jeudi 6 février 2014

Cinéma - L'horreur bourgeoise d'un beau dimanche

Entre club de plage en bord de Méditerranée et grande propriété bourgeoise dans un Sud-Ouest aisé, Un beau dimanche de Nicole Garcia raconte le rejet violent de cet habitus de classe popularisé par Pierre Bourdieu.


La famille et ses carcans sont au cœur du propos de ce film lumineux de Nicole Garcia. La réalisatrice retrouve son cher sud méditerranéen pour y planter le cadre de cette histoire d'amour... et de haine. Amour naissant d'un homme pour une femme. Haine persistante et irrémédiable pour sa famille.
Instituteur remplaçant, Baptiste (Pierre Rochefort) est un jeune homme doux et patient avec ses élèves. En cette veille du week-end de Pentecôte, il raccompagne le jeune Mathias chez son père. Le gamin attendait vainement sur le trottoir qu'on vienne le chercher. Finalement l'instituteur propose de garder l'enfant pour le week-end. Cela soulage le père qui a prévu de faire la fête à Monaco avec sa dernière conquête. Le lendemain, ils vont à la plage. Mais pas n'importe laquelle. Celle qui accueille le club où la mère de Mathias travaille comme serveuse. L'accueil de Sandra (Louise Bourgoin) est glacial. Elle n'a pas le temps de s'occuper de son fils. Mais elle propose à l'instituteur de rester pour le week-end. Baptiste accepte.

La première partie du film montre Baptiste comme un homme absent, pas du tout concerné, simplement spectateur d'une vie sociale où il n'a pas sa place. On comprend qu'il ne veut pas s'attacher, avoir des rapports approfondis avec les gens qu'il croise. Louise Bourgoin interprète une femme dépassée par les événements : l'arrivée inopinée de son fils mais surtout la réapparition d'anciennes connaissances qui veulent qu'elle solde une dette ancienne. 50 000 euros à trouver de toute urgence. Ou fuir. Une fois de plus.
Cette dette va rapprocher les deux jeunes adultes. Baptiste, pour une fois, va agir. Il ne promet rien mais a peut-être une solution. Dans la veille Mercedes de Sandra, le trio part vers la propriété familiale de Baptiste. Un autre monde. Totalement inconnu pour Sandra, volontairement oublié par Baptiste. Cela fait plusieurs années qu'il n'est plus revenu dans cette vaste demeure (une dizaine de chambres) entourée d'un parc centenaire. Il a coupé tout lien. Pour Sandra, il va faire cet effort surhumain de renouer avec sa famille.

Le retour du fils prodigue
Ce beau dimanche se déroule autour de la table dressée sur la terrasse dominant le fleuve (écrevisses au menu), de la piscine et du cours de tennis. Si Baptiste vivote avec son salaire d'instituteur remplaçant, c'est contre l'avis de sa mère Liliane (Dominique Sanda) de ses frères et sa sœur. Sa part d'héritage l'attend. Avec les intérêts. Préféré du père chef de clan, Baptiste a rejeté cet avenir tout tracé. Est-ce enfin le retour du fils prodigue ?
Nicole Garcia semble avoir mis un peu de son propre vécu dans ce long-métrage tourné dans la région. Y a-t-il une ressemblance entre les rapports de Liliane et Baptiste et ceux de la réalisatrice et son acteur principal, mère et fils dans le civil. Pierre Rochefort, fils de Jean Rochefort, n'a pas immédiatement embrassé la carrière d'acteur. Comme s'il se cherchait une personnalité propre. Il a été musicien, a même fait du rap... Aujourd'hui il semble être revenu au bercail. A l'opposé du héros du film. Personne ne va s'en plaindre car il impose sa présence dans un rôle difficile. Souvent muet et en retrait, il doit cependant faire passer toute la complexité de son personnage, ses déchirements et renoncements. Avec Louise Bourgoin ils forment un couple aussi simple et évident que leur existence est compliquée. Sandra l'avoue : « Je t'aime parce que tu es triste. » Heureusement, parfois, le bonheur se moque des conventions de classe, des héritages et des dettes.
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Louise Bourgoin, fragile et sauvage

