vendredi 16 décembre 2011

Billet - Participons, élisons... La présidentielle se prépare sur internet

La prochaine élection présidentielle, plus que la précédente, se jouera en partie sur internet et notamment sur les réseaux sociaux. Si le PS était en pointe il y a 5 ans, l'UMP compte bien rattraper son retard. La boîte à idées est ouverte. Pour le grand bonheur des observateurs critiques, toujours à l'affût de l'initiative kitch ou de la fausse bonne initiative participative. Ce n'est que le début, mais on ne doute pas que la campagne virtuelle accouchera de quelques perles mémorables.

Premier exemple avec cette page intitulée « incitons-les à débattre ». Elle est proposée sur le site officiel du parti dirigé par Jean-François Copé. L'UMP vous suggère de « tweet-clasher » les candidats, autrement dit les mettre dans l'embarras en les questionnant sur des sujets qui fâchent. Cela semble être un bel exemple de participation démocratique, mais une fois le candidat sélectionné, surprise, vous vous retrouvez avec un QCM (questionnaire à choix multiples). Plus d'initiative personnelle, juste la possibilité de répéter, tel un perroquet, les arguments de l'UMP pour contrer les propositions de gauche ou d'extrême-droite. Un peu limité question participation active...

Pire, au parti socialiste, le site internet sert aussi à financer la campagne. Il y a même une boutique en ligne. Mais qu'aurait fait Jaurès s'il avait su qu'acheter un parasol (65 euros, sans le socle) ou une boule à neige (15 euros) aiderait à porter un socialiste au pouvoir ? 

jeudi 15 décembre 2011

BD - Pauvre Lampil : un chef-d'œuvre de la BD franco belge signé Lambil et Cauvin


L'autofiction n'est pas une invention des romanciers des deux dernières décennies. L'autofiction, Raoul Cauvin et Willy Lambil l'ont testée dès 1973. Le héros de cette nouvelle série destinée à animer les pages de Spirou s'appelle Lampil. Il est dessinateur de BD et a nombre de déboires. Notamment en raison de ses rapports souvent conflictuels avec son scénariste, un moustachu aimant imaginer ses histoires allongé dans un canapé. 

Pauvre Lampil n'est que la mise à plat des rapports entre ce couple peu banal constitué de Lambil et Cauvin... Rattrapés par le succès des Tuniques Bleues, ils ont abandonné leurs doubles de papier depuis très longtemps, trop longtemps. Oublié, le Pauvre Lampil se retrouve de nouveau sous le feu des projecteurs avec cette intégrale luxueuse. Une occasion à ne pas manquer pour redécouvrir un monument de la BD franco-belge.

« Pauvre Lampil », Dupuis, 360 pages, 39 € 

mercredi 14 décembre 2011

Fume, c'est du Manchette roulé par Tardi !


Tardi achève avec « O dingos, ô châteaux ! » sa trilogie Jean-Patrick Manchette. Presque une œuvre de jeunesse pour cet écrivain français mort en 1995. Ce roman a reçu en 1973 le grand prix de littérature policière. Un choix polémique tant la prose de Manchette, pour l'époque, était moderne, dérangeante et ouvertement de gauche. Sur 90 pages en noir et blanc, Tardi réinvente la cavale à travers toute la France de Julie, la nurse au lourd passé psychiatrique et de Peter, un gamin capricieux, insupportable mais riche héritier. Julie est accusée d'enlèvement. En fait c'est un coup monté par l'oncle pour hériter. L'intrigue ne semble être qu'un alibi pour mettre en scène des personnages sortant résolument de l'ordinaire. Julie, bien évidemment, femme fragile, allergique au mot « police », mais capable de tout pour continuer à avancer dans le sinistre théâtre de la vie. Il y a aussi Thompson, le tueur. Vieux, fatigué, souffrant de maux de ventre épouvantables, il va aller au bout de sa logique : tuer atténue la douleur.

