lundi 5 octobre 2009

BD - "L'antistase de l'héritier", second épisode de Mégaron


Quand Mathieu Sapin, auteur complet s'illustrant plutôt dans la BD intellectuelle, décide de pondre un scénario d'héroic-fantasy, cela décoiffe. Tel un Sfar libéré de ses chaînes mystico-religieuses, il imagine monstres, dieux et héros se mélangeant dans une grande marmite bouillonnante de légendes, malédictions et autres quêtes, complexes pour ne pas dire incompréhensibles. Le tout est illustré par Patrick Pion, dessinateur appliqué de ce délire plein de bruit et de fureur. 

Le second et ultime tome des aventures de Mégaron parle essentiellement de descendance. Le fils du héros (qui est grand, musclé, velu et doté d'une tête de phacochère) est sur le point de naître. Pour que le papa soit présent à l'accouchement, il doit se débarrasser d'une tribu de coupeurs de têtes, d'un dieu mineur à tête de lapin, d'une armée de squelettes et Arrak, Dieu du premier cercle. 

Les amateurs de réalisme social en seront pour leur argent. Les autres, à condition de bien vouloir jouer le jeu, découvriront un univers imaginaire riche et foisonnant.

« Mégaron » (tome 2), Dargaud, 13,50 € 

dimanche 4 octobre 2009

BD - Carmilla découvre les joies du camping


C'est toujours un plaisir de redécouvrir le trait rond et charnel de Laurel. Cette jeune dessinatrice, qui s'est faite connaître en dévoilant ses états d'âme dessinés sur le blog « Un crayon dans le cœur », signe le quatrième album des aventures de Carmilla. 

Cette adolescente, dont les péripéties sont écrites par Loris Murail, est très actuelle. Elle confie à son journal intime les bons et mauvais moments de sa vie. Les bons c'est quand elle pense à son fiancé, Jo, les mauvais c'est dès que sa petite sœur, Mina, s'immisce dans sa vie privée. Dans ce nouveau récit, la petite famille de Carmilla part en vacances au camping les « Verts pins ». 

L'ennui est mortel, jusqu'au jour où Carmilla croise la route d'un mystérieux et jeune vacancier. Elle tombe amoureuse, mais lui reste étrangement atone, comme absent de notre réalité. Une histoire un peu à l'eau de rose (mais le public visé est clairement adolescent et de sexe féminin...) qui aborde pourtant nombre de problèmes plus sérieux comme le phénomène des locavores ou des médecines alternatives.

« Le journal de Carmilla » (tome 4), Vents d'Ouest, 9,40 € 

samedi 3 octobre 2009

Roman - Moiteur sénégalaise durant l'hivernage

L'hivernage, ou saison des pluies au Sénégal, s'accompagne d'une ambiance particulière, propice aux dérapages. Un polar de Laurence Gavron.


Il y a quatre personnages principaux dans ce livre. Deux hommes et deux femmes. Mais le véritable héros de ce roman policier signé Laurence Gavron c'est cette saison des pluies, l'hivernage, aux ambiances si particulières. Quatre à cinq mois ou la chaleur suffocante alterne avec de puissantes averses. L'auteur, Française vivant à Dakar, réalisatrice de documentaires sur des artistes africains, est également journaliste et photographe pour la presse locale.

Elle connaît parfaitement la région et décrit avec force de détails les effets de cette particularité climatique. « L'hivernage, au Sénégal, était puissant, passionné, surprenant. Il pouvait vous laisser tranquille pendant des jours, voire des semaines, et réapparaître soudain avec une force décuplée, tout envahir, abîmer, noyer, gâcher comme on disait volontiers ici. Il laissait des traces pendant des mois. L'eau arrivait en trombes, renversait tout. Mais aussi rapidement qu'elle était apparue, la pluie disparaissait, le ciel réapparaissait sous les couches de nuages désormais d'un gris bleuté, les traces blanches s'évaporant pour faire place à un horizon sans tache. Et aussitôt, la chaleur revenait, imperturbable. » Ce long extrait donne une bonne idée de l'importance de la météo tout au long de ce roman. Elle influe directement sur les humeurs des protagonistes.

