lundi 30 octobre 2023

BD - Géronimo le chaman par Christian Rossi

Très attendu, le nouvel album de Christian Rossi ne déçoit pas. Il a mis des années à finaliser cette somme colossale (plus de 170 pages !) racontant une partie de la vie du chef indien Géronimo. Un roman graphique grand format, tout en couleur, qui mêle fiction et Histoire.

Le chef Apache prend sous son aile un jeune Indien rejeté par sa tribu. Ensemble ils vont sillonner cette région aride située le long de la frontière mexicaine. Une quête initiatique qui se termine mal, au cours de laquelle Christian Rossi met en lumière les talents de chaman du rebelle.


C’est assez mystique parfois, un peu dans le style des Jean Giraud, le maître absolu du western dessiné, celui avec qui Christian Rossi a longtemps collaboré pour signer les aventures de Jim Cutlass. Une série qui ressort dans une superbe intégrale, cadeau parfait pour les fêtes de fin d'année.


« Golden West », Casterman, 176 pages, 34,90 €.
« Jim Cutlass » (intégrale), Casterman, 448 pages, 59 €

dimanche 29 octobre 2023

Catalogne : un fait divers dans la montagne catalane, sujet du livre "Tor, treize maisons, trois morts"

Minuscule hameau de treize maisons dans les Pyrénées catalanes, à quelques kilomètres d'Andorre, Tor a été le théâtre de trois meurtres en moins de dix ans. Un journaliste barcelonais, Carles Porta, revient sur cette incroyable histoire non élucidée qui prend sa source dans un différend entre deux familles qui revendiquent une même partie de la montagne.  


Journaliste à TV3 à Barcelone, Carles Porta est envoyé par sa hiérarchie en 1997 pour faire un reportage sur les derniers soubresauts juridiques d'une affaire qui fait grand bruit depuis des années. Dans le petit hameau de Tor, perdu dans une vallée, les différends entre deux membres de la communauté, Sansa et Palanca ont dégénéré en fait divers sanglant. Il découvre l'affaire et va décider d'enquêter longuement. Cela lui donnera la matière pour écrire un livre sur cette incroyable affaire qui remonte à la fin du XIXe siècle.

Car tout débute en 1896 lors de la création d'une société de copropriétaires destinée à éviter que la montagne, très riche en bois et pâturages, devienne communale et passe à l'Etat. Mais en 1976, Sansa, un des copropriétaires, loue la montagne à Ruben Castaner, un Andorran. Palanca, autre copropriétaire, conteste cette décision et cède l'exploitation des bois à deux habitants de Vic. En 1980, ils seront abattus par les gardes du corps de Castaner. La suite est une bataille judiciaire pour déterminer qui est propriétaire de la région qui gagne au passage le titre de "montagne maudite".

Épilogue en 1995 avec la décision de justice donnant à Sansa l'entière propriété de la montagne. Mais quelques mois plus tard, il est retrouvé mort chez lui. "Il a été battu, étranglé et son crâne a été fracassé avec une bûche". Qui l'a tué ? Pourquoi ? Ce rebondissement n'est pas le dernier car un nouveau jugement, en appel, en 2005 du tribunal supérieur de justice de Catalogne confirme que la montagne est un bien communal.  Le livre, qui se lit comme un roman, entre clairement dans la catégorie du gonzo journalisme. Carles Porta n'hésite pas à se mettre en scène dans ses investigations. Il raconte comment il parvient, avec les pires difficultés, à questionner les habitants de Tor, hameau où l'omerta est de mise. 

Le million de pesetas et l'omerta

Il se met surtout à la recherche d'un témoin capital, Gil José, un ouvrier qui affirme avoir assisté au meurtre de Sansa. Ce seraient deux paumés et anciens contrebandiers qui l'auraient assassiné pour une dette d'un million de pesetas. Un témoignage rapidement remis en cause et écarté par les enquêteurs.

Le journaliste va retrouver ce témoin, longuement le rencontrer et douter de plus en plus. "Devant nous, les moutons paissent, et derrière eux, la Cerdagne s'étend à nos pieds. Un chien semble écouter comme moi la vie de cet homme qui dit avoir vu un assassinat, mais que personne ne croit. Pas même nous. Je ne sais pas pourquoi, mais cet homme pourtant si simple vous plonge dans l'incertitude. Plus j'en apprends sur sa vie, plus les doutes s'installent." Alors vous aussi tentez de vous faire une opinion en revivant ces décennies de convoitise, violence et batailles judiciaires en lisant ce récit paru initialement en catalan en 2005. 

"Tor, treize maisons et trois morts" de Carles Porta, Editions Marchialy, 345 pages, 22 €

samedi 28 octobre 2023

BD - Amour, bonne bouffe et... pistoleros


Ils sont adorables ces deux héros imaginés par Augustin Lebon. Pas forcément fréquentables, mais touchants dans leur façon de ne pas vouloir admettre que malgré les circonstances, ils ont succombé au fameux coup de foudre. Une histoire d'amour dans un cadre particulier puisqu'il frappe en plein Ouest sauvage.


