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lundi 31 mai 2010

Roman - Malheur au vaincu

Trois hommes au sommet d'une colline. Un officier surveillé par deux soldats insurgés. Huis clos en pleine nature signé Hubert Mingarelli


Verbe précis et soigneusement ciselé pour qu'il sonne juste : un texte d'Hubert Mingarelli se reconnaît rapidement. Il a la simplicité des très grands romanciers. Simplicité du style mais également des situations. Avec quelques constantes, des repères immuables. Dans ses romans, souvent, les personnages sont des soldats, ou du moins des hommes, entre solitude et camaraderie forcée. Et puis les pays sont toujours imaginaires. Cette fois il ressemble à une de ces dictatures de l'Est ayant reconquis leur liberté. Les romans signés Hubert Mingarelli sont de formidables armoires, remplies de tiroirs que le lecteur prend plaisir à ouvrir pour y découvrir scènes fortes ou belles réflexions.

Trois hommes dans la nuit

« L'année du soulèvement » raconte une nuit partagée entre trois hommes : un officier prisonnier et ses deux geôliers, simples soldats issus du peuple des insurgés. Avant d'être jugés, les officiers sont isolés. San-Vitto doit donc être conduit au sommet d'une colline par Daniel et Cletus. Le premier, jeune, désinvolte, pressé, renâcle à rejoindre cet endroit isolé où il a l'impression de ne servir à rien. Cletus, par contre, entend bien profiter de cette escapade. Cela fait déjà de longs mois qu'il est soldat au sein de cette troupe improvisée. De longs mois à se battre, à regretter d'avoir quitté sa région, ses racines. Cette mission, il l'accueille comme une parenthèse apaisante. Mais il n'oublie cependant pas qu'il est le chef. Il imposera une discipline de fer à Daniel et des conditions de détention assez dures pour San-Vitto.

La nostalgie de Cletus


Du trio, Cletus est le plus intrigant, le plus insaisissable. Mais par petites touches, Hubert Mingarelli va dévoiler des pans de son passé, de sa vie d'avant. Cletus est las de cette guerre, des combats, de son exil. Alors qu'il garde San-Vitto, il ne peut se projeter dans l'avenir, quand tout sera terminé. « Il se dit qu'un jour ou l'autre, quand il marcherait dans la neige, loin d'ici, chez lui, la distance aiderait à rendre les choses et les événements d'ici lointains et irréels. » Cletus plonge dans une rêverie salutaire « Alors il pensa aux forêts sous la neige et aux premières branches des sapins si lourdes qu'elles ploient jusqu'au sol. (...) Il pensa au soleil blanc et froid qui lui indiquait toujours l'heure, et au ciel lumineux et aux traces des bêtes dans la neige. » Mais à côté de ces passages poétiques, la situation de tension perdure. Cletus sait parfaitement quel sort attend San-Vitto. Et ce dernier n'arrive pas à profiter de ces derniers instants de relative tranquillité. « San-Vitto posa sa tête contre le mur, ferma les yeux puis les rouvrit aussitôt. Sa peur et sa solitude étaient trop grandes pour qu'il les garde fermés. » Avant la fin de la nuit, d'autres hommes en armes viendront chercher San-Vitto. Cette pensée obsède Cletus. Cletus, le solitaire emporté par la folie des hommes.

« L'année du soulèvement », Hubert Mingarelli, Seuil, 16 € (La photo de l'auteur est de Brice Toul) 

dimanche 9 août 2009

Roman - "Quatre soldats" d'Hubert Mingarelli


La guerre est génératrice de peur, parfois de bravoure, la plupart du temps d’attente. Le soldat doit être discipliné et patient. Dans cette longue nouvelle d’Hubert Mingarelli, quatre soldats russes de l’Armée rouge apprennent à se connaître, à s’apprécier et se soutenir dans les longues périodes d’attente entre deux mouvements et une attaque pendant l’année 1919.

Le narrateur, Bénia, est un orphelin qui travaillait dans une scierie. Sa mobilisation a changé sa vie, sa conception de l’amitié. Un jour, au cours d’une marche forcée, il est le témoin d’une scène violente entre un simple soldat et un sous-officier dépassé par les événements. Cela suffit pour qu’il se rapproche de Pavel. Pavel devient son ami, son alter ego. Devenus inséparables, les deux soldats se comprennent et seront rejoints peu de temps après par Kyabine, "un grand con d’Ouzbek" qui perd tout le temps son tabac aux dés. Après il le mendie à ses deux amis.

L’hiver arrive, il faut se retirer dans une forêt, construire une cabane de bois et tenter de survivre. Le trio accueille dans son giron Sifra, jeune et timide. La petite bande se soudera définitivement dans la rigueur de l’hiver russe. Une cabane astucieusement construite, des corvées de bois judicieusement réparties et cette vie devient plus supportable.

Avec des mots simples et justes, Hubert Mingarelli raconte la lente construction de cette amitié. Bénia, qui de tout temps était condamné à la solitude, apprécie particulièrement cette complicité. Les habitudes qui rythment les journées immobiles. L’heure de la soupe, la balade vers un étang, la baignade, les parties de dés et les cigarettes longuement dégustées. Ces petits riens qui font tout dans la vie des soldats. A quelques kilomètres de là, sur le front, on s’entre-tue. Pourquoi ? Les quatre amis n’ont pas de réponse. Ils savourent simplement ces moments de tranquillité.

Un jeune volontaire sachant écrire sera chargé par le quatuor de noter dans son cahier à spirales ces moments de bonheur, comme pour les figer à jamais dans leur mémoire. Jusqu’à ce que la guerre les rattrape et bouscule ce fragile édifice patiemment construit par une amitié forte et sans limite.

« Quatre soldats », Hubert Mingarelli, Seuil, 15 € (5,50 € en édition de poche chez Points)