Le flic, le journaliste, la photographe et le modèle

Ils sont donc quatre à graviter autour de la découverte du cadavre d'un retraité, le sexe coupé, mort saigné dans son lit du quartier de la Médina. Le flic qui est chargé de l'enquête : Souleymane/Jules Faye. Bon vivant, heureux aux côtés de sa femme aux formes rebondies. Il est devenu quelqu'un d'important, presque malgré lui.

Important aussi Bokar, rédacteur en chef d'un quotidien de Dakar. Encore jeune, provincial, bon musulman, il est fier de sa réussite. Et découvre également un monde nouveau. Notamment par l'entremise de Leocady, sa jeune maîtresse. Cette métisse, ayant passé toute son enfance en France, est revenue à ses racines, cherchant à mieux connaître son père. Elle est tombée amoureuse de ce pays, de ses habitants. Elle aime l'art et en vit, signant des photos présentées dans des expositions ou des livres.

C'est dans le cadre de son travail qu'elle va rencontrer, Mariama, dernier personnage clé du roman. Cette jeune femme a été mariée, sur photo, à un Sénégalais immigré. Son mari l'a choisie dans un classeur, un book. Il vit en Italie, travaillant dur pour faire vivre toute sa famille résidant à Louga, dans le nord du pays. Mariama n'a passé qu'un mois avec lui, pendant ses vacances. Après les noces. Il est reparti en Europe. Elle attend, résignée, patiente.

Le roman est aussi un prétexte pour décrire la vie de ces petites gens, nouveaux bourgeois ou jeunes intellectuels de ce pays d'Afrique baignant dans une civilisation très marquée par l'islam. Un voyage loin des clichés du Sénégal touristique, d'autant plus à vif qu'on est en plein hivernage.

« Hivernage » de Laurence Gavron. Editions du Masque. 265 pages. 16 € 

vendredi 2 octobre 2009

BD - Tueur schizophrène dans la "Primal Zone"


Gabrion est un explorateur de BD. Dessinateur et scénariste doué, il n'a de cesse d'expérimenter, d'oser, de changer de style ou d'univers. Après des séries comiques (Les Pensionnaires), des sagas au long cours (L'homme de Java) et de l'humour au second degré (Phil Koton), il signe une BD en noir et blanc, au réalisme photographique bonifié de représentations de monstres fantasmagoriques. 

« Primal Zone » est, selon son auteur, « la découverte du monde intérieur d'un malade psychotique ». Le héros, ayant tué sa mère alors qu'il était âgé de 10 ans, a vécu 15 ans en hôpital psychiatrique. Il en sort guéri. C'est du moins ce qu'il fait croire aux médecins. Libre, il lâche son monstre intérieur, Ortog, et devient un tueur en série. Une BD parfois déroutante mais magistralement réalisée.

« Primal zone » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

jeudi 1 octobre 2009

BD - Duel de belles


« Les Nombrils », série comique des auteurs canadiens Delaf et Dubuc, est la grande révélation des éditions Dupuis de ces dernières années. Des gags ayant pour héroïnes trois jeunes filles, amies mais très différentes. Si Jenny et Vicky, belles et aguicheuses, nombrils à l'air et ficelles du string apparentes, jouent avec les garçons comme des chats avec des souris, Karine est une grande saucisse ne sachant pas se mettre en valeur et horriblement romantique. Karine est désespérée après la trahison de son amoureux, Dan. Il a rejoint Mélanie, une blonde faisant dans l'humanitaire. 

Ce quatrième album raconte comment Karine va déjouer les manigances de Mélanie qui se révèlera encore plus retorse que Jenny et Vicky...

« Les Nombrils » (tome 4), Dupuis, 9,45 € 

mercredi 30 septembre 2009

BD - Le Tibet de Jonathan


« Jonathan c'était mon autobiographie imaginaire. Une sorte de moi fantasmé, une version améliorée ! Il est assez idéalisé. Il a plus de qualités que de défauts alors que je maintiens, au mieux, un équilibre.
» Cette citation de Cosey, extraite du dossier accompagnant le premier tome de la publication de l'intégrale des aventures de Jonathan illustre parfaitement la fusion permanente entre l'auteur et son personnage de BD. 

