mardi 30 juillet 2024

Cinéma - “Les pistolets en plastique”, rire caustique

Pire que Mocky dans le genre anarcho-sarcastique, Jean-Christophe Meurisse sort la sulfateuse dans « Les pistolets en plastique » pour massacrer la mode médiatique autour des faits divers.

L’affaire Dupont de Ligonnès, après avoir fait vendre beaucoup de journaux ou de magazines et assuré des audiences records aux émissions de faits divers, a beaucoup inspiré les romanciers. Voilà que le cinéma s’y met. Mais pas dans le genre à faire froid dans le dos. Normal, c’est Jean-Christophe Meurisse qui s’y risque, cinéaste iconoclaste qui a déjà offusqué quelques censeurs après son Oranges sanguines, brûlot à l’opposé du politiquement correct.

Le fil rouge du film est la traque d’un tueur en série, Paul Bernardin (Laurent Stocker), disparu après avoir assassiné sa femme, ses quatre enfants et le chien. Zavatta, le « ninja de la police française » croit le reconnaître à Roissy à l’embarquement d’un vol pour le Danemark. Le début du cauchemar pour Michel Uzès (Gaëtan Peau), danseur amateur de country, transformé en quelques heures en ennemi public numéro 1.

Léa (Delphine Baril) et Christine (Charlotte Laemmel), enquêtrices Facebook, sont elles aussi sur les traces de Bernardin. Deux ménagères de moins de 50 ans, fascinées par le personnage, capables de casser la porte de la villa de Bernardin pour aller inspecter la cave et critiquer la décoration intérieure. Le film, forcément un peu foutraque par manque de budget, a ce côté amateur avec effets spéciaux gore à la petite semaine qui le transforme en farce à la Grand Guignol. On a parfois l’impression d’une succession de sketches, quelques humoristes invités s’en donnant à cœur joie dans l’improvisation.

La scène d’ouverture avec Jonathan Cohen en médecin légiste donne le ton. Il se surpasse dans la surenchère quand il fait le panégyrique de Zavatta. Nora Hamzawi, femme enceinte obnubilée par ses accouchements (et sa dernière épisiotomie dont elle donne tous les détails) est irrésistible. Le meilleur restant les dialogues, totalement surréalistes, entre les deux enquêtrices, sorte de concentré de toutes les inepties lues sur Facebook. Quant au tueur, on ne dira pas où il se cache. Mais ce n’est pas demain la veille que Léa et Christine risquent de lui mettre la main dessus…

Film de Jean-Christophe Meurisse avec Laurent Stocker, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Gaëtan Peau, Jonathan Cohen, Nora Hamzawi

lundi 29 juillet 2024

En vidéo - “Les chèvres”, Boon et Commandeur, duo comique du XXIe siècle

 

La comédie est certainement le genre cinématographique le plus compliqué. Difficile de trouver la bonne formule, celle qui va faire rire des millions de spectateurs.

Sur le papier, Les chèvres de Fred Cavayé avait tout pour faire un carton. Un sujet iconoclaste (le procès au Moyen Âge d’un animal), deux comédiens talentueux (Dany Boon et Jérôme Commandeur), des décors somptueux et un budget conséquent.

Pourtant le public a boudé cette histoire en partie tirée de faits réels. Sa sortie en DVD chez Pathé devrait permettre de mieux apprécier cette farce en costumes. Les seconds rôles sont savoureux et Claire Chust en bergère progressiste et féministe fait forte impression.

Quant au duel oratoire entre les deux stars, les deux avocats, il fait des étincelles et même s’il y a un peu trop de cabotinage, reste un must dans le genre.

dimanche 28 juillet 2024

BD - Terriers de lapins au centre de la Terre

Les animaux à toutes les sauces. Ils sont même utilisés pour cette adaptation en BD du roman de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre. Sur une adaptation de Rodolphe, Patrice Le Sourd a décidé que les héros seraient des... lapins. Rien de plus logique tant ce roman est en réalité une longue divagation dans d'interminables terriers.

Dans le second tome, on retrouve le trio perdu sous les volcans d'Islande. Le professeur Lidenbrock, théoricien de cette exploration, sa nièce Axelle (déguisée en garçon et répondant au prénom d'Axel) et Hans, l'homme fort de l'expédition, l'aventurier. Axelle est séparée de ses deux compagnons et se retrouve dans le noir. Grosse angoisse et finalement chute dans un trou. Elle se réveille sur une plage...