Difficile de se débarrasser de l'étiquette « Miss Météo » de Canal+. Louise Bourgoin, malgré le temps et les films, garde toujours l'image de cette fofolle sexy pleine de gouaille et d'humour décalé. Pourtant c'est une actrice à part entière désormais, sa prestation dans Un beau dimanche en est une nouvelle preuve éclatante. Dans le rôle de cette mère séparée, criblée de dettes, acculée, elle apporte une fragilité qui fait mouche. Sous ses airs un peu sauvages, elle est d'une extrême sensibilité. Sa rencontre avec l'instit' de son fils, secret, timide, si peu à sa place, va bouleverser sa vision de la vie. Leur lent coup de foudre prouve qu'on a toujours le choix de son destin. Dans le bon ou le mauvais sens. Particulièrement à l'aise en serveuse efficace et bonne camarade, elle joue un double rôle. Car souvent, dans la vie, comme dans les films, les apparences sont trompeuses.
Louise Bourgoin excelle dans cette fille du sud, à l'aise avec son corps et le soleil.
Le film a été réalisé pour une bonne moitié au bord de la Méditerranée, dans un club de plage près de Béziers. La maison familiale de Baptiste est située dans un domaine près de Toulouse. Pour s'y rendre, le trio prend l'autoroute. On voit fugitivement la sortie de Castelnaudary. Ce long-métrage de Nicole Garcia a donc été tourné en (toute petite) partie dans l'Aude.

mercredi 5 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - De la théorie de la domination du monde par les chats, Oscar mieux que Mambo

Oscar le chaton marseillais a fait mieux que Mambo, le chien catalan. Le lanceur de chat a écopé d'un an de prison ferme alors que les tortionnaires de Mambo s'en étaient tirés avec six mois... Différence aussi dans la rapidité de réaction de la justice. La vidéo postée sur internet mercredi a permis l'arrestation du coupable le vendredi et son jugement, en comparution immédiate, le lundi. A contrario, il a fallu plusieurs mois avant que justice ne soit rendue à Mambo.

Le fait divers de Marseille est symptomatique de l'évolution de notre société. La cause féline semble mobiliser et indigner les Français beaucoup plus que les grands scandales humanitaires actuels. La faute à Internet répondent les détracteurs du réseau mondial. Non, la faute aux chats, les véritables maîtres du net, voire du Monde.
Les matous débutent leur domination avec une arme redoutable : le ronronnement. Comment résister au doux bruit de cette boule de poil lovée sur vos genoux ? Ensuite ils soudoient les fonctionnaires des PTT pour apparaître le plus souvent possible sur les calendriers dans des poses avantageuses et craquantes. Et puis ils inventent le "lolcat". Des photos toutes plus mignonnes les unes que les autres. Ils déferlent sur les murs Facebook, les comptes Instagram. Partout, ils sont partout !
Alors quand l'un d'entre eux est malmené, la réplique est immédiate et implacable. A l'avenir, quand vous croiserez un chat dans la rue, n'oubliez pas de le saluer poliment. Sinon, il pourrait vous en coûter.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Naufragés des glaces sur Sibéria 56


Comment survivre sur une planète hostile ? Cette question est à la base de nombre d'œuvres de science-fiction. Dans « Sibéria 56 », Christophe Bec, le scénariste, apporte sa vision, magistrale et spectaculaire, sur des dessins d'Alexis Sentenac. Sibéria est la 56e planète de précolonisation terrienne. Une base scientifique y est installée depuis quelques années. La relève arrive. Mais la navette avec quatre astronautes dedans est prise dans une tempête de glace. L'engin se crashe à des kilomètres de la base. Ils devront faire le trajet à pied, dans des combinaisons performantes mais qui ne les mettent pas à l'abri de tous les dangers de ce monde hostile. 
Il y a un peu d'Alien (le groupe diminue au fil des jours), de Dune (de gros vers affamés chassent les petits humains) et de la planète interdite (le principal ennemi est quasiment invisible). Toute une ribambelle d'hommages à un genre que Bec raffole. Et comme il est excellent dans son domaine, le tout est cohérent et original alors que cela aurait pu tourner au bête plagiat. Grâce aussi aux dessins de Sentenac, très à l'aise dans ces décors de glace et de désolation.

« Sibéria 56 » (tome 1), Glénat, 13,90 €

mardi 4 février 2014

Livres - Histoires de bébés et autres romances avec Marie-Bernadette Dupuy

Sage-femme fraîchement diplômée, Angélina s'est juré d'honorer le nom et le métier de sa mère, alors qu'arrive « Le temps des délivrances ».