Molly, rousse surnommée à juste titre « La Teigne », est une excellente cuisinière. Elle vit de ce talent dans une petite ville du Nouveau-Mexique. On est en pleine conquête de l'Ouest et les outlaws sont légion. Justement arrive en ville le dénommé Gentil, également connu sous le sobriquet moins reluisant de « Crevard ». Il remarque immédiatement Molly. Pourtant il ne doit pas oublier sa mission. Il doit faire les repérages avant le braquage de la banque locale. Un western humoristique et romantique, avec son lot d'action. Car Gentil va décider de trahir sa bande pour sauver Molly.
Une Teigne qui au passage retrouve les traces de sa mère, partie alors qu'elle était encore un bébé et, c'est plus problématique, une demi-sœur presque chef de la bande de Gentil. La suite de la série sera d'ailleurs axée sur ce trio avec des relents de vaudeville...

« Western Love (tome 1), Soleil, 56 pages, 15,50 €

Cinéma - Peut-on rire des drames après “Une année difficile” ?

Eric Toledano et Olivier Nakache signent une love story entre surendettement et activisme écologiste. Un regard tendre et réaliste sur les « perdants » et ceux qui ne se résignent pas.


En ouvrant leur film avec une compilation d’extraits des vœux des présidents de la République (de Macron à Pompidou) soulignant que les Français venaient de vivre « Une année difficile », Éric Toledano et Olivier Nakache ne se doutaient pas que 2023 ferait partie elle aussi ces années compliquées. On ne parle pas de rugby mais plutôt d’inflation et de violence.

Alors une comédie pour se moquer de ces malheurs qui frappent le pays, est-ce bien raisonnable, moral surenchériraient même certains invités permanents aux émissions polémique des chaînes d’info ? La réponse est évidente : oui, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et aller au cinéma pour profiter de cette pépite d’humour noir, non dénuée cependant d’une grande sympathie envers les deux losers, grandioses d’idées foireuses, et les militants écologistes, utopistes plus bruyants que violents mais qui pourraient être fichés S dans la vraie vie.

Un gouffre et des ponts

Un des passages du film explique que des ponts illustrent tous les billets en euros. Des ponts comme autant de liens entre des pays ou des humains que tout opposent. Ainsi un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). Même le viaduc de Millau serait trop petit, pas assez ambitieux.

Pourtant, entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. Finalement Poussin (surnom qu’il s’est trouvé pour intégrer l’organisation écologiste de Cactus) va trouver dans ces actions médiatiques l’occasion de se donner bonne conscience mais aussi de renflouer un peu ses comptes en mettant au point quelques combines peu reluisantes avec la complicité de son ami de galère financière, Lexo (Jonathan Cohen).

Le film, tout en montrant l’action des militants, n’hésite pas à les moquer à travers les réflexions sardoniques des deux escrocs à la petite semaine. Ils restent cependant tous sympathiques, exploit de ce film qui parle de la probable fin du monde mais sans clouer au pilori le moindre coupable. On rit, notamment aux exploits des Pieds Nickelés Pio Marmaï et Jonathan Cohen, au fort potentiel comique, et on est ému par le final, souvenir d’un temps pas si lointain où tout semblait possible dans un nouveau monde. Une année qui finalement, n’était pas aussi difficile que les suivantes.

Film d’Éric Toledano et Olivier Nakache avec Pio Marmaï, Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric

 

vendredi 27 octobre 2023

Un livre jeunesse - Effroi à la fête foraine

Halloween approchant, voilà un roman jeunesse (et même une série) qui devrait enchanter les adolescents. Katherine Arden, sans révolutionner le genre, apporte une certaine fraîcheur à ces romans horrifiques à l’ambiance très Stranger Things. 

Quatre amis d’une petite ville américaine sont confrontés à un démon, l’homme qui sourit. Dans le 4e épisode, qui se déroule dans une fête foraine où une attraction présente un « squelette, déguisé en clown, avec la mâchoire peinte en rouge, une perruque frisée rouge et des taches rouges sur les pommettes ». 

Ollie est prisonnière du monstre. Ses amis, notamment Coco, vont devoir surmonter leurs plus grandes peurs pour tenter de la sauver.

« Effroi à la fête foraine » de Katherine Arden, PKJ, 224 pages, 14,90 €

Cinéma - “La comédie humaine” en trois actes japonais


Trois histoires, trois tons, presque trois genres de cinéma. La comédie humaine de Kôji Fukada sort enfin en France. S’il a affronté le public japonais en 2008, ce n’est qu’en 2023 que les cinéphiles francophones peuvent déguster ce bijou d’analyse de la société japonaise. Et malgré les années, il reste totalement d’actualité, notamment dans les thèmes abordés : l’amour et la solitude.

L’amour entre une jeune femme et son petit ami. Elle pense le retrouver le soir pour profiter d’une pièce de théâtre. Mais il ne vient pas. Rompt même au téléphone. Avec sa place en trop, elle invite une inconnue en instance de divorce qui ne retrouve plus son billet. Une amitié va naître. Elles vont dîner, se confier. La première partie, à l’énigmatique titre de « Chat blanc », parle de mariage, de tradition et de trahison.

