vendredi 4 mai 2012

BD - La folle expérience du Protocole Pélican se poursuit


Second tome du Protocole Pélican, thriller scientifique écrit par Marazano et dessiné par Ponzio. La douzaine de cobayes humains, enlevés aux quatre coins du monde et conduits sur une plateforme pétrolière ne comprennent toujours pas ce que les gardiens attendent d'eux. Prisonniers, maltraités, chacun réagit différemment. Le responsable du projet semble chercher une personnalité en particulier. Et pour faire accélérer le verdict, les cobayes sont laissés seuls, sans gardiens, sur la plateforme. 

Là encore, les réactions sont très différentes... Une série angoissante pour montrer toute la folie de certains scientifiques.

« Le protocole pélican » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

jeudi 3 mai 2012

Roman - Rallumez les Lumières, message du "Cerveau de Voltaire" de Franck Nouchi

Un illuminé, regrettant l'époque des Lumières, dérobe le cerveau de Voltaire pour tenter de cloner et ressusciter le célèbre penseur.


Roman foisonnant d'idées et de références, « Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi est aussi une charge sans concession contre les penseurs d'aujourd'hui. Alors que Voltaire, en son temps, était l'intellectuel le plus connu et respecté d'Europe, que son avis était régulièrement pris par tous les « Grands » du monde, aujourd'hui les rares intellectuels font figure d'imposteurs médiatiques. C'est du moins le message développé en filigrane dans ces 200 pages, premier ouvrage de fiction de ce journaliste du Monde, tournant parfois au pamphlet.

Dans un avant-propos très didactique, le lecteur apprend que Voltaire « meurt le 30 mai 1778 dans d'horribles souffrances ». L'autopsie révèle que « le cœur était très petit, le cerveau très gros ». Les deux organes ont été conservés. Le cœur dans le salon d'honneur de la Bibliothèque nationale, le cerveau, après moultes péripéties, à la Comédie Française.

Intellectuels étrillés

De nos jours, en prévision d'une exposition hommage à Voltaire, le Professeur Grunberg, chef du laboratoire du musée de l'Assistance publique, charge la jeune scientifique Clélia Cohen de décrypter le génome du grand intellectuel. Des recherches qui donnent l'idée à un illuminé de cloner Voltaire. Dans ce but, il dérobe le cerveau de Voltaire. Le roman devient alors policier, avec l'entrée en scène du commissaire Marcel Attias. Avec la ravissante Clélia, c'est le personnage clé du roman. Ce flic un peu bourru, juif pied-noir, est une légende du Quai d'Orsay. Il a gardé un petit accent chantant. Mais « c'est un dur à cuire, l'un de ces flics incapables de lâcher une affaire tant qu'il ne l'avait pas résolue. » Attias, en plus de l'enquête de terrain, va se pencher sur l'œuvre de Voltaire et c'est à travers ses yeux que l'on redécouvre le parcours du maître des Lumières.

Et puis une revendication arrive. Une lettre anonyme qui annone que « dans une vingtaine de mois, peut-être moins, je serai en mesure de mettre au monde de nouveaux Voltaire. Pour le plus grand bien de l'Humanité qui en a tant besoin. » Le roman change à nouveau de direction, explorant les coulisses des recherches sur le clonage humain. Et Attias, tout en multipliant les interrogatoires, n'avance pas d'un millimètre.

En désespoir de cause il demande conseil à quelques intellectuels et faiseurs d'opinion. C'est la partie la plus jouissive du roman car Franck Nouchi n'est pas tendre pour les BHL, Sollers, Alain Minc et autres Plenel. Et on doit admettre dans son sillage que les penseurs de notre époque sont bien ternes en comparaison de Voltaire. C'est un peu la morale de cette histoire sans fin : un grand homme l'est surtout par son unicité. Celui du XXIe siècle n'est pas encore connu. A moins que cette histoire de clonage ne se réalise un jour...

« Le cerveau de Voltaire » de Franck Nouchi, Flammarion, 18 € (disponible également au format poche chez J'ai Lu) 

mercredi 2 mai 2012

BD - Ignition City : un western spatial de Ellis et Pagliarani


Ignition City, la porte des étoiles, la plus grande base de lancement de fusées de terre. La dernière aussi. Cette BD de Warren Ellis (scénario) et Gianluca Pagliarani (dessin) plonge le lecteur dans une uchronie steampunk à l'arrière-goût très western. En 1956, une attaque martienne a changé la face du monde. La guerre s'est déplacée au-delà de l'atmosphère terrestre. 

