lundi 24 mai 2010

BD - Amour glauque


L'amour se moque des classes sociales. En fait on nous ment dans les jolis romans à l'eau de rose. Dans la réalité, qui se ressemble... s'accouple. Parfois il y a des exceptions. C'est le thème de cet album de Grégory Mardon, adapté d'une nouvelle de Russell Banks.

Sarah est une américaine divorcée, la quarantaine, ouvrière, joignant difficilement les deux bouts car elle élève seule ses trois enfants. Paul est un jeune avocat, lui aussi récemment divorcé, beau comme un dieu grec, riche, sportif. Un soir, Paul et Sarah se rencontrent au comptoir d'un bar. Ils se parlent, se comprennent. Ils s'aimeront, mais en cachette.

Une œuvre forte, qui prend aux tripes, devenue un classique de la littérature féministe.

« Sarah Cole », Futuropolis, 17 € 

samedi 22 mai 2010

Bd - Canardo accompagne « Le voyage des cendres »


Canardo, détective privé le plus typé de la bande dessinée belge, se transforme en nurse le temps de cette aventure mouvementée et pleine de clins d'œil à une certaine belgitude. Hector Van Bollewinkel, le parrain de la mafia belge, vivant depuis des lustres en Amérique, rongé par un cancer généralisé, décide de se suicider avant d'être transformé en « grabataire larmoyant » selon son expression en préambule de son testament. 

Un testament un peu particulier. Il déclare léguer toute sa fortune à ses deux petits-enfants, Harry et Monica, des jumeaux, si ces derniers répandent ses cendres en un endroit bien précis dans son pays natal. Les deux ados, mal élevés, violents et avides, vont donc découvrir le Plat Pays en compagnie d'un chauffeur hors pair : Canardo en personne. Une visite guidée qui ne sera pas de tout repos car les descendants d'Hector son attendus au tournant par quelques vieilles connaissances. 

Du « ring » bruxellois au port de Zeebrugge en passant par une mine près de Marcinelle ou les boules de l'Atomium, Canardo (aidé par une gouvernante flamande au caractère rigide mais aux mœurs plus laxistes) protègera les jumeaux et les encombrantes cendres du grand-père. 

C'est aussi sombre que l'humeur du héros, encore plus fatigué que son imper. Toujours écrit et dessiné par Sokal, c'est un roman noir absolu, reflet d'une certaine Belgique, triste et désenchantée.

« Canardo » (tome 19), Casterman, 10,40 €

jeudi 20 mai 2010

BD - Premières vacances à Matha


Jean-Claude Denis va avoir 60 ans. Un âge vénérable mais toujours la même fraîcheur. Difficile de réaliser que cet album de BD sur l'adolescence, la liberté, la rébellion, est l'œuvre d'un quasi retraité. Jean-Claude Denis va avoir 60 ans, mais dans sa tête il est resté cet adolescent un peu timide, ouvert aux autres, désirant absolument s'en sortir c'est à dire ne pas faire le même métier que ses parents, vivre de ses créations culturelles. 

Dans cette France d'avant mai 68, Antoine, lycéen, est également guitariste dans un groupe de rock. Il est amoureux de Christelle, en apprentissage dans une pharmacie. Ils se voient en coup de vent. Et attendent impatiemment les vacances. Avec leurs copains, ils vont tous se retrouver à Matha, une petite ville balnéaire près de l'île d'Oléron. Les premières vacances sans les parents. 

64 pages de bonheur, de communion, de découverte et surtout d'émancipation.

« Tous à Matha » (première partie), Futuropolis, 16 € 

mercredi 19 mai 2010

BD - Rions de notre nostalgie


Surfant sur la vague d'un certain revival, Turalo a imaginé des séries de gags portant sur la nostalgie des années 70 et 80. Mais il a pour une fois mis de côté ses idées un peu limites (comme imaginer le blog d'un célèbre dessinateur mort et enterré...) pour faire dans la nostalgie, gentille et assumée. 

Les années 70 sont dessinées par Pol et les années 80 par Gildo. Dans le premier on retrouve des références à Columbo, les drogues douces, Casimir ou Superman. Dans le second place à Hulk, Indiana Jones, l'inspecteur Gadget ou Véronique et Davina (de Gym Tonic). Dans les années 70, le ressort comique est assuré par l'affrontement entre deux frères, l'un baba-cool, l'autre CRS. Cela fonctionne souvent à merveille. 

Pour ce qui est des années 80, c'est la complicité entre deux cousins qui est mise en avant. Deux adultes qui ont encore un cerveau de gamin. Au grand désespoir de leurs compagnes beaucoup plus matures. De la bonne BD de délassement, idéale pour un cadeau ou pour se remémorer les joies du temps passé.

