jeudi 6 mars 2014

Biographie - Les secrets de Jean Gabin


Immense acteur, monument du cinéma français, encore présent dans bien des mémoires, Jean Gabin a toujours été très discret en dehors des plateaux de tournage. Cette biographie exhaustive signée Jean-Jacques Jelot-Blanc, grand connaisseur du cinéma français, permet de mieux appréhender le « Jean Gabin inconnu ». Des petits secrets du tournage de « Quai des brumes » de Marcel Carné (ambiance tendue en raison du harcèlement financier d'un émissaire du producteur) aux dernières années de l'acteur dans des rôles sur mesure comme « La Horse » ou « L'affaire Dominici », l'auteur détaille une longue carrière, de jeune premier à patriarche bourru. 
Gabin a tourné plus de 90 films et affiche le score phénoménal de 85 millions de spectateurs en France. Ces pages nous replongent dans une période du cinéma certes révolue, mais qui a façonné durablement un 7e art tricolore, une « exception culturelle » dont Jean Gabin est aussi un des plus beaux exemples.

« Jean Gabin inconnu » de Jean-Jacques Jelot-Blanc, Flammarion, 480 pages, 22 €

mercredi 5 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Le bon son français ira à l'Eurovision

Sans être voyant extralucide, je vous prédis que la France ne remportera pas le concours de l'Eurovision en 2014. Et si je me trompe et que le groupe Twin Twin finit premier de cette compétition musicale, j'avale ma carte d'identité et demande à être déchu de ma nationalité française. Il y a des limites au déshonneur...

France 3 a donc dévoilé ce week-end le choix du public pour représenter la France au concours prévu le 10 mai au Danemark. Twin Twin, trio hip hop, a tiré le gros lot (quoique) grâce à la chanson "Moustache". Rythmique basique et entraînante, danseuses peu vêtues se trémoussant devant et derrière les musiciens déguisés façon Patrick Topaloff : l'impression générale est bonne. Surtout si on est resté bloqué dans le style années 80.

Les paroles, en français (seul bon point à leur crédit), sont particulièrement "cheap". "Je veux ci, je veux ça", "je donnerais tout pour avoir une moustache". Avec un florilège de rimes riches entre costard et dollar ou dernier étage et femme de ménage. Pas la peine d'épiloguer sans fin : au mieux, c'est nul, au pire, affligeant.
D'autant que cette composition serait le plagiat de deux tubes déjà très entendus. Le début pompe l'air à "Papaoutai" (Stromae), le refrain à "Dur, dur d'être un bébé" (Jordy). Mon oreille musicale ne me permet pas de juger ces allégations. Serge Llado, chansonnier catalan spécialiste des "chansons qui se ressemblent" trancherait avec nettement plus de compétence. Il est vrai que lui, la moustache, il la porte depuis toujours.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

Cinéma - Une nuit pour sauver Paris dans "Diplomatie" de Volker Schlöndorff

Face à face tendu entre un général allemand et un consul suédois. En jeu : la destruction de Paris. Diplomatie, film de Volker Schlöndorff, raconte cette nuit d'août 1944.

Les guerres, pour s'achever, ont besoin de diplomates. Oubliés quand les combats font rage, ils réapparaissent lorsque la défaite a choisi son camp. En août 1944, le débarquement allié a repoussé les défenses allemandes loin à l'intérieur du pays. Les divisions anglaises, américaines, canadiennes et françaises sont à quelques kilomètres de Paris. Les Allemands tiennent toujours la capitale, mais les renforts se font attendre. A la tête de ces quelques centaines d'hommes, jeunes et inexpérimentés, se trouve le général Von Choltitz (Niels Arestrup), gouverneur du Grand Paris. En poste depuis quelques semaines, il est investi d'une mission qu'il entend accomplir en bon militaire obéissant aux ordres sans discuter. Au balcon de sa suite de l'hôtel Meurisse, il fume une cigarette et admire la ville lumière. Le Louvre, la Tour Eiffel, Notre Dame. Ces monuments, célèbres de par le monde, ne seront plus que ruines dans quelques heures.