Il est des évidences difficiles à contester, Marie-Bernadette Dupuy possède une plume d'une prolixité telle qu'elle frise parfois la démesure. La quantité au détriment de la qualité, voilà ce que peut craindre le lecteur. 
L'auteure ne partage (évidemment) pas cet avis, elle qui déclare en préambule de son livre : « Une demande qui revient fidèlement au fil des courriers et des rencontres : une suite, écrivez-nous une suite ! ». On veut bien la croire et certes, ces papivores-là ne sont pas déçus, les romans-pavés de M-B Dupuy comptent rarement moins de 700 pages. Et 700 de plus pour la suite, et 700 autres pour la suite de la suite. Un peu comme ces films qui obtiennent un succès d'audience tel que les producteurs et/ou réalisateurs ne résistent pas à l'envie de tourner un deuxième, troisième, quatrième voire cinquième opus (cf Terminator où ce brave Schwarzy finit par s'essouffler un rien. Faut dire qu'à l'époque, il ne s'était pas encore mis à la bière light). « Le temps des délivrances » ne déroge donc pas à la règle, qui succède aux « Mains de la vie ».

La bonne et l'enfant
Vous l'aurez compris, je ne suis pas particulièrement fan de ce genre de production littéraire. Beaucoup de redondances, un côté bien-pensant quelque peu agaçant, d'inévitables répétitions à peine déguisées (il faut bien les remplir, ces 700 pages ! Aussi, vous deviendrez incollable sur la manière d'accoucher au XIXe siècle ) et un style plutôt ampoulé. « La liberté ne siérait qu'aux hommes, reprit-elle. Ils prennent leur plaisir et après ils s'en vont sans se soucier des conséquences. (…) Vous étiez tout disposé à faire de même avec moi, me conquérir et me laisser derrière vous ! (...) A présent ivre de rage et de chagrin, Angélina le saisit par les épaules. Elle lui murmura de très près : (…) sans Gersande (sa bienfaitrice, ndlr), mon enfant serait un bâtard ! Elle était si proche de lui qu'il eut un élan instinctif vers elle, autant pour la faire taire que sous le coup d'un désir impérieux. L'enlaçant avec fermeté, il s'empara de ses lèvres, douces et satinées ».
Malgré ses faiblesses, le livre présente néanmoins quelques aspects séduisants. Les aventures d'Angélina, jeune sage-femme de 22 ans dans la petite ville ariégeoise de Saint-Lizier en cette fin XIXe, se révèlent pleines de rebondissements. Assez peu crédibles sans doute et attendus, sûrement. Une vieille aristocrate bienfaitrice de la costosida (sage-femme en occitan), deux jeunes hommes séduisants dont l'un est le père de son enfant caché, une petite bonne recueillie alors qu'elle mendiait, en guenilles, sur le parvis d'une église, un père qui commence par la renier (fricoter en dehors des liens sacrés du mariage, il trouvait ça moyen) mais ensuite pardonne et tombe sous le charme de son petit-fils. Autant de bons vieux clichés qui font pleurer dans les chaumières mais, accommodés à la sauce Dupuy, assurent quelques heures d'évasion aux lectrices en mal de « belles histoires ». D'un romantisme échevelé par bien des côtés, elles sont agrémentées de quelques scènes de sexe osées juste ce qu'il faut pour ajouter un zeste de piment à l'ensemble. Passages qui feraient tout juste ricaner monsieur Grey, mais M-B Dupuy ne joue pas dans la nuance.
D'ailleurs, c'est bien pour cette raison qu'on finit par la trouver sympathique, Marie-Bernadette. Sans autre prétention que de les contenter, elle propose à ses lecteurs(trices) d'abandonner le temps d'une lecture, leur quotidien accablé par les soucis, et de s'immerger dans l'univers de rêves et d'illusions sorti tout droit de son imagination.
Fabienne HUART

« Le temps des délivrances - Angélina », Marie-Bernadette Dupuy, Calmann-Lévy, 22,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - La grève qui soulage

