mardi 9 janvier 2024

Un manga : Yokohama Station Fable



La gare de Yokohama au Japon a la réputation d’être en perpétuels travaux. C’est sans doute ce qui a donné l’idée à Yuba Isukari d’écrire ce manga futuriste dessiné par Gonbe Shinkawa. Devenue autonome, la gare ne cesse de s’agrandir, recouvrant toute l’île principale.



Deux mondes coexistent : celui de ceux qui ont une puce corporelle permettant de se déplacer dans la gare et les autres. Hiroto, jeune non pucé, va tenter de rejoindre l’alliance des resquilleurs. Son chef serait en danger. Une BD aux décors très technologiques, entre aliénation numérique, quête de liberté, fantastique et machines intelligentes.

« Yokohama Station Fable » (tome 1), Delcourt Tonkam, 176 pages, 8,50 €

lundi 8 janvier 2024

Une intégrale fantasy : La ballade de Pern (V)


Les amateurs de fantasy aiment les longues sagas, copieuses et qui en donnent pour son argent. Ils sont servis avec la réédition sous forme d’intégrale de La Ballade de Pern, chef-d’œuvre d’Anne McCaffrey. Dans ce cinquième tome de plus de 1 200 pages, ils pourront savourer trois romans se déroulant sur la planète Pern, Le dragon blanc (1978), Tous les Weyrs de Pern (1991) et Les ciels de Pern (2001).

Ce dernier titre est l’ultime aventure des chevaliers dragons écrite en solo par Anne McCaffrey. Elle a été aidée par son fils Todd pour le suivant et c’est lui qui a repris à son compte cet univers si particulier à la mort de sa mère, en 2011.

« La ballade de Pern » (intégrale 5), Pocket, 1 260 pages, 16 €

 

dimanche 7 janvier 2024

Roman français - « La vie heureuse » passe-t-elle par la mort ?

Les personnages principaux du nouveau roman de David Foenkinos croisent la mort. Et leur vie n’en est que plus heureuse. 



En pleine semaine de remaniement ministériel, le roman La vie heureuse de David Foenkinos apporte un éclairage intéressant sur la formation de ces équipes chargées de se mettre au service de la Nation. Même si ce n’est pas le cœur de l’histoire, cette plongée dans la vie d’un ministère et de ses équipes de conseillers est édifiante. Amélie, directrice de cabinet du secrétaire d’État au Commerce extérieur, est chargée de recruter quelques pointures pour épauler ce membre du premier gouvernement sous l’ère d’Emmanuel Macron. Elle a l’idée de proposer un poste à Éric Kherson, directeur commercial de Décathlon, qu’elle a connu au lycée à Rennes. Éric, séparé, y voit l’occasion de se relancer professionnellement. Amélie ne regrette pas son choix tant il est bosseur.

La bascule a lieu à Séoul. Le binôme doit rencontrer le PDG de Samsung pour vendre l’installation d’une usine en France. Éric, après une nuit de flirt avec Amélie, ne va pas au rendez-vous. Il est en plein doute existentiel : « Au fond, cette réunion avec Samsung n’avait aucun intérêt. Il se mentait. Jouait un rôle, rien de ce qu’il vivait n’avait la moindre saveur. […] Il ne voyait tout simplement plus le sens de ce qui lui apparaissait comme une épuisante comédie. » En déambulant dans Séoul, il découvre un nouveau concept qui fait fureur en Asie : l’organisation de ses propres funérailles, avant l’échéance fatale. Se voir mort, pour mieux vivre, après.

S’il est beaucoup question de bonheur, de vie heureuse et d’épanouissement personnel dans ce roman, paradoxalement le sujet central reste la mort. Cette fin inéluctable, que l’on n’ose pas regarder ni même envisager. Le message est simple : apprivoisez votre mort et vous profiterez pleinement de ce qu’il vous reste à vivre. Un peu angoissant, mais salutaire d’après l’auteur.

« La vie heureuse » de David Foenkinos, Gallimard, 208 pages, 19 €

samedi 6 janvier 2024

Roman français - « Ceci est mon corps », la religion et le physique

 Hervé devient Hélène. Et rencontre Dieu. Elle désire vivre dans un monastère. mais comment sera-t-elle accueillie par les moniales quand elles connaîtront son secret ?