Elle vient de découvrir la mer intérieure qui transforme ces gigantesques grottes en nouveau continent. Dès lors le trio va progresser, découvrant des animaux monstrueux, d'autres qui semblaient disparus (mammouths).

Le récit de Jules Verne a un peu perdu de sa magie, mais l'ensemble reste très spectaculaire et devrait faire rêver les nouvelles générations autant que les précédentes, saisies par ces textes novateurs, premières incursions de la littérature vers une science-fiction encore embryonnaire.
« Voyage au centre de la Terre » (tome 2), Delcourt, 48 pages, 11,50 €

samedi 27 juillet 2024

BD - Demeus Lor, l'ocelot patriote des 5 Terres

Lancée il y a à peine cinq ans, la série Les 5 Terres a déjà bouclé deux cycles de six albums. Et pour faire patienter les lecteurs fans avant le début du 3e cycle, les auteurs proposent un spin-of, histoire complète centrée sur un des personnages. Découvrez donc sous le pinceau de Guinebaud, nouveau dans l'aventure, un passage important de la vie de Demeus Lor, un ocelot, maître d'armes de la petite île d'Etyrna.

Demeus, après les événements contés dans le premier cycle, est revenu sur son île natale auréolé de ses exploits sur Angleon. Mais la guerre continue et une nuit, une bande d'ours attaque l'île paisible. Les gardes sont massacrés. Quelques nobles prennent la fuite, Demeus parvenant à tuer un ours.

Les rescapés doivent décider : se rendre ou résister. Comme dans les autres albums de la série, le scénario de Lewelyn (ils sont trois derrière ce pseudonyme : Chauvel, Andoryss et Wong) explore toutes les solutions autour de la lutte pour gagner ou conserver le pouvoir. Les ours sont moins rustiques qu'on ne le croit, les résistants parfois trop bravaches. Demeus Lor va devoir trouver sa voie, le juste milieu, pour sauver la population de l'île. Et sa liberté.

Une nouvelle fois c'est remarquable, tant au niveau de la narration que du dessin. Sylvain Guinebaud se coule dans le style de Lereculey sans la moindre fausse note.

« Les 5 Terres, Demeus Lor », Delcourt, 64 pages, 15,95 €
 

vendredi 26 juillet 2024

BD - Animaux courageux dans les Terres de Ruines

Un renard, un cochon, une reinette et un écureuil forment le quatuor intrépide qui va tenter de retrouver le trésor de Rygone le pirate. Un roman graphique du Canadien Derek Laufman au trait proche des dessins animés actuels.

Rex et le chef de la bande. Un petit renard, orphelin, élevé par la maman de Pô son meilleur copain, cochon très rose et très trouillard. Rex rêve de combats, de conquêtes et trésor à découvrir dans de sombres cavernes.

Voilà pourquoi il est très content que Pô découvre la carte du trésor d'un pirate légendaire. Reste à retrouver cette île perdue et affronter les mille dangers sur la route. Pour se donner toutes les chances, Rex et Pô demandent l'aide de Kayle, une écureuil, experte en tir à l'arc. Le trio sera complété par Lilah, princesse rainette lasse de rester au palais et prête à tout pour découvrir le monde.

Une histoire très fluide, avec quantité de péripéties, quelques méchants et batailles mémorables et un final digne des plus grands films de pirates. Une jolie surprise dans la collection « Aventuriers d'ailleurs » intégrée aux éditions Bamboo depuis peu.

« Le trésor des Terres de Ruines », Aventuriers d’Ailleurs - Bamboo, 144 pages, 18,90 €

jeudi 25 juillet 2024

BD - Dans la forêt gourmande du Chant des grenouilles

La série Au chant des grenouilles, imaginée par Barbara Canepa est sans doute la plus fidèle à l'esprit Macherot, créarteur de Sybiline dans Spirou. Seule différence, le dessin, loin d'être de style franco-belge, simple et très ligne claire, il donne l'occasion à plusieurs dessinateurs talentueux de s'essayer à la fresque animalière.

Le premier tome, « Uriana, la sorcière », est co-scénarisé par Anaïs Halard et dessiné par Florent Sacré. Barbara Canepa donne une ultime touche personnelle en aidant le dessinateur aux couleurs.