Von Choltitz est chargé de raser Paris. Les Alliés, en arrivant dans la capitale, ne découvriront qu'une scène de désolation. Des dizaines de charges sont placées sur tous les ponts et monuments. Tout explosera au même moment. Même la Tour Eiffel, lestée de quatre torpilles sous-marines à chaque pied s'écroulera tel un château de cartes. Ce scénario apocalyptique est l'œuvre de l'ingénieur français Lanvin. Sa parfaite connaissance de la capitale lui permet d'optimiser la destruction. La main tremblante, la voix cassée, il explique le plan à Von Choltitz, froid et imperturbable. Il ne reste plus qu'à relier toutes les charges entre elles et ordonner la mise à feu, centralisée dans les sous-sols de l'Assemblée nationale.

Éloge de l'insoumission
En un petit quart d'heure, le spectateur est plongé dans ce véritable cauchemar. Qui n'a pas eu lieu mais qui fait encore froid dans le dos. Un quart d'heure, c'est le temps qu'il faut à Raoul Nordling (André Dussollier), consul de Suède à Paris, pour entrer en jeu. Alors que les canons tonnent au loin et que l'électricité se coupe par moment, la suite est plongée dans le noir. Quand la lumière revient, le général allemand n'est plus seul. Tel un fantôme, Raoul Nordling a fait son apparition près de l'imposante bibliothèque. Voilà quelques heures qu'il observe Choltitz derrière une glace sans tain. Il est vrai que cette suite regorge de secrets. Dont un passage souterrain qu'il a utilisé. Le diplomate vient remettre un message du général Leclerc. Il finira en miettes dans la poubelle, sans même avoir été lu. Nordling va alors abattre ses cartes une à une. Dans un baroud d'honneur, pour sauver ce décor merveilleux, il va tenter de culpabiliser le militaire, essayer de lui faire comprendre que sa décision le fera entrer dans l'Histoire : « Les généraux ont souvent le pouvoir de détruire, rarement celui d'édifier ». Un duel où chacun tentera de persuader l'autre.
Adapté d'une pièce de théâtre de Cyril Gély, ce long dialogue, avec Paris en toile de fond, permet à deux acteurs d'exception de montrer toute l'étendue de leur talent. Le réalisateur, Volker Schlöndorff, semble avoir rajouté quelques scènes en extérieur presque à contrecœur, comme si l'essentiel se déroulait entre ces quatre murs d'un hôtel de luxe. Deux vies face à face pour une ville. Mais quelle ville.

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Niels Arestrup l'insoumis

Des deux rôles de cette pièce de théâtre jouée plus de 200 fois avant d'être adaptée au cinéma, celui du général allemand est le plus risqué. Niels Arestrup s'en tire plus qu'avec les honneurs. Vainqueur du César du meilleur second rôle vendredi dernier pour « Quai d'Orsay », il pourrait sans difficulté rafler celui du meilleur acteur l'année prochaine pour son interprétation du général von Choltitz dans « Diplomatie ». Il a parfaitement endossé cet uniforme de dignitaire nazi pourtant difficile à porter. 
Sec, abrupt, désabusé il s'impose comme le plus humain de tous les protagonistes même si c'est à lui que revient « l'honneur » de donner l'ordre de destruction de Paris. Toute la force de Niels Arestrup est de faire ressortir et interpréter au fil des heures le doute qui s'immisce dans l'esprit de cet homme. Il faudra des trésors d'ingéniosité au diplomate, interprété par André Dussollier, forcément plus ambigu, pour emporter la décision. Niels Arestrup rend sa dignité à un homme, militaire intransigeant, qui, pour la première fois de sa longue carrière, découvre les bienfaits de l'insoumission.

Polar - La vieille qui voulait tuer le Bon Dieu enfin en poche !

Adeptes du bon goût s'abstenir. Mémé Cornemuse, l'héroïne totalement déjantée imaginée par Nadine Monfils est de retour. Cette grand-mère indigne, fan de Jean-Claude Van Damme et d'Annie Cordy, imagine le casse du siècle. Une bijouterie regorgeant de breloques. Elle emménage donc dans un immeuble ou vit ce genre de locataire « qui avait un gros grain de beauté sur la joue gauche, garni d'un poil noir. Avec le double menton, on aurait dit une sorte de bonobo en jupe plissée. » Et si vous en voulez plus, jetez-vous sur « Mémé goes to Hollywood », la nouveauté 2014 qui vient de sortir chez Belfond. (Pocket, 6,10 €)

mardi 4 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Le succès planétaire du "Hollywood selfie"