 

Alors que les débats sur le genre font rage dans la société, Claire Huynen, romancière belge installée à Paris, aborde cette problématique explosive par le volet religieux. Un roman court, érudit et souvent touché par la grâce. Hélène a commencé par une retraite spirituelle dans une abbaye. Une formule pour les visiteurs à la recherche de silence et de réflexion. Quelques jours au calme, dans une cellule sans confort. Mais sans contact avec les quelques moniales qui vivent encore dans cet immense bâtiment.
Puis Hélène est revenue. « La communauté s’était rétrécie au fil des ans et de la raréfaction des vocations. Elle était maintenant resserrée autour de quatorze sœurs qui essayaient de maintenir l’abbaye démesurée, conçue au XIXe siècle pour cent vingt moniales. Elles paraissaient de minuscules insectes solitaires occupant une termitière désertée. » Hélène va apprendre l’enluminure, respecter les règles (silence, obéissance…) et un jour demander à devenir novice.
Il faut avant passer par un vote. Et surtout apprendre qu’Hélène, avant une lourde opération, était Hervé, un homme.
Pour certaines c’est une hérésie, un homme dans un couvent ! D’autres voient cette modification du corps comme une modification de l’âme : « Il est entendu que l’Homme peut modifier son âme, la faire évoluer par le libre arbitre que Dieu lui a donné. Pourquoi alors ne pourrait-il faire évoluer son corps ? » Un débat, une controverse, discutée par des femmes retirées du monde.

On en apprend beaucoup sur les discussions en cours au sein de l’Église mais aussi sur des précédents, comme « Eugène-Eugénie, une(e) saint(e) légendaire. On sait peu de choses sur ce personnage. Certains disent que, fille de gouverneur, Eugénie se serrait travestie pour rejoindre une communauté de moines, en prenant le nom d’Eugène. » Elle apparaîtrait sur un des chapiteaux de la basilique de Vézelay « en habit de moine découvrant ses seins. »

« Ceci est mon corps » de Claire Huynen, Arléa, 150 pages, 18 €
 

vendredi 5 janvier 2024

BD - "La petite lumière" et "L'été des charognes", sombres romans graphiques

Certains romans graphiques sont d’une puissance absolue. Deux exemples flagrants avec La petite lumière de Gregory Panaccione et L’été des charognes de Sylvain Bordesoules. Deux œuvres adaptées de romans signés Antonio Moresco et Simon Johannin.


Dans un hameau déserté en Italie, un vieil homme vit seul dans une maison délabrée. La nuit, il regarde les étoiles. Puis son regard est attiré par une petite lumière dans la forêt, à flanc de montagne. Qui peut habiter seul dans les bois ? Intrigué, il décide d’aller voir en journée. 


Un long périple pour finalement tomber sur une maison encore plus en ruine que la sienne où ne vit qu’un petit garçon. Il a une dent cassée, pas de papa ni de maman, fait la vaisselle, la cuisine et même ses devoirs après l’école du soir. C’est lui qui allume la petite lumière car il a peur du noir la nuit. 

Le roman, énigmatique, poétique et fantastique, permet à Gregory Panaccione de signer des planches d’une grande beauté. Il apporte questionnement avec le vieil homme et fatalité avec l’enfant. Une relation merveilleuse à la fin très émouvante.


Il est aussi question d’enfance dans L’été des charognes, roman adapté par Sylvain Bordesoules dont c’est la première publication. Entièrement dessinées aux feutres de couleur, ces 280 pages débutent par une scène traumatisante. 

Les deux jeunes héros, gamins de la campagne profonde, tuent un chien. La violence est omniprésente dans ce récit d’apprentissage, de libération aussi. On découvre la vie de ces rebuts de la société. Pas aimés, pas éduqués et capables du pire, juste pour s’amuser. Il y a effectivement beaucoup de charognes, des baffes, un peu d’amour mais surtout une grande incompréhension. 

Un roman coup de poing de Simon Johannin dont l’âpreté est démultipliée par les dessins sans concession d’un jeune dessinateur prometteur. 


« La petite lumière », Delcourt, 248 pages, 27,95 €

« L’été des charognes », Gallimard, 280 pages, 29 €

jeudi 4 janvier 2024

BD - Rodolphe et Griffo en pleine « Utopie » cauchemardesque

 



Cette nouvelle série a des airs de 1984. 2084 exactement, car l’action se déroule dans un futur proche. Les progrès technologiques ont bouleversé le quotidien des citoyens.


Les robots, aidés par les intelligences artificielles, facilitent la vie. Plus de travail harassant. Moins de liberté aussi. Et une déshumanisation de la vie sociale. Pour comprendre comment on vivra, selon Rodolphe et Griffo, les auteurs, on suit le quotidien de Will Jones. Il vit seul dans un bel appartement. Le soir il est accueilli par une babe, femme robot qui s’occupe des tâches ménagères. Et assouvi ses envies sexuelles…

La journée, il travaille aux archives. Exactement il réécrit les grandes étapes de l’Humanité. Quand il découvre dans son casier un livre, imprimé sur du papier, il est troublé et va basculer dans une réalité faite de questions, de révoltes et d’amour.