On retrouve dans le second acte le mari de la future divorcée. Il a une galerie d’art. Il expose les photos d’une jeune artiste. Ou du moins c’est ce qu’elle croit. Personne ne vient au vernissage. La grande solitude des médiocres. C’est cruel. Tant du côté des amis honteux que de la photographe qui refuse de voir la réalité en face.

Enfin, attendez vous à un choc avec « Le bras droit ». On bascule presque dans le fantastique (après la romance et la critique sociale). Après un accident de la circulation, un homme est amputé du bras droit. Un membre qui continue à le perturber, prenant presque le contrôle de son ancien hôte. Glaçant et très réussi.

 Film japonais de Kôji Fukada avec Masayuki Yamamoto, Kanji Furutachi, Minako Inoue.

jeudi 26 octobre 2023

Un beau livre - L’odyssée agricole racontée dans des centaines de photos


Souvent agitée, l’histoire agricole en France est aussi peu documentée. Grâce à cet ouvrage coordonné par Michel Bonneau et Pascal Roblin de l’association le Centre de la presse créé en 1993 dans le Cher, les grandes étapes de l’agriculture sont racontées par l’intermédiaire des journaux agricoles locaux. 

On constate par exemple qu’après la première guerre mondiale, le manque de main-d’œuvre pousse à la mécanisation. Des articles ou publicités, parues dans La vie à la campagne ou L’Agriculture nouvelle, encouragent ce mouvement. Des éditoriaux de l’époque, des unes et reportages donnent un côté rétro et vintage à l’ensemble. 

Un panorama passionnant sur le dynamisme de cette presse agricole encore très présente dans bien des régions.

« L’odyssée agricole », De Borée, 168 pages, 31 €

BD - Démon des forêts

Le fantastique poétique manque d’intérêt pour les adolescents. Ce qu’ils veulent, passé la puberté, c’est se faire peur. Le démon de Bolingbroke est exemplaire dans cette catégorie. L’action se déroule dans une petite ville américaine, notamment un collège où les clans se regardent tels des chiens en faïence, Val et Lanie font bande à part.

 Elles sont toutes les deux dans la même classe de 4e, sont amies depuis longtemps et se passionnent pour des sujets assez incongrus. Logique quand on sait que Val est autiste Asperger et que Lani semble la bipolaire typique.

En proposant un travail sur les événements extraordinaires du passé de la ville, elles ne se doutent pas qu’elles vont réveiller un démon qui a longtemps terrorisé Bolingbroke. Val et Lanie vont avoir fort à faire pour terrasser l’Ojja-Wojja. Une histoire effrayante écrite par Magdalene Visaggio de New York et dessinée par Jenn St-Onge de Toronto. Un scénario très contemporain où les références à Star Wars ou Stranger Things sont légion.

On soulignera l’exceptionnelle qualité du dessin de Jenn St-Onge. Ses personnages respirent l’intelligence, les décors sont très réalistes et quand elle s’attaque aux démons, c’est comme si elle sortait l’artillerie lourde. Sans compter son travail très judicieux sur les couleurs. Le type d’album où l’on regrette rapidement que les planches ne bénéficient pas d’un format deux fois plus grand pour en apprécier tous les détails.

« Le démon de Bolingbroke », Jungle, 192 pages, 16,95 €

mercredi 25 octobre 2023

En vidéo, “Sisu” le soldat immortel


Tel un western lapon, Sisu, de l’or et du sang de Jalmari Helander, propose une longue vengeance. Un chercheur d’or (Jorma Tommila), ancien soldat finlandais, est aux prises avec un commando nazi qui en veut à ses pépites. 

Sur la steppe déserte, le vieux combattant va méticuleusement éliminer les méchants. Si le scénario n’a rien d’extraordinaire, ce film de série finlandais vaut surtout pour les effets spéciaux et l’interprétation. Jorma Tommila, sans le moindre dialogue, campe un Rambo nordique à la puissance mille. Face à lui, un officier nazi (Aksel Hennie) odieux, qu’on adore détester. 

La sortie en vidéo chez M6 s’accompagne d’un long making of et d’un reportage très complet sur la fabrication des effets spéciaux. 

Un poche - Redécouvrir le feuilleton des Mystères de Paris


Ce roman n’est pas de toute première jeunesse mais reste passionnant près de deux siècles après sa parution. Si Les mystères de Paris d’Eugène Sue, enfin disponibles en poche, n’a pas pris une ride, c’est en raison de son audace dans le style feuilleton. De plus, il racontait la vie dans la capitale sans édulcorer les mauvaises mœurs. 

De plus, en raison de sa parution au quotidien, les rebondissements étaient permanents, le suspense entretenu avec art. Alors le moment est venu de remettre en avant ce texte qui a inspiré les plus grands. 

Plongez, vous aussi, dans les aventures de Fleur-de-Marie et du Prince Rodolphe, succombez à leur passion, vibrez à leur malheur.

« Les mystères de Paris », tome 1 et 2, 10/18, 7,90 € le volume