« J'aime les années 70 », « J'aime les années 80 », Drugstore, 9 € 

lundi 17 mai 2010

Polar - Thierry Jonquet broie du noir


Ce gros volume hommage reprend quatre romans policiers de Thierry Jonquet, disparu l'an dernier. Quatre romans noirs, parfaits exemples des récits que cet écrivain et militant de gauche aimait signer. « Les orpailleurs », « Moloch », « Mygale » et « La Belle et la Bête » sont regroupés dans cette somme de plus de 1 000 pages. 

Les personnages sont déchirés, les situations extrêmes. Intrigues au cordeau, psychologies fouillées, rebondissements : les romans policiers de Thierry Jonquet sont des bijoux qu'on a parfois quelques difficultés à digérer. Il écrivait des textes à des lieues des romans formatés, lisses, prévisibles. Thierry Jonquet, à son corps défendant, était devenu un exemple, un maître du genre. 

En plus de ses œuvres, vous pourrez mieux connaître l'homme en lisant une longue préface de Martine Laval et une postface de Patrice Bard.

« Romans noirs », Thierry Jonquet, Folio Policier, 10,90 € 

dimanche 16 mai 2010

BD - Secrets de contrebandiers


En rachetant le secteur BD de Robert Laffont, les éditions Delcourt ont donné une seconde chance à de nombreuses séries. Exemple avec « Le secret du Mohune » de Rodolphe (scénario) et Hé (dessin). La réédition du premier tome précède de deux mois le second opus et vous ne devrez attendre qu'un mois supplémentaire pour en découvrir la troisième et dernière partie. 

Une série complète en moins de six mois, les bédéphiles impatients apprécient. Cette libre adaptation de « Moonfleet », le roman de John Meade Falkner, nous entraîne sur les rivages de l'Angleterre au 18e siècle. Le jeune Jim découvre, par hasard, le repaire caché des contrebandiers locaux. Il deviendra leur complice car pour survivre dans cette société profondément inégale, il faut parfois savoir tricher. Jim qui sera déchiré entre l'amour qu'il porte à Mary Maskew et la haine vouée au père de cette dernière. 

Avec en plus, en fil conducteur, la recherche d'un diamant légendaire qui aurait appartenu aux Mohune, une famille maudite qui semble toujours hanter la région.

« Le secret du Mohune » (tomes 1 et 2), Delcourt, 12,90 € 

samedi 15 mai 2010

BD - Esclaves révoltés


Indéniablement, certaines séries ont besoin de temps pour s'imposer. « His Majesty's Ship, H. M. S. » est de cette trempe. Une superbe histoire de marine et de pirates ancrée dans la réalité historique, donnant l'occasion au lecteur de sillonner toutes les mers du globe. 

Nous retrouvons donc John Fenton, médecin de sa majesté affecté à la Marine. Il est à Gibraltar mais n'y reste pas longtemps. Une nouvelle mission l'envoie dans les Caraïbes. Il est chargé de découvrir qui est le traitre dans l'entourage du gouverneur des Grenadines. Une mission très secrète, où il voyage incognito car il doit également obtenir des nouvelles d'un jeune officier capturé par les rebelles de la région. Seiter, le scénariste, sous couvert d'aventure, nous en apprend beaucoup sur la révolte des Garifunas. Ces hommes, issus du mélange d'esclaves noirs et d'Indiens Caraïbes, ont fait tremblé le Royaume Uni en cette fin du 18e siècle.

 Des hommes qui ont tenté de mettre fin à leur joug, parfois en utilisant les mêmes armes que leur tortionnaires : la torture, le viol et les exécutions sommaires. Roussel, au dessin, apporte précision et efficacité à ce récit historique passionnant.

« H. M. S. » (tome 5), Casterman, 10,40 € 

vendredi 14 mai 2010

Bd - Les vampires et le détective


Nouvelle variation autour du personnage de Sherlock Holmes. Sébastien Cordurié, le scénariste, a imaginé une trajectoire du détective virant vers le fantastique. Tout débute, comme souvent, quelques temps après l'affrontement entre Holmes et Moriarty dans les chutes de Reichenbach. Contrairement à ce que tout le monde croit, le détective imaginé par Conan Doyle n'est pas mort. Mais il fait tout comme, découvrant une liberté qu'il entend mettre à profit pour voyager dans le monde entier. 

Une escapade qui va prendre fin à Paris. C'est là qu'il va être recontacté par la couronne britannique pour mettre fin aux agissement d'un vampire sanguinaire. Car les vampires ne sont pas une invention. Ils prospèrent même dans cette Angleterre victorienne, protégeant la couronne qui fait le nécessaire pour taire leur existence. Mais quand l'un d'entre eux décide de ne plus jouer le jeu, le sang gicle et les nobles tremblent. 

