lundi 23 novembre 2009

Roman historique - Dante, le poète profileur

Ambassadeur de Florence envoyé remplir une mission secrète à Rome, Dante Alighieri va enquêter sur de mystérieux assassinats de femmes.


Dante, poète, écrivain, fierté de l'Italie, est également depuis quelques années héros de roman policier. Dante en profileur, c'est une idée de Giulio Leoni et si cela peut paraître incongru au premier abord, le résultat est très plaisant. Dans « La croisade des ténèbres », Dante va devoir se rendre à Rome en tant qu'ambassadeur de Florence. La ville attend beaucoup du poète et de sa force de persuasion. Alors qu'il est en pleine rédaction de son œuvre majeure, Dante rechigne à quitter son confort et mettre à mal son inspiration. Mais ses commanditaires savent comment manœuvrer le lettré. Il recevra en échange de ses services un manuscrit de Virgile. Le choix est vite fait.

Cadavre dans le fleuve

Flanqué de deux autres ambassadeurs (qu'il s'empressera d'abandonner Dante n'aimant pas le travail d'équipe), il se rend à Rome. L'occasion donnée à l'auteur pour décrire minutieusement les environs de la ville et toutes les petites gens qui y vivent. Le héros s'y rend en barque. Un voyage de nuit, éprouvant et inquiétant. Arrivé sur la terre ferme, il est le témoin d'une première scène peu banale. Des pêcheurs ramènent le corps d'une jeune femme. Tout le monde pense qu'elle s'est noyée, mais l'œil expert et aiguisé de Dante se doute qu'elle a été assassinée. Il découpe sa tunique et découvre un spectacle d'horreur : « La cavité thoracique était vide : on ne distinguait que les blanches saillies des côtes, noyées dans la chair grise. Le ventre, également vidé, fourmillait de petits poissons. L'assassin ne s'était pas contenté de tuer, il s'était acharné avec perversité sur la malheureuse, la découpant comme un animal de boucherie. »

Cherchant un logis pour son séjour, il se rend dans une maison dans un quartier excentré. Et là il retrouve le cadavre de la jeune femme, veillé par sa mère, la logeuse. Dante, bouleversé par le chagrin de la famille et constatant que la police ne fera rien pour démasquer le coupable affirme à la mère éplorée « Bien, la vieille. Ta fille sera vengée. »

Dépouille dans un sarcophage

Il se met à fureter dans les bas-fonds de la ville découvrant que ce n'est pas la première femme découverte assassinée et atrocement mutilée. Mais son enquête ne lui fait pas oublier sa mission. Il se rend à la curie pour rencontrer le pape Boniface, entouré du collège des cardinaux, « pareil à une couronne, inondant la salle d'écarlate. » A la curie où il va croiser une autre femme : Jeanne la Papesse. Cette femme qui avait réussit à se grimer en homme et à se faire élire pape, est enterrée dans une crypte secrète. Dante assiste à l'ouverture de son sarcophage. « Un corps vêtu d'une robe blanche qui reflétait la lumière des torches apparut. La tête était surmontée d'une tiare de la même couleur, et les petites mains fines qui reposaient sur la poitrine semblaient être croisées depuis peu, tant la peau paraissant élastique et les muscles des doigts relâchés. »

Ce roman offre plusieurs niveaux de lecture. Les passionnés d'histoire seront fascinés par la richesse des descriptions de Rome et de ses habitants, alors que les amateurs de polar apprécieront un suspense palpitant et la progression de l'enquête de Dante. Une belle réussite qui permet également aux lecteurs de mieux apprécier l'œuvre de ce poète, monument européen encore trop méconnu

« La croisade des ténèbres », Giulio Leoni (traduction de Nathalie Bauer), Belfond, 20 € 

dimanche 22 novembre 2009

Roman - Petit loup deviendra grand


Roman d’adolescence, roman de rupture et de formation, "Ainsi va le jeune loup au sang" de Christophe Donner raconte, souvent avec sensibilité, parfois avec une crudité extrême, la période d’émancipation de Samuel. Dans les années 60, après la mort de son père, il vit dans une maison menacée de démolition en compagnie de sa mère. Cette dernière, enseignante en dépression perpétuelle, s’accroche à cette maison, dernier espoir d’avoir une vie "normale". Mais la mairie de Paris arrive à l’épuiser. Il est vrai que le quartier est promis à un bel avenir avec la construction de la tour Montparnasse. Samuel connaît bien ce chantier. Régulièrement il y part en vadrouille la nuit. Tout tourne autour de cette construction. De ce monstre en devenir. Symbole d’un avenir glorieux, de la puissance de la technologie, des bureaux modernes et du capitalisme triomphant.