Jonathan, apparu en 1975, était le premier à dénoncer l'invasion militaire du Tibet par les Chinois. Une BD, autant politique que philosophique, à redécouvrir d'urgence. Elle n'a pas pris une ride tant le trait, réaliste et épuré, de l'auteur suisse était novateur pour l'époque.

« Jonathan » (intégrale 1), Le Lombard, 20 € 

mardi 29 septembre 2009

BD - Arme télépathe


Manipulation génétique, paranormal et politique-fiction sont au sommaire de cette nouvelle série, un peu bavarde parfois, mais qui reste passionnante et très au-dessus de certaines productions manquant de souffle et d'originalité. Dans un futur très proche, un Démocrate vient d'accéder à la Maison Blanche. Il modifie immédiatement la politique de la première puissance du Monde. Il néglige l'aspect guerrier pour améliorer la diplomatie. Et rapidement les résultats sont là. 

Partout sur la planète la paix s'impose. Problème, ce monde de progrès partagé et équitable n'est pas du goût des élites militaro-industrielles, mises sur la touche après des décennies de pouvoir exclusif. Un lobby qui va utiliser une de ses armes secrètes pour connaître le secret de la réussite du nouveau président : les pensanguins. Ces soldats, au sang modifié génétiquement, ont le pouvoir de lire les pensées et les souvenirs des hommes ou femmes qu'ils approchent à moins de trois mètres. J

ulian Lethercore est un pensanguin. Il est sollicité par un sénateur républicain pour lire la mémoire d'un diplomate venant de faire aboutir un rapprochement indo-pakistanais. Ecrit par Sylvain Cordurié, cette série est dessinée par un auteur serbe, Zivorad Radivojevic, au style réaliste léché, entre Kas et Jigounov.

« One » (tome 1), Le Lombard, 10,40 € 

lundi 28 septembre 2009

BD - 1276 âmes sur le chemin du jeune Blueberry


Giraud semblant avoir définitivement rangé ses pinceaux, il ne reste plus que Michel Blanc-Dumont et François Corteggiani pour animer les aventures du plus célèbre cow-boy de la BD française. Un Blueberry jeune, quand il était encore dans l'armée nordiste et que le pays se déchirait entre Nord et Sud. Un nouveau cycle débute avec ce 18e tome intitulé « 1276 âmes ». Blueberry, déjà très rebelle aux ordres et à l'uniforme, se voit confier une mission extrêmement dangereuse que seul un casse-cou de son espèce peut accepter et réussir. 

Jim Thompson, prédicateur fou, vient d'enlever la fille du général Sheridan. Et sans ménagement puisqu'il a assassiné toutes les religieuses du couvent où la jeune fille suivait des études. Thompson et sa bande, ses ouailles exactement, se sont réfugiés dans un petit hameau perdu dans la montagne. Blueberry devra donc retrouver la trace de cette armée de Dieu dévoyée et libérer la fille du général. Une mission d'autant plus délicate qu'il n'est pas seul sur le coup. 

Le scénario sait alterner scène d'action, grand espaces et mise en place de l'intrigue. Pour un final palpitant mais qui n'est qu'une première étape, le dénouement n'ayant lieu que dans le prochain titre intitulé « Rédemption ».

« La jeunesse de Blueberry » (tome 18), Dargaud, 10,40 € 

dimanche 27 septembre 2009

BD - La belle et les diams


Dans le genre intrigue à rebondissements il est difficile de faire mieux. Frédéric Féjard, le scénariste de ce récit complet de 150 pages dessiné par Benjamin Jurdic, n'a pas lésiné sur les coups de théâtre pour rendre encore plus captivante cette cavale aux trousses d'une mallette remplie de diamants. 

Dans un premier temps il présente les différents protagonistes. Deux petits voyous, Math et Seth et leur copine, Liza. Ils font dans la combine sans envergure : voler des bagages dans l'aéroport qui les emploie. Plus ambitieux, deux flics ripoux. Ils font chanter un avocat libidineux. Et quand ils apprennent que ce dernier doit convoyer une mallette pleine de diamants pour un de ses clients; ils flairent le bon gros coup. Math et Seth sont mis à contribution pour accéder à l'avion. Bien évidemment rien ne se déroule comme prévu. Math et Seth doublent les flics qui entrent dans une rage folle quand ils découvrent que leur mallette est remplie de verroterie. 

