samedi 13 juin 2009

BD - Rubine, aussi belle que Natacha


François Walthéry a la réputation d'être lent. Très lent. Un dessinateur exceptionnellement doué, mais trop pointilleux, méticuleux. Après avoir usé ses fonds de culottes aux studios Peyo, il a volé de ses propres ailes en lançant Natacha : la première héroïne ouvertement sexy tout en étant publiée dans un journal pour la jeunesse. Elle a remporté un beau succès, et c'est pour qu'elle soit plus présente dans les pages de Spirou qu'il a pris des assistants pour dessiner les décors. Mittéï, Laudec, Jidéhem et même Will.

Natacha existe toujours, mais n'est plus la priorité de Walthéry. Il préfère se consacrer aux aventures de Rubine, flic américain à la plastique tout aussi rebondie que Natacha. Mais même là, Walthéry est au service minimum. Normalement, il se contente de dessiner l'héroïne. Mais dans le 11e titre de la série, « Photo de classe », il semble que Di Sano, le nouveau dessinateur, ait tout réalisé. Cela n'enlève rien à l'intérêt de l'album qui bénéficie toujours des scénarios denses et plein de rebondissements de Mythic. La belle Rubine, filmée 24 h/24 par une équipe de télévision pour faire la promotion de la police de Chicago, va enquêter sur une histoire de chantage. Dix ans auparavant, un adolescent est mort noyé dans un lac gelé. Une cassette vidéo prouve qu'il a été poussé par ses camarades. Des élèves devenus adultes, riches, et qui doivent payer pour cette faute de jeunesse. Une intrigue qui se double des agissement machiavéliques d'une riche famille bourgeoise. Ce nouveau cycle verra sa conclusion dans le prochain titre, « Lac Wakanala ».

« Rubine » (tome 11), Le Lombard, 9,45 €


P. S.
Pour les nostalgiques de Natacha, les éditions Dupuis reprennent les aventures de la belle hôtesse de l'air dans des intégrales richement documentées. Le 3e tome, récemment paru, reprend les « Voyages dans le temps » dont les excellents « Instantanées pour Caltech » et « Les machines incertaines ». (Dupuis, 18 €) 

vendredi 12 juin 2009

BD - Le Petit Spirou en best of


Comment bonifier le succès d'une série bien installée ? En proposant des compilations permettant de faire patienter les lecteurs avides de nouveautés. Après avoir testé la formule avec Cédric, les éditions Dupuis récidivent avec Le Petit Spirou, héros culotté du au talent de Tome et Janry. « Le Petit Spirou présente » comptera cinq volumes mettant en vedette cinq personnages-clés de la série. 

Les deux premiers titres viennent de sortir et mettent à l'honneur M. Mégot, les prof de gym et Grand-Papy. Trois autres suivront prochainement, Mademoiselle Chiffre, Vertignasse et les copains puis Suzette et autres amours du Petit Spirou. Ces albums à petit prix (7,50 euros) sont composés d'une trentaines de gags et d'une histoire complète. Dans le premier on retrouvera toute la force comique de M. Mégot, le prof de gym le plus idiot de la planète. 

Des compilations qui offrent en plus la possibilité aux amateurs de dessin de suivre l'évolution du trait de Janry car il y a plus de 15 ans d'écart entre les premiers gags et les récents.

« Le Petit Spirou présente » (tomes 1 & 2), Dupuis, 7,50 € 

jeudi 11 juin 2009

BD - Histoire de bougies


Cela ressemble au cadeau idéal à offrir à un ami pour son anniversaire. Ces albums très marketing, pas toujours très réussis. Mais Jim, sur un sujet qui pourtant s'y prête, a choisi la difficulté. Au lieu d'accumuler les gags et poncifs sur le thème, il débute son album sur une réflexion sur l'âge et le temps qui passe. 

Le héros, Benji, a 29 ans. Pour un jour encore. Demain, il fête ses 30 ans. Une fête qui l'angoisse car pour lui c'est le début de la fin, les prémices de la vieillesse. Ses amis vont organiser une fête surprise, mais il va l'ignorer, passant une soirée déprimante en compagnie de sa voisine, une retraitée fan de « Questions pour un champion ». 

La fête aura finalement lieu, ailleurs, et avec quelqu'un d'autre en vedette, car il n'y a pas que Benji qui prend une bougie de plus en pleine figure chaque année. Une histoire fluide, entre humour, nostalgie et désespoir. Le dessin très gros nez et caricatural augmente les effets. Et cela se termine en happy end. Enfin presque...

