jeudi 10 mai 2012

BD - "Gringos locos" : trois Belges en vadrouille


En 1948, craignant une troisième guerre mondiale nucléaire en Europe, le dessinateur Jijé décide de s'expatrier aux USA en compagnie de toute sa famille. Il emporte dans ses bagages deux jeunes auteurs, Morris et Franquin. Ce périple totalement délirant fait partie de la légende de la BD franco-belge. 


Ces trois génies ne parviendront pas à se faire embaucher par les studios Walt Disney et trouveront une porte de sortie au Mexique, continuant leurs séries respectives (Spirou, Lucky Luke) depuis Tijuana. Yann, le scénariste, a cette idée d'album en tête depuis des années. Il a collecté les anecdotes de la bouche même de Franquin. 

Dessinée par Schwartz, cette épopée est très romancée. Un peu trop au goût des héritiers qui ont bloqué la parution de l'album, puis obtenu le rajout d'un texte présentant « leur vérité ». Un complément documentaire qui enrichit cet album événement, très attendu et particulièrement réussi.

« Gringos locos », Dupuis, 14,95 € 

mercredi 9 mai 2012

BD - La "deuxième génération" après la Shoah


Un peu en écho à « Maus » d'Art Spiegelman, Michel Kichka publie « Deuxième génération, ce que je n'ai pas dit à mon père ». Dessinateur de presse d'origine belge et vivant actuellement en Israël, Michel Kichka est le fils d'un rescapé des camps de la mort. Né en 1954, Michel va découvrir, ce qu'était ces camps. Dans les livres et aussi dans les histoires de son père. C'était presque un enfant quand il s'est retrouvé entre les barbelés en compagnie de toute sa famille. 

Lui seul en sortira vivant. En racontant son enfance, l'auteur raconte aussi toute la difficulté de communiquer et de vivre avec un rescapé de la Shoah. On se laisse entraîner dans ces souvenirs d'enfance entre joies simples et prises de conscience. Et le récit devient universel quand il aborde les difficultés de communication à l'intérieur d'une famille ou la perte d'un être cher (son petit frère). Un roman graphique à mettre entre toutes les mains. Des fils... et des pères.

« Deuxième génération », Dargaud, 17,95 €

mardi 8 mai 2012

BD - "Conquistador" de Dufaux et Xavier : la folie de l'or


Après la série sur les Croisades, Jean Dufaux (toujours avec Xavier au dessin), entreprend de romancer l'épopée des conquistadors. Le premier tome, fort de 64 pages, débute alors que Cortés est toujours considéré comme une divinité par l'empereur aztèque. Mais les prêtres doutent de plus en plus et les Espagnols sentent qu'il va falloir faire vite pour mettre la main sur le fabuleux trésor. Des montagnes d'or qui font saliver les nombreux mercenaires embarqués avec Cortés. 

L'album raconte comment une petite troupe est formée avec pour mission de dérober le plus de métal précieux. Premières pages sur la formation du commando, puis place à l'action et entrée en scène du fantastique. Les mercenaires ont réveillé une créature mythique et elle n'est pas contente... 

Superbement dessinée, cette série est palpitante. Dufaux est toujours aussi bon dans la création de personnages atypiques.

« Conquistador » (tome 1), Glénat, 14,95 € 

lundi 7 mai 2012

Billet - Quand mentir ou "jouer du pipeau" devient un art...

En pleine campagne électorale, on redécouvre le charme des bonimenteurs invétérés et autres affabulateurs compulsifs. Si vous n'êtes pas trop à l'aise dans le mensonge, rabattez-vous sur le Pipotronic, un petit logiciel libre adaptable à toutes les situations.

A la base, ce générateur de phrases convenues est un hommage au langage technocratique. De nombreuses versions circulent en fonction des circonstances. Admettons, vous avez réussi à vous incruster dans une soirée karaoké réservée aux prix Nobel de physique-chimie (ils sont comme tout le monde, après le boulot ils aiment se détendre). Pour bramer « Les lacs de Connemara » de Sardou ou ânonner « Voyages, voyages » de Désireless, pas de problème. Vous savez faire. 

Mais si entre les chansons il faut parler ? Rabattez-vous sur la version « Physicotron » imaginée par Lorraine Montel. « Histoire de passer pour un génie de la science, un Einstein méconnu, un type à la pointe de la modernité. Bref, pour faire semblant d'être un physicien des particules » explique-t-elle. Reste à placer dans la conversation, et au bon moment : « Inversement, les protons du noyau échangent de l'énergie avec les ondes gamma de charge inconnue en fusionnant avec des photons incidents de masse plus élevée. » Pas évident que cela impressionne un prix Nobel, mais l'effet est garanti sur cette mignonne brunette. Elle chante moins bien que Magali Vaé (c'est dire) mais a d'autres atouts remarquables.

