut plus durer. Nouvelles péripéties en vue. Convenues, trop convenues.
Ce type de film d’auteur à l’image léchée est souvent sauvé par la prestation des acteurs, habités par des rôles taillés sur mesure à leur ego. Mais Clotilde Courau en fait parfois un peu trop, Stanislas Merhar devient rapidement une tête à claque, beau gosse intelligent mais qui a un vieux fond de machisme rance. Seule Lena Paugam, jeune actrice dont c’est le premier rôle important, s’en tire avec brio, tout en simplicité, passion et beauté.
Vite tourné (21 jours), vite oublié, L’ombre des femmes n’entrera pas au Panthéon du cinéma. Mais sera certainement une pierre essentielle dans la compréhension de l’œuvre complète de Philippe Garrel, cinéaste atypique, encore une anomalie temporelle tant ses réalisations semblent s’intégrer dans le mouvement de la nouvelle vague.

DE CHOSES ET D'AUTRES - BHL, tête à tartes

Certains se font traiter de têtes à claques, d'autres attirent les tartes telle la peau blanche du vacancier fraîchement débarqué les moustiques. Bernard-Henry Levy n'aurait pas dû se rendre en Belgique samedi. Le plat pays est le royaume du Gloupier, petit nom de Noël Godin plus connu sous le sobriquet de l'Entarteur.

BHL incarne la cible parfaite. Godin ne semble pas s'en lasser tant il a déjà barbouillé une dizaine de fois de crème chantilly la mèche folle du professionnel de l'indignation. Aidé de quelques jeunes disciples (le Gloupier n'a plus la dextérité et la rapidité des années 80), il a de nouveau entarté le philosophe en chemise blanche.

Un happening filmé, comme d'habitude, où on remarque surtout les crochets et autres directs généreusement distribués par les gardes du corps de l'invité de prestige d'un débat organisé dans une église de Namur. Certes, la violence vient d'abord du Gloupier.
Je le suspecte, sous couvert de tarte à la crème, de vouloir surtout appuyer son geste pour au passage filer une bonne torgnole à la victime. Entre tête à claques et tête à tartes, la frontière est ténue (l'épaisseur de la pâte). Quant à la motivation politique de Godin - venger son ami Siné accusé d'antisémitisme par BHL - elle semble peu convaincante. À vrai dire, ces histoires de tarte à la crème ont été popularisées par les clowns. Et avec ses postures et ses chemises immaculées, même involontairement, BHL a tout de l'amuseur public.
A sa prochaine sortie dans le monde, l'entarteur espère que ce presque clown blanc s'affublera d'un nez rouge : plus facile à viser.

lundi 1 juin 2015

BD - Benoît Brisefer en Afrique


Depuis la mort de Peyo, tous ses personnages ont retrouvé une seconde jeunesse sous la houlette de son studio. Beaucoup de Schtroumpfs, quelques Johan et Pirlouit et malheureusement de trop rares Benoît Brisefer. Plus de dix ans après le 13e titre de la série, place au 14e qui se déroule en grande partie en Afrique noire, celle qui ressemble tant aux anciennes colonies belges. Au scénario, comme d'habitude, Thierry Culliford (fils de Peyo) reprend quelques personnages imaginés par son père. Le dessin de Pascal Garray est classique, même s'il manque ce minimum de personnalité qui a permis à Walthéry de supporter la comparaison avec son maître. 
Benoît est en vacances. Il s'ennuie. Par chance, son ami chauffeur de taxi gagne un voyage en Afrique. Un safari au Mulundi, petit pays célèbre pour sa faune sauvage. Benoît sera du voyage. Dans l'avion il tombe sur Tonton Placide, le musculeux garde du corps chargé de la sécurité du président. Dans la savane et la forêt, ils croiseront la route du mystérieux gorille blanc. Ainsi que celle de braconniers
Simple et amusante, cette aventure de 52 pages pourrait relancer cette série injustement oubliée.
« Benoît Brisefer » (tome 14), Le Lombard, 10,60 €

dimanche 31 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Les Lopez, du 58 au 63

On ne remerciera jamais assez internet de nous permettre de découvrir des mondes qui défient l'imagination. Les Gitans par exemple. Société étrange s'il en est, elle se dévoile en partie sur Youtube dans un feuilleton où tous les protagonistes se nomment Lopez. D'un côté les Lopez du 58, de l'autre les Lopez du 63. Une famille, deux clans et une brouille qui n'en finit plus.

Tout commence en 2012. Une banale dispute entre Djo et David, les deux chefs de clans. Ils sont vaguement cousins, mais oublient la famille. Ce qui compte c'est l'appartenance à un département. Les Lopez du 63 (Puy-de-Dôme) en ont après les Lopez du 58 (Nièvre). Et ils le disent dans une vidéo postée sur Youtube. Ils sont quatre, torse nu, muscles bandés, à s'adresser à la caméra à grand renfort de mots fleuris. De la pure provocation de fanfarons. Langage ordurier et gestes obscènes en prime.