Dans une forêt où la plupart des animaux vivent en harmonie, les plus jeunes forment une bande intrépide. On trouve dans cette équipe qui n'a pas froid aux yeux, deux lapins, un renard végétarien, une chauve-souris, une chouette, un grillon et une araignée. Après avoir écouté une histoire qui fait peur, ils partent dans la forêt ramasser des légumes. Ils ont l'intention de remporter le concours de cuisine.

Une petite aventure pleine d'humour, parfaite occasion de placer des pages encyclopédiques. On apprend ainsi les vertus médicinales de l'ail, comment les araignées fabriquent leur fil ou pourquoi la betterave est un excellent légume quand elle est bien cuisinée. Un volet éducatif très ludique.

Reste les petits héros. Tous très différents, attachants. On a hâte de savoir si leur préparation saura convaincre le jury. Réponse fin novembre avec le second tome, dessiné par Jérémie Almanza.

« Au chant des grenouilles » (tome 1), Métamorphoses, 48 pages, 14,95 €

mercredi 24 juillet 2024

Premier roman - « Une fille du Sud » et de Perpignan

Portraits de femmes du Pays Catalan dans ce premier roman de Juliette Granier. Une jeune fille sauvage, sa mère soumise et la terrible grand-mère qui règne en maître sur le domaine viticole.  

Juliette Granier fait partie des femmes surdouées. Pianiste de renom, compositrice, elle est également animatrice radio en Suisse, originaire des Pyrénées-Orientales, elle vient de publier son premier roman. Directement chez Gallimard. Une surdouée on vous dit. Impression confirmée à la lecture de ces pages brûlées par le soleil du Sud ou figées dans le froid glacial de la tramontane. Le parcours d’une jeune femme, ballottée entre une mère éteinte et une grand-mère autoritaire avec en arrière-plan de sinistres secrets de famille et la vie d’une propriété viticole dans le Pays Catalan.

Comme dans tout premier roman qui se respecte, Juliette Granier a mis un peu de son propre parcours de vie dans Une fille du Sud. On devine beaucoup de sincérité quand elle décrit la vie étudiante à Perpignan. Également quand son héroïne, Catalina Magne, atomise la ville. « J’avais d’abord appris à abhorrer cette ville. Tour à tour, son nom me semblait fantastiquement ridicule, cocasse, les sonorités même, Perpignan, nasillardes et puériles. On ne pouvait pas prendre un « perpignan » au sérieux. » Et de regretter un peu plus loin « Notre accent devenait ridicule quand nous tentions d’être empathiques ; pour créer notre légende nous n’étions pas crédibles. »

Si l’autrice semble avoir fait sa vie d’adulte ailleurs, le personnage du roman nuance quand même son jugement excessivement sévère : « D’autres fois, cependant, le soleil soulevait des vapeurs désirables, odeur de café torréfié, vent lointain chargé des senteurs de la mer, essences aromatiques de la Méditerranée. Il me semblait que l’avenir y était possible. » Pour compléter décor, le traditionnel passage, assez poétique, sur le vent « qui me rend folle » : « Les pins sifflent, les rafales battent l’herbe, tout n’est que vert, ou brun sourd. Le vent vide la nature de ses habitants, menus oiseaux, légers insectes. »

On retrouve dans le roman ce Pays Catalan, rude, authentique, si différent des autres régions de France et même du sud méditerranéen. Reste l’intrigue. Elle est déclinée chronologiquement. Catalina, encore enfant, se souvient du mariage de Ferran, son cousin et d’Olivia. Ferran, le chasseur, le mâle alpha de la famille. Outrageusement favorisé par Avia, la grand-mère, la propriétaire du mas, au détriment de sa fille, la mère de Catalina. Un chasseur, harceleur, macho… violeur. Catalina aime cette vie au grand air, dans les vignes.

Mais elle apprécie encore plus de lire, au calme. Premières amours au lycée, amitiés fortes à la fac : Une fille du Sud prend des airs de roman d’apprentissage. Catalina découvre d’autres milieux, des façons différentes de penser, comprend mieux sa mère, déteste de plus en plus la grand-mère, craint Ferran, toujours à préparer un mauvais coup. Un pur roman dans sa dernière partie, car si Juliette Granier a puisé dans ses souvenirs pour donner des accents de vérité à son texte, elle boucle son récit de façon tout à fait inattendue.