Pour une fois, la détérioration du climat social en France me ravit au plus haut point. Hier, les dentistes n'ont pas ouvert leurs cabinets. Voilà une grève bien agréable pour les douillets.
Longtemps j'ai ricané des amis, parents et connaissances qui redoutaient le passage sous la roulette de ces sociopathes en puissance que sont les dentistes. Jusqu'à ma première carie. J'ai alors découvert moi aussi l'enfer de la rage de dent. J'ai cru avoir atteint le summum de la douleur. Perdu ! Il y a pire. Cela s'appelle "soins" dentaires. Certes, sur le long terme on est soulagé. Mais une fois installé dans le fauteuil, tête en arrière, bouche grande ouverte encombrée d'un tuyau qui aspire la salive dans un bruit des plus ragoûtants et que la roulette attaque la dent malade pas encore bien anesthésiée, on se maudit d'avoir cédé à cette douleur qui, finalement, n'était pas si insupportable comparée à celle que l'on subit présentement.
Sans compter les effets retards. On a l'air bien bête à tenter d'articuler pour se faire comprendre alors que la moitié du visage est toujours paralysée par l'anesthésie.Et n'oublions pas le filet de bave qui s'écoule de la commissure des lèvres et que l'on ne sent qu'une fois arrivé au niveau du menton.
Pas de doute, il faut souffrir pour avoir de belles dents. A l'opposé, il ne faut pas craindre de faire souffrir pour soigner. Tant et si bien que je soupçonne certains dentistes d'avoir choisi cette voie uniquement pour assouvir en toute tranquillité des pulsions sadiques irrépressibles. Alors franchement, j'adore cette journée de grève.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

lundi 3 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Trop forte mam'zelle Zaz

L'industrie du disque se porte bien. Les ventes ont légèrement augmenté en 2013. Côté français, ces statistiques permettent de connaître le classement, toujours très commenté, des artistes les mieux rémunérés. Comme chaque année, c'est Mylène Farmer qui arrive en tête, suivie par Maître Gims, révélation rap de l'année. Ce dernier vend beaucoup de disques, mais doit certainement gagner encore plus d'argent grâce à ses produits dérivés, notamment les vêtements mis en valeur dans ses clips transformés en simples publicités déguisées.

Étonnant, Johnny Hallyday a toujours une place sur le podium. Pourtant, il ne fait plus recette. Pour preuve, il y a quelques mois, les piles de beaux livres sur sa vie son œuvre, soldés 5 euros (au lieu de 35…) dans une grande surface comme de vulgaires yaourts dont la date de péremption est presque dépassée. Il a quand même empoché 3 millions en 2013, ce qui explique son exil fiscal définitif et sans espoir de retour…
La véritable surprise, c'est de retrouver Zaz à la quatrième place. Elle est moquée sur internet mais a su faire fructifier ses premiers succès et élargir son public. Moins présente en France, elle s'impose à l'étranger. 300 000 exemplaires de son album "Recto Verso" ont trouvé preneur hors des frontières de l'Hexagone. Elle incarne la chanson française par excellence comme en son temps Mireille Mathieu.
Une belle revanche pour cette artiste qui a débuté en chantant "J'aime la saucisse avec de l'aligot !" du cultissime rap "Bienvenue en Aveyron".

Chronique "De choses et d'autres" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Mélange de genres dans Plonéïs l'incertain de Arleston, Sala et Hübsch


Nouvelle Légende de Troy avec l'histoire de Plonéïs l'incertain. On retrouve Arleston au scénario, aidé de Jean-Luc Sala, et Hübsch au dessin. Dans ces 48 pages il y a bien évidemment de la magie, des trolls et beaucoup de jolies femmes. Plonéïs et son compagnon d'armes Mahalon, après une excellente transaction avec une tribu locale, va se détendre dans la maison close de Mme Lyra. Problème, la mère maquerelle a le pouvoir de transformer les hommes en femmes. 
Face à la beauté de Plonéïs, elle le métamorphose en accorte femelle, seins fermes et fessier rebondi. Les scénaristes sont allés encore plus loin dans les détails scabreux et allusions coquines. Un album torride qui devrait faire rêver bien des adolescents en pleine poussée de sève...

« Plonéïs l'incertain », Soleil, 13,95 €


dimanche 2 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Première dame et second rôle pour Julie Gayet

2014 ne sera décidément pas une bonne année pour François Hollande. Non, je ne parle pas de la courbe du chômage, toujours pas inversée, ni des sondages d'opinion toujours plus bas et encore moins des élections-sanctions. C'est au plan personnel, privé, que l'année 2014 s'annonce de plus en plus marquée par la scoumoune.