Si le thème ne semble pas nouveau, le traitement graphique de Griffo apporte tout son sel à cette série prometteuse prévue en trois tomes.

« Utopie » (tome 1), Delcourt, 56 pages, 13,50 €

mercredi 3 janvier 2024

La grande aventure d'un trio face au "Grand large"




Jean Cremers, dont c'est seulement le second album, a déjà un immense talent. Dans Le grand large, roman graphique de plus de 240 pages, il emmène le lecteur dans les différentes petites embarcations empruntées par un trio de survivants. Première à entrer en scène : Léonie. une gamine mise sur une simple barque avec quelques vivres et deux rames par ses parents. 


Elle doit aller au grand large pour tenter de trouver la terre ferme. Une exil obligatoire, quasiment un assassinat. Raidement, la fillette est prise dans une tempête et manque de chavirer. Sans rame ni vivres, elle va cependant aider un autre perdu, Balthazar, muet. Un autre gamin seul en mer. Le duo va échouer sur un île constituée de déchets plastique et embarquer avec lui Agathe, une femme un peu cinglée, survivant, d'après elle, depuis 40 ans. 

L'univers décrit par Jean Cremers est fascinant. La mer comme un désert. Des "rafleurs" tentent de leur voler vivres. De les kidnapper. D'autres  sont plus organisés, ont des grands bateaux à moteur. Mais survivent grâce au trafic d'enfants. C'est épique, aventureux, palpitant et bourré de rebondissements. Le dessin, simple parfois, mais beaucoup plus élaboré si l'on observe un peu plus certaines cases, donne toute sa force à ce récit qui a fait une belle impression à sa sortie. Un auteur est né. 

"Le grand large", Glénat, 248 pages, 24,50 €

Illustrations. Biblio et picto par Joost Swarte



Dynamiteur de la ligne claire, Joost Swarte n’a finalement pas publié tant que cela de BD. Il a rapidement délaissé la narration pour se concentrer sur la pure illustration. Un travail moins visible en France repris par les éditions Dargaud dans de très jolis livres.


Un premier volume sur New York en 2018 et un second, parfait pour les esthètes, qui reprend quantité de dessins ayant les livres pour thème. Les personnages, vus notamment en couverture de plusieurs numéros du New Yorker, évoluent dans d’immenses bibliothèques ou carrément dans des bouquins qui se transforment en chambre à coucher ou cuisine.

L’ouvrage recense aussi des lettrines ou cabochons, toujours sur le thème de l’imprimerie. Un enchantement pour les yeux, une source d’inspiration pour tout artiste aimant la recherche graphique.

« Biblio + picto », Dargaud, 112 pages, 28,50 €

mardi 2 janvier 2024

Un manga : Chasse au cadavre


Suite de l’excellent manga Chasse au cadavre de Hôsui Yamazaki. Un tome 2 où la petite bande de gamins va s’enfoncer encore plus loin dans l’inconnu. Ils sont quatre, trois garçons et une fille, à rechercher une fillette disparue il y a deux ans. Leur indice : un pylône électrique.




Ils vont explorer des forêts montagneuses, à vélo puis à pied, pourchassé par un chasseur impitoyable au masque de démon. On apprécie la belle complicité du quatuor, l’intrigue angoissante et la découverte d’une tradition séculaire particulièrement horrible.

Un thriller entre aventure enfantine et chasse à l’homme (à l’enfant en l’occurrence).

« Chasse au cadavre » (tome 2), Sakka Casterman, 192 pages, 8,45 €

lundi 1 janvier 2024

Une adaptation : La maison Usher en bande dessinée



On se demande parfois pourquoi certaines BD sont imprimées dans des formats plus grands que la normale. Cette question est superfétatoire dans le cas de La maison Usher, adaptation de la nouvelle d’Edgar Allan Poe par Jean Dufaux et Jaime Calderon.

Cela permet au lecteur d’apprécier tous les détails des extraordinaires dessins de l’auteur espagnol.

Une version très personnelle du classique de l’horreur sous la plume de Dufaux qui a eu la géniale idée de faire intervenir, directement dans le récit, l’écrivain américain si torturé. Il a cette phrase définitive en matière de création littéraire : « Un personnage vous échappe toujours à un certain moment. »

« La maison Usher », Delcourt, 72 pages, 23,95 €