Certains sont devenus des héros. Comme Rock Raven, un pilote légendaire. Mais c'est du passé aujourd'hui. Rock vient d'être retrouvé mort dans un hôtel minable d'Ignition City. Sa fille, Mary, 24 ans et quelques voyages dans l'espace sur son CV, se rend dans la ville pour démasquer le tueur. Elle va tomber sur une communauté de « volants », cloués au sol, magouilleurs, malhonnêtes. De bars minables en hôtels pouilleux, elle va retrouver la trace de l'assassin et tout se règlera dans la rue, à coup de pistolets lasers.

144 pages glauques et futuristes, « Ignition City » est un des premiers titres de la nouvelle collection Comics lancée par Glénat.

« Ignition City », Glénat Comics, 14,95 € 

mardi 1 mai 2012

BD - Une "Gueule cassée" de retour au pays


La première guerre mondiale est terminée depuis quelques mois. Beaucoup d'appelés français ne sont pas rentrés. D'autres sont encore dans les hôpitaux à se faire soigner. Félix en ce printemps 1919 revient enfin dans sa ferme dans une vallée des Pyrénées. Après les combats, il a passé de longs mois à se réparer. Les éclats d'obus lui ont labouré la moitié du visage. Aujourd'hui c'est une « Gueule cassée », cachant cette immense cicatrice derrière un masque opaque. Le soldat, qui a perdu bien plus que son apparence humaine dans les tranchées, redoute le jugement de ses connaissances. 

De sa femme Esther, mais surtout de son fils. Il a dix ans aujourd'hui, et rejette ce père défiguré qui ne l'a pas vu grandir. Par chance, le retour de Félix sera éclipsé par une affaire qui fait beaucoup parler dans la vallée : un mystérieux chasseur tue le bétail des paysans. Vache, cochon, brebis : rien n'est épargné. Un policier parisien, lui aussi grand blessé de la guerre mène l'enquête.

Laurent Galandon, le scénariste, utilise cette intrigue pour parler de ces soldats marqués dans leur chair. Dan, au dessin, surfe entre oppression du héros et beauté des paysages.

« Pour un peu de bonheur » (tome 1), Bamboo, 13,50 € 

lundi 30 avril 2012

BD - Crevettes de l'espace dans "Shrimp" chez Dargaud

Albert, cuisinier belge, est le roi du beignet de crevettes. Son restaurant ne désemplit pas. Heureux en affaires, malheureux en amour. Albert est pourtant amoureux. De Mia, une charmante jeune Chinoise, sa voisine. Parfois elle vient, elle aussi, déguster ces fameux beignets aux crevettes. Albert, ce soir-là, est prêt à lui déclarer sa flamme. Mais Mia n'est pas seule. Un certain Tchang l'accompagne. 

Et en écoutant leur conversation, Albert apprend qu'ils vont prochainement passer des vacances à Las Palmas, le paradis des crevettes. Cette petite romance part en vrille quand Albert parvient à dérober le billet de Tchang. Il embarque dans le paquebot devant rejoindre Las Palmas... et se retrouve propulsé dans l'espace pour un remake de la Grande Marche de Mao à destination de la planète Xing-Xiang.

Mathieu Burniat dessine cette fantaisie belge et décalée sur un scénario de Benjamin d'Aoust et Mathieu Donck, cinéastes dont Shrimp est la première incursion, très réussie, dans la BD.

« Shrimp » (tome 1), Dargaud, 11,99 € 

dimanche 29 avril 2012

Dalida, la légendaire, dans deux romans de David Lelait-Helo et Philippe Brunel

La chanteuse de variété dont on célèbre le 25e anniversaire de sa mort est au centre de deux romans faisant la part belle à sa personnalité torturée.

« Pardonnez-moi, la vie m'est insupportable. » Le 2 mai 1987, Dalida, mettait fin à sa carrière. A sa vie aussi. Mais la chanteuse de variétés était-elle encore véritablement vivante ? Ne jouait-elle pas un rôle depuis des années ? Alors que les hommages vont se succéder à la télévision (ses tubes semblent indémodables, elle est une valeur sûre d'une certaine nostalgie-refuge), deux romans reviennent sur le côté obscur de la diva aux robes constellées de paillettes. Deux romans où la mort est omniprésente. Une constante dans le parcours de Iolanda Gigliotti, dite « Dalida ».

Dernier dialogue

« C'était en mai, un samedi » de David Lelait-Helo imagine les dernières heures de Dalida. Il raconte sa détermination, sa méticuleuse préparation, mais imagine aussi qu'avant de passer à l'acte, elle a tenté une dernière fois de se raconter. Dans sa chambre obscure, avec alcool et médicaments à portée de main, elle compose un numéro au hasard. Sophie, dans sa maison de Sologne, décroche.

Le romancier imagine ce dialogue entre une Dalida heureuse d'être enfin anonyme et cette femme, récemment divorcée, écorchée vive après la trahison de son mari, le père de ses enfants.