On retrouve l'ambiance des romans avec ce petit plus fantastique qui élargit les horizons. Laci, au dessin, excelle dans les décors et ne lésine pas sur le noir pour assombrir l'ambiance.

« Sherlock Holmes et les vampires de Londres » (tome 1), Soleil, 13,50 € 

jeudi 13 mai 2010

Roman - Troublante Afrique

L'Afrique peut devenir la nouvelle plaque tournante du terrorisme mondial. Une réalité au cœur du nouveau roman de Jean-Christophe Rufin.


Membre de l'Académie française, engagé dans les associations humanitaires, diplomate français : Jean-Christophe Rufin ne manque pas d'étiquettes. C'est cependant sous la plus simple de toutes, romancier, qu'il se présente à nous avec « Katiba », sa dernière nouveauté. Mais il ne faut pas s'étonner si ce roman, entre espionnage et romance, puise dans l'ensemble de ses connaissances. Il est devenu un expert de cette Afrique qui, tout en faisant toujours rêver certains Européens, pourrait devenir un cauchemar dans l'avenir.

Tout débute par une prise d'otages manquée sur une piste du Sahara en Mauritanie. Un convoi de touristes italiens, intercepté par des rebelles islamistes. Des débutants. Ne maîtrisant pas bien le français. Les Italiens non plus. Une incompréhension qui se termine dans un bain de sang. Quatre morts, le déclenchement de recherches par les autorités officielles du pays et surtout la colère du « chef suprême de tous les groupes jihadistes en Algérie ».

Apprentis jihadistes

Il envoie des émissaires demander des comptes au responsable local, Abou Moussa. C'est là que l'on apprend ce que veut dire le titre du roman. « Un camp de combattants islamistes, qu'on appelle « Katiba » en Afrique du Nord, change sans cesse de lieu et d'effectifs. En dehors des actions terroristes qu'elle mène, une katiba sert à l'entraînement de nouveaux maquisards, recrutés dans toute l'Afrique de l'Ouest. La plupart espèrent repartir dans leur pays, à l'issue de leur séjour, pour y mener le jihad. » Jean-Christophe Rufin va donc nous plonger au cœur de cette nouvelle guerre religieuse, décortiquant avec minutie son fonctionnement et son but. Mais ce n'est qu'une partie du roman. L'autre s'attache aux pas de Jasmine. Cette jeune Française travaille au Quai d'Orsay. Elle est chargée du protocole dans un ministère qui y apporte encore beaucoup d'importance.

Troublante Jasmine

Jasmine est depuis peu en poste. Elle a du retrouver le chemin du travail après la mort de son mari, consul en Mauritanie. Un pays qu'elle va retrouver sous couvert d'action humanitaire pour l'association créée à l'époque par son époux. Un voyage écran effectué à la demande d'un certain Kader qu'elle semble connaître depuis des décennies. Jasmine, femme secrète, blessée, malheureuse, semble avoir des dettes d'honneur qu'elle n'a toujours pas entièrement remboursé. Elle jouera l'agent double, l'agent trouble, dans ce ballet de dupes où tout le monde s'observe. Car en plus de l'Etat français, certaines officines américaines ont décidé d'étendre leur terrain de jeu, bien conscientes que le terrorisme ne se limite plus au Moyen Orient. Reste à savoir qui manipule qui et quelle est la véritable finalité de cette partie d'échecs planétaire rythmée par de sanglants attentats.

En même temps qu'il dévoilera le véritable visage de Jasmine, Jean-Christophe Rufin remonte aux sources des commanditaires. Il démonte les rouages de la manipulation. Cela fait froid dans le dos même si ce n'est qu'un roman.

« Katiba » de Jean-Christophe Ruffin, Flammarion, 20 € 

mercredi 12 mai 2010

BD - Parodie extrême par Yann et Conrad


A l'époque, dans les années 80, cette parodie de Bob Morane avait fait grand bruit. Il est vrai que Yann et Conrad, les dynamiteurs des Hauts de page de Spirou, les créateurs des Innommables, avaient placé la barre très haut. Bob, petit, malingre, hanté par l'image du père parti avec la bonne, est harcelé par Carlotta, la femme d'un ami. 

Mais Bob Marone n'en a que pour son compagnon d'aventures, Bill Galantine, solide Ecossais, qui vibre... sous ses coups de reins. Car dans ce pastiche acidulé, nos deux héros sont homosexuels. Ils se retrouvent coincés dans le passé, à affronter un dinosaure blanc. 

Parus initialement chez Glénat, ces deux albums sont repris dans une intégrale au look soigné : dos toilé, couleurs d'époque et en bonus quelques esquisses, peintures et autres planches inédites.

« Bob Marone » (intégrale), Dargaud, 25 €