Une petite bande résiste pourtant. Le symbole c’est la maison de la mère de Samuel qu’il faut sauver. Mais très vite ce combat désespéré n’est qu’une façade pour quelques zonards, profitant de la bonté d’une pauvre femme. 

Le chef du groupe met la mère de Samuel dans son lit. L’adolescent n’admet pas cette trahison. Il part en vrille. Drogue, prostitution et finalement action violente contre la tour. Il est seul car sa mère, après quelques tentatives de psychothérapie, préfère s’enfoncer dans la folie et l’enfermement dans un asile.

Pris et jugé, Samuel se retrouve en prison. Le garçon, écorché vif, va découvrir un monde effroyable. La peur dans un premier temps puis il se forge une résistance à toute épreuve.

Il y a du Genet dans ce roman pour le côté prison, homosexuel et violent. Mais c’est en fait à Céline que Christophe Donner fait le plus de références. Le style y est, avec un peu plus de modernité. Mais surtout, les générations actuelles se reconnaîtront dans ces tentations et dérives. Samuel a franchi ce miroir qui nous a tous un jour tenté. L’autre côté n’est certainement pas mieux, mais définitivement différent…

« Ainsi va le jeune loup au sang » de Christophe Donner, éd. Grasset, 18 € 

samedi 21 novembre 2009

Roman - Folies de la guerre


Nous ne sommes pas à l'abri : les folies guerrières du siècle dernier pourraient très bien se reproduire. Claire Béchet, dans ce roman non situé dans le temps ni l'espace (on sait simplement que l'action se déroule dans un futur proche en Europe, dans un pays en guerre), parle avec justesse de la solitude des hommes et des femmes. L'évolution de notre société semble programmée pour toujours plus d'individualisme.

 Conséquence les personnages de cette histoire ne communiquent pratiquement pas entre eux. Pourtant Anna, l'héroïne, est journaliste. Elle part en reportage de l'autre côté de la frontière, dans la zone des combats, accompagnée d'un photographe qui lui servira également de guide et d'interprète car Joseph est originaire de la région. Arrivés à destination, ils sont accueillis par un ancien professeur, au chômage forcé, dans une grande maison qui a résisté par miracle aux bombardements.

L'auteur décrit longuement les froides conséquences de cette guerre. Les derniers habitants, ceux qui n'ont même pas eu la force ou la volonté de fuir les combats, survivent chichement dans ces décombres, tristes, sans véritable but si ce n'est de rester vivant. Anna, avant de rencontrer le chef de guerre, s'imprègne de cette ambiance sinistre pour son reportage.

Un soir, le professeur lui explique : « Nous n'avons plus de chants. Nous avons même oublié que nous chantions, que nos voix savaient faire autre chose que hurler, protester ou se lamenter. Nous n'en avons pas parlé, non, nous ne nous sommes pas donné le mot, non, c'est arrivé comme ça, sournoisement, et nous avons perdu le goût de chanter. »

Anna, en explorant le village, tombe en arrêt devant une grande ferme isolée. Attirée par le bâtiment, elle y pénètre et se retrouve prisonnière de la dernière locataire. Anna, prise en otage par une mère devenue folle d'avoir perdu ses fils à la guerre, glisse du statut de prisonnière à celui d'esclave. Docile et silencieuse, elle fait tout ce qu'on lui demande. Comme résignée, gagnée elle aussi par la fatalité qui s'est abattue sur la région. Pourtant elle résiste intérieurement. « Chaque matin elle se levait, se rasseyait au bord d'un lit qui n'était pas son lit, la tête dans les mains pour rattraper des miettes de rêves échappées du sommeil et les retenir au chaud de sa mémoire. Comme elle ne possédait presque plus rien, la moindre possession lui était devenue précieuse. Et les miettes des rêves qui avaient été siens lui appartenaient. »

Ce roman glacial, décrivant un monde qui nous pend au bout du nez avec des personnages dramatiquement solitaires, ne laissera personne indifférent.

