lundi 17 mai 2010

Polar - Thierry Jonquet broie du noir


Ce gros volume hommage reprend quatre romans policiers de Thierry Jonquet, disparu l'an dernier. Quatre romans noirs, parfaits exemples des récits que cet écrivain et militant de gauche aimait signer. « Les orpailleurs », « Moloch », « Mygale » et « La Belle et la Bête » sont regroupés dans cette somme de plus de 1 000 pages. 

Les personnages sont déchirés, les situations extrêmes. Intrigues au cordeau, psychologies fouillées, rebondissements : les romans policiers de Thierry Jonquet sont des bijoux qu'on a parfois quelques difficultés à digérer. Il écrivait des textes à des lieues des romans formatés, lisses, prévisibles. Thierry Jonquet, à son corps défendant, était devenu un exemple, un maître du genre. 

En plus de ses œuvres, vous pourrez mieux connaître l'homme en lisant une longue préface de Martine Laval et une postface de Patrice Bard.

« Romans noirs », Thierry Jonquet, Folio Policier, 10,90 € 

dimanche 16 mai 2010

BD - Secrets de contrebandiers


En rachetant le secteur BD de Robert Laffont, les éditions Delcourt ont donné une seconde chance à de nombreuses séries. Exemple avec « Le secret du Mohune » de Rodolphe (scénario) et Hé (dessin). La réédition du premier tome précède de deux mois le second opus et vous ne devrez attendre qu'un mois supplémentaire pour en découvrir la troisième et dernière partie. 

Une série complète en moins de six mois, les bédéphiles impatients apprécient. Cette libre adaptation de « Moonfleet », le roman de John Meade Falkner, nous entraîne sur les rivages de l'Angleterre au 18e siècle. Le jeune Jim découvre, par hasard, le repaire caché des contrebandiers locaux. Il deviendra leur complice car pour survivre dans cette société profondément inégale, il faut parfois savoir tricher. Jim qui sera déchiré entre l'amour qu'il porte à Mary Maskew et la haine vouée au père de cette dernière. 

Avec en plus, en fil conducteur, la recherche d'un diamant légendaire qui aurait appartenu aux Mohune, une famille maudite qui semble toujours hanter la région.

« Le secret du Mohune » (tomes 1 et 2), Delcourt, 12,90 € 

samedi 15 mai 2010

BD - Esclaves révoltés


Indéniablement, certaines séries ont besoin de temps pour s'imposer. « His Majesty's Ship, H. M. S. » est de cette trempe. Une superbe histoire de marine et de pirates ancrée dans la réalité historique, donnant l'occasion au lecteur de sillonner toutes les mers du globe. 

Nous retrouvons donc John Fenton, médecin de sa majesté affecté à la Marine. Il est à Gibraltar mais n'y reste pas longtemps. Une nouvelle mission l'envoie dans les Caraïbes. Il est chargé de découvrir qui est le traitre dans l'entourage du gouverneur des Grenadines. Une mission très secrète, où il voyage incognito car il doit également obtenir des nouvelles d'un jeune officier capturé par les rebelles de la région. Seiter, le scénariste, sous couvert d'aventure, nous en apprend beaucoup sur la révolte des Garifunas. Ces hommes, issus du mélange d'esclaves noirs et d'Indiens Caraïbes, ont fait tremblé le Royaume Uni en cette fin du 18e siècle.

 Des hommes qui ont tenté de mettre fin à leur joug, parfois en utilisant les mêmes armes que leur tortionnaires : la torture, le viol et les exécutions sommaires. Roussel, au dessin, apporte précision et efficacité à ce récit historique passionnant.

« H. M. S. » (tome 5), Casterman, 10,40 € 

vendredi 14 mai 2010

Bd - Les vampires et le détective


Nouvelle variation autour du personnage de Sherlock Holmes. Sébastien Cordurié, le scénariste, a imaginé une trajectoire du détective virant vers le fantastique. Tout débute, comme souvent, quelques temps après l'affrontement entre Holmes et Moriarty dans les chutes de Reichenbach. Contrairement à ce que tout le monde croit, le détective imaginé par Conan Doyle n'est pas mort. Mais il fait tout comme, découvrant une liberté qu'il entend mettre à profit pour voyager dans le monde entier. 

Une escapade qui va prendre fin à Paris. C'est là qu'il va être recontacté par la couronne britannique pour mettre fin aux agissement d'un vampire sanguinaire. Car les vampires ne sont pas une invention. Ils prospèrent même dans cette Angleterre victorienne, protégeant la couronne qui fait le nécessaire pour taire leur existence. Mais quand l'un d'entre eux décide de ne plus jouer le jeu, le sang gicle et les nobles tremblent. 

On retrouve l'ambiance des romans avec ce petit plus fantastique qui élargit les horizons. Laci, au dessin, excelle dans les décors et ne lésine pas sur le noir pour assombrir l'ambiance.