Ce roman est magique car tout en faisant découvrir la vie passionnée de la chanteuse populaire, il met dans la bouche de la principale intéressée des regrets, des aveux, qui la rendent beaucoup plus humaine que l'image froide d'une diva pour papier glacé.

A Sophie, sans dévoiler sa véritable identité, elle va raconter comment tous les hommes qu'elle a aimés, elles les a quittés, comment ils sont tous morts, suicidés. Lucien Morisse, Luigi Tenco, le comte Richard de Saint-Germain... « J'ai toujours cherché l'amour sans jamais, je crois, le trouver vraiment » confie-t-elle à Sophie. « En fin de compte il y avait toujours un creux en moi, comme une béance d'amour, je dirais. J'ai toujours quitté les hommes, persuadée que quelque chose de plus grand et de plus beau m'attendait ailleurs. Je crois que j'ai cherché quelque chose qui n'est pas de ce monde... » Tragique destinée pour une femme, une artiste, toujours dans la lumière alors que son âme sombrait dans des noirceurs absolues. Sophie va tenter de la sauver, de lui redonner le goût de vivre. En vain. Toute souffrance doit cesser un jour. Même Sophie le reconnaîtra 25 ans plus tard.

Suicide à San Remo


Philippe Brunel aussi revient sur les zones d'ombre de la carrière de Dalida, notamment en janvier 1967, au festival de la chanson de San Remo. Dalida y interprète une chanson de Luigi Tenco, son amant du moment. Après le gala, Dalida reste au repas, Luigi retourne à son hôtel. Et se suicide d'une balle dans la tête. « La nuit de San Remo » est entre enquête journalistique (l'auteur se met en scène, des années plus tard, à la rencontre des rares survivants) et réflexion sur la non-reconnaissance du créateur. Il raconte aussi cette romance improbable entre « la diva consacrée des prime time » et « le jeune auteur compositeur engagé, confiné aux cabarets ». « Mais les contraires s'attirent. Dalida est séduite, bluffée par son éthique, son intransigeance. Tenco est un rêveur irrécupérable mais comme elle le dira plus tard, « il était mon instinct, ma vocation musicale ». Et sa chanson la touche. » Décomposée par ce suicide spectaculaire, Dalida tentera de le rejoindre dans la mort quelques jours plus tard. Une première tentative. Avant d'autres. Et la bonne, le 2 mai 1987.

« C'était en mai, un samedi », David Lelait-Helo, Anne Carrière, 17,50 € (également disponible en poche chez Pocket)

« La nuit de San Remo », Philippe Brunel, Grasset, 16 € 

samedi 28 avril 2012

BD - Redécouvrir l'oeuvre de Will pour les adultes


Le dessinateur Will, après des décennies à animer les aventures de Tif et Tondu (le dernier tome de l'intégrale vient de sortir), a radicalement changé de genre. Sur des scénarios de Desberg, il s'est plongé dans la BD adulte. 

Ses femmes, aux courbes irréelles et si explicites, se dénudaient régulièrement dans « Le jardin des désirs ». Un essai transformé dans deux autres récits repris dans ce copieux album de plus de 208 pages. 

Passant à la couleur directe, il a mis en scène quelques-uns de ses tableaux qui ne quittaient malheureusement pas son atelier. Sensuels et libertins, ces contes modernes n'ont pas pris une ride et le dessin de Will reste le summum de ce qui se faisait dans le style franco-belge.

« Trilogie avec dames », Dupuis, 30 € 

vendredi 27 avril 2012

BD - Courts et violents, seconde dose de Doggy Bags chez Ankama


Seconde livraison de Doggy Bags, revue animée par le scénariste Run. Sous la forme d'un comic, on retrouve dans ces 120 pages trois récits courts ayant en commun érotisme et violence. Le premier, écrit par Ozanam et dessiné par Kieran, est le plus extrême. Elwood, le héros, un Texan attardé, extermine toutes les femmes qu'il croise à coups de pelle, persuadé qu'elles sont une avant-garde d'aliens chargés d'envahir la terre.

La seconde histoire, dessinée par Singelin, se déroule en plein désert. Des néo-nazis espèrent tirer sur des clandestins. Ils tombent sur plus méchant qu'eux.

Enfin, l'histoire du Vol Express 666 de Mathieu Bablet est la plus violente. Elle est pourtant tirée d'un fait divers réel. Âmes sensibles s'abstenir.

