vendredi 29 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Poker, fin de partie

Présentée à l'époque comme la seule solution pour contrer les sites illégaux, l'autorisation du poker en ligne n'est finalement pas la poule aux œufs d'or promise aux nombreux opérateurs. Des 25 sites autorisés en 2010, il n'en reste plus que 13 aujourd'hui. De grands noms ont jeté l'éponge. Un "tapis" définitif, pas loin de la banqueroute. Il y a cinq ans, quand le gouvernement de Nicolas Sarkozy ouvre ce nouveau marché, beaucoup le soupçonnent de faire un cadeau à certains de ses amis et soutiens. Cadeau empoisonné... Cela coûte cher de proposer des offres concurrentielles. 
Et le gros problème reste la faible rentabilité. Quand les opérateurs de paris sportifs ne rendent que 75 % des mises aux gagnants, dans le poker ce pourcentage culmine à un faramineux 97 %. Conséquence, malgré des enjeux astronomiques, très largement supérieurs aux autres jeux comme les courses hippiques en perte de vitesse, le retour en investissement est quasi nul. Pour une fois, ce sont bien les joueurs qui ont toutes les chances de s'enrichir. Voilà tout le paradoxe de ces jeux d'argent sur internet. 
On croit que la finalité est de faire gagner les joueurs alors qu'en réalité tout est fait pour que ce soit les opérateurs (et l'État avec les fortes taxes) qui gagnent à tous les coups. Sauf pour le poker, ce qui explique sa raréfaction (encore toute relative) sur le net. 
Reste les tournois en chair et en os. Mais là, vous devez payer pour être admis à une table. Preuve que parfois, la vie réelle est bien moins avantageuse que le virtuel.

jeudi 28 mai 2015

DVD - « Invincible » leçon d’espérance

Angelina Jolie signe un film puissant sur le parcours d'un soldat américain durant la guerre du Pacifique.

Un destin exceptionnel. Louie Zamperini (Jack O’Connell) a vécu une existence riche en péripéties. Ce fils d’émigrés italiens se découvre un don pour la course à pied. Jeune, quand il chaparde à droite et gauche, c’est le meilleur moyen pour échapper aux forces de l’ordre. Son frère le pousse à développer ce talent. À 18 ans à peine, le voilà aux Jeux olympiques de Berlin de sinistre mémoire. Il ne remporte pas de titre mais fait forte impression. Tous les spécialistes s’accordent pour voir en lui le favori des prochains JO, à Tokyo. Un certain Hitler en décide autrement.
L’Europe est à feu et à sang. Le Japon attaque les USA. Louie est mobilisé. Direction le Pacifique à bord d’un bombardier. Loin de sa famille et des anneaux cendrés de sa gloire promise, il risque sa vie à chaque sortie. Jusqu’à la mission de trop. Son avion s’écrase en mer. Il fait partie des trois survivants de l’équipage. La véritable épopée de Louie Zamperini peut débuter.

Angelina Jolie à la réalisation c’est beaucoup d’action, de la psychologie fortement teintée de spiritualisme et quelques scènes de bravoure. Celle qui a connu la célébrité mondiale en tant qu’actrice, a choisi de raconter une histoire d’hommes, entre hommes. Pas de vedette féminine dans le film si ce n’est quelques images de la mère de Louie dans des flash-back. La guerre, c’est souvent une histoire de mecs. La preuve avec Invincible.

Après 47 jours de survie dans le radeau pneumatique à manger du poisson, repousser les attaques des requins et tenter de garder la raison en se racontant les meilleures recettes familiales, Louie et son ami Phil (Domhnall Gleeson) sont secourus par un navire japonais. Secours est un grand mot. Immédiatement faits prisonniers, ils croupissent de longues semaines au fond d’un trou dans une île du Pacifique. À l’isolement, torturé quotidiennement, Louie croit devenir fou. Mais ce n’est que le début de ses tourments. Transféré dans un camp de prisonniers près de Tokyo (la ville où il pensait remporter une médaille pour son pays), il devient la tête de turc du sergent Watanabe (Miyavi), tortionnaire le plus horrible de toute l’histoire du cinéma. Un calvaire qui n’ira qu’en augmentant jusqu’à la libération.
Les bonus relativisent l’image de cet homme atroce, son acteur, musicien par ailleurs, reprenant forme humaine dans un concert à Sydney réservé à l’équipe du film. Une histoire à montrer à tous les défaitistes et pessimistes.