« Une fille du Sud » de Juliette Granier, Gallimard, 192 pages, 19 €

mardi 23 juillet 2024

Polar - Révisez vos romans policiers jusqu’à la « Fin de l’histoire »

Hommage aux grands du roman policier dans cette enquête signée A. J. Finn. Nicky Hunter, fan d’un écrivain, doit écrire sa biographie. Et résoudre un mystère insoluble.

Les amateurs de romans policiers vont se délecter de ce gros bouquin. Fin de l’histoire a tout pour leur plaire, de la jeune enquêtrice qui n’a pas froid aux yeux en passant par le vieux suspect qui semble manipuler tout le monde, les références à des romans cultes et le décor, une vieille maison à San Francisco recelant nombre de secrets dont une pièce cachée avec ouverture secrète dissimulée… dans la bibliothèque. Reste à découvrir le coupable. Et là, comme dans les excellents romans d’Agatha Christie ou de Conan Doyle, difficile de deviner la solution finale imaginée par l’auteur.

Sebastian Trapp est un romancier devenu célèbre (et riche à millions) avec son personnage de détective décalé Simon St John. Une vingtaine de titres, jusqu’en 1999 et un drame affreux. Le soir du réveillon, sa femme Hope et son jeune fils, Cole, disparaissent. Enlèvements, fugues, assassinats ? La police n’a jamais bouclé l’affaire. Plus de 20 ans après, Sebastian, malade, sait qu’il va mourir et demande à une de ses fans, Nicky Hunter, de venir chez lui pour rédiger sa biographie.

La jeune new-yorkaise découvre très excitée cet univers qui la fascine. Et cherche de plus de résoudre l’affaire des deux disparitions. Tout se complique quand un cadavre est découvert chez Sebastian, « Dans le bassin flotte une femme, sur le ventre, les cheveux déployés autour de sa tête, les bras et le dos nus. […] Les yeux gris sans vie, les lèvres teintées de bleu, la profonde plaie sur la tempe. » Deux disparitions, un mort : le temps est venu des révélations pour le romancier, sa fille Madeleine et le reste de sa famille.

Des coups de théâtre et une vérité à écrire pour la jeune Nicky, de plus en plus impliquée dans cette histoire de famille tragique. Un roman qui se dévore, avec une première partie intrigante mais surtout plaisante voire loufoque, suivie d’un changement d’ambiance, plus ténébreuse, dramatique et sombre. Une prouesse littéraire exemplaire.

« Fin de l’histoire » de A. J. Finn, Presses de la Cité, 608 pages, 21,50 €

lundi 22 juillet 2024

Une intégrale - Tout Madeline Miller

 


Il fallait oser cette réécriture de mythologie. Madeline Miller s’est emparée de ces récits anciens mais y a cherché d’autres significations. Cela donne des romans dans lesquels la jeunesse actuelle s’est reconnue.

À propos d’Achille, l’autrice y voit une superbe histoire d’amour entre le guerrier et Patrocle, ami et amant. Ce Chant d’Achille, premier texte de la trilogie est précédé par la nouvelle Galatée et se termine avec le roman Circé, portrait revisité de la sorcière libre et puissante.
Une somme littéraire dans une superbe présentation, couverture cartonnée et tranche imprimée en jaune et noir.

« Galatée » suivi du « Chant d’Achille » et de « Circé », Pocket, 936 pages, 18 €

dimanche 21 juillet 2024

Un album jeunesse - La souris sorcière

 

Ce n’est pas parce qu’on est une petite souris grise que l’on ne peut pas devenir sorcière. Sophie vient de brillamment décrocher son diplôme avec mention Assez Bien. Elle va donc s’installer à son compte dans une forêt mystérieuse.

Ce parcours professionnel atypique est raconté et dessiné par Rudy Spiessert. à cause de sa taille, Sophie ne peut lancer que des petits sorts. Mais alors comment se débarrasser d’un couple d’ogres qui terrorise des enfants ? Cette aventure mouvementée est bourrée d’humour décalé.
Comme l’animal de compagnie de Sophie, pas un chat noir comme le veut la tradition, mais une araignée. Araignée qui miaule…

« La souris sorcière », École des Loisirs, 60 pages, 15 €