« Les chants recousus » de Claire Béchet, Calmann-Lévy, 15 € 

jeudi 12 novembre 2009

BD - Rire du priapisme à l'impuissance avec Martin Veyron


Martin Veyron a connu un formidable succès avec « L'amour propre... » mettant en vedette ce fameux point G permettant aux femmes de jouir comme jamais. Dans « Blessure d'amour-propre » il propose une mise en abîme de ses affres de créateur, victime de son best-seller. 

Martin Veyron a vieilli. Il est grand-père et a des problèmes de prostate. Mais sa notoriété n'a pas faibli. Quand il va récupérer la voiture de sa femme à la fourrière, en présentant sa carte d'identité, le policier de service le reconnaît et regrette qu'il n'ai pas fait « L'amour propre 2 ». Un Veyron qui a par ailleurs des soucis financiers. 

Ses BD suivantes se sont beaucoup moins vendues. Aussi quand il reçoit la visite d'une jeune journaliste désirant réaliser un documentaire sur le Point G, il accepte de témoigner contre une rémunération. Et pour faire vécu, la journaliste propose qu'il teste sa technique de recherche de point G sur elle. Arrivé à cette scène, on se dit que ça y est, les pages osées vont s'enchaîner. Perdu ! 

L'auteur prend tout le monde à contre-pied. Le sexe n'est plus aussi simple et débridé de nos jours. Ses problèmes de prostate vont rendre Veyron impuissant et la journaliste est désespérément frigide. Et paradoxalement, ces 80 pages sont incroyablement... jouissives.

« Blessure d'amour-propre », Dargaud, 14,50 €

mercredi 11 novembre 2009

BD - Manchette et la Princesse


Jean-Patrick Manchette, dont toute l'oeuvre est désormais disponible dans la collection Folio Policier, a porté le roman noir français au sommet. Il a été souvent adapté au cinéma (rarement avec justesse) ou à la télévision. Mais son univers est aussi une mine pour la BD. Après Tardi, c'est Cabanes qui s'attaque à une de ses œuvres : « La Princesse du sang ». Mais ce roman, le dernier de Manchette, est resté inachevé. 

C'est donc son fils, Doug Headline, qui en a signé l'adaptation y apportant une fin que les lecteurs n'auront jamais la chance de lire. Dans les années 50, à Paris, Londres et Cuba, le lecteur suit la destinée d'Alba Black. Cette fillette, enlevée contre une rançon, échappe à un carnage et est finalement retrouvée, des années plus tard, par une photographe animalière retirée dans la jungle cubaine. La petite s'appelle désormais Négra et vit comme une sauvageonne avec son sauveur de l'époque, Victor. 

La photographe, Ivory Pearl, ayant connu les affres de la guerre, va prendre la fillette sous son aile quand les tueurs retrouvent sa trace. Personnages attachants, intrigue mêlant argent et géo-politique, Manchette était moderne. Cabanes l'adapte fidèlement.

« La Princesse du sang » (tome 1), Dupuis, 15,50 € 

mardi 10 novembre 2009

BD - La mauvaise herbe pousse en Grèce


En Grèce, dans les années 30, l'arrivée au pouvoir de militaires aux tendances fascisantes a provoqué la mort d'un style de musique : le rébétiko. Cette partie ignorée de l'histoire de ce pays européen est mis en lumière dans cet album magistral signé David Prudhomme. Sur une centaine de pages aux couleurs pastels de cette Méditerranée languissante, il raconte la vie de ces musiciens, devenus les ennemis du pouvoir, simplement pour exacerber le sentiment national et dénoncer la prétendue fainéantise de ces nomades inventeurs du blues grec. 