« Et paf ! Un an de plus en pleine figure ! », Soleil, 9,95 € 

mercredi 10 juin 2009

BD - L'élève Ducobu fait relâche


Le seul intérêt de l'école, selon l'élève Ducobu, c'est que cela justifie les vacances d'été. Et il faut bien deux mois complets pour permettre au plus grand cancre de la BD franco-belge de récupérer de ses brimades quotidiennes, interros surprises et autres punitions. 

Ce quinzième recueil de gags du héros imaginé par Zidrou et dessiné par Godi paraît en juin. Intitulé « Ça sent les vacances ! » il est fidèle aux précédents. Ducobu, toujours aussi nul, invente quelques astuces pour copier sur Noémie Gratin, la bonne élève, seule consolation de l'instituteur Latouche mis à rude épreuve par les trouvailles du héros. 

Car si Ducobu ne sait pas (et ne saura jamais) combien font 6 x 7, il parviendra malgré tout à obtenir la réponse par mille subterfuges aussi inventifs que farfelus, souvent dignes des plus grands savants et scientifiques. Ducobu n'est pas idiot. Simplement fainéant et surtout hermétique à cette façon de transmettre le savoir. 

Ducobu en fait rire certains, il devrait en faire réfléchir d'autres, notamment du côté du corps enseignant.

« L'élève Ducobu » (tome 15), Le Lombard, 9,45 € 

mardi 9 juin 2009

Thriller - "La bête" : dérangeant et bestial

Ce polar suédois de Roslund et Hellström plonge le lecteur dans l'horreur de la pédophilie et de la vengeance aveugle.


Pour faire un bon thriller, l'intrigue compte beaucoup. Mais les personnages peuvent parfois rattraper une histoire un peu trop simple. C'est un peu le cas de ce roman suédois. L'histoire, on la devine assez rapidement au bout d'une trentaine de pages. Mais le dénouement attendu intervient en milieu d'ouvrage. Toute la force du bouquin réside dans cette seconde partie, s'éloignant du roman policier classique pour marcher sur les platebandes de la psychologie et des faits de société.

Roslund et Hellström, le deux auteurs, commencent par bien présenter les différents protagonistes. Avec un prologue qui fait froid dans le dos. On suit Bernt Lund dans sa chasse aux petites filles. Comment il parvient à accaparer l'attention de deux amies rentrant d'un entraînement de gymnastique, sa méthode pour les mettre en confiance pour mieux les violer et les massacrer après.

Evasion et récidive

C'était il y a dix ans. Aujourd'hui, Lund est en prison. Le « pointeur » comme le surnomme les autres prisonniers n'éprouve aucun regret. Il n'est pas guéri. Au contraire, il n'a qu'une idée, qu'une envie : recommencer. Lund placé à l'isolement mais qui profite d'une consultation chez un médecin à l'extérieur de la prison pour s'évader.

Au même moment, on suit les destinées des autres protagonistes qui vont se retrouver mêlés à l'histoire de Lund. Fredrik Steffansson, écrivain, récemment divorcé, habitant avec sa fille Marie, âgée de cinq ans. Le commissaire Ewert Grens, bourru et taciturne, ne vivant que pour son travail, Sven Sundkvist, son adjoint ; il devait fêter ses 40 ans en compagnie de sa famille. La petite réunion attendra. Un flic calme et à l'écoute mais de plus en plus dégoûté par un métier trop exigeant.

Et puis il y a la vie dans la prison. Lillmasen, violent et bagarreur, est le prisonnier modèle. La prison c'est son monde. Il a essayé, mais ne peut plus vivre à l'extérieur. Il a une haine viscérale des pointeurs ayant été lui même victime d'un oncle pédophile. C'est d'ailleurs à cause de lui qu'il a fait son premier séjour derrière les barreaux. Il s'était vengé avec un pic à glace. Il n'avait pas tué l'oncle mais fait le nécessaire pour qu'il ne viole plus les petits garçons.

Le malheur du père

Toute une galerie de personnages qui vont se croiser, se rencontrer, se tuer. Cela commence par Lund. Assis sur un banc à l'entrée d'un jardin d'enfant, Fredrik, en y conduisant Marie, le salue, croyant avoir affaire à un parent. Quelques heures plus tard, Marie se fera accoster par le monsieur à qui son papa à dit bonjour. Elle lui fera confiance... Marie avait cinq ans. Son autopsie, décrite avec réalisme par les auteurs, donne une exacte idée de l'ampleur de l'horreur et du malheur qui frappe Fredrik. Persuadé que Lund va recommencer, il décide de se mettre en chasse. De le trouver avant la police pour l'éliminer, pour protéger les futures victimes.