Toute la différence entre les Oscars et les Césars se résume à une histoire de selfies, ces photos prises à bout de bras avec son smartphone et que l'on partage sur les réseaux sociaux.
Vendredi soir, Kev Adams se photographie sur scène en compagnie de Cécile de France, la "maîtresse" de cérémonie. Une image reprise sur Twitter un peu plus de 900 fois. Dimanche, aux Oscars, l'autre maîtresse de cérémonie, Ellen DeGeneres, demande à Bradley Cooper de réaliser un selfie où elle est entourée de quelques stars. En moins d'une heure, le selfie hollywoodien est repris un million de fois. Depuis la fin de la cérémonie, il dépasse les deux millions. Aujourd'hui il est à plus de 3 millions... Oscars 1, Césars 0.
Rien d'étonnant. Le casting US était plus affriolant que Kev Adams dont l'étiquette d'humoriste se voit de plus en plus mise à mal, notamment vendredi soir. En plus de Bradley Cooper, figuraient sur le cliché Jennifer Lawrence, Jared Leto, Angelina Jolie, Meryl Streep, Brad Pitt, Julia Roberts, Kevin Spacey...
De mauvaises langues soupçonnent ces selfies d'être des publicités déguisées ; un appareil sud-coréen de marque identique a servi aux deux photos, je ne la citerai pas car "ça me saoule". Or d'ordinaire, Ellen DeGeneres utilise le haut de gamme d'une marque américaine fruitée. Il se peut que des publicitaires branchés et tordus (double pléonasme) aient eu cette idée pour montrer leur produit. Mais vu les résultats, à leur place, je demanderais sur-le-champ à Kev Adams de rendre le 'dessous-de-table' qu'il a forcément dû empocher.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Argent puant dans "Hedge Fund"


Inspiré des souvenirs de Philippe Sabbah, banquier et co-scénariste, la série « Hedge Fund » ne vous réconciliera pas avec le capitalisme s'il vous fait horreur. Sabbah a parfaitement connu ce milieu de traders et hommes d'affaires qui manient les millions comme d'autres des pièces de 1 euro. Avec l'aide de Tristan Roulot il a romancé cette histoire de jeune loup prêt à tout pour s'imposer dans un monde impitoyable. 
Il fallait un dessinateur réaliste pour cette série. Patrick Hénaff se charge parfaitement de la mission, alternant open space, villas luxueuses et boites de nuit branchées. 
Franck Carvale, jeune Français, exilé à Hong Kong pour cause de faillite à Paris, vivote en vendant des assurances retraite peu rémunératrice. En rencontrant un certain Bilkaer, il met le pied dans ce système des hedges funds, abomination capitalistique qui rapporte gros aux plus joueurs... et immoraux. 
Grâce à des explications claires et simples, on a presque l'impression de se retrouver dans la peau de Carvale. Cela peut donner envie à certains. Faire vomir d'autres. Un premier tome épatant qui annonce une suite encore plus palpitante.

« Hedge Fund » (tome 1), Le Lombard, 12 €

lundi 3 mars 2014

BD - Jéromeuh, un garçon au poil

Jéromeuh (avec Meuh comme une vache qu'il n'est pourtant pas...) a commencé par dessiner sur un blog. Des gags où il se mettait en scène. Succès immédiat. Il est vrai qu'il aborde un sujet assez peu commun dans la bande dessinée : la vie en couple. Mais pas n'importe quel couple. Jéromeuh vit avec son « prince charmant, Philippe ». Après avoir décortiqué cette histoire d'amour dans un premier album, il revient avec des gags et histoires courtes qui voient l'arrivée d'une troisième pièce dans le puzzle : sa meilleure amie, blonde écervelée radicalement hétéro... 
La rencontre de ces trois est souvent explosive. Jéromeuh sert parfois de punching-ball entre les deux. Il doit faire preuve d'une grande diplomatie quand la belle, larguée par son mec, vient squatter chez les garçons. C'est finement observé, jamais vulgaire et au contraire presque trop romantique comme la demande en mariage ou l'hommage à Bernadette Laffont. Une BD qui prend aussi position, pour le mariage gay, contre les intolérants. Parce qu'on peut rire de tout, mais il y a des limites face à la bêtise...