A peine sorti du scandale révélé par Closer et de sa séparation avec celle qu'il avait présentée comme la "femme de ma vie", que ses déboires conjugaux reviennent dans la conversation de toutes les pipelettes hexagonales (hommes ou femmes, dans cet exercice, aucune théorie du genre qui tienne). Julie Gayet, la supposée nouvelle Première dame, est nommée aux Césars 2014 pour son rôle dans "Quai d'Orsay". Et tout le monde de se demander : François Hollande sera-t-il dans le public du Théâtre du Châtelet le 28 février prochain pour attendre, anxieux, le résultat du vote des "professionnels de la profession" ? Et si elle gagne, va-t-elle dans son discours de remerciements y inclure François, cet homme "humble et à l'écoute" ?
En réalité, le président aura sûrement autre chose à faire de plus important ce soir-là. De plus, Julie Gayet ne concourt que pour le césar du meilleur second rôle. Première dame et second rôle, plutôt incompatible...
Par contre la présence de Nicolas Sarkozy est probable. Lui aussi viendra soutenir une actrice nommée dans cette catégorie. Une certaine Marisa Borini dans "Un château en Italie", sa belle-mère dans le civil !

Chronique "De choses et d'autres" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant. 

samedi 1 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'armée russe interprète Get Lucky des Daft Punk

Les autorités russes mettent un point d'honneur à la réussite exemplaire des Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi. La cérémonie d'ouverture, le 7 février, dans pile une semaine, doit être grandiose, à l'image du pays hôte et de son président, si fort, si musclé, si physique, si tolérant (cherchez l'erreur...).

Les récentes lois contre « toute propagande homosexuelle » devant des mineurs ont provoqué une levée de boucliers partout dans le monde occidental, notamment auprès de la jeunesse branchée. Alors pour s'accorder les faveurs de cette frange de la population, un apparatchik a eu l'idée géniale d'associer ce qui se fait de plus traditionnel dans la Sainte Russie au tube dance du moment. Clou du spectacle de vendredi prochain, les Chœurs de l'armée russe interprèteront « Get Lucky » du groupe Daft Punk.
Non, vous ne rêvez pas, les virils organes de la seconde puissance militaire mondiale vont tenter d'accommoder à leur sauce les couplets suraigus de la chanson du duo français, hommage à peine déguisé au disco des années 80, celui des Bee Gees, groupe vénéré par les gays autant que les Village People et Chantal Goya.

Un clip  tourne déjà en boucle sur internet. Le contraste est saisissant. Bien alignés, torse bombé pour mieux faire ressortir leurs multiples médailles, les soldats russes entonnent à tue-tête « Get lucky ! » Quelques gros plans nous montrent des interprètes pour le moins dubitatifs, peu à l'aise, comme statufiés. Chanter de la Dance, passe encore. Se dandiner, hors de question. Le prestige de l'uniforme n'y survivrait pas.

Chronique "De choses et d'autres" parue vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

Cinéma - Duel entre le cow-boy et le sida dans "Dallas Buyers Club"

Cowboy texan amateur de rodéo et de jolies filles, Ron Woodroof a créé le Dallas Buyers Club en 1986. Son but, trouver des remèdes alternatifs au sida.


Des films sur le sida, il y a en des quantités. Des communautaires, des larmoyants, des alarmistes... Jean-Marc Vallée, réalisateur québécois, signe avec « Dallas Buyers Club » un de ces long-métrages coup de poing inoubliables, le film référence sur l'apparition de cette maladie du siècle. Une histoire forte portée par un acteur d'exception. Le visage émacié mais déterminé de Matthew McConaughey est le symbole de cette lutte sans fin contre un virus qui a profondément changé le mode de vie de millions d'êtres humains.
En 1986, le sida commence à peine à faire parler de lui. Pourtant la pandémie est en pleine progression. Le virus fait des ravages dans la communauté homosexuelle. Mais il se transmet aussi par les seringues des drogués et les relations sexuelles non protégées. Ron Woodroof se croit à l'abri, lui qui ne supporte même pas la vue d'un gay. Ron, simple électricien, amateur de jolies filles et de rodéo dans ce Texas profond, raciste et macho. Après une électrocution sur un chantier, il se réveille dans un hôpital. Les médecins, sans trop de ménagement, lui annoncent qu'il est porteur du virus HIV. Et vu l'avancement de la maladie, il ne lui reste que 30 jours avant de mordre la poussière. Définitivement.

