dimanche 13 avril 2008

BD - Apprendre l'Histoire en s'amusant


A chaque rentrée scolaire, ils font rire des milliers de jeunes et de moins jeunes. Les Profs, en quelques années, sont devenus les champions du rire et des ventes. Une formule qui marche parfaitement et que les deux auteurs, Pica (dessin) et Erroc (scénario) ont décidé de prolonger par une série thématique sur l'Histoire. 

Pas de gags cette fois mais huit récits complets qui conduisent les héros à divers époques de l'Humanité, de la préhistoire à un futur proche. On appréciera particulièrement le récit se déroulant en Egypte à l'époque des Pharaons. Les scribes Antoinis et Paulis, après une vaine tentative de grève, sont chargés, pour se faire racheter, de rédiger la légende du pharaon Touthéfaktis. 

Ils mettent beaucoup de coeur à l'ouvrage, mais le résultat final laisse à désirer car ils ont eu le malheur de confier à Boulardis, le pire cancre du Nil, la rédaction au propre de leur brouillon. Pica a du retrouver avec plaisir les décors et costumes d'une de ses séries défuntes. Du temps où il signait Pierre Tranchand et que Chafouin et Baluchon étaient les héros du mensuel « Gomme ». Nostalgie, quand tu nous tiens...

« Les Profs refont l'Histoire » (tome 1), Bamboo, 9,45 € 

samedi 12 avril 2008

BD - L'énergie des barbouzes


Un scénariste français ayant fait ses débuts dans l'écriture de jeux vidéos, Fred Weytens, un dessinateur canadien longtemps spécialisé dans les super héros, Denis Rodier, se sont associés pour cette nouvelle série d'action et d'espionnage de la collection Impact de chez Delcourt. Egide est une officine secrète, dépendant directement des gouvernements de quelques pays européens. 

Ses membres sont sollicités quand il faut intervenir à la limite de la légalité. Marc de Saint-Mont en est le chef. Il a sous sa responsabilité un génie de l'informatique, une pilote d'exception et un gros bras aimant les sensations fortes. Ils vont être chargés de surveiller un ancien agent secret russe sur le point de détourner une invention déterminante pour l'avenir. Un premier album mené à 100 à l'heure, où en plus de l'intrigue, Egide va tenter de recruter un nouvel élément. 

Aléna est une jeune cambrioleuse russe. Ses compétences de discrétion et de camouflages seront utiles à ce groupe de barbouzes efficaces et sympathiques. Reste à la convaincre de l'utilité de choisir le bien commun contre ses intérêts personnels...

« Egide » (tome 1), Delcourt, 10,50 € 

vendredi 11 avril 2008

BD - Kogaratsu dans la fournaise


Kogaratsu, presque à la retraite, a délaissé son sabre pour la hache. Le samouraï errant subvient à des moyens en fendant des bûches de bois pour un fermier. Une existence calme et tranquille qui ne va pas durer. Il reçoit un énigmatique message qui le pousse à reprendre la route. Il se rend au rendez-vous et découvre que c'est sa famille qui lui lance un appel au secours. Il se rend donc au chevet de la « Mère », dans ce donjon perché au sommet des montagnes. 

Une communauté de femmes qui fait bien des envieux. Une bande de brigands conspire pour prendre la place forte et s'emparer du trésor. Ils ont l'avantage d'avoir une alliée dans la place. Mais l'issue du combat pourrait changer avec l'arrivée de Kogaratsu. Le héros japonais de Bosse et Michetz était resté longtemps silencieux. Une parenthèse due au perfectionnisme du dessinateur qui a particulièrement soigné ces 52 planches. 

Un trait de plus en plus épuré, des scènes d'action époustouflantes : cet album ne vous décevra pas. L'incendie du donjon est reconstituée avec grande minutie par un graphiste d'exception. Une série rare à ne pas oublier.

« Kogaratsu » (tome 11), Dupuis, 10,40 € 

jeudi 10 avril 2008

BD - Mortimer aux sources de la civilisation

La nouvelle aventure de Blake et Mortimer de Sente et Juillard se passe en grande partie en Afrique.