« Ô dingos, ô châteaux ! », Futuropolis, 19 €


De choses et d'autres - Paranoïa dans un open space : l'œil dans le dos

Si par malheur vous avez une légère tendance à la paranoïa, ne lisez pas ce qui va suivre. Vous pourriez décider de jeter votre ordinateur à la poubelle. Car si George Orwell a imaginé Big Brother dans son roman « 1984 », internet l'a fait sans même que l'on s'en rende compte. Pire, on est consentant et souvent on y prend du plaisir.

L'espionnage numérique est devenu monnaie courante et d'une facilité déconcertante. Les exemples ne manquent pas, dans les entreprises notamment. Après une « journée de merde au boulot » à supporter des « petits chefaillons qui jouent aux grands », certes cela soulage de le dire sur Twitter, mais il y aura forcément un « gentil » collègue pour le rapporter à votre direction. Vous vous retrouverez alors, comme cette employée d'un centre d'appel, poursuivie pour injure devant le tribunal correctionnel.

De même, si vous utilisez votre ordinateur au bureau pour faire vos courses de Noël, méfiance. L'entreprise a parfaitement le droit de vérifier les sites visités durant votre temps de travail. Et de vous reprocher (parfois jusqu'au licenciement), le fait que vous passez un peu trop de temps à faire du shopping.

D'une façon générale, dites-vous que tout ce que vous faites sur internet peut-être vu par vos supérieurs. Il existe même un espionnage interne. Pour plus de sûreté, gardez vos idées dans un coin de votre tête. Les mettre en ligne, c'est prendre le risque de les retrouver dans la bouche du collègue qui guigne votre place... 

mardi 13 décembre 2011

Vengeance d'outre-tombe dans "Le Chinois" d'Henning Mankell au Seuil

 Une vengeance vieille de plus d'un siècle s'abat sur un petit village de Suède. Un thriller nordique signé Henning Mankell, le maître du genre.



Quel peut être le lien entre un jeune entrepreneur chinois et un petit village suédois ? La juge Birgitta Roslin va se retrouver impliquée dans cette vengeance traversant les siècles et les océans. Ce nouveau roman d'Henning Mankell, sans son héros fétiche, Wallander, débute dans un hameau perdu dans la neige et les forêts. Un photographe amateur, désirant immortaliser ces bourgades en voie de désertification, découvre un cadavre en partie dévoré par un loup.

La police locale se rend sur place et se retrouve face à ce qui « devait faire date dans l'histoire pénale suédoise. Ce que découvrirent les trois policiers était sans précédent. Ils passèrent de maison en maison, arme au poing. Partout ils trouvèrent des cadavres. Des chiens et des chats éventrés, et même un perroquet décapité. Dix-neuf morts, tous des personnes âgées, à l'exception d'un garçon d'une douzaine d'années. Certains avaient été tués au lit, dans leur sommeil, d'autres gisaient par terre ou étaient assis dans leur cuisine. » Le fait divers fait la une de tous les journaux. C'est comme cela que la juge Birgitta Roslin en prend connaissance.



Les doutes de la juge

Cette femme d'une soixantaine d'années est à une période charnière de sa vie. Proche de la retraite, elle n'est plus heureuse en couple. Ses enfants sont indépendants, elle est un peu perdue, entre son métier trop prenant et ses regrets de jeunesse, quand elle voulait révolutionner son pays trop calme.

Sur une photo des lieux du drame, elle semble reconnaître une maison. Elle fouille dans ses archives. « Son souvenir était exact. Cette folie meurtrière ne s'était pas abattue sur un village quelconque : c'était l'endroit où sa mère avait grandi. » Placée dans une famille d'accueil. Et Birgitta de se retrouver impliquée dans cette affaire car « dans la maison où sa mère avait passé son enfance, des gens venaient d'être assassinés. Ses parents adoptifs ? » La juge va bénéficier de quelques jours de repos pour se rendre sur place et découvrir des carnets datant du siècle dernier. Ce journal intime est celui d'un membre de la famille ayant émigré aux USA. Dans ses réflexions il laisse libre cours à un racisme abject. Ingénieur chargé de surveiller la construction du chemin de fer traversant le Nouveau Monde, il déverse sa haine contre « les négros et les chinetoques. »