« Doggy Bags » (tome 2), Ankama, 13,90 € 

jeudi 26 avril 2012

BD - Amours temporelles entre Steve et Angie d'Antoine Perrot


Finalement, être un spécialiste de la pêche à la mouche quand on se retrouve naufragé temporel à la Préhistoire a du bon. Steve, au moins, ne mourra pas de faim. Enfin s'il arrive à échapper aux grandes dents des nombreux dinosaures se délectant du goût, très nouveau, de la chair des humains. Steve n'est pas seul perdu dans le temps. Il est en compagnie de la charmante Angie. Mais cette chercheuse en cosmétiques n'est pas du tout armée pour faire face à la situation. Steve va donc la prendre sous son aile et les rapports, assez conflictuels dans le premier album, vont s'adoucir dans le second.

Antoine Perrot, le scénariste et dessinateur de cette fantaisie parfaitement dans l'esprit de la collection Poisson Pilote, soigne l'évolution de ce tête à tête. Mais n'en oublie pas pour autant l'autre volet de l'histoire : actuellement et dans le futur, entre chasseurs d'esclaves et paysans décérébrés experts du maniement de la tronçonneuse. Imaginatif, décalé et romantique, un album riche en émotions.

« Steve et Angie » (tome 2), Dargaud, 11,99 € 

mercredi 25 avril 2012

Polar - Règlements de contes, à la moulinette, par Nadine Monfils

Tous plus dingues les uns que les autres, les personnages du roman de Nadine Monfils séduisent malgré leur monstruosité.

Entre polar, thriller sanglant et délire surréaliste, ce nouveau roman de Nadine Monfils confirme l'incroyable talent de cet auteur belge vivant à Montmartre. La littérature francophone privilégie en général les gens « normaux » aux cas sociaux. Chez elle, on retrouve dans ses personnages une outrance rare. Son style a des airs de San-Antonio ou des dialogues d'Audiard. Mais c'est avant tout du Nadine Monfils, totalement barré, un peu poétique et franchement abracadabrantesque.

Les premières pages du roman, d'une façon tout à fait classique, nous permet de faire connaissance avec les différents protagonistes. Nake en premier lieu. Une jeune femme, droguée, capable de se prostituer pour se payer ses doses. Justement elle est en pleine transaction avec un client. Louche le client. Nake lui plante un couteau dans le ventre et déguerpit. Place ensuite à Mémé Cornemuse. Elle décroche haut la main le pompon dans la catégorie iconoclaste. Cette presque centenaire, « espèce de vieille guenon à casquette armée d'un flingue », surprend un couple en pleins ébats dans les dunes. Elle veut participer. Refus de la dame. Pan ! Une balle dans la tête pour la mégère pas partageuse. Mémé Cornemuse revient régulièrement dans le récit, toujours avec des réactions extrêmes et des attitudes libidineuses.

Michou ou Betty ?

Le côté policier du récit est fourni par l'inspecteur Cooper et son coéquipier Jean-Michel. Un vieux flic bourru et un jeune diplômé. Le premier est de la vieille école, le second plus en adéquation avec l'univers de Nadine Monfils. Jean-Michel préfère qu'on l'appelle Michou, a les airs efféminés de l'homosexuel qui s'assume et devient carrément Betty en dehors de ses heures de service. Betty, danseuse dans une boîte de strip tease, qui elle aussi vend son corps pour arrondir les fins de mois. Elle joue aussi à dealer un peu. Notamment à Nake. La boucle est bouclée, les nez bien remplis.

Tous ces fous en liberté évoluent dans la ville imaginaire de Pandore, cité inspirée d'un tableau de Magritte. Pandore a peur. Un tueur en série sévit depuis quelques jours. Il assassine des fillettes ou des jeunes femmes, transforme les scènes de meurtres en reconstitution de contes de Perrault. Après le petit chaperon rouge les fesses à l'air et une patte de chat dans la bouche, c'est le Petit Poucet qui est retrouvé égorgé puis Blanche Neige pas en meilleur état...

Ces crimes mystérieux donnent du fil à retordre à Cooper. Heureusement il reçoit l'aide de Mémé Cornemuse venue renforcer son équipe. Car cette fan d'Annie Cordy – son truc c'est de tchatcher avec un Jean-Claude Van Damme imaginaire - s'impose de force au commissariat et se fait plein d'amis dans la fonction publique en échange de quelques gâteries savamment distillées...

Alors qui est le tueur ? Pourquoi Perrault ? Quel rapport avec Nake qui n'a jamais connu son père ? Mémé Cornemuse parviendra-t-elle à faire changer les orientations sexuelles de Jean-Michel ? Cooper peut-il tomber dans les bras de Betty ? Et qui sont ces hommes à chapeau melon ne sortant que la nuit ? Ce n'est qu'un petit échantillon des nombreuses questions rythmant ce roman gigogne, sans morale mais bardé d'humour. Ubuesque.

« La Petite Fêlée aux allumettes », Nadine Monfils, Belfond, 19 €