Un peu plus de trois ans après la parution du second tome des « Sarcophages du 6e continent », Blake et Mortimer sont de retour, toujours animés par le duo Yves Sente au scénario et André Juillard au dessin. Après la Belgique et l'Antarctique, les deux héros britanniques vivent une aventure se déroulant en grande partie en Afrique. Tout commence par la découverte d'une grotte dont l'accès est sous le niveau de l'eau du lac du Ngorongo, dans la région centrale du Tanganyaka. Un ethnologue allemand, Ulrich Heidegang, visite une vaste salle recouverte d'or et subtilise une bague portée par une statue gigantesque. Il est surpris par des hommes lycaons qui le blesse avec une lance empoisonnée. Heidegang parvient à rejoindre la civilisation mais est devenu dément.

Trois mois après ces faits, le professeur Mortimer, en lisant la presse, remarque que les motifs sur la bague sont très étranges, du jamais vu. Il va se lancer dans des recherches pour tenter de découvrir à quelle civilisation elle se réfère et avec l'aide de deux amies, Nastasia et Sarah, va se retrouver sur la trace d'une civilisation perdue, vieille de 350 millions d'années, quand la Terre n'avait qu'un seul continent, le Gondwana.

Face à la faune sauvage

Une premier partie savante suivie de l'expédition dans la savane. Là cela se complique pour le trio qui devra affronter les fauves (éléphants, lycaons, lions et hippopotames) ainsi que les sbires du colonel Olrik. Le méchant emblématique de la série, loin d'être éliminé comme les fidèles lecteurs le pensaient, est toujours en vie et avide de richesse et de vengeance.

Dans cette aventure, la 18e, le professeur Mortimer tient la vedette, le capitaine Blake n'intervenant que dans les dernières pages. Un album qui, tout en restant fidèle à l'oeuvre originale, tente de renouveler un peu cet univers qui franchit les décennies. Au niveau du scénario, on regrettera l'exploitation limitée de la civilisation perdue et le coup de théâtre, peu crédible, des dix dernières pages. Par contre on ne peut que s'extasier devant les dessins de Juillard. Il parvient à injecter une bonne dose d'élégance à l'image graphique de la série, Mortimer est moins rigide et les femmes de plus en plus belles. Chaque vignette de transition, que cela soit dans les rues de Londres ou dans la savane africaine, sont de superbes miniatures qui méritent toutes d'être encadrées.

« Blake et Mortimer, Le sanctuaire du Gondwana », Yves Sente et André Juillard, Editions Blake et Mortimer, 14 euros 

mercredi 9 avril 2008

BD - En piste pour les souvenirs de cirque


La mode est aux autobiographies dessinées. Rudy Spiessert, dessinateur de Ingmar et du Stéréo Club, dans « Les villes d'un jour », raconte son enfance. 

Par chance, son quotidien était peu banal : il jouait avec des éléphants, ramassait des paillettes dans de la sciure de bois, n'allait jamais à l'école, déménageait tous les jours, rencontrait régulièrement des magiciens et des clowns espagnols. 

Ses parents étaient employés dans un grand cirque et il a sillonné 11 mois sur 12 les routes de France dans une caravane, admirant le spectacle caché sous les gradins. Même ceux qui n'aiment pas le cirque seront sensibles à ces histoires simples et belles.

« Les villes d'un jour », Soleil Quadrants, 9,90 € 

mardi 8 avril 2008

BD - Didier Tronchet loin du train-train quotidien


Didier Tronchet le reconnaît, « La gueule du loup » doit beaucoup à son expérience du cinéma. On pourrait effectivement se croire dans un film. Notamment le premier acte, quand François Renard, gynécologue, et Jacky Mousselin, chômeur longue durée, se croisent dans une soirée de speed-dating. 

Deux hommes que tout oppose mais qui finalement seront attirés par la même femme, la mystérieuse Iléna. Mais ce début entre comédie et romance, classique histoire à trois, prend rapidement des airs de thrillers déjanté. L'intrigue est millimétrée, les personnages réussis, la fin inoubliable, le dessin vif : de la belle ouvrage sur plus de 100 pages.

« La gueule du loup », Futuropolis, 19 € 

lundi 7 avril 2008

BD - Art-mement


1912 à Paris, l'artiste peintre Luciano Salvatori ne s'en sort pas. Ce créateur adepte du futurisme, ne mange pas à sa faim. Sur le point de tout abandonner, il rencontre un riche mécène qui lui commande des centaines de dessins. Une demande qui semble extravagante : imaginer et peindre les machines de destruction qui pourraient être utilisées dans les guerres du futur. 