« Sherlock Holmes et les vampires de Londres » (tome 1), Soleil, 13,50 € 

jeudi 13 mai 2010

Roman - Troublante Afrique

L'Afrique peut devenir la nouvelle plaque tournante du terrorisme mondial. Une réalité au cœur du nouveau roman de Jean-Christophe Rufin.


Membre de l'Académie française, engagé dans les associations humanitaires, diplomate français : Jean-Christophe Rufin ne manque pas d'étiquettes. C'est cependant sous la plus simple de toutes, romancier, qu'il se présente à nous avec « Katiba », sa dernière nouveauté. Mais il ne faut pas s'étonner si ce roman, entre espionnage et romance, puise dans l'ensemble de ses connaissances. Il est devenu un expert de cette Afrique qui, tout en faisant toujours rêver certains Européens, pourrait devenir un cauchemar dans l'avenir.

Tout débute par une prise d'otages manquée sur une piste du Sahara en Mauritanie. Un convoi de touristes italiens, intercepté par des rebelles islamistes. Des débutants. Ne maîtrisant pas bien le français. Les Italiens non plus. Une incompréhension qui se termine dans un bain de sang. Quatre morts, le déclenchement de recherches par les autorités officielles du pays et surtout la colère du « chef suprême de tous les groupes jihadistes en Algérie ».

Apprentis jihadistes

Il envoie des émissaires demander des comptes au responsable local, Abou Moussa. C'est là que l'on apprend ce que veut dire le titre du roman. « Un camp de combattants islamistes, qu'on appelle « Katiba » en Afrique du Nord, change sans cesse de lieu et d'effectifs. En dehors des actions terroristes qu'elle mène, une katiba sert à l'entraînement de nouveaux maquisards, recrutés dans toute l'Afrique de l'Ouest. La plupart espèrent repartir dans leur pays, à l'issue de leur séjour, pour y mener le jihad. » Jean-Christophe Rufin va donc nous plonger au cœur de cette nouvelle guerre religieuse, décortiquant avec minutie son fonctionnement et son but. Mais ce n'est qu'une partie du roman. L'autre s'attache aux pas de Jasmine. Cette jeune Française travaille au Quai d'Orsay. Elle est chargée du protocole dans un ministère qui y apporte encore beaucoup d'importance.

Troublante Jasmine

Jasmine est depuis peu en poste. Elle a du retrouver le chemin du travail après la mort de son mari, consul en Mauritanie. Un pays qu'elle va retrouver sous couvert d'action humanitaire pour l'association créée à l'époque par son époux. Un voyage écran effectué à la demande d'un certain Kader qu'elle semble connaître depuis des décennies. Jasmine, femme secrète, blessée, malheureuse, semble avoir des dettes d'honneur qu'elle n'a toujours pas entièrement remboursé. Elle jouera l'agent double, l'agent trouble, dans ce ballet de dupes où tout le monde s'observe. Car en plus de l'Etat français, certaines officines américaines ont décidé d'étendre leur terrain de jeu, bien conscientes que le terrorisme ne se limite plus au Moyen Orient. Reste à savoir qui manipule qui et quelle est la véritable finalité de cette partie d'échecs planétaire rythmée par de sanglants attentats.

En même temps qu'il dévoilera le véritable visage de Jasmine, Jean-Christophe Rufin remonte aux sources des commanditaires. Il démonte les rouages de la manipulation. Cela fait froid dans le dos même si ce n'est qu'un roman.

« Katiba » de Jean-Christophe Ruffin, Flammarion, 20 € 

mercredi 12 mai 2010

BD - Parodie extrême par Yann et Conrad


A l'époque, dans les années 80, cette parodie de Bob Morane avait fait grand bruit. Il est vrai que Yann et Conrad, les dynamiteurs des Hauts de page de Spirou, les créateurs des Innommables, avaient placé la barre très haut. Bob, petit, malingre, hanté par l'image du père parti avec la bonne, est harcelé par Carlotta, la femme d'un ami. 

Mais Bob Marone n'en a que pour son compagnon d'aventures, Bill Galantine, solide Ecossais, qui vibre... sous ses coups de reins. Car dans ce pastiche acidulé, nos deux héros sont homosexuels. Ils se retrouvent coincés dans le passé, à affronter un dinosaure blanc. 

Parus initialement chez Glénat, ces deux albums sont repris dans une intégrale au look soigné : dos toilé, couleurs d'époque et en bonus quelques esquisses, peintures et autres planches inédites.

« Bob Marone » (intégrale), Dargaud, 25 € 

mardi 11 mai 2010

BD - Petits Hommes, grands de la BD


Pierre Seron a longtemps été considéré comme le meilleur disciple de Franquin (certains militaient d'ailleurs pour qu'il reprenne les aventures de Spirou). Un dessinateur discret, efficace et productif. Il ne s'est quasiment consacré qu'à une seule série : Les Petits Hommes. 

