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dimanche 22 novembre 2009

Roman - Petit loup deviendra grand


Roman d’adolescence, roman de rupture et de formation, "Ainsi va le jeune loup au sang" de Christophe Donner raconte, souvent avec sensibilité, parfois avec une crudité extrême, la période d’émancipation de Samuel. Dans les années 60, après la mort de son père, il vit dans une maison menacée de démolition en compagnie de sa mère. Cette dernière, enseignante en dépression perpétuelle, s’accroche à cette maison, dernier espoir d’avoir une vie "normale". Mais la mairie de Paris arrive à l’épuiser. Il est vrai que le quartier est promis à un bel avenir avec la construction de la tour Montparnasse. Samuel connaît bien ce chantier. Régulièrement il y part en vadrouille la nuit. Tout tourne autour de cette construction. De ce monstre en devenir. Symbole d’un avenir glorieux, de la puissance de la technologie, des bureaux modernes et du capitalisme triomphant.

Une petite bande résiste pourtant. Le symbole c’est la maison de la mère de Samuel qu’il faut sauver. Mais très vite ce combat désespéré n’est qu’une façade pour quelques zonards, profitant de la bonté d’une pauvre femme. 

Le chef du groupe met la mère de Samuel dans son lit. L’adolescent n’admet pas cette trahison. Il part en vrille. Drogue, prostitution et finalement action violente contre la tour. Il est seul car sa mère, après quelques tentatives de psychothérapie, préfère s’enfoncer dans la folie et l’enfermement dans un asile.

Pris et jugé, Samuel se retrouve en prison. Le garçon, écorché vif, va découvrir un monde effroyable. La peur dans un premier temps puis il se forge une résistance à toute épreuve.

Il y a du Genet dans ce roman pour le côté prison, homosexuel et violent. Mais c’est en fait à Céline que Christophe Donner fait le plus de références. Le style y est, avec un peu plus de modernité. Mais surtout, les générations actuelles se reconnaîtront dans ces tentations et dérives. Samuel a franchi ce miroir qui nous a tous un jour tenté. L’autre côté n’est certainement pas mieux, mais définitivement différent…

« Ainsi va le jeune loup au sang » de Christophe Donner, éd. Grasset, 18 € 

jeudi 9 avril 2009

BD - Tous tocards !

A en croire Christophe Donner, le PS n'est qu'une écurie de tocards. Mais cela n'empêche pas le joueur de parier. Et gros...


« 20 000 euros sur Ségo ! » Le titre de cette sortie de Christophe Donner donne d'emblée le ton. Associer politique de gauche et jeu d'argent c'est encore plus révolutionnaire que de faire un meeting au Zénith en tunique de soie sauvage. Si Patrick Rambaud se paie notre « fulgurant président », Christophe Donner, lui aussi chez Grasset, préfère attaquer sur sa gauche. Il frappe dans le tas, de Ségolène à Hamon, en racontant les coulisses de ce fratricide congrès de Reims.

En fait, tout commence par une envie de femme. La femme du narrateur qui veut changer les fenêtres de leur appartement. Il faut trouver 20 000 euros. Madame a une idée : « Écris un livre, un livre qui rapporte des sous ! » Plus porté sur les paris hippiques que la politique, le narrateur obtient cependant une avance de son éditeur en lui expliquant qu'il allait raconter, de l'intérieur, le congrès de Reims du parti socialiste.

La curée de Reims

C'est en constatant qu'il y a six motions en concurrence que l'idée lui est venue de parier sur le résultat. Après un rapide tour d'horizon, il se décide et lance la fameuse phrase à son bookmaker anglais. Ce texte, vif et enlevé, alterne les explications savantes sur les humeurs de turfistes (déjà lues dans les précédents livres de Christophe Donner) et des considérations sur la politique, les politiques, les partis et les militants. Avec un final immergé dans le congrès, quand tout le monde espérait le duel Martine – Ségolène.

Au début, avant de se consacrer à ses deux principales héroïnes, il tente de s'intéresser aux autres candidats. Le beau Benoît Hamon n'est pas le plus mal traité. Par contre Bertrand Delanoë en prend pour son grade quand l'auteur analyse un de ses discours : « Fidélité, rénovation, croire, changer l'Europe, justice sociale, plus de démocratie, le maire de Paris appuyait sur chacun de ces mots, comme de nouveaux clous qu'il enfonçait dans sa langue de bois. »

Ode aux banquiers

Alors que la lutte devient plus serrée, que la crise économique mondiale s'accélère, la côte de Ségolène baisse de plus en plus. Bien qu'elle ait la majorité de l'appareil du parti contre elle, les militants se montrent de plus en plus enthousiastes. Comme le narrateur. Il n'est pas convaincu de la pertinence de son programme (ce fils de communiste avoue même qu'il a voté Sarkozy), mais simplement car il est entraîné par le jeu. Il risque gros et n'a qu'un désir pour l'avenir : qu'elle l'emporte. Même à 2 contre 1, il double sa mise. Au détour des péripéties contées par le menu avec force de détails, le narrateur a cette tirade pour défendre les banquiers, en totale opposition avec l'air du temps mais très visionnaire : « Les banquiers sont les gardiens, les bergers de l'économie. Ils veillent sur nous. Seulement, à force de se faire accuser de tous les maux, leur mauvaise conscience se réveille. Déjà qu'à l'état normal ce sont des gens ravagés par le doute, si toute l'opinion se dresse contre eux, c'est fini, ils vont craquer. »

La fin de l'histoire, tout le monde la connaît : Martine Aubry l'emporte avec quelques dizaines de voix d'avance. Pari perdu alors pour Christophe Donner ? Pas sûr, le bougre a plus d'un atout dans sa manche. Ce livre par exemple. Son ton résolument caustique envers le PS et la politique en général devrait lui assurer un petit succès. De quoi payer les « fenêtres en or » tant désirées par sa femme.

« 20 000 euros sur Ségo ! », Christophe Donner, Grasset, 12 €