jeudi 9 février 2012

Billet - De Nora Berra à Mallaury Nataf : bourdes en vrac


Avant de dire, écrire ou publier quoi que ce soit sur internet, tournez sept fois vos doigts au-dessus de votre clavier. Car aujourd'hui, une erreur en ligne, même durant quelques minutes, a toutes les chances de se retrouver multidiffusée après la correction.

La blague est arrivée lundi à Nora Berra, la secrétaire d'État en charge de la Santé. Sur son blog, elle publie un billet contenant des conseils pour supporter la vague de froid. Elle demande notamment aux « personnes vulnérables » « d'éviter de sortir ». Quelques lignes avant, elle avait listé ces personnes vulnérables : « Nourrissons, personnes âgées, sans-abris ». Sur Twitter, où il faut faire court, quelques empêcheurs de tourner en rond en ont déduit que Nora Berra conseillait aux sans-abris de rester chez eux... Après avoir plaidé « la mauvaise interprétation », Nora Berra a préféré modifier le texte et retirer les sans-abris de la liste des personnes vulnérables...
Une autre qui doit se mordre les doigts, c'est Mallaury Nataf. L'ancienne actrice de sitcom, aujourd'hui SDF et dont on a retiré la garde des enfants, a exposé ses malheurs dans un article du Parisien. Mais ses mains fraîchement manucurées juraient avec son histoire à la Dickens. « Lorsque les gens ne se tiennent plus propres, il n'y a plus de limites, » s'est-t-elle justifiée après coup, sur les nombreux plateaux de télévision où elle a témoigné de son infortune.
Qui osera lui expliquer la différence entre savon de Marseille et french manucure ?

mercredi 8 février 2012

BD - Les secrets de la maison dévoilés dans "La fille de l'eau" de Goerg


Superbe roman graphique signé Sacha Goerg, créateur de la maison d'édition « Le meilleur employé du moi ». Un jeune homme (qui se révèlera être une adolescente désirant masquer son identité), arrive dans une somptueuse maison d'architecte par la rivière dans un pédalo. Recueillie par la maîtresse de maison, elle s'incruste, furète, observe. Elle semble avoir un lien particulier avec cette maison. Une maison imaginée et construite par un artiste à la renommée mondiale. Ils est aujourd'hui décédé et c'est sa femme qui gère son héritage. 
Justement, le soir, elle reçoit à dîner l'ancien agent du sculpteur. Tous, avec la jeune inconnue, la fiancée de l'agent, le fils de l'artiste et un de ses amis, ils vont manger, boire et fumer. Cela va se terminer en exploration de la maison, sculpture dédale qui n'a pas fini de dévoiler tous ses secrets. 
Cette réflexion sur l'art et la paternité est parfois abscons mais reste toujours intrigante. Un album co-édité par Dargaud et les internautes ayant souscrit à ce projet défendu par MyMajorCompany-BD.

« La fille de l'eau », Dargaud, 18 €



mardi 7 février 2012

Billet - La Redoute transforme l'erreur de l'homme nu en campagne publicitaire


Action, réaction. Sur le net aussi la meilleure façon de se défendre c'est d'attaquer.

Début janvier, La Redoute était frappée de plein fouet par l'énorme boulette d'un de ses photographes. Un homme entièrement nu figurait en arrière-plan d'une photo montrant des enfants courant sur une plage. Un mois plus tard, La Redoute rebondit et lance un grand jeu tournant en dérision l'événement. Dans une allocution on ne peut plus sérieuse, Anne-Véronique Baylac, directrice e-commerce et développement, s'excuse une nouvelle fois auprès des clients et annonce que d'autres erreurs ont été repérées sur les photos mises en ligne. Et de donner comme exemple cette piscine dans laquelle un crocodile batifole en compagnie d'une famille. Elle lance donc un appel aux internautes pour trouver les autres erreurs, leur promettant de les rhabiller gracieusement des pieds à la tête.
En fait il s'agit d'un jeu, débuté le 1er février et prenant fin le 12 février. 14 erreurs ont été volontairement glissées dans le catalogue en ligne. A la clé, un bon d'achat de 200 euros pour les plus rapides.
Une page facebook a été ouverte sur laquelle les erreurs trouvées sont publiées. Comme ce petit chien levant la patte sur un tas de livres posé au pied d'une lampe ou la tronçonneuse coupant le tronc du cocotier sur lequel pose une superbe naïade en maillot de bain. Et vu le nombre d'erreurs déjà découvertes, le jeu a un succès colossal. Comme quoi même la pire des boulettes peut être transformée en jackpot publicitaire.
(Billet paru en dernière page de l'Indépendant du Midi en février 2012)

Roman - "Attachée" d'Isabel Fonseca : à la croisée du sexe et des sentiments

Le personnage principal de « Attachée », roman d'Isabel Fonseca, remet en perspective sa vie sentimentale et sexuelle après des années de mariage.