La barre est placée haut, mais les Lopez du 58 relèvent le défi. Ils n'iront pas en découdre et se contentent eux aussi de tourner une courte vidéo où ils signifient tout le mal qu'ils pensent des "lopettes" du 63.
Depuis, la querelle se transforme en ping-pong vidéo. Un coup ils exhibent leurs muscles, un autre les armes. Il y a même le témoignage de la femme d'un Lopez, parente proche des autres Lopez...
On se délecte de ces joutes verbales gonflées à la testostérone. Sans compter que tant qu'ils se contentent de s'affronter par caméra interposée, on ne déplore ni blessé, ni mort. Ce serait dommage, vu le nombre astronomique de vues sur internet, les Lopez, de n'importe quel département, sont des stars planétaires en puissance.

samedi 30 mai 2015

DVD - Lune de miel mortelle dans "Alleluia" de Fabrice du Welz

Fabrice du Welz suit un couple maudit dans « Alléluia », film de genre réussi.

Amis des films gore, ce thriller belge est pour vous. Fabrice du Welz (Calvaire, Vinyan) repeint ses décors en rouge avec ce long-métrage adapté d’un fait divers qui a défrayé la chronique dans les années 50 aux USA. Gloria (Lola Duenas) travaille à la morgue d’un hôpital. Veuve, elle cherche l’amour sur les sites de rencontre. Quand elle rencontre Michel (Laurent Lucas), le courant passe très bien. Mais le faux commerçant est en fait un gigolo spécialisé dans l’escroquerie des veuves éplorées. De victime, Gloria se transforme en complice pour rester près de son nouvel amour. Un couple maudit, entre un artiste du sexe et une femme folle de jalousie. 
Découpé en autant d’actes que de femmes victimes, ce film à l’ambiance trouble et malsaine, se termine en apothéose dans la grande propriété de Solange (Héléna Noguerra) ultime femme prise dans les rais de Michel et Gloria. Si toute l’histoire tourne autour du sexe, il n’y en a pas beaucoup dans les scènes clés, le réalisateur préférant filmer l’extase et la jouissance dans les gros plans de visages noyés dans des lumières criardes. Lola Duenas est particulièrement convaincante dans ce personnage de folle hystérique. Une véritable performance physique. Tournée dans les Ardennes belges, cette histoire bénéficie des atmosphères sombres, humides et froides d’une région pleine de ressources pour les cinéastes un peu talentueux. Côté bonus, en plus d’un making of classique, les trois acteurs principaux se confient longuement sur la façon d’appréhender leurs personnages légèrement dérangés.
« Alléluia », Wild Side, 19,99 euros

vendredi 29 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Poker, fin de partie

Présentée à l'époque comme la seule solution pour contrer les sites illégaux, l'autorisation du poker en ligne n'est finalement pas la poule aux œufs d'or promise aux nombreux opérateurs. Des 25 sites autorisés en 2010, il n'en reste plus que 13 aujourd'hui. De grands noms ont jeté l'éponge. Un "tapis" définitif, pas loin de la banqueroute. Il y a cinq ans, quand le gouvernement de Nicolas Sarkozy ouvre ce nouveau marché, beaucoup le soupçonnent de faire un cadeau à certains de ses amis et soutiens. Cadeau empoisonné... Cela coûte cher de proposer des offres concurrentielles. 
Et le gros problème reste la faible rentabilité. Quand les opérateurs de paris sportifs ne rendent que 75 % des mises aux gagnants, dans le poker ce pourcentage culmine à un faramineux 97 %. Conséquence, malgré des enjeux astronomiques, très largement supérieurs aux autres jeux comme les courses hippiques en perte de vitesse, le retour en investissement est quasi nul. Pour une fois, ce sont bien les joueurs qui ont toutes les chances de s'enrichir. Voilà tout le paradoxe de ces jeux d'argent sur internet. 
On croit que la finalité est de faire gagner les joueurs alors qu'en réalité tout est fait pour que ce soit les opérateurs (et l'État avec les fortes taxes) qui gagnent à tous les coups. Sauf pour le poker, ce qui explique sa raréfaction (encore toute relative) sur le net. 
Reste les tournois en chair et en os. Mais là, vous devez payer pour être admis à une table. Preuve que parfois, la vie réelle est bien moins avantageuse que le virtuel.

jeudi 28 mai 2015

DVD - « Invincible » leçon d’espérance

Angelina Jolie signe un film puissant sur le parcours d'un soldat américain durant la guerre du Pacifique.