Esclaves

Le roman d'Henning Mankell va alors basculer dans le passé. Durant une centaine de pages, passionnantes, on va suivre les déboires de trois Chinois, trois frères, trois paysans. Se rendant à Canton pour y trouver du travail ils vont être enlevés et vendus à des entrepreneurs chargés de construire cette fameuse ligne de chemin de fer. Parqués près du chantier, ils sont considérés comme des esclaves par les contremaîtres. D'autres groupes travaillent avec eux. Et les jeunes Chinois vont découvrir toute l'ignominie du racisme ordinaire. « Les Irlandais, souvent ivres, les injuriaient en leur lançant des pierres. Les frères ne comprenaient pas ce qu'ils criaient, mais leurs pierres faisaient mal : ce devaient être la même chose pour leurs paroles. » A force de recherches, Birgitta va faire le lien entre ce passé américain et le présent suédois. Et c'est en Chine, à Pékin, qu'elle obtiendra des réponses sur les véritables motivations de ce massacre.

Un roman doublement prenant car on ne peut qu'avoir de l'empathie pour les deux parties : les Chinois du passé, la juge du présent. Entre il y a toujours cette violence, cette folie meurtrière des hommes, matière première de tout bon thriller.

Michel Litout

« Le Chinois » de Henning Mankell, Seuil policiers, 22 €


Billet - François Fillon concurrence le Troll masqué

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil sur le net ? Non ! Méfiez-vous des trolls. Ce ne sont pas, comme dans la mythologie nordique, des êtres poilus vivant dans les montagnes, mais des internautes masqués intervenant dans les forums. Des contributions systématiquement négatives, insultantes et blessantes. Ils utilisent cet anonymat si décrié pour harceler leurs proies. Un « jeu » qui peut déraper. Tasha, 15 ans, s'est suicidée en se jetant sous un train. Sur la page facebook destinée à recueillir les témoignages de condoléances de ses amis, un troll a posté un montage vidéo associant le visage de Tasha à une locomotive. A la demande de la famille, le troll a été repéré et condamné à 18 semaines de prison...

Sur Twitter aussi certains abonnés se masquent derrière une fausse identité. Le jeu en vogue du week-end aura été de découvrir le pseudo de... François Fillon. Ce compte servirait au Premier ministre à surveiller ce que twittent certains de ses ministres, Eric Besson par exemple habitué aux dérapages. Mais avancer masqué sur un réseau social cultivant l'égo à outrance n'est sûrement pas une bonne idée. La chasse au Fillon s'est terminée quand plusieurs spécialistes ont dévoilé le nom de son faux compte : @fdebeauce, comme François de Beaucé, nom du manoir lui appartenant près de Sablé-sur-Sarthe. Le principal intéressé l'aurait confirmé hier, mais méfiance : l'usurpation d'identité est un jeu très prisé sur internet. 

lundi 12 décembre 2011

BD - Reiser, chroniqueur d'actualité dans Pilote


Dans les années 60 et 70, Pilote, journal de bande dessinée dirigé par René Goscinny, décide de consacrer une partie de ses pages à l'actualité. Des récits complets en noir et blanc, où l'esprit frondeur de quelques auteurs trouve matière à réflexion. Cabu, Fred, Gébé sont passés par cet exercice. Un des meilleurs reste Reiser. Il n'y déverse pas sa méchanceté réservée à Hara Kiri, mais commence dans ces histoires courtes de une ou deux pages, à roder ses idées écologistes. C'est pertinent, marrant ou absurde, mais jamais plat. Pour la première fois l'intégralité de ces récits jamais publiés en albums sont repris dans ce superbe livre. Une plongée dans l'actualité du siècle dernier, après la libération des mœurs et avant le premier choc pétrolier.