Une vie rêvée. Jean, 46 ans, mariée depuis 20 ans à Mark, mère de deux grandes filles autonomes, a tout pour être heureuse. Journaliste freelance, elle vit dans un petit paradis tropical, loin de l'agitation de New York, sa ville de naissance et Londres, celle où elle a rencontré Mark. Devenue une plume dans la presse féminine, ses chroniques de vulgarisation médicale remportent un réel succès. Mark, à la tête d'une agence de publicité, gère ses affaires à distance depuis leur maison-bureau perchée sur les coteaux de Saint-Jacques, une petite île de l'océan Indien. Le début du roman d'Isabel Fonseca est presque trop bucolique. Ce sont des petits signes discrets qui laissent apparaître des fissures dans la vie de Jean. Comme une envie d'autre chose, des regrets tardifs.


Vues sur la maîtresse
Tout bascule quand le facteur apporte le courrier hebdomadaire. Entre les colis de livres, une lettre adressée à son mari. Intriguée par l'écriture, Jean l'ouvre et découvre, stupéfaite, une lettre enflammée d'une certaine Giovana, la maîtresse de Mark. Elle a une réaction très anglo-saxonne. Pas de cris ni se scandale. Simplement elle note le mot de passe d'une messagerie privée réservée à leurs échanges et va se transformer en voyeuse de la trahison de son mari. Jean va découvrir les jeux sexuels très osés de son mari avec cette pulpeuse Italienne.
Après des mois de silence et de souffrance, Jean décide de rentrer en Angleterre pour soigner ce qu'elle croit être un cancer naissant. La seconde partie du roman quitte les paysages luxuriant de Saint-Jacques pour la grisaille londonienne. Là, Jean prendra la décision de quitter Mark, sans jamais oser lui dire. Et c'est elle qui, la quarantaine rayonnante, va le tromper pour une aventure d'un soir. Sans lendemain, mais intense. 
Isabel Fonseca, dans ce roman d'une grande finesse, fait le portrait d'une femme intelligente et cultivée, bloquée personnellement dans une normalité induite par la fidélité. Cette réflexion sur le temps qui passe, comme les amours et la passion, explore toutes les facettes de la psychologie de Jean. Mère, épouse puis enfant quand elle se retrouve, au final, au chevet de son père mourant, dans un hôpital de New York. Une vie remplie mais qui, parfois, semble bien creuse. 

« Attachée » d'Isabel Fonseca, Éditions Métailié, 21 €

lundi 6 février 2012

Billet - Écarquillez vos mirettes avec la photo à 360°



Vous voulez en prendre plein la vue ? Faites le test de la photo à 360°. Cette technique – l'un des atout de Google Street - est particulièrement impressionnante sur certains sites. Et quand les photographes professionnels s'en mêlent , l'effet est encore plus saisissant. Avec votre souris, vous pouvez faire tourner l'image, comme si vous étiez sur place. Jean-Pierre Lavoie, photographe canadien, s'est consacré à cette spécialité. Ses clichés sont à couper le souffle. Écarquillez vos mirettes et plongez dans le décor. Il propose des monuments célèbres (au pied de la tour Eiffel, l'effet est encore plus saisissant en « levant » la tête), sur la grand place de Bruxelles ou en plein carnaval de Québec.  Il propose également des photos de paysage grandioses.

Grâce aux smartphones, il vous est à présent possible de réaliser une photo à 360°. Une application nommée « 360 panorama » est en vente tant chez Apple que chez Androïd. Une fois installée, vous la lancez, votre appareil se dote virtuellement d'un très grand angle. Il vous suffit de tourner sur vous-même pour capturer l'intégralité du point de vue. On rêve de voir un jour, sans avoir à s'épuiser dans la montée, le panorama complet au sommet du Canigou.
Encore plus vertigineux, à la limite de l'angoisse, vous pouvez découvrir le ciel vu de la Terre. Des milliards d'étoiles sur lesquelles vous pouvez zoomer et vous déplacer à l'envi. Une telle immensité nous fait prendre conscience à quel point nous sommes peu de chose.