Et le véritable propriétaire des pierres précieuses, un caïd de la pègre, lui aussi est très énervé. Cela donne une course poursuite où trahisons, quiproquos et gros flingues tombent comme à Gravelotte... Un polar trépidant, ne se prenant pas au sérieux, dans la lignée d'un film de Tarantino.

« Trois fois rien », Casterman, 16 € 

samedi 26 septembre 2009

Fantastique - Les vampires high-tech de Guillermo del Toro et Chuck Hogan

New York aux mains des vampires. C'est ce qui risque d'arriver dans le premier tome de cette trilogie signée Guillermo del Toro et Chuck Hogan.


Dans la littérature de genre, le roman de vampire a toujours obéi à des codes bien précis. « La lignée » n'échappe pas à la règle tout en réactualisant le thème. Le premier tome de cette trilogie est signée de deux grands noms de l'imaginaire : Guillermo del Toro, cinéaste surdoué à qui l'on doit, entre autres « Hellboy » et « Le labyrinthe de Pan » s'est associé au romancier Chuck Hogan, maître du thriller.

L'arrivée de la menace ne se fait pas en bateau mais en avion. Dracula avait débarqué à Londres dans un voilier, cette fois le vampire, le Maître rebelle, rejoint New York à bord d'un Boeing 777, le dernier fleuron de la flotte du constructeur américain. Débarquement manquant de discrétion. Après avoir traversé l'Atlantique sans encombre et s'être posé sur le tarmac de l'aéroport international JFK, le gros porteur s'immobilise en bout de piste, tous feux éteints. Les premiers techniciens et pompiers se rendant sur place découvrent un avion hermétiquement clos et sans signe de vie à l'intérieur. Craignant un attentat au gaz, c'est le chef du CDC (Center for Disease Control), Eph Goodweather qui est sollicité. Son unité surnommée Projet Canari, est une « brigade d'intervention rapide composée d'épidémiologistes de terrain et organisée de manière à détecter et identifier les risques biologiques potentiels. Son domaine de compétence comprenait aussi bien les risques naturels tels que les infections virales que les contaminations délibérées. Mais bien sûr, son financement était principalement justifié par la lutte contre le bioterrorisme. » Eph doit donc abandonner son fils, Zack, dont il n'a la garde que les week-ends pour se rendre à JFK. Ce qu'il découvre à l'intérieur de l'avion est saisissant. Tous les passagers et membres d'équipage sont morts, comme foudroyés en un instant. Il n'y a que quatre survivants : le troisième pilote, une juriste, un informaticien et une star du rock. Ils sont mis en quarantaine dans un hôpital alors que les cadavres, plus de 200, sont placés dans un hangar de l'aéroport.

Disparition de cadavres

Commence une enquête médicale complexe qui va interpeller les médecins et l'équipe du CDC. Première bizarrerie, les cadavres ne semblent pas se décomposer. Et les autopsies révèlent qu'ils ont été vidé de leur sang par des entailles, quasi chirurgicales, au cou. Les survivants ne se souviennent de rien mais n'ont qu'une envie : retourner chez eux. La juriste, spécialisée dans les actions contre les administrations, parvient rapidement à trouver une faille et fait rompre la quarantaine. Tout se complique pour Eph quand trois des survivants se retrouvent dans la nature et que les cadavres disparaissent du hangar. C'est la première nuit, le début de l'éveil, de l'invasion.

Ce roman de près de 500 pages est passionnant par sa démarche scientifique tout en faisant monter l'angoisse puisée dans les peurs ancestrales des civilisations. On apprécie le foisonnement de personnages, de la rock star gothique imbue de sa personne au petit truand new-yorkais dépassé en passant par le rescapé de la Shoah ayant déjà combattu les strigoï. Tous ont leur utilité dans la dramaturgie des événements. Sans oublier le Maître vampire. Les auteurs ne le font intervenir directement qu'à mi roman, mais son image et sa stature devraient longtemps rester dans vos mémoires, voire vos cauchemars...

« La lignée », Guillermo del Toro & Chuck Hogan, Presses de la Cité, 21,50 €