Le roman glisse alors vers l'analyse de ce besoin de vengeance, de l'utilité de la peine de mort et, d'une façon plus générale, de l'efficacité de la justice. Avec cet exemple qui peut transformer un père de famille meurtrier en héros de toute une nation.

« La bête », Roslund et Hellström, Presses de la Cité, 20,50 € 

lundi 8 juin 2009

BD - Hommes contre bêtes dans "Le bois des vierges"


En créant un pole BD, les éditions Robert Laffont avaient lancé des séries très prometteuses. Mais au bout d'une année, l'éditeur généraliste jetait l'éponge. Heureusement les éditions Delcourt ont repris le fond et proposent une nouvelle édition de la BD la plus remarquée à l'époque : « Le bois des vierges ». 

Au scénario, Jean Dufaux a signé un conte entre Roman de Renart et la Belle et la Bête. Il a offert ce récit à Béatrice Tillier qui a magnifiquement illustré cette histoire universelle de guerre entre les races. Au début du premier tome, pourtant, tout semble s'arranger. Les hommes ont fait la paix avec les bêtes de grande taille. La belle Aube va d'ailleurs épouser Loup de Feu. Mais au cours de la nuit de noces, l'animal est assassiné par sa jeune femme. La vengeance des bêtes sera sanglante. Aube s'enfuira, trouvant refuge dans le Bois des vierges. 

Des années plus tard, la guerre fait toujours rage. La paix pourrait passer par la réconciliation des anciens protagonistes. On est en admiration devant les dessins criant de réalisme de Béatrice Tillier.

« Le bois des vierges » (tome 1), Delcourt, 13,95 € 

dimanche 7 juin 2009

BD - Le retour indirect de Jessica Blandy


Il est des héroïnes BD dont il est difficile de faire le deuil. Mais ce ne sont que des créatures de papier totalement dépendantes du bon vouloir de leur créateur. Dans le cas de Jessica Blandy, c'est le scénariste, Jean Dufaux, qui a souhaité mettre fin aux aventures de la belle. Au grand regret du dessinateur, Renaud. C'est ce dernier qui a fait le forcing pour retrouver l'ambiance de cette BD alliant violence, érotisme et fantastique. 

Dufaux a donc repris du service, pour trois tomes, proposant au lecteur de cheminer sur « La route Jessica ». Dans le premier opus, « Daddy », les différents personnages sont tous à la recherche de Jessica Blandy. La dernière piste passe par son psychanalyste. Mais ce dernier ne restera que peu de temps en vie. Séduit puis massacré par Agripa, cette dernière bénéficie de l'aide de son père adoré, Soldier Sun, tout aussi expéditif pour faire taire les témoins gênants. Un retour magistral, sans Jessica (sauf lors de quelques flashbacks), mais avec tous les ingrédients de la série originelle.

« La route Jessica » (tome 1), Dupuis, 13,50 €

samedi 6 juin 2009

BD - Les Schtroumpfs aussi ont droit aux congés payés


Cela sent les vacances. Alors que les beaux jours sont de retour et que les grandes vacances sont de plus en plus proches, voici une jolie parabole sur le sujet, à la sauce Schtroumpfs. Tout débute quand le Schtroumpf bricoleur est sur le point de craquer pour surmenage. Le Grand Schtroumpf lui propose de prendre quelques jours de repos. Et pour que la coupure soit forte, il lui demande d'aller faire du camping au bord d'un lac, à la montagne. 

C'est là que le petit héros, toujours inventif et habile de ses huit doigts, se construit une cabane. A son retour il décide de faire découvrir sa construction à des amis. Et rapidement, le lieu enchanteur et reposant se transforme en second village, « Schtroumpfs les bains », où il fait bon de ne rien faire. Reste à trouver des volontaires pour travailler et servir les amateurs de farniente... 

Le scénario d'Alain Jost et Thierry Culliford est illustré par Pascal Garray, fidèle au trait de Peyo.

« Les Schtroumpfs » (tome 27), Le Lombard, 9,45 € 

vendredi 5 juin 2009

Roman - Musicienne envoutante


Méfiez-vous des professeurs de piano. Pierre, écrivain pour la jeunesse, marié, un enfant, a tout pour être heureux. Quelle idée lui a pris de se remettre au piano. Il répond à une petite annonce et se rend à Paris pour son premier cours. Il attendant une « dame lourde, poudrée », il se retrouve devant une beauté répondant au prénom de Sarah : « D'abord je n'ai vu que ses yeux, luisants immenses, d'un jaune pâle incroyable, deux yeux de félins au fond des miens. Puis son sourire chaleureux qui n'allait pas avec ses yeux ». Tourneboulé par cette première leçon, il sort de la seconde dans un état second : « Soudain, une certitude éclate en moi : le coup de foudre ! Merde... Dire que je n'y avais jamais cru ! »