Les ravages de l'AZT
Pour Ron, c'en est trop. Il quitte l'hôpital avec pertes et fracas (la scène se reproduira à plusieurs reprises) offusqué d'être assimilé à des pratiques sexuelles qu'il abomine. Durant quelques jours il va vivre sans limites, profitant de cet arrêt maladie pour faire la fête, forniquer, boire et sniffer un maximum de cocaïne. Un déni qui ne durera pas. Évanouissement, impuissance, toux persistante : les symptômes sont là. OK, il a le sida, mais n'a pas l'intention de mourir si vite. Ron va prendre le taureau par les cornes et chercher le meilleur médicament. Il fera tout pour obtenir de l'AZT, une molécule en période de test.

L'électricien sans bagage éducatif va devenir expert en recherche médicale. Après un nouveau bref séjour à l'hôpital qu'il quitte cul nu en beuglant « Je préfère crever les santiags aux pieds ! », Ron va tenter un nouveau protocole à base de médicaments moins destructeurs que l'AZT. Problème, il ne sont pas autorisés par l'agence fédérale des médicaments, la FDA. Ainsi naîtra le Dallas Buyers Club, une association qui distribue aux séropositifs des soins alternatifs au détriment de l'AZT, seul traitement autorisé aux USA.
La moitié du film est consacrée à la bataille entre Ron et la FDA. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le vrai combat, c'est contre la maladie qu'il le mène. Et sa bêtise. Face à l'adversité, il va changer, se bonifier intellectuellement au même rythme que son physique décline. Il deviendra tolérant, notamment envers les Gays dont il découvrira toute l'humanité en côtoyant Rayon (Jared Leto), ange transsexuel fauché par la maladie. Comprendra mieux les médecins aussi grâce à sa relation avec le docteur Eve Saks (Jennifer Garner), passant de la drague poussive à l'amitié féconde. Mais ce qui reste du film, c'est la performance d'acteur de Matthew McConaughey déjà primé aux Golden Globes et très bien placé pour l'oscar. Un rôle physique (il a perdu 22 kilos pour être Ron) mais qui passe aussi par d'innombrables gros plans sur son visage creusé, veines saillantes et yeux vitreux. Il souffre, mais en cow-boy habitué à l'adversité, il ne cède jamais et poursuit son duel jusqu'au bout du bout.
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Éblouissant Jared Leto

Si Matthew McConnaughey éclabousse de son talent le film de Jean-Marc Vallée, il n'est pas le seul à tétaniser le spectateur. Jared Leto, dans la peau du transsexuel séropositif Rayon, marque lui aussi les esprits. Le jeune acteur américain, révélé dans la série pour adolescents « Angela, 15 an », passé par la scène rock, retrouve enfin un rôle à la mesure de sa formidable propension à habiter un personnage.

On se souvient de sa composition dans « Fight », performance balayée par sa métamorphose en « folle » mise au ban de sa famille. Maquillé ou au naturel, il est d'une beauté à couper le souffle. Ron, cowboy macho, le rejette au premier contact (ils partagent la même chambre d'hôpital). Il retournera vers lui quand il mettra sur pied sa petite entreprise de revente de médicaments non homologués. Au début des années 80, 90 % des malades du sida étaient homosexuels. Pour toucher cette clientèle, il « embauchera » Rayon en lui cédant 25% des bénéfices. Ensuite ce sera l'aventure du Dallas Buyers Club, moins mercantile. Rayon s'installe avec Ron, une quasi vie de « couple » pour ces deux personnalités que tout sépare si ce n'est ce foutu virus. Cela donne une scène emblématique de l'évolution de Ron. Alors qu'il est au supermarché en train de faire ses courses, il croise un de ses anciens collègues. Lui aussi carbure au rodéo, à l'alcool et à la stigmatisation des homos. Repérant Rayon, il fait remarquer à Ron qu'ils sont de plus en plus sans gène. Ron présente alors Rayon à l'intolérant, l'obligeant à lui serrer la main. Jared Leto, entre feu follet papillonnant à l'excès et gamin perdu, angoissé à l'idée de la mort, apporte une dimension mélodramatique supplémentaire à un film résolument optimiste.