Armés de leur bouzouki, ils jouent, chantent et fument du haschich. C'en est trop pour les tenants de la « troisième civilisation hellénique ». Stravos, amateur de jolies filles, à l'esprit particulièrement frondeur, et Markos, à peine sorti de prison (où il a joué un dernier morceau pour le directeur, accro à ces airs) déambulent dans cette ville en pleine mutation. Ils vivotent et résistent jusqu'à ce qu'ils aient l'opportunité de quitter l'Europe pour aller enregistrer un disque aux USA. 

Un récit fort, politique et poétique ; certainement le meilleur album de cette seconde partie d'année 2009.

« Rébétiko », Futuropolis, 20 € 

lundi 9 novembre 2009

BD - Robert Crumb et l'origine du monde


Robert Crumb, souvent considéré comme le pape de la BD underground américaine, prend ses lecteurs à contre-pied en proposant une ambitieuse adaptation graphique de la Genèse. Mais il ne s'agit en aucun cas d'un virage mystique de cet auteur américain, chantre de la nature installé depuis une dizaine d'années en France, dans un petit village des Cévennes. Surtout connu pour ses personnages féminins plantureux et dominateurs, il a simplement voulu proposer une adaptation d'un « texte puissant avec plusieurs strates de sens qui plongent profondément dans notre conscience collective, notre conscience historique. » Et face à l'ampleur de la tâche, il a préféré se tenir au plus près de l'original, préférant laisser certains passages « dans leur état d'imprécision alambiquée plutôt que de trafiquer un texte aussi vénérable. »


Le résultat est d'une richesse étonnante. Graphique en premier lieu. Crumb n'a rien perdu de son trait, rond, où de multiples hachures donnent tout le relief de ses personnages. Dieu semble toujours courroucé, les hommes fautifs et piteux. Les femmes, et elles sont très nombreuses dans la Genèse leur rôle de procréatrice étant sans cesse mis en valeur, sont responsables du péché originel mais sont aussi les appuis fidèles de ces hommes et femmes dont les vies ont façonné notre monde.

En signant cette Genèse, Robert Crumb fait la grande bascule côté public. Car ceux qui ont aimé les élucubrations de Mr Natural, BD irrévérencieuse, libertaire et libertine, ne seront certainement pas sensibles à cette adaptation fidèle d'un texte ayant traversé les siècles, même si Crumb explique que la « Bible n'est pas la parole de Dieu mais la parole des hommes. »

« La Genèse » de Robert Crumb. Denoël Graphic. 220 pages. 29 euros 

vendredi 6 novembre 2009

BD - Trop moderne ce collège !


La série Zap Collège de Téhem se transforme le temps d'un album en véritable cauchemar pour les élèves. Le personnage principal, Jean-Eudes, fils de diplomate, revient en France après quelques mois passés en Afrique. Il quitte les cases en pleine brousse pour se retrouver dans un collège Claude-François relooké et à la pointe de la modernité. Les profs ont laissé la place à des robots, les surveillants à des sortes de videurs de boite de nuit à la carrure de rugbymen néo-zélandais. La mentalité aussi à fortement évolué. C'est la prime au mérite. 

Bien malgré lui, il décroche une des meilleurs notes à son stage en entreprise et remporte un voyage au Yapon, pays où la technologie est déjà reine. 

Ce récit de 48 pages, bourré de gags, est aussi (et avant tout) une parabole sur les bienfaits du progrès pouvant se  transformer en méfaits s'ils tombent dans de mauvaises mains. Et de démontrer que parfois, les profs ne sont pas si terribles que cela. Ils ont encore cette étincelle d'humanité qui fait qu'un cours peut devenir passionnant.

« Zap Collège » (tome 5), Téhem, Glénat – Okapi collection Tchô !, 9,40 € 

jeudi 5 novembre 2009

Roman français - Le remord des morts


Un roman de Michel Rio se lit comme une plongée en apnée. On tente toujours d'aller plus loin, au risque de suffoquer. "Leçon d’abîme", une enquête de Francis Malone, illustre une nouvelle fois cette impression. Le final, horrible et pathétique, nous laisse sans souffle, comme doutant de notre humanité.