Les éditions Dupuis, dans leur collection des intégrales, entreprend la réédition, dans l'ordre chronologique, des aventures de ces petits héros, devenus minuscules après avoir été touchés par une météorite. Le premier volume reprend plusieurs histoires non publiées en album, l'occasion de découvrir les premiers pas d'un futur grand. Car Seron, sous un certain classicisme, a toujours aimé les expériences : des planches à l'italienne à l'intervention des lecteurs en passant par l'utilisation d'autres héros (Khéna). 

Un bel hommage pour un dessinateur injustement oublié mais qui continue à publier chez Bamboo.

« Les Petits Hommes » (intégrale, tomes 1 et 2), Dupuis, 24 € chaque volume 

lundi 10 mai 2010

BD - L'aventurier ultime


Bernard Prince est le prototype parfait du héros de BD aventurier, libre et humain. Il est né de l'imagination débordante de Greg, durant ces années 60 au cours desquelles il lançait un personnage tous les trois mois. Le dessin en a été confié à Hermann, encore débutant. Il deviendra au fil des albums un des meilleurs dessinateur réaliste de sa génération. 

Bernard Prince qui va reprendre du service, mais avant de découvrir la nouveauté (en août prochain), plongez dans les débuts de la série grâce à cette superbe intégrale. Une redécouverte grâce au format plus grand et le long dossier qui revient sur la genèse de la série. 

Le volume 1 reprend les cinq premiers titres avec en bonus de nombreuses gouaches illustrant les couvertures du Journal Tintin.

« Bernard Prince » (intégrale, tome 1), Le Lombard, 35 €

samedi 8 mai 2010

BD - Un album à déguster


Une bande dessinée peut-elle avoir du goût ? Dans le sens de goûteuse, comme un de ces plats raffinés que l'on sert dans les restaurant étoilés. « Lord of Burger » tente de concilier histoire dessinée et grande cuisine. Une association étonnante qui l'est un peu moins quand on découvre que Christophe Arleston en signe le scénario. Le créateur du monde de Troy (Lanfeust, Trolls...) est un grand épicurien. Il n'a jamais caché son attirance pour les grands crus et les tables renommées. Il a simplement tenté, en compagnie d'Alwett, de faire découvrir aux lecteurs de BD le fonctionnement d'un restaurant 3 étoiles. Avec cependant une bonne dose de comédie et de suspense. Alessandro Caprese est à la tête du Clos des épices. Son talent de cuisinier a permis à ce restaurant gastronomique d'obtenir les légendaires trois étoiles au guide rouge. Alessandro connait la réussite derrière les fourneaux. 


Par contre, côté famille, il est en échec. Sa femme, pâtissière sans génie, est internée dans une clinique psy, sa fille Ambre refuse de cuisiner, sa passion étant la sculpture sur glace et son fils, Arthur, bien que très doué, travaille carrément pour un fast-food...

Mais quand le chef est assassiné, ses enfants vont tout faire pour maintenir le restaurant à flot pour permettre de rembourser les dettes. Ce premier tome de 100 pages plante parfaitement le décor en reproduisant assez bien l'ambiance survoltée dans les cuisines de ces temples du bien manger. Le personnage d'Ambre est particulièrement développé et on sent que derrière la volonté de cette jeune fille se cache l'âme de son père. 

Côté dessin, Balak et Zimra sont deux jeunes passés par la filière de l'animation et marqués par les mangas japonais. Cela donne une BD très vive, pleine de mouvement et d'action. Certes cela ne mérite pas encore trois étoiles, mais le résultat peut facilement prétendre à un premier macaron.

« Lord of Burger » (tome 1), Glénat, 10 € 

vendredi 7 mai 2010

BD - Le petit chat est mort


La nouvelle aventure de Jeremiah, le héros solitaire créé par Hermann, a des airs de règlement de compte en famille. La famille. Pas évident de vivre avec cette entité réductrice quand on ne jure que par la liberté. Jeremiah est de retour auprès de la belle Léna. Avec son mari elle élève son enfant. Un gamin qui ressemble étrangement à Jeremiah. 

Un toit, un travail, une femme, des enfants... On sent le héros hésiter. Mais son naturel libertaire va revenir au galop et le mettre dans de fâcheux draps. Un soir, il intervient dans une bagarre. Il cloue le bec à une brute qui tabassait un mineur. Ce dernier avait eu l'affront de critiquer Ricky, le fils pourri gâté du patron de la mine. Ricky, haineux, violent, autoritaire, une véritable peste. « Un bon garçon » selon sa mère, aveuglée. Ricky qui va tenter de se venger de Jeremiah.

Dans cette histoire de révolte ouvrière et de règlement de compte, l'action semble un simple prétexte pour étaler tout au long des pages la difficulté pour certains parents d'assumer leur progéniture. Un message personnel de l'auteur ?

« Jeremiah » (tome 29), Dupuis, 10,95 €