Salvatori va totalement s'investir dans cette oeuvre, délaissant amis et compagne pour laisser libre cours à son imagination. 

Ce roman graphique ambitieux et réussi est le premier album de deux auteurs venus de l'animation, Olivier Cotte qui signe le scénario et Jules Stromboli au dessin.

« Le Futuriste », Casterman, 13,75 € 

dimanche 6 avril 2008

BD - Et Tanâtos provoqua le chaos...


Second tome de la très feuilletonesque série "Tanâtos" de Convard (scénario) et Delitte (dessin). Tanâtos est une sorte de génie du mal qui manoeuvre dans les coulisses pour arriver à son but ultime : gagner de millions en faisant tourner à plein régime ses usines d'armement. En ce début d'année 1914, les bruits de bottes se font de plus en plus présents partout en Europe. Il ne reste plus beaucoup d'obstacles. 

En empruntant les apparences que quelques personnages clés (député, industriel...), Tanâtos parviendra a mener son plan à bien. Mais il trouvera sur son chemin le détective Victor, toute l'agence de Fiat Lux, quelques policiers et des politiques hostiles à la guerre. Jaurès par exemple. Mais Jaurès ne verra pas le début des hostilités, un homme de main de Tanâtos va se charger de faire définitivement taire le pacifiste. Ce sont 54 pages denses, reconstituant parfaitement cette époque et les mentalités d'alors. 

Convard rend hommage aux grands romanciers du genre (Souvestre et Allain, créateurs de Fantomas) mais en donnant une dimension politique supplémentaire. Car au final, le message est clair : les guerres ne sont que des artifices pour permettre à quelques capitalistes de décupler leurs profits le temps d'une situation exceptionnelle. Une vérité qui est encore d'actualité, il suffit de voir quelles sont les sociétés qui profitent le plus de l'invasion de l'Irak actuellement. Et qui sait, Tanatôs est peut-être derrière là aussi...

« Tanatos » (tome ), Glénat, 12,50 € 

samedi 5 avril 2008

Roman - Interdit à toute femme... et à toute femelle

Les premières pages risquent de désarçonner les lecteurs non avertis. On s'attend à un roman mystique, se déroulant en pleine Grèce orthodoxe avec moines intégristes et réflexions sur l'ascétisme et autres mortifications pour purifier son âme et on tombe dans une partie de sexe digne du porno du samedi soir sur une chaîne cryptée. Gabriel, le narrateur, est un jeune célibataire qui s'ennuie depuis que sa belle Faustine l'a abandonné pour un de ses amis, Octave. 

Dans ce roman de Christophe Ono-dit-Biot, les protagonistes dévorent la vie sans pour autant être sûrs d'agir à bon escient. Ils sont jeunes, beaux et indépendants ; ils ont tout pour réussir, et pourtantà Gabriel, au lendemain de cette soirée nauséabonde, est contacté par Faustine.

Il la retrouve toujours aussi belle, encore plus ce jour-là alors qu'elle donne le sein ("mat et plein de lait") à son enfant. Ce bébé aurait pu être celui de Gabriel. Mais c'est Octave le père. Il a disparu en Grèce. Du côté du Mont Athos, "le dernier état monastique en Europe. Entre la Grèce et la Turquie, une petite presqu'île entourée par la mer Egée. Tout autour de la côte, vingt monastères fortifiés, datant du XIe siècle." Faustine voudrait que Gabriel retrouve Octave. Elle ne peut pas y aller. Le Mont Athos est interdit à toute femme.

Chevalier servant un peu naïf, Gabriel accepte de se rendre dans cette région qui semble avoir cessé d'évoluer depuis des siècles. Une fois sur place, dans un monastère reculé, immobile depuis des siècles, il commence à se poser des questions. Oublie l'enfant et Faustine pour profiter du cadre.

"Le silence était parfait. Rien d'autre que le bruit des vagues.

Rien d'humain. Je comprenais Octave d'un seul coup. C'est peut-être cela que j'étais venu chercher. Me laver le corps. (à) Jeter par-dessus bord tout ce qui encombrait et qu'on nous foute une paix royale. Disparaître enfin.