Merci Physicotron !

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue vendredi 4 mai en dernière page de l'Indépendant)

dimanche 6 mai 2012

BD - Paroles de bêtes dans les aventures de Cerise, fille de Laurel


Cerise est une petite fille de 9 ans comme les autres. Intelligente, joueuse, espiègle, elle aime les animaux. Tous les animaux, des chats de la maison (Brume et Pelote) aux araignées ou escargots. Aussi quand elle voit un sale gamin écraser un pauvre gastéropode, son sang ne fait qu'un tour. Recueillant la pauvre petite bête agonisant dans ses mains, cette dernière lui donne le don de communiquer avec les animaux. Un début un peu tiré par les cheveux mais qui permet ensuite à Laurel, la dessinatrice (et mère de Cerise) de multiplier les gags et histoires courtes. 

Directement inspirées de sa vie (Laurel est la célèbre blogueuse de « Un crayon dans le cœur ») ces scénettes sont parfois poétiques, souvent drôles et amusantes. Cerise, petite fille un peu naïve, est souvent la victime des blagues de sa mère. Mais elles ne sont jamais méchantes et on sent une réelle complicité entre elles. Cela fait tout le charme de ce premier album.

« Cerise » (tome 1), Le Lombard, 10,60 € 

samedi 5 mai 2012

BD - Adorable Caroline Baldwin...


La belle et sexy Caroline Baldwin poursuit son combat contre les méchants. La brune s'attaque cette fois à une organisation secrète qui projette d'assassiner, à Montréal, les présidents des Etats-Unis et de la Chine. Aventure rondement menée par André Taymans, l'auteur de la série, sa création la plus personnelle. 

D'ailleurs il décline son héroïne sur le net, avec un clip vidéo et prochainement un long métrage. Le projet n'est encore qu'en phase d'écriture, mais Caroline a suffisamment de potentiel pour qu'elle s'épanouisse sur grand écran.

« Caroline Baldwin » (tome 16), Casterman, 11,95 € 

vendredi 4 mai 2012

BD - La folle expérience du Protocole Pélican se poursuit


Second tome du Protocole Pélican, thriller scientifique écrit par Marazano et dessiné par Ponzio. La douzaine de cobayes humains, enlevés aux quatre coins du monde et conduits sur une plateforme pétrolière ne comprennent toujours pas ce que les gardiens attendent d'eux. Prisonniers, maltraités, chacun réagit différemment. Le responsable du projet semble chercher une personnalité en particulier. Et pour faire accélérer le verdict, les cobayes sont laissés seuls, sans gardiens, sur la plateforme. 

Là encore, les réactions sont très différentes... Une série angoissante pour montrer toute la folie de certains scientifiques.

« Le protocole pélican » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

jeudi 3 mai 2012

Roman - Rallumez les Lumières, message du "Cerveau de Voltaire" de Franck Nouchi

Un illuminé, regrettant l'époque des Lumières, dérobe le cerveau de Voltaire pour tenter de cloner et ressusciter le célèbre penseur.


Roman foisonnant d'idées et de références, « Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi est aussi une charge sans concession contre les penseurs d'aujourd'hui. Alors que Voltaire, en son temps, était l'intellectuel le plus connu et respecté d'Europe, que son avis était régulièrement pris par tous les « Grands » du monde, aujourd'hui les rares intellectuels font figure d'imposteurs médiatiques. C'est du moins le message développé en filigrane dans ces 200 pages, premier ouvrage de fiction de ce journaliste du Monde, tournant parfois au pamphlet.

Dans un avant-propos très didactique, le lecteur apprend que Voltaire « meurt le 30 mai 1778 dans d'horribles souffrances ». L'autopsie révèle que « le cœur était très petit, le cerveau très gros ». Les deux organes ont été conservés. Le cœur dans le salon d'honneur de la Bibliothèque nationale, le cerveau, après moultes péripéties, à la Comédie Française.