« Invincible », Universal, 14,99 euros le DVD, 17,99 euros le blu-ray


mercredi 27 mai 2015

BD - Un petit livre, des vies


Au fil des albums, Jim s'impose de plus en plus comme le scénariste de ces histoires plantées dans la triste réalité, mais merveilleuses de tendresse et de justesse. Après « Une nuit à Rome » ou « Héléna », il poursuit la veine de la romance improbable avec ce « Petit livre oublié sur un banc ». Camélia, dans un parc public, découvre un livre sur un banc. Abandonné par son propriétaire selon la technique du « bookcrossing ». 
Mais la jeune femme trouve dans ce roman des petits mots, comme s'ils s'adressaient directement à elle. Elle va entreprendre une correspondance avec ce mystérieux lecteur. Dans le second tome de cette histoire dessinée par Mig, elle tombe des nues. Une autre femme reçoit le même genre de messages. Jalouse, elle va tout faire pour découvrir qui se cache derrière le livre. Un écrivain ? Un mari infidèle ? Un pervers ? Toutes les solutions sont envisageables. 
Avec une rare science du coup de théâtre, Jim va alterner espoir, désillusion et sérénité. Une BD qui donne envie de partager ses lectures, sans arrière-pensées.

« Un petit livre oublié sur un banc » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 13,90 €


mardi 26 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'écume de Cannes

Le grand paradoxe du Festival de Cannes réside dans ce mélange de strass et de réflexion. Si la sélection officielle présente le fin du fin en matière de cinéma intellectuel (sans aucun préjugé péjoratif), la montée des marches demeure le moment le plus attendu du public qui en grande partie n'ira pas voir le film récompensé par la Palme d'or (le palmarès complet ici).

Que retenir de ce Festival de Cannes ? L'écume, comme toujours. Oubliée la charge virulente contre le sort réservé aux chômeurs dans La loi du marché. À la place tout le monde se souviendra de la fameuse petite culotte de Sophie Marceau. Membre du jury, l'actrice française, déjà prise en flagrant délit de sein baladeur, a cette fois été la victime consentante d'une bourrasque de vent. Forcément consentante, la robe entièrement ouverte ne pouvait rien masquer de son anatomie à un moment ou un autre. On se fait remarquer comme on peut. Depuis quelques années, Sophie peut peu.
Les larmes du public après le film de Nanni Moretti auraient pu constituer l'autre fait marquant de ce festival 2015. Perdu ! Retour sur les marches et un problème de hauteur de talons. Certaines invitées sont refoulées. Pas en raison de tenues à la limite de la décence ou du bon goût mais pour cause de chaussures trop plates.
En parlant de bon goût, les organisateurs auraient mieux fait de s'abstenir. La productrice Valeria Richter, amputée de la moitié du pied gauche, n'a vraiment pas apprécié cette exigence. Et on dit des stars qu'elles font des caprices.

DE CHOSES ET D'AUTRES - Les boules au chaud


Mesdames, vous allez apprécier ce qui suit. 1 600 signes entièrement dévolus à ce que l'homme possède de plus sacré : ses testicules. 
Au début des années 70, quand la pilule n'était pas encore une évidence, les mouvements féministes tentent de trouver d'autres techniques pour s'envoyer en l'air sans risquer une grossesse. Pour une fois, ce sont les messieurs qui servent de cobayes. Des études scientifiques démontrent que l'élévation de la température des spermatozoïdes de quelques degrés nuit considérablement à leur fécondité. Il suffit donc de mettre les boules au chaud pour éviter tout accident.
Dans la pratique, deux techniques sont mises à l'épreuve. La première, la plus simple, consiste à utiliser des sous-vêtements trop petits. La pression fait remonter les testicules à l'intérieur de l'organisme. A 37°C, les pauvres petits spermatozoïdes ne servent plus à rien. Au passage, cette théorie confirme la chute flagrante de la démographie française lors de la mode des jeans moulants. Idem pour les toreros. Porter des tenues aussi ridicules s'explique sans doute par le solide complexe d'infériorité qu'ils ressentent face au taureau. Mais certaines féministes ont poussé le bouchon encore plus loin : mettre au point un slip chauffant. Quelques résistances électriques disposées au bon endroit, un peu de courant et roulez jeunesse.
Oui, l'affaire s'apparente à de la torture. Mais franchement, à côté de la pose d'un stérilet ou d'une interruption volontaire de grossesse, ce slip chauffant tombé aux oubliettes est un moindre mal.