« Un garçon au poil », Jungle, 13,95 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Anti-Neknomination


Le triste phénomène de la Neknomination sur Facebook a à peine eu le temps de devenir célèbre que plusieurs contreprojets ont vu le jour pour détourner un concept au summum de la bêtise (voir chronique du 14 février). A la base, il s'agit de boire cul sec une forte quantité d'alcool devant sa webcam et défier trois amis d'en faire autant.

Une chaîne de beuverie si inquiétante que certaines institutions ont même lancé des campagnes de communication comme le département des Alpes-Maritimes. Sous le mot-dièse #StopNeknomination, le slogan malheureusement vrai « L'alcool ne tue pas que les conducteurs... » devrait faire réfléchir. D'autres tweets demandent de « Briser la chaîne » en disant simplement non.
Même la ministre de la Santé Marisol Touraine publie un tweet pour dire que « Le courage, c'est de dire non ! »



Autre initiative, celle d'un internaute qui profite de la date du 14 février pour lancer le défi d'offrir des fleurs à une inconnue. Et de demander à trois amis de faire pareil. La chaîne des fleurs est tout de suite plus poétique que celle de la biture. Mais celui qui a le plus de succès (du moins au niveau des médias), est un jeune Bordelais. Au lieu de boire de l'alcool, Julien Voinson a initié une chaîne de bonnes actions - la smartnomination - où on le voit distribuer de la nourriture à des sans-abri.
Comme quoi, toute idiotie, une fois dénoncée et détournée, trouve son utilité dans une société en manque de repères.

dimanche 2 mars 2014

BD - Clarke va mieux, il le raconte dans "Les Etiquettes"


Clarke, dessinateur de Mélusine, a une vie de rêve. La série marche très bien, il a suffisamment de temps pour signer des albums plus personnels, ses enfants sont en bonne santé. Le seul problème, c'est son couple. Il a explosé. Avec pertes et fracas. Il ne comprend toujours pas et a décidé de mettre ces interrogations sur papier. Des histoires courtes de trois à cinq pages, en noir et blanc, écrites et dessinées avec les tripes. Il y a des passages assez déprimants, d'autres plus joyeux. 
Car même si on s'enfonce dans une dépression, la vie autour de soi continue et parfois vous révèle de belles surprises. Comme cette jolie demoiselle rencontrée en terrasse et qui lui explique comment remplir des étiquettes autour de soi. Et de s'en coller une sur le front. Clarke sera le « dessinateur ». Il l'accepte et va déjà beaucoup mieux. Il raconte aussi ses amours furtives dans les festivals, ses tentatives de faire du sport ou de comprendre ses enfants, quasiment adultes... 
Et puis il rend visite à son oncle, dessinateur de BD aussi. Un certain Pierre Seron. Attention, émotion garantie dans ces quelques dessins d'une grande tendresse.

« Les étiquettes », Glénat Treize Etrange, 15 €

samedi 1 mars 2014

BD - Sénatrice au combat dans la suite d'Alter Ego


Deux mois après le premier volet, la suite de la saison 2 d'Alter Ego débarque dans les librairies. Les auteurs, Renders et Lapière au scénario, Efa et Elias au dessin, ne laissent pas les lecteurs souffler. Après la présentation de la secte dominée par Noah Mendez, fils du président et principal manipulateur de la saison 1, la sénatrice Delia Mikulski entre en scène. Cette démocrate fait partie de la commission d'enquête chargée de trouver les coupables de l'affaire des Alter-Ego. Elle ne croit pas à ces jumeaux virtuels dont la santé est interdépendante. 
Pour elle, cette affaire n'était qu'une opportunité pour la NSA de surveiller massivement les citoyens du monde entier. Pourtant elle va douter quand Teehu (personnage au centre du premier tome) lui révèle l'existence d'une sœur jumelle. Delia protégée par Doug, chevalier servant prêt à tout pour sa belle, d'autant que deux autres membres de la commission sont assassinés en quelques jours. Palpitant, passionnant, étonnant... Ce n'était pas évident, mais c'est devenu indéniable : la suite d'Alter Ego vaut largement l'original.

« Alter Ego, saison 2 » (tome 2), Dupuis, 12 €