Intellectuels étrillés

De nos jours, en prévision d'une exposition hommage à Voltaire, le Professeur Grunberg, chef du laboratoire du musée de l'Assistance publique, charge la jeune scientifique Clélia Cohen de décrypter le génome du grand intellectuel. Des recherches qui donnent l'idée à un illuminé de cloner Voltaire. Dans ce but, il dérobe le cerveau de Voltaire. Le roman devient alors policier, avec l'entrée en scène du commissaire Marcel Attias. Avec la ravissante Clélia, c'est le personnage clé du roman. Ce flic un peu bourru, juif pied-noir, est une légende du Quai d'Orsay. Il a gardé un petit accent chantant. Mais « c'est un dur à cuire, l'un de ces flics incapables de lâcher une affaire tant qu'il ne l'avait pas résolue. » Attias, en plus de l'enquête de terrain, va se pencher sur l'œuvre de Voltaire et c'est à travers ses yeux que l'on redécouvre le parcours du maître des Lumières.

Et puis une revendication arrive. Une lettre anonyme qui annone que « dans une vingtaine de mois, peut-être moins, je serai en mesure de mettre au monde de nouveaux Voltaire. Pour le plus grand bien de l'Humanité qui en a tant besoin. » Le roman change à nouveau de direction, explorant les coulisses des recherches sur le clonage humain. Et Attias, tout en multipliant les interrogatoires, n'avance pas d'un millimètre.

En désespoir de cause il demande conseil à quelques intellectuels et faiseurs d'opinion. C'est la partie la plus jouissive du roman car Franck Nouchi n'est pas tendre pour les BHL, Sollers, Alain Minc et autres Plenel. Et on doit admettre dans son sillage que les penseurs de notre époque sont bien ternes en comparaison de Voltaire. C'est un peu la morale de cette histoire sans fin : un grand homme l'est surtout par son unicité. Celui du XXIe siècle n'est pas encore connu. A moins que cette histoire de clonage ne se réalise un jour...

« Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi, Flammarion, 18 € (disponible également au format poche chez J'ai Lu) 

mercredi 2 mai 2012

BD - Ignition City : un western spatial de Ellis et Pagliarani


Ignition City, la porte des étoiles, la plus grande base de lancement de fusées de terre. La dernière aussi. Cette BD de Warren Ellis (scénario) et Gianluca Pagliarani (dessin) plonge le lecteur dans une uchronie steampunk à l'arrière-goût très western. En 1956, une attaque martienne a changé la face du monde. La guerre s'est déplacée au-delà de l'atmosphère terrestre. 

Certains sont devenus des héros. Comme Rock Raven, un pilote légendaire. Mais c'est du passé aujourd'hui. Rock vient d'être retrouvé mort dans un hôtel minable d'Ignition City. Sa fille, Mary, 24 ans et quelques voyages dans l'espace sur son CV, se rend dans la ville pour démasquer le tueur. Elle va tomber sur une communauté de « volants », cloués au sol, magouilleurs, malhonnêtes. De bars minables en hôtels pouilleux, elle va retrouver la trace de l'assassin et tout se règlera dans la rue, à coup de pistolets lasers.

144 pages glauques et futuristes, « Ignition City » est un des premiers titres de la nouvelle collection Comics lancée par Glénat.

« Ignition City », Glénat Comics, 14,95 € 

mardi 1 mai 2012

BD - Une "Gueule cassée" de retour au pays


La première guerre mondiale est terminée depuis quelques mois. Beaucoup d'appelés français ne sont pas rentrés. D'autres sont encore dans les hôpitaux à se faire soigner. Félix en ce printemps 1919 revient enfin dans sa ferme dans une vallée des Pyrénées. Après les combats, il a passé de longs mois à se réparer. Les éclats d'obus lui ont labouré la moitié du visage. Aujourd'hui c'est une « Gueule cassée », cachant cette immense cicatrice derrière un masque opaque. Le soldat, qui a perdu bien plus que son apparence humaine dans les tranchées, redoute le jugement de ses connaissances. 

De sa femme Esther, mais surtout de son fils. Il a dix ans aujourd'hui, et rejette ce père défiguré qui ne l'a pas vu grandir. Par chance, le retour de Félix sera éclipsé par une affaire qui fait beaucoup parler dans la vallée : un mystérieux chasseur tue le bétail des paysans. Vache, cochon, brebis : rien n'est épargné. Un policier parisien, lui aussi grand blessé de la guerre mène l'enquête.

Laurent Galandon, le scénariste, utilise cette intrigue pour parler de ces soldats marqués dans leur chair. Dan, au dessin, surfe entre oppression du héros et beauté des paysages.

« Pour un peu de bonheur » (tome 1), Bamboo, 13,50 €