Un destin exceptionnel. Louie Zamperini (Jack O’Connell) a vécu une existence riche en péripéties. Ce fils d’émigrés italiens se découvre un don pour la course à pied. Jeune, quand il chaparde à droite et gauche, c’est le meilleur moyen pour échapper aux forces de l’ordre. Son frère le pousse à développer ce talent. À 18 ans à peine, le voilà aux Jeux olympiques de Berlin de sinistre mémoire. Il ne remporte pas de titre mais fait forte impression. Tous les spécialistes s’accordent pour voir en lui le favori des prochains JO, à Tokyo. Un certain Hitler en décide autrement.
L’Europe est à feu et à sang. Le Japon attaque les USA. Louie est mobilisé. Direction le Pacifique à bord d’un bombardier. Loin de sa famille et des anneaux cendrés de sa gloire promise, il risque sa vie à chaque sortie. Jusqu’à la mission de trop. Son avion s’écrase en mer. Il fait partie des trois survivants de l’équipage. La véritable épopée de Louie Zamperini peut débuter.

Angelina Jolie à la réalisation c’est beaucoup d’action, de la psychologie fortement teintée de spiritualisme et quelques scènes de bravoure. Celle qui a connu la célébrité mondiale en tant qu’actrice, a choisi de raconter une histoire d’hommes, entre hommes. Pas de vedette féminine dans le film si ce n’est quelques images de la mère de Louie dans des flash-back. La guerre, c’est souvent une histoire de mecs. La preuve avec Invincible.

Après 47 jours de survie dans le radeau pneumatique à manger du poisson, repousser les attaques des requins et tenter de garder la raison en se racontant les meilleures recettes familiales, Louie et son ami Phil (Domhnall Gleeson) sont secourus par un navire japonais. Secours est un grand mot. Immédiatement faits prisonniers, ils croupissent de longues semaines au fond d’un trou dans une île du Pacifique. À l’isolement, torturé quotidiennement, Louie croit devenir fou. Mais ce n’est que le début de ses tourments. Transféré dans un camp de prisonniers près de Tokyo (la ville où il pensait remporter une médaille pour son pays), il devient la tête de turc du sergent Watanabe (Miyavi), tortionnaire le plus horrible de toute l’histoire du cinéma. Un calvaire qui n’ira qu’en augmentant jusqu’à la libération.
Les bonus relativisent l’image de cet homme atroce, son acteur, musicien par ailleurs, reprenant forme humaine dans un concert à Sydney réservé à l’équipe du film. Une histoire à montrer à tous les défaitistes et pessimistes.

« Invincible », Universal, 14,99 euros le DVD, 17,99 euros le blu-ray


mercredi 27 mai 2015

BD - Un petit livre, des vies


Au fil des albums, Jim s'impose de plus en plus comme le scénariste de ces histoires plantées dans la triste réalité, mais merveilleuses de tendresse et de justesse. Après « Une nuit à Rome » ou « Héléna », il poursuit la veine de la romance improbable avec ce « Petit livre oublié sur un banc ». Camélia, dans un parc public, découvre un livre sur un banc. Abandonné par son propriétaire selon la technique du « bookcrossing ». 
Mais la jeune femme trouve dans ce roman des petits mots, comme s'ils s'adressaient directement à elle. Elle va entreprendre une correspondance avec ce mystérieux lecteur. Dans le second tome de cette histoire dessinée par Mig, elle tombe des nues. Une autre femme reçoit le même genre de messages. Jalouse, elle va tout faire pour découvrir qui se cache derrière le livre. Un écrivain ? Un mari infidèle ? Un pervers ? Toutes les solutions sont envisageables. 
Avec une rare science du coup de théâtre, Jim va alterner espoir, désillusion et sérénité. Une BD qui donne envie de partager ses lectures, sans arrière-pensées.

« Un petit livre oublié sur un banc » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 13,90 €


mardi 26 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'écume de Cannes

Le grand paradoxe du Festival de Cannes réside dans ce mélange de strass et de réflexion. Si la sélection officielle présente le fin du fin en matière de cinéma intellectuel (sans aucun préjugé péjoratif), la montée des marches demeure le moment le plus attendu du public qui en grande partie n'ira pas voir le film récompensé par la Palme d'or (le palmarès complet ici).

Que retenir de ce Festival de Cannes ? L'écume, comme toujours. Oubliée la charge virulente contre le sort réservé aux chômeurs dans La loi du marché. À la place tout le monde se souviendra de la fameuse petite culotte de Sophie Marceau. Membre du jury, l'actrice française, déjà prise en flagrant délit de sein baladeur, a cette fois été la victime consentante d'une bourrasque de vent. Forcément consentante, la robe entièrement ouverte ne pouvait rien masquer de son anatomie à un moment ou un autre. On se fait remarquer comme on peut. Depuis quelques années, Sophie peut peu.
Les larmes du public après le film de Nanni Moretti auraient pu constituer l'autre fait marquant de ce festival 2015. Perdu ! Retour sur les marches et un problème de hauteur de talons. Certaines invitées sont refoulées. Pas en raison de tenues à la limite de la décence ou du bon goût mais pour cause de chaussures trop plates.
En parlant de bon goût, les organisateurs auraient mieux fait de s'abstenir. La productrice Valeria Richter, amputée de la moitié du pied gauche, n'a vraiment pas apprécié cette exigence. Et on dit des stars qu'elles font des caprices.