« Reiser, les années Pilote », Glénat, 270 pages, 25 € 

dimanche 11 décembre 2011

BD - Un monde segmenté imaginé par Malka, dessiné par Juan Gimenez


Richard Malka, célèbre avocat et scénariste de BD qui monte, s'attaque à la SF. Et en refermant le premier tome de « Segments », dessiné par Juan Gimenez, on ne peut que se demander si cette histoire est de Malka ou de Jodorowsky. Dans un futur très lointain, la civilisation s'est segmentée. Pour atténuer les tensions, en fonction de tests passés à 7 ans, chaque enfant est destiné à un monde spécifique. Si vous êtes attiré par le commerce cap vers la planète Mercante du secteur de l'échange. Les artistes finiront à Muse et les adeptes du sexe, des jeux et des drogues iront s'adonner à leurs vices sur Voluptide. Cette segmentation de la civilisation a été imposée par 7 immortels, à la tête de chaque secteur. Mais parfois, des éléments se rebellent, refusent les étiquettes. Des résistants cherchant à retrouver un peu d'humanité dans cette société en totale déliquescence.

Les deux héros sont jeunes et beaux, plein de fougue et sans peur. Après ce premier tome, ils prennent la direction de Voluptide. Cela devrait donner l'occasion à Gimenez de dessiner quantité de jolies femmes nues, un secteur dans lequel il excelle...

« Segments » (tome 1), Glénat, 13,50 € 

samedi 10 décembre 2011

L'armure du Jakolass : Valérian repart à l'aventure en compagnie de Larcenet


Valérian, agent spatio-temporel animé durant des décennies par Christin et Mézières est officiellement en sommeil. Cependant, la retraite des deux créateurs de la série SF française la plus populaire n'empêche pas le jeune héros (toujours accompagné de la sublime Laureline) de poursuivre ses missions entre galaxies et champs d'astéroïdes. Il va, comme Spirou, passer de mains en mains pour explorer d'autres genres graphiques. Manu Larcenet est le premier à se risquer à réécrire cette BD culte. Certains critiques se sont offusqués de sa vision car il part du postulat que l'esprit de Valérian est enfermé dans le corps de Monsieur Albert, vieux poivrot de base, pilier de bar plus que franchouillard. C'est vrai que c'est déstabilisant, mais Larcenet a plus d'un tour dans sa manche et surtout une grande science du rebondissement et de la mise en abîme. Comme en plus, c'est un excellent dessinateur, cette aventure de Valérian, bien évidemment à des milliers d'années lumière de l'original, reste une BD de SF, intelligente et novatrice. Avec (pour le même prix), en bonus cachés, quelques aliens dessinés par des invités de marque, de Goossens à Binet en passant par Baru ou Jean-Yves Ferri.

« Valérian vu par... Larcenet » (tome 1), Dargaud, 11,95 €


BD - La vie de Louve, la Viking, fille de Thorgal, racontée par Yann et Surzhenko


Thorgal ayant changé de main (Yves Sente assure le scénario depuis quatre ans), le Viking vit de nouvelles aventures et plusieurs séries sont développées autour des personnages secondaires des 30 albums dessinés par Rosinski. Après Kriss de Valnor, c'est Louve, la fille du héros, qui bénéficie d'une série propre. Surprise, on retrouve au scénario Yann, le trublion qui, il y a 30 ans, se moquait des séries d'aventures, préférant les pasticher avec son ami Conrad. Entretemps, il est devenu un scénariste tout terrain et sa vision du monde de Thorgal est très fidèle. 

Au dessin, Surzhenko se coule dans le style de Rosinski, l'originel, avant que le maître polonais ne se mette à la peinture... 

Louve, petite fille un peu abandonnée (son père est en vadrouille, son frère aussi) trouve du réconfort auprès des animaux de la forêt. Elle a le pouvoir de leur parler et c'est pour cette raison qu'elle vient en aide à une louve chassée de son clan. Elle va l'aider à reprendre le pouvoir. Mais cette incursion dans les forêts sombres, seule, va mal tourner. Prisonnière d'un monde onirique, la petite fille va être victime d'un beau parleur. On retrouve dans « Louve » tout l'esprit de la série originale. Les fans de la première heure adoreront.

« Louve » (tome 1), Le Lombard, 11,95 €