mercredi 24 juillet 2024

Premier roman - « Une fille du Sud » et de Perpignan

Portraits de femmes du Pays Catalan dans ce premier roman de Juliette Granier. Une jeune fille sauvage, sa mère soumise et la terrible grand-mère qui règne en maître sur le domaine viticole.  

Juliette Granier fait partie des femmes surdouées. Pianiste de renom, compositrice, elle est également animatrice radio en Suisse, originaire des Pyrénées-Orientales, elle vient de publier son premier roman. Directement chez Gallimard. Une surdouée on vous dit. Impression confirmée à la lecture de ces pages brûlées par le soleil du Sud ou figées dans le froid glacial de la tramontane. Le parcours d’une jeune femme, ballottée entre une mère éteinte et une grand-mère autoritaire avec en arrière-plan de sinistres secrets de famille et la vie d’une propriété viticole dans le Pays Catalan.

Comme dans tout premier roman qui se respecte, Juliette Granier a mis un peu de son propre parcours de vie dans Une fille du Sud. On devine beaucoup de sincérité quand elle décrit la vie étudiante à Perpignan. Également quand son héroïne, Catalina Magne, atomise la ville. « J’avais d’abord appris à abhorrer cette ville. Tour à tour, son nom me semblait fantastiquement ridicule, cocasse, les sonorités même, Perpignan, nasillardes et puériles. On ne pouvait pas prendre un « perpignan » au sérieux. » Et de regretter un peu plus loin « Notre accent devenait ridicule quand nous tentions d’être empathiques ; pour créer notre légende nous n’étions pas crédibles. »

Si l’autrice semble avoir fait sa vie d’adulte ailleurs, le personnage du roman nuance quand même son jugement excessivement sévère : « D’autres fois, cependant, le soleil soulevait des vapeurs désirables, odeur de café torréfié, vent lointain chargé des senteurs de la mer, essences aromatiques de la Méditerranée. Il me semblait que l’avenir y était possible. » Pour compléter décor, le traditionnel passage, assez poétique, sur le vent « qui me rend folle » : « Les pins sifflent, les rafales battent l’herbe, tout n’est que vert, ou brun sourd. Le vent vide la nature de ses habitants, menus oiseaux, légers insectes. »

On retrouve dans le roman ce Pays Catalan, rude, authentique, si différent des autres régions de France et même du sud méditerranéen. Reste l’intrigue. Elle est déclinée chronologiquement. Catalina, encore enfant, se souvient du mariage de Ferran, son cousin et d’Olivia. Ferran, le chasseur, le mâle alpha de la famille. Outrageusement favorisé par Avia, la grand-mère, la propriétaire du mas, au détriment de sa fille, la mère de Catalina. Un chasseur, harceleur, macho… violeur. Catalina aime cette vie au grand air, dans les vignes.

Mais elle apprécie encore plus de lire, au calme. Premières amours au lycée, amitiés fortes à la fac : Une fille du Sud prend des airs de roman d’apprentissage. Catalina découvre d’autres milieux, des façons différentes de penser, comprend mieux sa mère, déteste de plus en plus la grand-mère, craint Ferran, toujours à préparer un mauvais coup. Un pur roman dans sa dernière partie, car si Juliette Granier a puisé dans ses souvenirs pour donner des accents de vérité à son texte, elle boucle son récit de façon tout à fait inattendue.


« Une fille du Sud » de Juliette Granier, Gallimard, 192 pages, 19 €

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