lundi 25 mai 2015

BD - Les francs-tireurs de Sherlock Holmes


On ne dira jamais assez comme il est important de laisser le temps à une série pour s'installer. « Les quatre de Baker Street », scénarisée par Djian et Legrand et dessinée par Etien aurait pu disparaître au terme des deux albums classiques de ce genre de production. Par chance, les aventures de ces trois gamins des rues (et leur chat) dans le Londres de Sherlock Holmes a séduit suffisamment de lecteurs pour qu'elle se prolonge au-delà. Non seulement les histoires en ont gagné en qualité, mais le dessin d'Etien s'est affirmé pour atteindre une qualité irréprochable. 
Dans ce tome 6, les trois amis se cachent toujours dans le grenier de Sherlock, lui-même devenu invisible car se faisant passer pour mort. Le détective se dissimule pour terminer de démanteler le réseau de Moriarty. Il a dans son viseur l'homme du Yard, le superintendant Blackstone. Mais ce dernier est lui aussi à la manœuvre et comprend que la meilleure façon de faire sortir Holmes de sa cachette est de débusquer Billy, Charlie et Tom. L'histoire se déroule en grande partie dans le quartier irlandais de Londres, dans ce ghetto où la police n'est pas la bienvenue. Les Anglais non plus...

« Les quatre de Baker Street » (tome 6), Vents d'Ouest, 14,50 €

dimanche 24 mai 2015

Thriller - A l'école du meurtre avec "Leçons d'un tueur" de Saul Black

Enfant maltraité, Xander King devient un serial killer redoutable. Son itinéraire sanglant est retracé par Saul Black dans ce thriller d'une rare maestria.

Saul Black a mis tous les ingrédients classiques du thriller américain contemporain dans son roman « Leçons d'un tueur ». Le tueur dérangé, la pléiade de victimes, la fillette innocente, la flic alcoolique et même l'écrivain dépressif. Un puzzle qu'il assemble parfaitement dans une intrigue complexe et palpitante. La quintessence du livre qu'on ne peut plus refermer dès qu'on a eu le malheur d'en lire les premières pages.
L'entrée en matière est directe. Rowena, une jeune mère de famille, se remettant de la perte de son mari et père de ses enfants, vit seule dans une maison isolée. Son adolescent écoute de la musique dans sa chambre à l'étage, Nell, 10 ans, joue dans le jardin qui jouxte des bois. Elle n'a pas le temps de regretter de ne pas avoir fermé les portes à clé quand deux hommes débarquent dans sa maison. Xander et Paulie. Un duo de tueurs en série, sillonnant les USA dans un camping-car à la recherche de leurs proies. Le premier enseigne au second ses techniques de chasse et de meurtre. Rowena sera leur 9e victime.
Xander tuera également l'ado, mais Nell parvient à fuir dans la forêt. Paulie la poursuit, mais la fillette réussit à franchir un ravin et malgré une cheville cassée atteindre l'entrée de la demeure d'Angelo, écrivain dépressif qui semble attendre la mort dans cette cabane perdue dans ces forêts enneigées. Le récit se scindera alors en trois parties distinctes. La suite du périple de Xander, l'attente du vieillard et de la fillette dans le froid et l'enquête de Valerie, la policière en charge de l'enquête.