dimanche 5 février 2012

BD - "La page blanche", mémoire envolée de Boulet et Pénélope Bagieu



Ce n'est pas mentir que d'affirmer que cette « Page blanche » est l'album le plus attendu de ce début 2012. Il réunit les deux blogueurs les plus influents de la scène BD : Boulet et Pénélope Bagieu. A l'arrivée cela donne un roman graphique de 200 pages, tout en finesse, avec un personnage principal dans lequel tout un chacun peut se reconnaître et y puiser une envie de « s'améliorer ». Une jeune femme perdue dans ses pensées sur un banc à Paris. Elle revient à la réalité. Et ne comprend pas. Sa mémoire semble s'être effacée. Elle ne se souvient plus de son nom, ni de son passé. En fouillant son sac, elle va retrouver son adresse, ses clés, son téléphone portable. Commence alors une sorte d'auto enquête policière. Elle va reconstituer son quotidien, entre travail dans une librairie et sortie avec des amis de son âge. Rien d'exaltant. Une vie banale. A moins de profiter de cette page blanche pour réécrire son existence...


« La page blanche », Delcourt, 22,95 €


samedi 4 février 2012

BD - Fin de fiction dans "Nocturnes" de Clarke au Lombard



Quand Clarke, dessinateur de Mélusine, abandonne temporairement la BD d'humour pour le réalisme d'une collection adulte, « Signé » en l'occurrence, il ne fait pas les choses à moitié. « Nocturnes » est un long cauchemar, violent et angoissant. Les premières pages sont très intrigantes. Léo, le personnage principal, sombre et mystérieux, semble errer dans un village isolé. Il rencontre les habitants. Certains, à son contact, s'éteignent. Ce n'est pas exactement la mort. Ils cessent de fonctionner, tout simplement. Et ils sombrent dans l'oubli. Alice, la sœur de Léo, semble la seule à avoir conscience de cet étrange état de fait. Clarke, par de subtiles touches, après nous avoir égaré, livre enfin les clés de l'énigme. Léo est écrivain. Les gens composant son entourage sont des personnages de fiction. Son esprit, son imagination, a tout pouvoir sur leur existence. La BD raconte comment ces êtres de fiction peuvent se rebeller, tenter d'exister malgré leur abandon par leur mentor. Et comme cet album est hors norme, attendez-vous, au final, à un ultime coup de théâtre.
« Nocturnes », Le Lombard, 14,99 €

Mallaury Nataf, la SDF la mieux manucurée de France

Le Parisien a révélé vendredi que l'ancienne actrice de sitcom et vedette de la télé réalité, Mallaury Nataf, est SDF en région parisienne. Un article raconte la lente descente aux enfers de cette mère de famille. Elle expliquait qu'elle était à la rue depuis mars dernier. « Je n’ai plus rien. Mes trois enfants m’ont été retirés. La brigade des mineurs m’a pris le plus petit samedi et l’a placé auprès de l’aide sociale à l’enfance » devait-elle raconter au journaliste du quotidien. Article illustré d'une photo de Mallaury Nataf, emmitouflée dans une parka, bonnet vissé sur le crâne, tenant un gobelet de café fumant.
Seul problème, qui a sauté aux yeux de très nombreux lecteurs s'en étant fait écho sur Twitter et dans les commentaires de l'article mis en ligne : la main de Mallaury Nataf tenant le gobelet semble fraîchement manucurée. Une French manucure même, certainement très rare parmi ses compagnes d'infortune.
Ce petit détail qui cloche n'enlève rien à la détresse de la mère de famille. Mais on s'interroge quand même sur cette mise en scène. Mallaury Nataf est surtout connue pour quelques écarts. Actrice dans les sitcoms d'AB productions, elle a chanté dans la bande à Dorothée. C'est là que sa carrière a décollé, quand le zapping de Canal+ a révélé qu'elle chantait... sans culotte. Ensuite, ses excentricités dans la Ferme Célébrités a beaucoup fait parler. Aujourd'hui elle n'a plus rien. SDF, mais pas jusqu'au bout des doigts...