Ce court roman de Claudie Pernusch au style vif et direct est un bel exercice de virtuosité. L'écrivain, ayant essentiellement œuvré pour la littérature jeunesse, se permet quelques scènes croustillantes entre deux adultes consentants prêts à tout expérimenter sous couvert d'amour fou. Pierre se découvre dominateur, Sarah docile et mystérieuse. Un relation fusionnelle qui ne peut pas durer. Pierre est prisonnier de sa vie de famille trop bien réglée, Sarah trop attachée à sa liberté. Une histoire triste ? Non, une histoire de tous les jours, éphémère et forte, comme les orages qui accompagnent tous les coups de foudre.

« Le cartable à musique », Claudie Pernusch, Albin Michel, 14 € 

jeudi 4 juin 2009

Nouvelles - Les pollueurs de vie

Quarante portraits, quarante « insupportables ». Vous en avez certainement dans vos relations. A moins que vous n'en soyez un vous aussi...


Ce petit livre pourrait devenir, dans quelques dizaines d'années, un témoignage criant de vérité sur les années 2000. Un nouveau millénaire qui a vu le développement de l'individualisme, de la solitude, du culte de la réussite et surtout de l'apparence. Sven Ortoli, journaliste et écrivain, s'est associé à Michel Etchaninoff, professeur de philosophie pour dresser le portrait de cette génération en quarante personnages, caricaturaux, typiques, bien de notre temps.

Ces sont les Insupportables car leurs avis ou attitudes sont entre l'abject et le répugnant. Vous en connaissez certainement certains exemplaires. Et attention car parfois vous pourriez vous reconnaître (en partie ou en totalité) dans ces textes courts. De « La reine du monde », impériale sur les trottoirs en conduisant sa poussette à « L'amoureux du monde », bavard impénitent, sachant tout sur tout et qui fait fuir tout le monde avec ses connaissances encyclopédiques.

Je glande donc je suis

Parmi les portraits les plus réussis, retenons le paresseux d'entreprise. Avant de le suivre dans une matinée de non-travail, découvrons comment les auteurs le décrivent : « Il est universel. Publique ou privée, multinationale ou régionale, aucune entreprise n'échappe à sa présence : c'est le ninja de la flemme, le Napoléon de la cosse, l'experts n° 1 dans l'art de ne rien foutre ; au nom de la fin de toutes les illusions, excepté celles qu'il entretient à son sujet. » Chaque portrait débute par cette présentation générale. Mais ensuite les deux auteurs donnent de la chair et du liant à ces exemples tous théoriques. Et pour donner encore plus de corps à l'ensemble, les Insupportables se croisent, parfois, au gré d'une réunion de travail ou d'un dîner en ville.

Souvent c'est dans la bourgeoisie que les pires spécimens se trouvent. Il est vrai que rien ne vaut un peu d'aisance pour malmener ses congénères. Ainsi « L'esclavagiste soft » trouve normal d'employer, au noir, Lovely, une Philippine, 10 heures par jour, sept jours sur sept. Une grande bourgeoise qui n'a qu'une inquiétude : que cette nounou servile et illettrée ait trop d'influence sur ses enfants. Comment est-elle arrivée là : « Julienne, la Capverdienne d'avant, déclarée, se servait dans le frigo et tombait malade toutes les deux semaines. Un calvaire. A peine si elle ne menaçait pas de se mettre en grève. Avec Lovely, c'est plus facile : elle vient même quand elle a 40 de fièvre. »

Irréprochable et immonde

Des portraits qui prêtent souvent à rire. On les plaindrait presque. Pourtant il y a également des monstres dans cette galerie. « L'irréprochable » détonne un peu dans ce livre. Pourtant c'est là aussi bien vu et certainement plus fréquent qu'on ne le pense. Cet irréprochable, père de famille exemplaire, a son jardin secret. Chaque mercredi après-midi, alors que femme et enfants sont sortis, il s'enferme dans son grenier et se plonge dans son monde virtuel. Il surfe sur les sites internet montrant des petites filles « qui font des choses vilaines, très vilaines. Et en général il coupe le son parce qu'il n'aime pas les cris. Quelquefois, quand il a fait sa petite affaire, il se regarde dans la glace et se trouve un peu limite. Mais enfin, il mate, c'est tout ! Ça compte pour du beurre. » Celui-là, il est un peu plus qu'insupportable.

« Les insupportables », Sven Ortoli et Michel Etchaninoff, Seuil, 15 €