lundi 17 août 2009

BD - Sombres rêves dans "Les cauchemars de Terram"


Voyage intérieur sombre et envoûtant proposé par cette BD de Sand (scénario) et Brice Cossu (dessin). Tout commence par des images de bonheur. Un couple, la naissance d'un enfant désiré. Mais la vie est souvent faite d'épreuves. Terram, après quelques années sans heurts, tombe dans le coma. Une maladie inexpliquée qui va fragiliser le couple. Stella la première bascule presque dans la folie. Puis elle aussi tombe dans le coma. 

Comme pour aller aider son fils bloqué dans ces noirs territoires du sommeil. Marcus tente de survivre. Pas évident. D'autant que son fils, parfois, a des sursauts de lucidité et semble vouloir expliquer qu'effectivement il est en compagnie de sa mère. Une première explication viendra du père de Marcus. Une malédiction qui frappe la famille. Avec une femme démon omniprésente : Lilith. 

Réflexion sur les liens entre mère et enfant, cette histoire a été inspirée à Sand par une grossesse difficile. Comme une thérapie pour exorciser ces longs mois passés dans l'angoisse de perdre son enfant. Cossu, au dessin, a parfaitement retranscrit cette ambiance inquiétante et oppressante.

« Les cauchemars de Terram », Soleil, 12,90 € 

dimanche 16 août 2009

Polar - Tragiques impondérables

Une bonne intrigue, pour fonctionner, doit laisser le lecteur dans l'expectative mais sans le décourager dans ses tentatives de compréhension. Ce roman d'espionnage signé Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, respecte cette règle, offrant une entame complexe et à multiples inconnues. Autant de tranches de vie totalement indépendantes les unes des autres. Mais on se doute bien qu’au final, tout s'éclaircira et deviendra lumineux. On doit cependant d’abord passer par un accident de la route mortel, un rendez-vous avec une proxénète de haute volée et l'arrestation mouvementée en Algérie d'un terroriste islamiste surpris par une hôtesse sur un vol de la Tunis Air.

Après ces préliminaires mouvementés et exaltants, on va pouvoir faire connaissance avec les véritables héros de ce roman riche en personnages. La belle Demi par exemple. Commissaire de police, charmeuse et inflexible, elle est sans nouvelles de son amie Marion : une call-girl qui fait dans le haut de gamme. Aidée de son fidèle adjoint, Barzi, vieux flic casanier secrètement amoureux de sa supérieure hiérarchique, elle va se lancer aux trousses des ravisseurs de Marion, des anciens de la Stasi est-allemande passés au service d'un mystérieux commanditaire.

Il y a également Willy Maier, le principal héros de ce roman car c'est lui qui fera le rapprochement entre toutes ces péripéties. La machination déjouée dans "Impondérables" est énorme. Tellement grosse qu’elle en paraît totalement invraisemblable. Pourtant, elle n’est pas imaginée par n’importe qui. Fiction ou réalité cachée ?

« Impondérables » d’Yves Bonnet, Editions Calmann-Lévy, 16 € 

samedi 15 août 2009

SF - L’Antéchrist de Moorcock, quand le quotidien devient un enfer…


L’avantage avec les nouvelles c’est que le lecteur, dans un même volume, peut trouver plusieurs ambiances et atmosphères. Exemple avec ce recueil de Michael Moorcock qui passe d’un monde lumineux et bienveillant personnifié par Edwin Begg, l’Antéchrist de Clapham, à l’univers sinistre et paranoïaque du “Général Opium”.

Tout débute par une rencontre avec l’Amiral hiver. Une vieille femme, retirée dans une maison de campagne, loin de la civilisation, découvre un jour un papillon dans son garde-manger. En quelques pages, Moorcock parvient à planter une ambiance qui frappe le lecteur. Un simple papillon parvient à émouvoir cette femme en bout de course.

Emouvant aussi cette fuite dans la campagne anglaise d’un ancien roadie au volant d’un campingcar. Mo n’est pas seul dans l’habitacle de sa maison ambulante. Il partage sa vie avec sa paranoïa… et le fantôme de Jimmy Hendrix. Exactement,Mo est persuadé que le plus grand guitariste de tous les temps n’est pas mort. Qu’il s’est simplement mis au vert en sa compagnie, attendant le bon moment pour faire son retour.

De la paranoïa il en est également beaucoup question dans “Le général Opium”, récit de la lâcheté d’une femme vivant avec un dealer aux neurones complètement grillés par toutes les saletés qu’il a fumées ou s’est injecté dans les veines. Elle n’ose pas fuir devant la folie de celui qu’elle aimait.