BD - Le Tueur raccroche



« Les gens méritent-ils vraiment d'être aidés ? » s'interroge le Tueur, le héros de la série politiquement incorrecte de Matz (scénario) et Jacamon (dessin). En cours de reconversion dans le pétrole, le Tueur est sur le point d'abandonner son métier de tueur à gages pour devenir un industriel militant pour une meilleure répartition des richesses. Mais, alors qu'il est attablé en terrasse à Paris, il constate que « tout ce que veulent les gens, c'est plus de fric, et dès qu'ils en ont, ils foncent s'acheter des bagnoles de luxe et des fringues de marque. Pourquoi leur demander de voter, alors qu'ils ne comprennent rien à la politique et encore moins à l'économie ? » Un discours radical alors que ses affaires sont de plus en plus menacées. Il est vrai qu'exploiter du pétrole à Cuba n'est pas sans risque. Surtout quand vos associés sont d'anciens trafiquants de drogue. Mais le Tueur a quelques arguments frappants pour imposer son business. En fait, cette BD démontre avec brio que rien ne ressemble plus au capitalisme que la pire des mafia...


« Le Tueur » (tome 10), Casterman, 10,95 €


jeudi 2 février 2012

Littérature jeunesse - Dictature numérique mise en cause dans "Little Brother" de Cory Doctorow

Si vous êtes un utilisateur assidu d'Internet et avez une légère tendance à la paranoïa, « Little Brother », roman de Cory Doctorow, va vous terrifier.


Marcus, 17 ans, est un jeune Américain bien dans sa peau, bien dans son temps. Ce lycéen résidant à San Francisco a une passion : les jeux en réalité alternée (Alternate reality game, ARG). Un jeu de rôle, se passant en partie sur internet, mais également dans la vraie vie, sous forme de chasse au trésor avec indices à déchiffrer.

Ce jour-là, Marcus, en compagnie de trois amis, sèche les cours. Ils veulent être la première équipe à découvrir l'indice du jour. Ils sont dans la rue quand tout tremble autour d'eux. Ils croient à un séisme mais c'est en fait un attentat contre un pont. Dans la panique, l'un des gamers est blessé. Pour lui porter secours, Marcus arrête une voiture de police. Le cauchemar débute.
Les policiers, au lieu de secourir le blessé, interpellent les jeunes. Menottés, cagoulés, ils sont conduits dans une prison secrète sur une île dans la baie. Durant deux jours Marcus sera littéralement torturé par des policiers en civils. Le simple fait d'être dans la rue au lieu d'être en cours le transforme en suspect. Les flics ne croient pas à sa version. Ils veulent tout connaître de sa vie numérique : code de sa messagerie, de son téléphone portable.
Sans rien à boire ni à manger, attaché, ne pouvant s'empêcher d'uriner sur lui, c'est un être sale, puant et faible qui finalement craque. Vérifications faites, il est relâché. Mais avec la menace de retourner en cellule s'il raconte ce qui lui est arrivé.

Tous surveillés !
Les premières pages du roman de Cory Doctorow, bien que s'adressant à un public de jeunes adultes, sont très dures. Marcus, malgré un caractère bien trempé, n'est pas préparé à une telle épreuve. Quand il retrouve la liberté et l'air pur du dehors, il craque complètement. Heureusement ses parents sont là pour le soutenir. Ils étaient persuadé qu'il faisait partie des milliers de victimes de l'attentat. Il va expliquer qu'il était bloqué dans un camp de réfugié, de l'autre côté de la ville. Et tenter de vivre de nouveau normalement. Peine perdue.
Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, les autorités vont durcir les mesures de surveillance des particuliers. Tout le monde sera pisté grâce aux téléphones portables, aux cartes à puces et autres GPS intégrés dans les voitures.  Marcus, sera un des premiers à prendre conscience que la police, en plus d'outrepasser ses droits, surveille tout le monde, créant une ambiance de paranoïa absolue. Quant aux terroristes, ils courent toujours...
Petit génie de l'informatique, Marcus va tout faire pour garder un embryon de liberté individuelle dans ce monde à la Big Brother. Sans le vouloir, il a va trouver un moyen de contourner la surveillance policière et se retrouver à la tête d'un mouvement contestataire de plus en plus vaste.
Hackers contre Etat : la lutte semble inégale et pourtant, l'envie de préserver les libertés individuelles va faire des miracles.
Ce roman d'anticipation, sorti aux USA en 2008, semble avoir simplement anticipé ce que nous vivons actuellement. Des projets de loi aux USA contre le piratage risquent de considérablement réduire la liberté d'expression.
Les actions récentes contre Mégaupload et autres Anonymous donnent le ton. Finit la rigolade. Il y a danger et Cory Doctorow, l'auteur canadien, est le premier à se mobiliser pour  contrer les projets US. Comme s'il endossait le rôle de son jeune héros, quelques années après l'avoir imaginé.

« Little Brother » de Cory Doctorow, Pocket Jeunesse, 18,80 €