En Suisse, près de Zurich, derrière un immense portail, une demeure de prestige et deux personnes pour accueillir le policier : un sous homme, Karl, difforme et claudiquant, valet servile du riche propriétaire, et une femme blonde et sophistiquée d'une rare beauté, Hildegard, la secrétaire. Malone ne peut s'empêcher de penser qu'il a devant lui « l'idéal esthétique de la féminité aryenne, de la déesse barbare germanique fantasmée par les nazis ». D'autant plus étonnant qu'il est chez David Klein, riche juif ayant survécu aux camps d'extermination allemands.

Malone est à la recherche d'indices prouvant la mort d'un certain Hans Uzler, Waffen SS, un des dirigeants du camp de Dachau. Dachau de sinistre mémoire pour David Klein. Il a réussi à s'évader du camp la veille de la mort de Uzler. Sans sa sœur, Judith, qui est morte dans l'incendie de la maison de Uzler. Dans cette vaste demeure fermée à l'extérieur, Malone va sortir de l'oubli une histoire à trois : le frère, la sœur et le bourreau. Paradoxalement ce triumvirat est reformé lors de jeux sadomasochistes entre David Klein, riche voyeur, le serviteur difforme et la sculpturale Hildegard. Malone l'apprendra par la suite, au cours d'une rencontre torride avec la secrétaire et légataire universelle du milliardaire David Klein.

Que veut prouver exactement Malone ? Hildegard joue-t-elle un double jeu ? Quelles sont les pensées secrètes de Klein ? Quel rôle exact a joué Judith dans cette sombre histoire ? Un flot de question qui pousse le lecteur à dévorer les dernières pages du roman, face-à-face d'une grande intensité entre Klein et Malone.

« Leçon d'abîme » de Michel Rio, Seuil, 11 € 

mercredi 4 novembre 2009

BD - Matière verte et nostalgie


Je l'avoue, de toutes les rééditions des séries de l'âge d'or du journal de Spirou, celle de Tif et Tondu par Will est ma préférée. Je me suis d'ailleurs longtemps demandé pourquoi cette série tombait dans l'oubli malgré ses qualités graphiques évidentes. Depuis trois ans les éditions Dupuis ont remédié à cet état de fait et choisi de reprendre les épisodes non pas par ordre chronologique mais par thème. 

Ce 6e tome propose les ultimes histoires scénarisées par Rosy, le créateur de Choc. Et dans ces histoires, « La matière verte » et « Tif rebondit », pas de grand méchant pour donner du fil à retordre aux deux héros. Publiées en 1967 et 1968, ces albums marquaient un tournant dans la série. La volonté de changer les codes. Rosy semblait lassé de ces héros. Will continuait à consciencieusement dessiner ces récits mouvementée, maniant le décor à merveille, mais avait lui aussi l'envie de s'évader vers d'autres horizons. Cela donnera la création, quelques années plus tard, d'Isabelle et de son monde magique et merveilleux.

Tif et Tondu c'est par excellence une de mes madeleines d'enfance. Pourtant j'ai mis du temps à saisir toute la virtuosité du trait de Will. Sa simplicité et son efficacité semblaient m'aveugler. Il aura fallu que mon oeil s'éduque pour que j'apprécie à sa juste valeur ce dessinateur d'exception. Ces intégrales montrent qu'il était avant tout moderne. On pourrait regretter qu'il soit resté si longtemps enfermé dans une série qui, sans être un best-seller, a toujours été un pilier des éditions Dupuis.

Cette étiquette de dessinateur efficace et régulier lui a longtemps collé à la peau. Il a d'ailleurs volontiers participé à cette image en ne signant que les décors, comme un simple assistant, de certains albums de Spirou ou de Natacha. Mais il suffit d'avoir vu une fois une de ses peintures, notamment de femme, pour être persuadé que c'était avant tout un immense artiste.

« Tif et Tondu » (intégrale, tome 6), par Will et Rosy, Dupuis, 152 pages, 18 €