Mais les textes de Moorcock sont aussi empreints d’un optimisme dévastant tout sur leur passage. Dans un Londres que l’auteur décrit gangrené par les investisseurs immobiliers, un journaliste retrouve la trace d’Edwin Begg, homme d’église scandaleux, surnommé l’Antéchrist de Clapham dans les années 30. Ce simple pasteur a dérangé sa hiérarchie quand il s’est mis à prononcer des sermons trop révolutionnaires. Il a été défroqué mais a continué à porter la bonne parole dans les foires et marchés. D’où vient sa clairvoyance ? Il répond simplement que c’est en rencontrant une déesse, vivant dans un arbre, qu’il a tout compris. Il a aimé cette apparition, et a même eu un enfant avec elle…

"La bourse du Caire” est la nouvelle la plus marquée science-fiction. Une archéologue américaine prétend avoir été enlevée par des extraterrestres à Assouan en Egypte. Délire d’une femme surmenée selon son frère venu la rapatrier en Europe. Et pourtant ; elle affirme avoir été fécondée par un de ces explorateurs de l’espace. Quand elle a accouché, « c’était comme donner le jour au Messie ». Le bébé est mort au bout de huit jours. Elle attend toujours des nouvelles du père.

Plongez dans ces textes magiques, laissez-vous entraîner dans ces territoires imaginaires : la magie Moorcock vous ouvrira des horizons insoupçonnés.

« Déjeuners d’affaires avec l’Antéchrist » de Michael Moorcock, éditions Denoël, 19 € 

vendredi 14 août 2009

Parfois, la BD sert à dépasser tous les tabous

La bande dessinée sait sortir de son carcan pour exploiter quelques références. Que cela soit l'œuvre de Boris Vian, les romans de la Série noire ou les westerns spaghettis, ces trois albums permettront aux lecteurs d’élargir leur horizon.

L’adolescence, période difficile à vivre, devient un véritable rêve éveillé quand on trouve sa voie. "Thomas ou le retour du Tabou" d’Hervé Bourhis retrace le parcours d’un collégien au moment où il se désintéresse des dessins animés découvrant que certains livres peuvent être passionnants. Il débute avec L’écume des jours de Boris Vian puis embraye avec une biographie de cet écrivain rebelle. Thomas prend le pari de refaire vivre l’ambiance du cabaret le Tabou. Une histoire toute en finesse, abordant les problèmes de l’art, de l’amitié et de l’émancipation par rapport aux parents. Un album qui a reçu en 2002 le prix René Goscinny du scénario. (Les Humanoïdes Associés, 12,35 €)

Ambiance très littéraire également dans "Le Choucas met le feu aux poudres", cinquième titre de la série écrite et dessinée par Lax. Le héros, détective privé vénérant la collection de la Série Noire, se trouve cette fois aux prises avec une maison d’édition voulant profiter de la période électorale pour faire des bénéfices substantiels en discréditant la République. Situations épiques, personnages secondaires cocasses, analyse critique de notre société : cette série a tout pour plaire. (Dupuis, 8,99 €)

De l’hommage à la parodie il n’y a qu’un pas que Curd Ridel (scénario) et Dav (dessin) franchissent allégrement en signant "Django Renard", série de gags brocardant les westerns spaghettis. On retrouve dans cette BD animalière Django, malicieux et débrouillard et Teddy Beer, force de la nature marchant dans l’ombre de Django mais qui n’a pas inventé la poudre. (Bamboo, 8,99 €)

 

jeudi 13 août 2009

BD - Médée la mystique


Pour bien appréhender cet album de BD, mieux vaut connaître la légende de Médée. Pour les cancres un petit rappel s'impose : Médée, gardienne de la Toison d'or, a tué son frère puis ses enfants par passion, soif du pouvoir ou vengeance. Bref, la femme est belle mais peu fréquentable. 

Cette légende intéresse particulièrement deux personnes à la fin des années 30 : un évêque de la cité du Vatican et le chef de la Gestapo. Ils cherchent notamment le codex écrit par Judas Escariote en l'an 0. Cet album de BD semble au premier abord confus. Toutes les deux pages, l'action change de leiu, d'époque et de protagonistes. De la Galilée à Rome en passant par Berlin, pas toujours évident d'y retrouver son latin. Mais petit à petit tout se met en place et les passerelles fonctionnent. 

Écrit par Renot, le scénario est illustré par Ersel. Le duo a déjà signé La lance du destin dans la même veine. Ersel, au dessin, fait partie de ces auteurs produisant vite et bien. Logique quand on sait qu'il a débuté dans le studio de son père, Frank Sels, un grand de la BD flamande, et qu'il a aussi beaucoup appris auprès de Jean-François Charles.