Me mettre en stand-by pour des siècles. (à) Casser tout rêve en le dénonçant immédiatement comme une chimère". On le devine assez rapidement, ce périple ne sera pas sans laisser des traces sur la vie de Gabriel. Sur la nôtre également. Car en allant de surprise en surprise dans ce roman, le lecteur aura tendance à se remettre en cause à son tour. Mais gare aux retours de foi.

"Interdit à toute femme et à toute femelle", Christophe Ono-dit-Biot, Plon, 18,50 € (disponible en poche chez Pocket) 

vendredi 4 avril 2008

Thriller - La magie de la mort

Après 12 années de prison, un tueur d'enfant retrouve la liberté et tous ses démons. « Le Magicien », un thriller français de Jean-Marc Souvira.


Deux hommes face à face. Deux personnages principaux dont les points de vue alternent tout au long de ce roman policier de Jean-Marc Souvira. Premier à entrer en scène, Arnaud Lécuyer. Il vient de purger 12 années de prison pour le viol et le meurtre d'une vieille dame. De l'autre le commissaire Ludovic Mistral, flic d'élite récemment nommé à la brigade criminelle de la police judiciaire de Paris, le fameux 36, quai des Orfèvres. Arnaud Lécuyer sous ses airs de petit homme tranquille, maigrichon, timide et effacé, cache un redoutable prédateur. Durant les 12 années de prison, il a tué, en toute discrétion, trois co-détenus qui avaient abusé de lui à son arrivée.

Mais Arnaud Lécuyer, « tombé » pour le viol d'une personne âgée, est surtout attiré par les petits garçons. Il en a six dans sa « collection », six gamins de 9 à 11 ans qu'il a entraînés dans une cave d'immeuble, étranglés puis violés. Un tueur en série qui a terrorisé la capitale il y a 13 ans. Il était surnommé le Magicien car pour obtenir la confiance des jeunes garçons, il leur faisait des tours de cartes. Les enfants, fascinés, suivaient ce prestidigitateur qui acceptait de révéler ses secrets, mais à l'abri des regards et oreilles indiscrètes.

Un policier presque parfait

Arnaud Lécuyer sort donc de prison et malgré un emploi d'insertion chez un plombier, des convocations chez le juge d'application des peines et des séances obligatoires chez un psychiatre, retombe dans tous ses travers, ses perversions. Au volant de sa camionnette de service, il ne peut s'empêcher de se mettre en « chasse ». Il repère un gamin qui s'ennuie et tente de recommencer, comme avant. Il est dérangé par un clochard qui y perd la vie. Mais l'enfant survit et raconte aux policiers comment il a été abordé par ce « Magicien ».

Un Magicien de sinistre mémoire qui refait surface, provoquant un branle-bas de combat dans le service du commissaire Mistral. Ce policier est l'antithèse du flic communément véhiculé dans les polars : marié, deux enfants, aimant le jazz, formé aux USA, « le fait de parler avec son épouse, de la resituer dans leur environnement familial avec leurs deux enfants, apaise Mistral qui a besoin de ces contacts familiaux pour affronter son travail. Ce n'est pas le genre de flic solitaire qui fume deux paquets de clopes, boit une bouteille de whisky par jour et qui a u mal à rentrer chez lui en se demandant de quoi demain sera fait. » Un policier presque parfait qui, en plus de cette délicate enquête, doit faire face à l'ambition d'un collègue frustré.

« Prédateur » en « chasse »

Cela donne un contraste très fort entre cet homme équilibré, aimant, épanoui et croyant fermement à sa mission de justice et le tueur, névrosé, avide de sexe et de sang, comme pour mieux entretenir le souvenir des violences sexuelles imposées par son père. Récupérant sa liberté, son premier échec ne le refroidit pas : « Le prédateur cherche une place de stationnement à proximité du Trocadéro. Il y a toujours beaucoup de monde dans ce lieu touristique. Lécuyer se dit qu'un môme qui s'égare, même un touriste, ferait l'affaire ».

Jean-Marc Souvira ne raconte, dans ce premier roman très documenté, que le quotidien de nombre de ses collègues car il est lui-même policier à Paris. Le lecteur, entre les explications savantes des rouages d'une enquête, sera surtout marqué par les pensées abominablement macabres de Lécuyer, la figure centrale, et très réussie, de ce thriller plaisant bien que parfois à la limite du morbide.

« Le Magicien », Jean-Marc Souvira, Fleuve Noir, 20 € (disponible en poche chez Pocket)