Course contre la montre
Saul Black (pseudonyme de Glen Duncan, auteur anglais pour l'instant plus spécialisé dans le fantastique, notamment « Le dernier loup-garou ») après ce départ bourré d'adrénaline, ralentit l'action pour mieux détailler la psychologie des différents protagonistes. Notamment Valerie, minée par cette enquête qui n'avance pas. Elle est sur la mauvaise pente. Les fantômes des victimes hantent ses courtes nuits. Pour dormir elle n'a plus d'autre solution que de boire quantité de vodka. Quand Carla, une jeune enquêtrice rejoint son équipe, elle se doute que ce n'est pas pour lui donner un coup de main mais pour l'évaluer discrètement. Cette opposition va donner une dimension supplémentaire à l'enquête classique.
Plus dérangeants les passages dans lesquels l'auteur expliquent les pratiques des tueurs (il faut parfois s'accrocher tant les détails sont immondes) et surtout comment ils en sont arrivés à ces extrémités. Puis le duo enlève une jeune Anglaise et la retient prisonnière dans leur base arrière. Le roman devient encore plus oppressant. Valerie, malgré la pression inquisitrice de Carla, jette ses dernières forces dans l'enquête car pour la première fois elle a la possibilité de sauver une vie.
Le final, comme dans un bon film (il ne serait pas étonnant d'ailleurs que ce récit soit adapté en thriller hollywoodien), se déroule dans la cabane des bois avec pour enjeu la vie de la petite Nell. Une grande réussite, de bout en bout.

« Leçons d'un tueur », Saul Black, Presses de la Cité, 22 €

samedi 23 mai 2015

Cinéma - Humiliations avant rupture dans "La loi du marché"

Filmé comme un reportage ou un documentaire, « La loi du marché » de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon montre l’âpreté du monde du travail actuel.


Présenté en compétition à Cannes lundi soir, « La loi du marché » de Stéphane Brizé est en salles depuis hier. Une sortie décalée pour un film au ton qui ne l’est pas moins. Vincent Lindon interprète Thierry, chômeur de 51 ans, à la recherche d’un emploi depuis près de deux ans. La première scène du film, un long plan séquence entre le chômeur et un conseiller de Pôle Emploi donne le « la ». Thierry vient de terminer une formation de grutier. Mais il constate qu’il ne sera jamais embauché car il n’a jamais travaillé dans le bâtiment auparavant. Et de demander pourquoi on lui a conseillé cette formation totalement inutile ? Le fonctionnaire n’a pas de réponse si ce n’est qu’il faudrait envisager une nouvelle reconversion, dans une autre branche, comme magasinier par exemple. Thierry, bouillonne intérieurement. On sent qu’il a envie d’exploser, de dire ses quatre vérités à ce rond-de-cuir incapable, juste bon à faire tourner un système moribond. Mais il prend sur lui. Ce n’est pourtant que le début de ses humiliations.

Humiliation publique
Faire un film sur la réalité d’un chômeur senior est un pari risqué. Le mélo se cache à chaque plan. Pour déjouer ces pièges, le réalisateur a fait le choix de la caméra à hauteur d’homme, comme un témoin de cette vie d’angoisse. Pas de fioritures dans la réalisation, une image brut de décoffrage. Comme l’existence de Thierry.
A Pôle Emploi, il doit suivre une formation pour mieux se “vendre” aux recruteurs. Il subit de plein fouet les critiques des autres stagiaires : trop froid, pas assez impliqué, regard fuyant... Il acquiesce. Une des scènes les plus dures, les plus démoralisantes. Tout le monde peut se retrouver dans la position de Thierry. Obligé de croire que si l’on ne trouve pas de travail, c’est en raison de sa personnalité trop éloigné de la caste des “gagneurs”.
A la banque aussi Thierry est acculé. Sa conseillère, après avoir tenté de lui faire revendre son appartement dont il n’a pas encore fini de payer les traites, veut lui faire souscrire une assurance décès. A 51 ans, une femme aimante et un fils handicapé moteur encore lycéen, il a l’impression qu’on lui propose de passer directement de la case chômage à celle de pierre tombale. A l’agonie financièrement il tente de revendre le mobile-home des vacances dans un camping au bord de la mer. Il tombe sur un de ces acheteurs persuadés que le marchandage est un art et qui trouvent normal de dénigrer le bien qu’ils guignent.
Alors Thierry accepte un nouvel emploi. Une nouvelle humiliation pour cet homme droit : vigile dans un grand magasin. De victime de la société capitaliste, il devient acteur du malheur des autres en démasquant petits voleurs, retraités chapardeurs et caissières indélicates. Mais à quel prix ?
Vincent Lindon, seul professionnel de la distribution, signe une véritable performance d’acteur dans cette chronique sociale d’un homme au bord de la rupture.
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Le social-style