« Médée », Casterman, 11,50 € 

mercredi 12 août 2009

BD - "Time Twins" ou quand des jumelles voyagent dans le temps


« Time Twins » est une série de science-fiction originale jouant sur le paradoxe temporel. Cybill et Cynthia, deux jumelles, blondes, dynamiques et n'ayant pas froid aux yeux, sont les héroïnes de l'histoire. Propulsées dans le passé, elles doivent retrouver les éléments d'un appareil permettant de maîtriser le voyage dans le temps. 

Une maîtrise qui n'est pas le cas actuellement et les jumelles, après avoir affronté la prohibition et l'éruption du Vésuve, se retrouvent dans ce troisième épisode en Chine, en 209 avant Jésus-Christ. La dernière pièce à récupérer est cachée dans le mausolée de l'empereur Ying Zheng. Le monarque, récemment décédé, est malgré tout gardé par une armée de soldats. La tâche sera particulièrement ardue pour les jumelles car elles devront, en plus, affronter des voleurs concurrents. 

Le scénario de Brrémaud mélange habilement intrigue feuilletonnesque, décors originaux et humour bon enfant. Au dessin, Vignaux, a du s'adapter aux différentes époques visitées. En Chine, il est très à l'aise, la réplique d'une des héroïnes : « J'ai toujours aimé les films de kung-fu » semblant faite pour lui...

« Time Twins » (tome 3), Le Lombard, 10,40 € 

mardi 11 août 2009

BD - "La nuit de la disgrâce", second tome de la série "La marque du péché"


Comme une tragédie, « La marque du péché », série écrite par Carlos Trillo et dessinée par Horacio Domingues mêle passion, violence et déchéance. Dans cette seconde partie, on retrouve la belle et passionnée Angustias. Elle vient d'être capturée par de sauvages Indiens qui vont la transformer en esclave. D

es jours de terreur au cours desquels elle va se remémorer les derniers événements de sa vie. Elle sera aidé pour ce retour dans le passé du carnet de croquis de Thomas, dessinateur et révolutionnaire français dont elle est folle amoureuse. Angustias a découvert la signification de la marque qu'elle a sur la fesse. C'est son frère qui l'a marquée au fer rouge, pour signifier à tout le monde que cette « femelle » lui appartient. En apprenant cela, Angustias décide de se venger et tue son frère. C'est en prenant la fuite qu'elle est capturée et perd la trace de son amoureux. 

Un récit romantique qui met en exergue les pratiques des colons argentins. Tuant et asservissant les Indiens, ils ont imposé leur loi par la force. Nature sauvage, grands espaces, superbes paysages sont les derniers atouts de cette bande dessinée considérée à juste titre comme une des plus belles réussites de ces dernières années.

« La marque du péché » (tome 2), Drugstore, 13,90 €

lundi 10 août 2009

BD - Vie et mort du capitaine Kidd d'après Daniel Defoe


Le capitaine William Kidd n'est peut-être pas le pirate le plus connu (Barbe-Noire ou Rackam le rouge sont certainement plus célèbres), mais son parcours sur tous les océans du monde s'est transformé en une rivière de sang tant ses victimes ont été nombreuses. Inspiré d'un récit authentique signé de Daniel Defoe, l'auteur de Robinson Crusoé, cet album est scénarisé par Brrémaud et dessiné par Lematou. 

William Kidd débute a carrière maritime comme marin respectable, au service du roi d'Angleterre. Il basculera dans la piraterie sur le tard, après avoir été victime d'une mutinerie. Il écumera l'Océan indien à la recherche du trésor de John Avery. Ses période sanguinaires seront entrecoupées de moment plus calmes, installé dans des îles isolées, vivant en parfaite harmonie avec les autochtones. Mais il voudra retrouver femme et enfants aux Amériques. Il reviendra au pays et sera alors accusé de piraterie et exécuté en place publique. 

Cet album permet de découvrir Lematou, jeune dessinateur réaliste extrêmement talentueux, à la précision digne d'un Jean Giraud ou plus récemment de Mathieu Bonhomme.

« Histoire des plus fameux pirates » (tome 1), 12,90 € 

dimanche 9 août 2009

Roman - "Quatre soldats" d'Hubert Mingarelli


La guerre est génératrice de peur, parfois de bravoure, la plupart du temps d’attente. Le soldat doit être discipliné et patient. Dans cette longue nouvelle d’Hubert Mingarelli, quatre soldats russes de l’Armée rouge apprennent à se connaître, à s’apprécier et se soutenir dans les longues périodes d’attente entre deux mouvements et une attaque pendant l’année 1919.

Le narrateur, Bénia, est un orphelin qui travaillait dans une scierie. Sa mobilisation a changé sa vie, sa conception de l’amitié. Un jour, au cours d’une marche forcée, il est le témoin d’une scène violente entre un simple soldat et un sous-officier dépassé par les événements. Cela suffit pour qu’il se rapproche de Pavel. Pavel devient son ami, son alter ego. Devenus inséparables, les deux soldats se comprennent et seront rejoints peu de temps après par Kyabine, "un grand con d’Ouzbek" qui perd tout le temps son tabac aux dés. Après il le mendie à ses deux amis.

L’hiver arrive, il faut se retirer dans une forêt, construire une cabane de bois et tenter de survivre. Le trio accueille dans son giron Sifra, jeune et timide. La petite bande se soudera définitivement dans la rigueur de l’hiver russe. Une cabane astucieusement construite, des corvées de bois judicieusement réparties et cette vie devient plus supportable.

Avec des mots simples et justes, Hubert Mingarelli raconte la lente construction de cette amitié. Bénia, qui de tout temps était condamné à la solitude, apprécie particulièrement cette complicité. Les habitudes qui rythment les journées immobiles. L’heure de la soupe, la balade vers un étang, la baignade, les parties de dés et les cigarettes longuement dégustées. Ces petits riens qui font tout dans la vie des soldats. A quelques kilomètres de là, sur le front, on s’entre-tue. Pourquoi ? Les quatre amis n’ont pas de réponse. Ils savourent simplement ces moments de tranquillité.

Un jeune volontaire sachant écrire sera chargé par le quatuor de noter dans son cahier à spirales ces moments de bonheur, comme pour les figer à jamais dans leur mémoire. Jusqu’à ce que la guerre les rattrape et bouscule ce fragile édifice patiemment construit par une amitié forte et sans limite.

« Quatre soldats », Hubert Mingarelli, Seuil, 15 € (5,50 € en édition de poche chez Points) 

samedi 8 août 2009

Roman historique - "Un amour de Jeanne" de Michel Ragon


Jeanne la Pucelle, Gilles l'écorcheur. Ce couple improbable a pourtant chevauché la campagne française durant de longs mois en 1430. Jeanne D’Arc, petite paysanne de Domrémy venue se mettre au service du futur roi de France, séduit immédiatement Gilles de Rais, un des plus puissants seigneurs de Charles VII. Le noble chevalier tombe sous le charme et l'effronterie de la jeune fille autant que de son côté garçon manqué.

Chargé de l'escorter dans ses premières missions, Gilles se plaît à discuter avec Jeanne qui avoue se contenter d'obéir à "ses voix". Sa mission : conduire le dauphin à Reims pour qu'il soit couronné et chasser les Anglais de France.

Ce roman de Michel Ragon, tout en présentant la relation forte entre la Pucelle et le noble, explique également les trouvailles stratégiques de Jeanne, totalement ignorante des règles de la guerre. Elle aura d'ailleurs quelques frictions avec plusieurs seigneurs peu enthousiastes face à ses ordres. Quand elle demande à bombarder les rangs des archers anglais avec des catapultes, le duc d'Alençon prétend que « ce n'est pas conforme aux usages de la guerre ». Heureusement La Hire, fidèle serviteur de Jeanne réplique : « Les usages de la guerre, quelle plaisanterie. On y tue comme on peut, tous les moyens sont bons. » Quelques heures plus tard Jeanne pénètre dans la ville en conquérante. Son audace a payé. Elle enchaînera les victoires, mais Charles, une fois couronné à Reims, doit tempérer les ardeurs de la fière jeune fille. 

Gilles de Rais, toujours amoureux de la belle, lui offre même un château, et plus si elle le veut. Mais elle refusera, retournera sur les routes pour combattre, attendant inéluctablement sa dernière vision : la trahison. Faite prisonnière, elle brûlera sur le bûcher. Gilles de Rais restera quatre années prostré, dégoûté de la vie. Pourtant il reste persuadé d'avoir fait le bon choix : « On ne pouvait pas aimer charnellement Jeanne sans rompre son pacte avec les anges ».

Michel Ragon nous plonge dans cette époque insensée, entre furie guerrière et prières dévotes, entre Dieu et Satan. Gilles de Rais aussi finira mal. Sur un bûcher. Comme Jeanne, son amour impossible.

« Un amour de Jeanne » de Michel Ragon, Albin Michel, 15 € (5 € au Livre de Poche)