Dans un style qui ressemble parfois à celui des frères Dardenne, Stéphane Brizé fait une première incursion dans le film social. Un genre très à la mode depuis quelques mois. On retrouve un peu dans « La loi du marché » l’ambiance de « Discount » et les personnages de « Jamais de la vie ». Mais si les deux longs-métrages de Louis-Julien Petit et Pierre Jolivet sont des œuvres de fiction s’appuyant sur un monde réaliste, le film présenté à Cannes en compétition ressemble plus à un documentaire, sans effet de style, grandes envolées et dénouement heureux (ou malheureux). Juste la captation de quelques mois dans la vie d’un homme fatigué moralement de se battre pour tenter de rester digne, de survivre dans un monde de plus en plus déshumanisé. L’impression donnée au spectateur d’être le témoin-voyeur des affres du cinquantenaire au chômage puis malheureux dans son boulot dénué de toute compassion, est renforcée par la réalisation volontairement peu sophistiquée. Toujours en retrait, la caméra filme rarement Thierry de face. Comme si lui aussi était le témoin de son existence. Les flous ou les aller-et-retour lors des dialogues, comme des travellings non maîtrisés, donnent une impression de spontanéité absolue. De même, l’utilisation des images des caméras de surveillance du magasin, aux images pixelisées et de mauvaise qualité, renforcent le côté sinistre de l’histoire.

vendredi 22 mai 2015

BD - Les aventures minimalistes de Hans

La forêt. Des insectes, des oiseaux, quelques grosses bêtes et dans cet environnement souvent hostile un tout petit bonhomme. Hans, né sous la plume de Jérôme Anfré, personnifie toute la prétention de l'espèce humaine. Il se voit grand, mais est insignifiant face aux autres créatures. Quand chacun a un rôle parfaitement justifié et utile, il n'est qu'une tâche, une aberration dans l'ensemble. Cette série d'histoires courtes minimalistes, muettes, aux petites cases quasi dénuées de décors, s'apparente parfois à l'exercice de style. Logique qu'elle soit publiée dans la collection Shampooing dirigée par Lewis Trondheim, champion du genre. Hans se réveille comme s'il venait de nulle part. Tente de se protéger avec des feuilles mortes, utilise une brindille pour épée, défie une araignée et abdique rapidement face à une fourmi. Quand un renard passe dans les parages, il fuit. Terreur aussi quand il monte au sommet d'un arbre et se fait enlever par un oiseau. 
Loin de tourner en rond, cette BD montre l'évolution du petit bonhomme, découvrant le feu, les habits et au final croisant un autre de ses congénères. Inclassable, avec des airs de dessin animé, Hans prouve que la BD peut encore innover dans une production malheureusement de plus en plus formatée.

« Hans », Delcourt, 12,50 €

jeudi 21 mai 2015

BD - Manara raconte la vie du Caravage, peintre visionnaire


Milo Manara, selon un autre dessinateur sûrement moins doué dans la représentation réaliste des femmes, n'est qu'un « dessinateur de vagin ». Exit l'anatomie, Manara ose enfin quitter son genre de prédilection pour aborder la biographie dessinée. Il s'attaque à son maître, Le Caravage, celui qu'il considère comme son saint protecteur. En 1592, ce jeune peintre débarque à Rome. Il veut vivre de son art et tente de se faire repérer par un maître qui lui permettra de s'exprimer dans son atelier. Passionné de réalisme, il peint les femmes comme personne. Mais ce petit nouveau semble faire un peu trop d'ombre aux notables. Il doit se contenter au début de s'échiner sur de très peu passionnantes guirlandes destinées aux grandes toiles. Heureusement un mécène lui donne sa chance et il pourra composer des tableaux pour les églises de Rome. 
Manara décrit minutieusement le processus de création du Caravage. Il cherche des modèles et les met en scène comme un cinéaste. Il apporte beaucoup de soin au choix de ses personnages féminins. Cela donne la partie humaine de la BD, la relation tendue entre le peintre et une flamboyante prostituée, idéale dans le rôle de la Vierge. Au grand désespoir des religieux de l'époque. La belle Anna, à la croupe gracieuse et généreuse, permet à Manara de dessiner une nouvelles fois ces courbes qu'il maîtrise parfaitement.

« Le Caravage » (tome 1), Glénat, 14,95 €